Un Rite D’Epées

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Aus der Reihe: L'anneau Du Sorcier #7
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Kendrick se demandait où ils allaient, quand soudain, parvenant au sommet d’une colline, il eut une vue plongeante de Vinesia, une des plus grosses villes MacGil à l’est de Silesia, nichée au creux d’une vallée entre deux montagnes. C’était une ville importante, bien plus que Lucia, protégée par d’épais murs de pierre et des portes cloutées. Kendrick devina que c’était la destination du bataillon en déroute.

Il s’arrêta un instant pour considérer la situation. Vinesia était une grande ville et ils étaient en sous nombre. Il savait qu’envisager de la prendre d’assaut était risqué. Le plus sûr aurait été de rentrer à Silesia et de se satisfaire de la victoire pour aujourd’hui.

Cependant, Kendrick n’était pas d’humeur à prendre des décisions raisonnables. Lui et ses hommes avaient soif de sang et de vengeance. Un jour comme celui-ci, les risques n’importaient pas. Il était temps que l’Empire apprenne de quel bois les MacGils se chauffaient.

– CHARGEZ ! hurla-t-il.

Un cri s’éleva derrière lui, comme des milliers d’hommes dévalèrent le coteau avec témérité, en direction d’un ennemi plus fort qu’eux, prêts à donner leurs vies pour l’honneur et le courage.

CHAPITRE QUATRE

La respiration pénible, Gareth se traînait à travers la campagne désolée, les lèvres desséchées par la déshydratation, les yeux cerclés de cernes noirs. Les derniers jours avaient été éprouvants. Il avait cru mourir plus d’une fois.

Il avait échappé de peu aux hommes de Andronicus à Silesia, en se faufilant dans un passage secret. Il était resté caché longtemps, comme un rat tapi dans les ténèbres, en l’attente du moment opportun. Il avait eu l’impression d’y rester des jours. Il avait alors tout vu : l’arrivée de Thor sur le dos de ce dragon, puis sa reconquête de la ville. Dans la confusion et le chaos, Gareth en avait profité pour s’enfuir et se glisser hors de la ville, quand tous avaient le dos tourné.

Depuis ce jour, il suivait la route menant vers le sud, le long de l’arête du Canyon, en prenant soin de rester sous le couvert des arbres pour ne pas se faire repérer. Cela n’avait pas vraiment d’importance, au fond, car les routes étaient désertes. Tout le monde migrait vers l’est, où aurait lieu la grande bataille qui déciderait du destin de l’Anneau. En chemin, Gareth remarqua les corps calcinés le long de la route. Apparemment, il n’y avait plus rien à libérer par ici…

L’instinct de Gareth le poussait vers la Cour du Roi – ou ce qu’il en restait. Il savait que la ville avait été mise à sac par les hommes de Andronicus, laissée à l’état de ruines probablement, mais il tenait à s’y rendre malgré tout. Il voulait s’éloigner le plus possible de Silesia et quel meilleur endroit que celui qu’il connaissait si bien ? Celui que tous avaient abandonné. Celui qui avait eu pour maître suprême Gareth lui-même.

Après des jours de marche, en quittant la forêt, faible et en proie au délire, Gareth finit par apercevoir au loin la Cour du Roi. Elle s’élevait là, ses murs encore intacts, quoique effondrés par endroits. Les hommes de Andronicus jonchaient le sol et il était évident que Thor et son dragon étaient passés par là. En dehors des cadavres, l’endroit était désert, habité seulement par le sifflement du vent.

Cela convenait parfaitement à Gareth. Il n’avait pas l’intention d’entrer dans la ville, de toutes façons. Le but de son voyage, c’était un petit bâtiment qui s’élevait hors des murs. Un monument circulaire, en marbre, haut de quelques mètres et dont le toit s’ornait des statues élaborées. Il semblait très vieux et il est certain qu’il l’était…

La crypte des MacGils. L’endroit où son père avait été enterré – et le père de son père avant lui.

Gareth avait été certain de la trouver intacte. Qui prenait la peine d’attaquer une tombe ? Personne ne viendrait le chercher ici, il le savait. Il pourrait s’y cacher et y demeurer seul, en compagnie de ses ancêtres. Gareth avait haï son père mais il se surprenait à le comprendre de mieux en mieux, au fil du temps.

