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Buch lesen: «Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours. Tome IV», Seite 17

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LIVRE SEIZIÈME

CHAPITRE I.
LES 92 RÉSOLUTIONS.
1829-1834

Espoir trompeur que le rapport pu comité de la chambre des communes fait naître en Canada. – Instructions de sir James Kempt. – la presse canadienne devient plus modérée. – Ouverture des chambres. – Décision des ministres sur la question des subsides et autres points mineurs. – Les espérances de l'assemblée s'évanouissent. – Résolutions qu'elle adopte. – Nouvelles adresses à l'Angleterre. – Travaux de la session. – Session de 1830. – Réponse des ministres aux dernières adresses. – Résolutions sur les ordonnances de milice et les subsides. – Conseils législatif et exécutif. – Opinion de sir James Kempt à leur sujet. – Sensation qu'elle produit. – Assemblée de St. – Charles. – Sir James Kempt, qui a demandé son rappel, est remplacé par lord Aylmer. – Le procureur-général Stuart suspendu. – Concessions et réformes proposées par lord Goderich. – Appel nominal de la chambre. – Elles sont refusées. – Faute de l'assemblée en cette occasion. – Lord Aylmer très affecté. – Les juges Kerr et Fletcher accusés. – Le Parlement impérial change l'acte constitutionnel pour abandonner tous les revenus du Canada au contrôle de sa législature. – Session de 1831-2. – Nouvelles dépêches de lord Goderich. – Indépendance des juges. – Terres de la couronne et réserves du clergé. – Bureau des postes. – Fin de la session. – Regret de lord Aylmer de voir les concessions de lord Goderich si mal accueillies. – Emeute du 21 mai à Montréal-Le choléra en Canada: ses terribles ravages. – Assemblée des Canadiens à St. – Charles, des Anglais à Montréal. – Réponse des ministres touchant le juge Kerr et l'indépendance des juges. – Retour des ministres à une politique rétrograde. – Adresse au roi pour le prier de rendre le conseil législatif électif. – Résolutions contre l'annexion de Montréal au Haut-Canada. – Le procureur-général Stuart et le juge Kerr destitués. – Adresse du conseil législatif au roi, – Double vote de son président. – Townships de l'est. – Session de 1834. – Dépêches de lord Stanley sur divers sujets. – Considération de l'état de la province. – Les 92 résolutions. – Lord Aylmer accusé. – Adresse du conseil législatif. – Prorogation.

Le rapport fait à la chambre des communes sur le Canada ne décidant rien, n'ayant pas même été adopté, l'on devait s'attendre que les divisions allaient continuer plus vives et plus ardentes que jamais. Beaucoup de personnes espéraient que la politique métropolitaine allait changer et qu'il y aurait plus de justice et d'impartialité pour la population française; que les abus et les défectuosités de l'administration seraient corrigés et qu'enfin tous les moyens seraient pris pour rétablir l'harmonie et la concorde entre les trois grands pouvoirs de l'état. Mais c'était une illusion. Les ministres ne voulaient faire aucune réforme, aucune concession réelle. La minorité anglaise conserverait toujours tous les départemens de l'exécutif et, au moyen des deux conseils, un pouvoir législatif égal à la majorité française représentée par l'assemblée, et entre ces deux corps en opposition, ils comptaient exercer eux-mêmes le pouvoir comme ils l'entendaient par l'intermédiaire du gouverneur.

Sir James Kempt reçut des instructions particulières. Il devait dissimuler son rôle et paraître conserver une parfaite impartialité entre les deux partis, sans laisser abattre le conseil, qui servait de barrière contre les prétentions de la branche populaire. Il s'acquitta de cette tâche avec une grande adresse, et se retira lorsqu'il vit le moment arriver où de vaines paroles ne seraient plus suffisantes. En prenant les rênes du pouvoir, il porta les yeux sur la presse, dont les emportemens n'avaient plus de bornes, la presse officielle surtout. Plus réservée dans tous les pays que celle de l'opposition, elle l'était d'autant moins en Canada qu'elle paraissait inspirée et payée par le pouvoir. Sir James Kempt donna ses ordres et son ton devint bientôt plus modéré. Il fit abandonner aussi les procès politiques qu'avait ordonnés son prédécesseur, en en faisant rapport aux ministres, suivant ses instructions. La presse libérale écoutant les conseils des agens revenus de Londres et les chefs de l'assemblée se turent aussi. Le parlement anglais et le ministère, disait le Spectateur, ont montré pour les habitans de ce pays de la bienveillance, de la justice et de la conciliation, et nous devons les imiter. Il n'y eut que la presse anglaise de Montréal qui, moins soumise au contrôle immédiat de l'exécutif, et moins initiée aux secrets du château, voulût persister dans son intempérance de langage, dont l'excès du reste portait son contrepoison avec lui aux yeux des hommes calmes et sensés.

Tout le monde attendait avec impatience l'ouverture des chambres pour voir la décision de la métropole sur les questions qui avaient tant troublé le pays. Les uns croyaient que pleine justice serait rendue, les autres que les concessions seraient purement nominales. La législature s'assembla à la fin de 1828. Le gouverneur approuva le choix de M. Papineau pour la présidence de l'assemblée, et adressa un discours aux chambres dans lequel il chercha à les convaincre du vif désir des ministres de faire cesser les difficultés existantes, et qu'il n'était lui-même que leur interprète dans l'occasion présente. «Le gouvernement de sa Majesté m'a déchargé, dit-il, de la responsabilité attachée à aucune des mesures nécessaires pour l'ajustement des difficultés fiscales qui se sont malheureusement élevées, et je saisirai une occasion prochaine pour vous transmettre par message une communication de la part de sa Majesté, qu'elle m'a spécialement ordonné de vous faire relativement à l'appropriation du revenu provincial. Il sera en même temps de mon devoir de vous exposer les vues du gouvernement de cette province sur lesquelles l'attention des ministres de la couronne a été appelée: vous y découvrirez les preuves du désir le plus sincère qu'a le gouvernement de sa Majesté d'appliquer, autant qu'il sera praticable, un remède efficace à tous les griefs réels.»

Ce discours que l'on dit avoir été envoyé tout fait d'Angleterre, à part de la recommandation de l'oubli des jalousies et des dissensions passées, ne renfermait pas grand'chose. Les deux chambres observèrent la même réserve dans leurs réponses, excepté l'assemblée sur un point. Elle se crut obligée de protester contre l'acte illégal et arbitraire de l'exécutif qui s'était passé l'année précédente de la législature et avait employé les deniers publics sans appropriation. Sept jours après elle reçut le message annonçant la décision de la métropole sur les subsides et sur quelques autres points mineurs. Après quelques observations générales sur la loyauté des Canadiens et le retour de l'harmonie, le gouverneur l'informait que les discussions qui avaient eu lieu au sujet de l'appropriation du revenu, avaient attiré l'attention du roi, qui avait fait étudier la question pour la régler d'une manière définitive en ayant égard aux prérogatives de sa couronne et aux droits de son peuple. Tant que le revenu approprié par le parlement impérial n'aurait pas été mis par le même parlement sous le contrôle de la province, il devait rester à la disposition de la couronne. Ce revenu ajouté à ceux provenant d'appropriations provinciales, et aux £3 à 4000 du revenu casuel et territorial, formait un grand total de £38,000 qui se trouvait à la disposition permanente du gouvernement. Après le payement du salaire du gouverneur et des juges, on était prêt à garder le reste entre ses mains jusqu'à ce que l'assemblée eût fait connaître ses vues sur la manière la plus avantageuse de l'employer. On espérait que cette proposition serait agréée, mais en tout cas l'Angleterre avait déjà un projet pour régler la question financière d'une manière permanente. Quant à l'insuffisance des garanties données par le receveur-général et les shériffs, le gouvernement impérial se tiendrait responsable des deniers qu'ils pourraient verser entre les mains de son commissaire de l'armée. Il approuverait aussi avec plaisir tout plan équitable adopté par les deux Canadas pour le partage des droits de douane perçus à Québec. Enfin il pensait que les terres incultes devaient être taxées et que l'on devait établir des bureaux d'enregistrement.