Il trottina à travers la campagne, en serrant contre lui son manteau en haillons quand une brise froide le fouetta. Le cri d’un oiseau d’hiver retentit brièvement et, en levant les yeux, Gareth aperçut la créature sinistre aux plumes noires qui volait en cercles au-dessus de sa tête, dans l’espoir de faire de lui son prochain repas. Gareth ne pouvait pas lui en vouloir. Lui aussi était épuisé et affamé. Il ressemblait sûrement à un met de choix aux yeux du rapace.

Gareth atteignit enfin le bâtiment et se saisit de la lourde poignée de fer, pour tirer de toutes ses forces, comme le monde tournoyait autour de lui. Enfin, le battant craqua, puis céda.

Gareth se faufila dans l’obscurité en refermant en claquant la porte. L’écho se répercuta longtemps autour de lui.

Il attrapa une torche éteinte accrochée au mur et l’alluma avec sa pierre à feu, en s’autorisant tout juste assez de lumière pour éclairer les marches, à mesure qu’il descendait l’escalier vers les ténèbres. L’atmosphère se fit lentement plus froide et plus venteuse, les courants d’air trouvant des chemins secrets entre les fissures. Gareth ne put s’empêcher de penser que ses ancêtres étaient en train de hurler contre lui.

– LAISSEZ-MOI ! cria-t-il en guise de réponse.

Sa voix se répercuta contre les murs de la crypte.

– VOUS AUREZ BIENTÔT CE QUE VOUS VOULEZ !

Pourtant, le vent persista.

Enragé, Gareth poursuivit sa descente, jusqu’à atteindre enfin la grande chambre de marbre, creusée sous un plafond qui s’élevait à trois mètres de hauteur, où dormaient ses ancêtres dans des sarcophages de marbre. Gareth marcha d’un pas solennel, ses pas résonnant dans la pièce, jusqu’à l’endroit où gisait son père.

Autrefois, il n’aurait pas eu de remords à fracasser le sarcophage. Aujourd’hui, pour quelque raison inconnue, Gareth se sentait de plus en plus proche de l’homme qui y reposait. Il ne comprenait pas lui-même l’émotion qui l’étreignait. Peut-être était-ce l’influence nocive de l’opium qui le quittait lentement… Peut-être était parce qu’il savait sa mort proche.

Gareth se pencha vers le tombeau et posa le front sur le marbre froid. Il se surprit à pleurer.

– Vous me manquez, père, gémit-il comme sa voix tremblait contre les murs.

Il pleura, pleura, pleura, jusqu’à ce que ses genoux lâchent et l’emportent contre le marbre. Il se laissa glisser et posa sa torche qui s’éteignit doucement dans les ténèbres. Bientôt, tout serait noir et Gareth rejoindrait ses êtres chers.

CHAPITRE CINQ

L’humeur sombre, Steffen arpentait le sentier forestier solitaire et s’éloignait lentement de la Tour du Refuge. Quitter Gwendolyn lui brisait le cœur. La femme qu’il avait juré de protéger. Sans elle, il n’était plus rien. En la rencontrant, il avait eu l’impression de trouver le but de son existence : veiller sur elle, dévouer sa vie à cette femme qui avait permis à un simple serviteur de s’élever ainsi de sa condition. Elle avait été la seule à ne pas le mépriser ou le juger sur son apparence.

Steffen était fier de l’avoir conduite saine et sauve jusqu’à la Tour, mais la quitter laissait un terrible vide dans son cœur. Où irait-il à présent ? Que ferait-il ?

Sans elle, sa vie n’avait plus aucun sens. Il ne pouvait pas retourner à Silesia ou à la Cour du Roi : Andronicus avait envahi les deux villes. Steffen avait été témoin de son entreprise destructrice. Tous avaient été faits prisonniers ou réduits en esclavage. Il ne servait à rien d’y retourner. De plus, Steffen ne souhaitait pas s’éloigner de Gwendolyn.