Voilà à quoi se bornaient les réformes. Après avoir mis de côté ce qu'il fallait pour payer le gouverneur et les juges, la chambre pourrait être entendue sur la manière d'employer le reste de cette portion du revenu mise à la disposition de l'exécutif par les actes impériaux, pourvu qu'elle voulût l'appliquer au service public sans blesser les intérêts ni diminuer l'efficacité du gouvernement. Or pour ne pas diminuer l'efficacité du pouvoir, c'était une appropriation permanente qu'il fallait sous une autre forme, et c'était justement pour rendre le pouvoir moins indépendant d'eux que les représentans faisaient tant d'efforts pour faire tomber ce revenu sous leur suffrage annuel. Puis la métropole avait un projet financier sur le métier, qu'était-il? C'étaient les élus des contribuables qui devaient régler cette question et non le bureau colonial, qui était indépendant d'eux et inspiré par des sentimens qu'ils connaissaient pour leur être plus hostiles que jamais. Toutes ces explications, toutes ces suggestions étaient parfaitement illusoires. Aussi l'assemblée après avoir renvoyé le message à un comité spécial, vit-elle toutes ses espérances s'évanouir successivement comme un beau rêve.

Lorsque le comité présenta son rapport, elle l'adopta presque à l'unanimité. Il fut résolu qu'elle ne devait en aucun cas abandonner son contrôle sur la recette et la dépense de la totalité du revenu public; que l'intervention du parlement impérial où le Canada n'était pas représenté, n'était admissible que pour révoquer les statuts contraires aux droits des Canadiens; que cette intervention dans les affaires intérieures ne pouvait qu'aggraver le mal; que la chambre pour seconder les intentions bienveillantes du roi, prendrait en considération l'estimation des dépenses de l'an prochain, et lorsqu'il aurait été conclu un arrangement final elle rendrait le gouverneur, les juges et les conseillers exécutifs indépendans de son vote annuel. Elle ajouta qu'elle passerait un bill d'indemnité pour les dépenses faites après les avoir examinées; qu'elle n'avait reçu aucune plainte touchant le partage des droits de douane entre les deux Canadas; qu'elle concourrait avec plaisir à toute mesure touchant les townships, et que le règlement des points suivans était essentiel à la paix et au bonheur du pays:

1. Indépendance des juges et leur isolement de la politique.

2. Responsabilité et comptabilité des fonctionnaires.

3. Conseil législatif plus indépendant du revenu et plus lié aux intérêts du pays.

4. Biens des jésuites appliqués à l'éducation.

5. Obstacles à l'établissement des terres levés.

6. Redressement des abus après investigation.

Ces résolutions prirent la forme d'adresses au parlement impérial, que le gouverneur transmit à Londres.

Le conseil rescindait en même temps, à la suggestion de sir James Kempt sans doute, sa résolution de 1821, de ne prendre en considération aucun bill s'il n'était d'une certaine façon.

Malgré la persistance de la chambre dans ses plaintes et les investigations qu'elle continua sur les abus, elle passa une foule de lois, dont 71 furent sanctionnées par le gouverneur et six réservées pour l'être par le roi, parmi lesquelles celle qui portait la représentation à 84 membres. L'assemblée l'avait fixée à 89. Le conseil retrancha un membre à plusieurs comtés auxquels elle en avait donné deux et en ajouta un à d'autres qui n'en avaient qu'un. Elle préféra sanctionner ces amendemens qui réduisaient le chiffre de la représentation que de perdre la mesure. Elle avait donné un membre à chaque 5000 âmes à-peu-près. Le conseil voulait en donner deux à chaque 4000 âmes et plus, et un à chaque comté de moins de 4000 âmes. Ainsi deux comtés de 1000 âmes auraient élu deux membres et un comté de 20,000 n'en aurait élu que le même nombre. Parmi ces lois il y en avait plusieurs d'une grande importance soit par les principes qu'elles entraînaient ou confirmaient, soit par l'impulsion qu'elles devaient imprimer aux progrès du pays. Telles étaient celles qui donnaient une existence légale aux juifs et aux méthodistes, qui accordaient des sommes considérables pour l'amélioration de la navigation du St. – Laurent et des routes, pour l'éducation et l'encouragement des lettres et des sciences. Les appropriations s'élevèrent à plus de £200,000. Mais aucune des grandes questions politiques n'avait été réglée; toutes les causes de discorde subsistaient dans toute leur force, ou n'en étaient que plus dangereuses pour être ajournées. Le gouvernement cherchait tant qu'il pouvait à temporiser, espérant que le temps amènerait le calme dans les esprits.