Il déambula sans but pendant des heures, en parcourant les sentiers, à la recherche d’une idée, d’un but. Enfin, en suivant la route menant vers le nord, il aperçut au loin une petite ville perchée sur une colline. Il y dirigea ses pas. En se retournant un instant, il comprit que c’était l’endroit qu’il cherchait : du village, il aurait une vue imprenable sur la Tour. Si Gwendolyn décidait de s’en aller, il pourrait la rejoindre facilement pour se remettre à son service. Après tout, il lui avait prêté allégeance. Pas à une armée, mais à elle. Elle était toute sa vie.

Steffen se décida pour de bon : il resterait ici et garderait un œil sur la Tour. En passant les portes, il constata que c’était un village très pauvre, ordinaire, comme il y en avait tant en périphérie de l’Anneau. L’endroit était si bien caché que les hommes de Andronicus n’étaient sans doute pas venus jusque là.

Aussitôt, les visages stupéfaits des habitants se tournèrent vers lui et Steffen reconnut immédiatement dans leurs regards le mépris qu’il connaissait depuis l’enfance. Tous le dévisagèrent d’un air moqueur.

Steffen ressentit l’envie de tourner les talons et de s’en aller, mais il s’obligea à rester. Il fallait qu’il vive près de la Tour, pour le bien de Gwendolyn.

Un homme baraqué, âgé d’une quarantaine d’années et vêtu de haillons, se dirigea vers lui.

– Qu’avons-nous là ? Une moitié d’homme ?

Les autres s’esclaffèrent et se rapprochèrent.

Steffen resta calme. Ce genre de remarque ne le surprenait pas : il en avait essuyé de telles toute sa vie. Moins les gens étaient éduqués, plus ils aimaient le ridiculiser.

Steffen tendit la main pour s’assurer que son arc était à portée de main, au cas où les villageois décidaient de se montrer violents, en plus d’être cruels. Il savait qu’il serait capable d’en tuer un certain nombre, en cas de besoin. Cependant, ce n’était pas le but de sa visite. Il voulait surtout trouver un abri.

– Ce n’est pas un simple bossu, non ? remarqua un autre, comme un groupe de villageois menaçants se pressaient de plus en plus près.

– Vu ses nippes, on n’dirait pas, renchérit son compagnon. C’est pas une armure royale ?

– Et cet arc… Du cuir de qualité.

 

– Et les flèches ! Des pointes dorées, rien que ça.

Ils s’arrêtèrent à quelques pas en lui jetant des regards noirs. Ils rappelaient à Steffen les brutes de son enfance.

– Qui es-tu, bossu ? demanda l’un d’eux.

Steffen prit une grande inspiration, bien décidé à garder son sang-froid.

– Je ne vous veux aucun mal, commença-t-il.

Le groupe éclata de rire.

– Du mal ? Toi ? Quel mal tu pourrais bien nous faire ?

– Même nos poules n’ont pas peur de toi ! s’exclama un autre.

Steffen s’empourpra devant les rires, mais il savait qu’il ne devait pas s’énerver.

– J’ai besoin d’un abri et de nourriture. J’ai des mains fortes et un dos solide. Je peux travailler. Je n’ai pas besoin de beaucoup. Pas plus qu’un autre.

Steffen voulait soudain se perdre dans un travail physique, comme il l’avait fait pendant toutes ces années au service du Roi MacGil. Cela lui viderait la tête. Il travaillerait dur et vivrait une vie anonyme, comme il avait été prêt à le faire avant Gwendolyn.

– Tu penses que tu peux faire le travail d’un homme ? ricana un autre.

– On peut peut-être lui trouver une utilité…

Steffen lui jeta un regard plein d’espoir.

– Il pourrait jouer avec nos chiens et nos poules !

Tous s’esclaffèrent.

– Je payerais cher pour voir ça !

– Nous sommes en guerre, au cas où vous n’ayez pas remarqué, répliqua froidement Steffen. Je suis sûr qu’un village reclus comme le vôtre a besoin d’aide pour assurer sa subsistance.

Les villageois s’entreregardèrent, stupéfaits.

– Bien sûr que c’est la guerre, nous le savons ! Mais notre village est petit. Les armées ne viennent jamais jusqu’ici.

– Je n’aime pas ta façon de parler, grogna un autre. Tout éduqué et tout… Tu te crois meilleur que nous ?