A l'ouverture de la session suivante il s'empressa d'annoncer aux chambres que le commerce progressait tous les jours, que le revenu avait augmenté, que des écoles s'établissaient partout, que les routes s'amélioraient, que l'ordre se rétablissait dans la comptabilité des deniers publics. Il suggérait, pour venir en aide à ces progrès, de perfectionner la loi des monnaies, celles de l'éducation et de la qualification des juges de paix; d'établir des cours de justice dans les comtés populeux ainsi que des prisons et un pénitentiaire, enfin de taxer les terres incultes et d'établir des bureaux d'hypothèques. Quant à la réponse de l'Angleterre aux pétitions de l'assemblée, les ministres n'avaient pas eu le temps d'amener la question des subsides devant le parlement impérial, mais ils allaient s'en occuper immédiatement, et en attendant la chambre était priée de voter la liste civile de l'an dernier.

La chambre revint dans le cours de la session aux anciennes ordonnances de milice dont lord Dalhousie avait tant abusé, et résolut à la majorité de 31 contre 4, d'envoyer une adresse au roi contre la légalité de cette mesure d'autant plus dangereuse que ces lois avaient été faites dans un temps où un despotisme pur couvrait le pays. La chambre, dit M. Neilson, a décidé unanimement que ces ordonnances ne sont pas en force. «Si cette chambre a exprimé les opinions du pays, observa M. Papineau, les ordonnances sont abrogées; car quand tous les citoyens d'un pays repoussent unanimement une mauvaise loi; il n'y a plus de moyen de la faire exécuter: elle est abrogée.» C'est de la rébellion s'écria M. A. Stuart.

Quant aux subsides, la chambre déclara en passant le bill, que l'appropriation qu'elle faisait n'était que provisoire et dans l'espérance que la question financière allait être bientôt réglée; que les griefs sur lesquels le comité des communes anglaises avait fait rapport, seraient pleinement redressés et que l'on donnerait plein effet à ses recommandations; que le conseil législatif serait réformé, que les juges cesseraient de se mêler de politique et de siéger dans le conseil exécutif, enfin que l'on établirait un tribunal pour juger les fonctionnaires accusés. Le conseil voyant l'acharnement implacable de l'assemblée contre lui, voulait rejeter le bill sans même le regarder; mais l'influence du gouverneur retint quelques membres, et le juge Sewell sut éviter ce qui aurait été un immense embarras. Lorsque le bill fut mis aux voix, elles se trouvèrent également partagées 7 contre 7. Alors le vieux juge toujours trop habile pour manquer de moyens, imagina de voter deux fois; il vota d'abord comme membre et ensuite comme président de la chambre. L'évêque protestant, M. Stewart, qui n'y avait pas paru de la session, y vint ce jour là à la sollicitation du juge pour donner sa voix. La minorité n'eut plus qu'à protester.

Sir James Kempt regrettait que l'assemblée n'eût pas voté la somme nécessaire pour couvrir toutes les dépenses du service public et les arrérages de certains salaires; mais il la remercia en la prorogeant de ses généreuses appropriations pour l'éducation, l'amélioration du St. – Laurent et les routes intérieures. Elle avait accordé une somme considérable pour entourer le port de Montréal de quais magnifiques en pierre de taille, pour encourager la navigation à la vapeur entre Québec et Halifax, pour bâtir une douane à Québec et des phares en différens endroits du fleuve; elle avait donné £20,000 pour une prison à Montréal, £12,000 pour un hôpital de marine à Québec, £38,000 pour l'amélioration des chemins et l'ouverture de nouvelles routes dans les forêts afin de faciliter l'établissement des terres; £8,000 pour éducation. Enfin elle s'était plu à faire voir que si elle voulait exercer plus d'influence sur le gouvernement, c'était pour l'employer à l'avantage de la chose publique, et que ses prétentions étaient inspirées par le besoin qu'avait la société de plus de latitude, de plus de liberté pour répondre à son énergie et à son activité qui se développaient dans une proportion encore plus rapide que le nombre des habitans qui la composaient. Le gouverneur n'ignorait pas qu'il faudrait satisfaire tôt ou lard ce besoin, et que si l'on ne faisait pas de concessions maintenant des difficultés plus graves que toutes celles qu'on avait encore vues ne tarderaient pas à éclater. Ce n'était qu'en usant de la plus grande réserve et de la plus grande prudence qu'il les empêchait de renaître; mais le moindre accident pouvait briser la bonne entente qui paraissait exister entre lui et les représentans du peuple.