– Je ne me prétends pas meilleur que tout homme, répondit Steffen.

– Au moins, c’est clair !

– Ça suffit ! s’écria un villageois d’une voix qui n’amenait aucune discussion.

Il fendit la foule en repoussant les autres de la main. Il était plus vieux et semblait bien plus sérieux. La foule se tut en sa présence.

– Si tu veux, dit-il d’une voix brusque et profonde, j’ai bien besoin d’une paire de bras supplémentaire pour faire tourner mon moulin. Je paye un sac de grain et une cruche d’eau par jour. Tu dors dans la grange, avec les autres gars. Si ça te va, je te prends.

Steffen hocha la tête, soulagé de trouver enfin à qui parler.

– Je ne demande rien d’autre, dit-il.

– Par ici, répondit l’homme.

Steffen le suivit jusqu’à un grand moulin en bois, autour duquel s’affairaient des jeunes garçons et des hommes couverts de sueur et de terre. Ils poussaient une grande roue pour actionner les mécanismes. Un travail difficile et rude. Cela conviendrait à Steffen.

Celui-ci se retourna pour donner sa réponse mais l’homme avait déjà disparu, comme s’il n’avait jamais douté qu’il accepterait. Les villageois s’éloignèrent, non sans jeter quelques dernières moqueries. Steffen se tourna vers la roue et vers sa nouvelle vie.

L’espace d’un instant, il avait eu la faiblesse de rêver d’une vie meilleure, de château, de royauté et de rang. Il avait cru devenir un personnage important aux côtés de la Reine. Il aurait dû savoir qu’il n’était jamais bon d’entretenir de telles pensées… Bien sûr, tout cela n’était pas pour lui et ne l’avait jamais été. Sa rencontre avec Gwendolyn n’avait été qu’une étincelle au milieu d’une vie de labeur. C’était, après tout, la seule vie qu’il connaissait. Une vie qu’il comprenait. Une vie difficile.

Sans Gwendolyn, cette vie en valait bien une autre.

CHAPITRE SIX

Thor poussa Mycoples, de plus en plus vite, comme ils filaient à travers les nuages, en direction de la Tour du Refuge. Thor sentait dans toutes les fibres de son être que Gwendolyn était en danger. C’était comme une vibration au bout de ses doigts, qui remontait le long de son corps et lui murmurait : plus vite, plus vite…

Plus vite.

– Plus vite ! cria-t-il à Mycoples.

Mycoples ronronna doucement en guise de réponse et battit ses ailes gigantesques. En vérité, Thor n’avait pas eu besoin de prononcer ces mots : Mycoples percevait la moindre de ses pensées. Il l’avait dit pourtant, pour soulager la tension qui l’habitait. Il sentait démuni, impuissant. Quelque chose n’allait pas et chaque seconde comptait.

Ils émergèrent enfin des nuages et Thor aperçut avec soulagement la Tour du Refuge au loin. Une bâtisse millénaire, parfaitement cylindrique, en pierre noire et brillante, qui s’élevait vers le ciel comme une flèche. Même d’ici, Thor sentit son pouvoir.

Comme ils s’approchaient, il repéra soudain une silhouette au sommet. Une personne qui se tenait tout au bord, les bras en croix. Ses yeux étaient fermés et elle tanguait entre les brises.

Thor sut immédiatement qui elle était.

Gwendolyn.

Son cœur battit à tout rompre. Il savait ce qu’elle pensait. Et il savait pourquoi. Elle pensait que Thor l’avait abandonnée. Il ne put s’empêcher de se sentir coupable.

– PLUS VITE ! cria-t-il.

Mycoples battit des ailes plus vite encore, si vite que Thor en eut le souffle coupé.

Comme ils approchaient, Thor vit Gwen faire un pas en arrière pour retrouver la sécurité et son cœur se gonfla de soulagement. Même sans le voir, elle avait changé d’avis. Elle avait renoncé à sauter.

Mycoples poussa un rugissement et Gwen, en levant les yeux, aperçut Thor pour la première fois. Leurs regards se trouvèrent, même à cette distance, et il lut le choc sur son visage.

Mycoples atterrit et Thor sauta à terre, avant de courir vers Gwendolyn. Pétrifiée, elle le fixa du regard comme on dévisage un fantôme.

Thor se précipita vers elle, le cœur battant, et ouvrit les bras. Ils s’étreignirent et se serrèrent l’un contre l’autre. Thor la souleva dans les airs et la fit tournoyer, encore et encore et encore.

Il l’entendit pleurer contre son oreille, sentit des larmes chaudes couler dans son cou. Il pouvait à peine y croire : elle se trouvait enfin dans ses bras. Tout était réel. Le rêve qu’il avait fait, jour après jour, nuit après nuit, tout au long de son voyage, quand il avait été certain de ne plus jamais la revoir. Elle se trouvait à présent dans ses bras.

Ils avaient été séparés si longtemps que tout semblait nouveau et parfait. Il se promit de ne plus jamais la prendre pour acquise.

– Gwendolyn, murmura-t-il.

– Thorgrin.

Impossible de dire combien de temps ils restèrent ainsi enlacés. Lentement, ils s’éloignèrent, pour mieux s’embrasser. Un baiser passionné.

– Tu es vivant, dit-elle. Tu es là. Je ne peux y croire.

Mycoples poussa un reniflement sonore et les yeux de Gwendolyn, en apercevant le dragon par-dessus l’épaule de Thor, s’agrandirent d’effroi.

– N’aie pas peur, dit Thor. Elle s’appelle Mycoples. C’est mon amie. Ce sera la tienne aussi. Viens.

Thor prit la main de Gwen et la guida sur le chemin de ronde. Il pouvait sentir les peurs de Gwen comme ils approchaient. Il comprenait : après tout, c’était là un vrai dragon et Gwen n’en avait jamais vu d’aussi près.

Mycoples plongea son regard immense et rougeoyant dans celui de Gwen, en battant doucement ses ailes immenses. Thor sentit quelque chose comme de la jalousie… Ou peut-être de la curiosité.

– Mycoples, voici Gwen.

Mycoples détourna la tête d’un air orgueilleux.

Mais sa réticence fut brève : elle se tourna à nouveau brusquement et plongea son regard dans celui de Gwen, comme pour la sonder, avant de s’approcher tout près, si près qu’elle la toucha presque.

Gwen poussa un petit cri de surprise et d’émerveillement, et peut-être d’effroi. Elle tendit une main tremblante et la posa sur le museau de Mycoples, pour caresser les écailles violettes.

Au bout de quelques secondes tendues, Mycoples cligna des yeux et frotta son nez contre le ventre de Gwen, en signe d’affection. Thor ne comprit pas pourquoi.

Brusquement, Mycoples se détourna à nouveau.

– Elle est belle, murmura Gwen.

Elle se tourna vers Thor.

– J’avais perdu espoir… Je croyais que tu ne reviendrais plus.

– Moi non plus, répondit-il. Penser à toi me faisait tenir. C’était ma raison de vivre et de revenir.

Ils s’étreignirent à nouveau, caressés par les brises, avant de s’éloigner.

Gwen baissa les yeux et remarqua l’Épée de Destinée à la hanche de Thor. Ses yeux s’agrandirent de surprise. Elle poussa un petit cri.

– Tu as ramené l’Épée, dit-elle.

Elle lui jeta un regard stupéfait.

– C’est toi qui as pu la manier ?

Thor hocha la tête.

– Mais comment ? bafouilla-t-elle.

Elle était visiblement bouleversée.

– Je ne sais pas, dit Thor. J’ai juste réussi.

Un éclair d’espoir traversa soudain ses yeux :

– Cela signifie que le Bouclier nous protège à nouveau !

Thor hocha la tête d’un air solennel.

– Andronicus est pris au piège, dit-il. Nous avons déjà libéré la Cour du Roi et Silesia.

Le visage de Gwendolyn s’éclaira.

– C’était toi, dit-elle. Tu as libéré nos cités.

Thor haussa les épaules, modeste.

– C’était surtout Mycoples. Et l’Épée. Je me suis contenté de les suivre.

Gwen lui adressa un sourire éclatant.

– Et notre peuple ? Ils sont en vie ? Ils ont survécu ?

Thor hocha la tête.