Les conseils législatif et exécutif occupaient alors l'Angleterre. Le ministre des colonies écrivit pour demander des informations sur ces deux corps; s'il était à propos d'en changer la constitution, surtout s'il serait désirable d'y introduire plus d'hommes indépendans du gouvernement, c'est-à-dire sans emploi de la couronne, et dans ce cas si le pays pourrait en fournir assez de respectables pour cet honneur. Sir James Kempt répondit que le conseil législatif était composé de 23 membres dont 12 fonctionnaires, 16 protestans et 7 catholiques, et le conseil exécutif de 9 membres dont un seul indépendant du gouvernement et un seul catholique; qu'il n'était pas préparé à y recommander de changement notable; mais que l'on devait introduire graduellement plus d'hommes indépendans du pouvoir dans le conseil législatif, et n'admettre à l'avenir qu'un seul juge dans les deux conseils, le juge en chef; qu'il pensait aussi qu'il serait à propos d'introduire dans le conseil exécutif un ou deux des membres les plus distingués de l'assemblée, afin de donner plus de confiance à la branche populaire dans le gouvernement, chose qui lui paraissait de la plus grande importance pour la paix et la prospérité du pays. Il croyait que l'on pourrait trouver assez de personnes qualifiées pour remplir les vides qui arriveraient de temps à autre dans les deux corps. Quand on voit le gouverneur qui paraissait le plus favorable au pays s'exprimer avec tant de circonspection sur les matériaux les plus nécessaires qu'il contenait pour faire marcher un gouvernement, on n'est pas surpris de ses embarras. Quand un gouvernement a une si haute opinion de lui-même et une si petite des peuples qu'il dirige, la sympathie doit être aussi bien faible.

Aussitôt que la dépêche de sir James Kempt, mise devant le parlement impérial, fut connue en Canada, les habitans les plus respectables des comtés de Richelieu, Verchères, St. – Hyacinthe Rouville et Chambly, s'assemblèrent à St. – Charles sous la présidence de M. Debartzch, et déclarèrent que quoique la conduite de ce gouverneur eût fait disparaître les haines et les divisions qu'avait fait naître la politique arbitraire et extravagante de lord Dalhousie, cette dépêche réveillait les craintes les plus sérieuses, et si les deux conseils n'étaient pas réformés, l'on devait s'attendre aux conséquences les plus funestes pour le maintien de l'ordre, parce qu'il ne restait plus d'espoir de voir rétablir l'harmonie entre les différentes branches de la législature.

Sir James Kempt qui se voyait au moment d'être forcé de se prononcer sur les réformes que l'on appelait à grands cris, avait demandé son rappel pour ne pas se trouver dans les mêmes difficultés que son prédécesseur. Il savait que le pays était trop avancé pour se contenter plus longtemps de vaines théories, de sentimens vagues ou des déclarations générales, et qu'il fallait enfin lui accorder ou lui refuser d'une manière formelle et précise ce qu'il demandait. Quoiqu'il eût rétabli les magistrats destitués par son prédécesseur, qu'il eût fait de grandes réformes parmi les juges de paix; quoiqu'il eût aussi commencé à réorganiser la milice et à rétablir dans leurs grades les officiers qui avaient perdu leurs commissions pour leurs opinions politiques, les résolutions de l'assemblée de St. – Charles lui démontraient que sa popularité finissait avec son administration.

Il fut remplacé par lord Aylmer, qui avec le même programme à suivre allait avoir en face de lui une assemblée plus nombreuse que celle de son prédécesseur, et par conséquent plus difficile encore à contenter. Le parti de la réforme s'était beaucoup accru. Tous les anciens membres libéraux qui avaient voulu se présenter avaient été réélus à de grandes majorités.60 Canadiens-français et 24 Anglais composaient la nouvelle chambre. Une forte partie de ces derniers avait été élue par les Canadiens, fait qui prouve que les principes l'emportaient sur les préjugés nationaux, qui inspiraient beaucoup plus le gouvernement que le peuple. L'antipathie du bureau colonial était telle qu'il fallait des efforts répétés pour le persuader à admettre quelques Canadiens dans les deux conseils, et la crainte seule des troubles avec les vives recommandations de sir James Kempt purent l'engager à choisir trois Canadiens français sur les cinq membres qui y furent ajoutés vers ce temps-ci.

Lord Aylmer ouvrit les chambres en 1831 et les informa que la mort du roi et le changement de ministère avaient retardé l'arrangement de la question des finances; mais que les nouveaux ministres allaient s'en occuper et qu'il espérait que les instructions qu'il allait recevoir à ce sujet mettraient fin à toute difficulté pour l'avenir. L'assemblée se hâta de passer un bill pour empêcher les juges de siéger dans les deux conseils, afin de mettre à l'essai les nouvelles dispositions de l'exécutif. Le bill fut rejeté aussitôt par le conseil législatif, d'où la plupart des membres de l'assemblée conclurent que les ministres persistaient toujours dans leur ancienne politique. Elle résolut alors de maintenir sa position coûte que coûte. Le procureur-général Stuart fut accusé de fraude dans son élection à William-Henry, de partialité, d'exaction en exigeant des honoraires sur les commissions des notaires sans autorité; d'avoir prêté son ministère à la compagnie de la Baie d'Hudson contre le locataire des postes du roi qu'il devait défendre en sa qualité d'officier de la couronne. La chambre qui avait renvoyé ces accusations à un comité spécial, demanda la destitution de ce fonctionnaire, qui fut dabord suspendu et plus tard destitué après deux ou trois ans d'investigation au bureau colonial, auprès duquel M. Viger avait été envoyé pour soutenir les accusations.

Enfin le gouverneur reçut la réponse des ministres sur la question des subsides. Ils abandonnaient le contrôle de tous les revenus excepté le revenu casuel et territoire, 25 pour une liste civile de £19,000 votée pour la vie du roi. Cette réserve loin d'être exorbitante paraissait assez raisonnable, et allait diminuer d'importance de jour en jour par les progrès du pays et l'augmentation de ses richesses. Cependant la chambre refusa de l'accepter, grande faute due à l'entraînement d'autres questions qui avaient déjà fait perdre la liste civile de vue. Si le gouvernement eût fait quelques années plutôt ce qu'il faisait maintenant, tout se serait arrangé. Mais après tant d'années de discussion, les passions s'étaient échauffées, les partis avaient pris leur terrain, et tous les défauts des deux conseils s'étaient montrés avec tant de persistance et sous tant d'aspects divers que l'on ne voulût plus croire à la possibilité d'une administration juste et impartiale tant qu'ils seraient là pour la conseiller où pour la couvrir. On demanda des garanties et des réformes qui effrayèrent l'Angleterre. On éleva de nouveau le cri de domination française, ce cri funeste qui n'avait de signification que par l'asservissement d'une race sur l'autre. Pour les uns, il voulait dire, nous ne voulons pas être soumis à une majorité canadienne, pour les autres, nous ne voulons pas être le jouet d'une minorité anglaise. Jusqu'ici le gouvernement maître des deux conseils, maître de lui-même, maître de l'armée, maître enfin de toute la puissance de l'Angleterre, avait pu retenir les représentans d'un petit peuple dans des limites assez étroites. Mais qu'arriverait-il dans l'avenir?

Note 25:(retour) C'est-à-dire des biens des jésuites, des postes du roi, des forges St. – Maurice, du quai du roi, des droits de quint, des lods et ventes, des terres et des bois. Le tout ne se montait qu'à environ £7,000 par année et le gouvernement se le réservait parce qu'il ne provenait point des taxes, mais directement des domaines de la couronne.