– Presque tous sont en vie et ils vont bien.

Souriante et soulagée, Gwen semblait soudain beaucoup plus jeune.

– Kendrick t’attends à Silesia, dit Thor, tout comme Godfrey, Reece, Srog et bien d’autres. Ils vont bien et la cité est libre.

Gwen se précipita dans ses bras et le serra fort. Il sentit son soulagement et sa joie.

– Je pensais que tout était fini, dit-elle en pleurant doucement. Perdu pour toujours.

Thor secoua la tête.

– L’Anneau a survécu, dit-il. Andronicus est en fuite. Nous finirons par le chasser définitivement, puis nous reconstruirons.

Gwen lui tourna soudain le dos et détourna le regard, en chassant une larme. Elle s’enroula dans sa cape et il lut la peur dans ses yeux.

– Je ne sais pas si je peux revenir, dit-elle d’une voix hésitante. Quelque chose m’est arrivé. Pendant que tu étais parti.

Thor la prit doucement par les épaules.

– Je sais ce qui t’est arrivé, dit-il. Ta mère me l’a dit. Tu n’as pas à avoir honte.

Gwendolyn leva vers lui un regard empli de surprise et d’émerveillement.

– Tu sais ? répéta-t-elle, stupéfaite

Thor hocha la tête.

– Ça ne veut rien dire. Je t’aime autant qu’avant, peut-être même plus. Notre amour, c’est tout ce qui compte. Un amour invincible. Je te vengerai. Je tuerai Andronicus de mes mains. Et notre amour sera immortel.

Gwen se précipita dans ses bras et le serra fort, comme les larmes coulaient le long de son cou. Il sentit combien elle était soulagée.

– Je t’aime, dit-elle contre son oreille.

– Je t’aime aussi, murmura-t-il.

Comme il la tenait contre lui, son cœur battit à tout rompre. Il voulut lui demander, là, tout de suite. Lui demander sa main. Mais il devait d’abord lui avouer son secret, lui dire qui était son père.

L’idée seule le rendait malade de honte et d’humiliation. Il venait juste de lui promettre de tuer l’homme qu’ils haïssaient tous les deux. Comment lui annoncer alors que cet homme, Andronicus, était en fait son père ?

Il eut soudain la certitude que Gwen le haïrait pour toujours. Il ne pouvait prendre le risque de la perdre. Pas après ce qui s’était passé. Il l’aimait trop.

Au lieu de cela, il plongea une main tremblante sous sa chemise et en retira le collier qu’il avait ramassé parmi les trésors des dragons : un pendentif en forme de cœur, orné de diamants et de rubis, attaché à une chaîne d’or. Il le fit miroiter sous la lumière du soleil et Gwen poussa un petit cri d’émerveillement.

Thor le lui attacha autour du cou.

– Une petite preuve de mon amour et de mon affection, dit-il.

Le bijou se mit à resplendir sur sa gorge.

L’anneau de Thor brûlait au fond de sa poche et il se promit de le lui donner quand le moment serait venu. Quand il aurait le courage de lui dire la vérité. Ce n’était pas encore l’heure…

– Tu vois, tu peux revenir, dit Thor en caressant la joue de Gwen. Tu dois revenir. Ton peuple a besoin de toi. Ils ont besoin d’un chef. L’Anneau n’est rien sans sa souveraine. Tu dois les guider. Andronicus rôde toujours. Nos cites doivent être reconstruites.

Il plongea son regard dans le sien et la sentit réfléchir.

– Dis oui, la pressa-t-il. Reviens avec moi. Cette Tour n’est pas un endroit pour une jeune femme. L’Anneau a besoin de toi. Moi, j’ai besoin de toi.

 

Thor tendit la main et attendit.

Gwendolyn hésita.

Enfin, elle prit sa main dans la sienne et son regard s’éclaira, s’éclaira, s’éclaira, illuminé par l’amour et la joie. Sous ses yeux, elle redevenait lentement la Gwendolyn qu’il avait connue, si pleine de vie, d’amour et de joie. On aurait dit une fleur qui s’ouvrait.

– Oui, dit-elle doucement.

Ils s’étreignirent et Thor se promit de ne plus jamais s’éloigner d’elle.