Le bureau colonial savait que les principes étaient en faveur de ce petit peuple qu'il tenait sous l'eau jusqu'à la bouche sans le noyer encore tout-à-fait, et qu'il serait impossible de les violer longtemps sans révolter la conscience publique et sans se dégrader lui-même à ses propres yeux; c'est pourquoi il nourrissait toujours dans le silence son projet de 1822, afin de mettre fin une bonne fois lorsque le moment serait arrivé, par une grande injustice à mille injustices de tous les jours qui l'avilissaient. Ce but était évident; il se manifestait par le refus de toute réforme importante propre à rétablir l'harmonie dans le pays. Aussi était-ce précisément ce qui devait mettre l'assemblée sur ses gardes. Elle ne devait rien compromettre, profiter des circonstances et surtout du temps qui élève dans la république des Etats-Unis, une rivale à laquelle l'Angleterre sera bientôt obligée de chercher des ennemis pour conserver la domination du commerce et des mers. Avec une politique ferme et habile, les Canadiens pouvaient triompher des antipathies métropolitaines et mettre les intérêts éclairés à la place des préjugés aveugles. Car on ne pouvait croire sérieusement qu'une nation comme l'Angleterre fût jalouse des institutions d'un peuple de quelques centaines de mille âmes relégué à l'extrémité de l'Amérique. Malheureusement dans une petite société les passions personnelles obscurcissent les vues élevées, et les injustices senties trop vives et trop directement font oublier la prudence nécessaire pour attendre des remèdes efficaces et souvent fort tardifs. C'est ce que va nous faire voir la suite des événemens que nous avons à raconter. On oubliait aussi que dans la série d'hommes qui tenaient successivement comme ministres le portefeuille des colonies, il pouvait s'en trouver qui n'entrassent pas bien avant dans le projet de l'union des deux Canadas, et c'est ce qui arriva. Lord Goderich, par exemple, ne montra pas, par ses actes, un grand désir d'en accélérer la réalisation. Mieux éclairé qu'aucun de ses prédécesseurs sur le Bas-Canada par ses entrevues fréquentes avec M. Viger, il parut au contraire vouloir faire plus de concessions qu'aucun de ses prédécesseurs. C'est lui qui venait de faire la dernière proposition sur les subsides, laquelle comportait la concession de presque tout ce que l'on demandait sur cette question capitale.

Néanmoins la chambre ne voulant tenir aucun compte des oppositions que ce ministre avait peut-être à vaincre dans le milieu dans lequel il agissait pour obtenir ces concessions de ses collègues, resta en garde contre lui comme contre tous ses prédécesseurs, et au lieu d'accepter la liste civile qu'il proposait, elle demanda copie des dépêches qu'il avait écrites à ce sujet. Lord Aylmer répondit qu'il regrettait de ne pas avoir la liberté de les communiquer. Il existe une règle générale pour tous les gouverneurs, d'après laquelle ils ne peuvent montrer aucune dépêche des ministres sans permission du bureau colonial. 26 La chambre se montra blessé de ce refus et ordonna un appel nominal pour prendre en considération l'état de la province. C'était annoncer qu'elle allait étendre le champ de ses prétentions. Elle demanda à l'exécutif des renseignemens sur les dépenses du canal de Chambly un état détaillé de la liste civile proposée, un état du revenu des biens des jésuites et des terres et des bois, avec l'emploi que l'on proposait de faire de ces revenus; si le juge de l'amirauté recevait un salaire ou des honoraires. Le gouverneur ne la satisfit que sur une partie de ces points. Il l'informa aussi que les ministres avaient intention d'introduire un bill dans le parlement impérial pour révoquer la loi qui chargeait les lords de la trésorerie de l'appropriation des revenus que l'on se proposait d'abandonner à la chambre.

Note 26:(retour) Lorsque je faisais des recherches pour cet ouvrage, le secrétaire de lord Elgin, le colonel Bruce, me montra cette règle dans un volume imprimé qui contient toutes celles qui doivent servir de guide aux gouverneurs de colonies.

Le comité auquel tous ces documens étaient renvoyés présenta un premier rapport la veille du jour de l'appel nominal. «Comme les principales recommandations du comité de la chambre des communes n'ont pas été suivies, disait-il, par le gouvernement, quoiqu'il y ait plus de deux ans qu'il a été fait, et que les demandes que l'on avance maintenant ne correspondent point avec les recommandations de ce comité au sujet des finances, ni même avec l'annexe du bill introduit dans la dernière session du parlement impérial par le ministre colonial, votre comité est d'opinion qu'il n'est pas à propos de faire d'appropriation permanente pour payer les dépenses du gouvernement.» Le lendemain, il fut proposé par M. Bourdages de refuser les subsides jusqu'à ce que tous les revenus sans exception fussent mis sous le contrôle de la chambre, que les juges fussent exclus du conseil, que les conseils législatif et exécutif fussent entièrement réformés et que les terres de la couronne fussent concédées en franc-aleu roturier et régies par les lois françaises. Mais cette proposition parut prématurée et fut rejetée par 50 voix contre 19.