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Buch lesen: «Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours. Tome IV», Seite 13

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En Canada l'opinion publique soutenait les représentans; et si les deux partis ne voulaient point céder, l'on tombait dans une crise. L'oligarchie n'avait aucun doute dans sa force appuyée qu'elle était de la toute-puissance de l'Angleterre. Le parti populaire, maintenant physiquement trop faible, voyait néanmoins dans un avenir plus ou moins éloigné, le succès infaillible de ses doctrines. Comme M. Papineau était le chef le plus avancé des Canadiens, le bureau colonial écoutant enfin la suggestion de Sherbrooke, chercha à se l'acquérir. Il ordonna à lord Dalhousie de le nommer au conseil exécutif; mais M. Papineau convaincu que seul il ne pourrait exercer aucune influence sur les dispositions de ce corps, n'y parut jamais, de sorte que le but qu'on s'était proposé on l'y nommant fut manqué, et en 1823 on résolut que les avantages qu'on attendait de la présence du président de la chambre dans son sein ne s'étant pas réalisés, il on fut retranché.

Le gouverneur visita le Haut-Canada dans le cours de l'été, sous prétexte d'en examiner les fortifications, mais pour sonder l'opinion publique et faire rapport à Londres sur la situation des esprits dans les deux provinces, par anticipation à leur union, dont les ministres préparaient alors le projet. A son retour il assembla le parlement et lui déclara que la liste civile devait être votée pour la vie du roi, d'après la recommandation de sa Majesté, qui voulait que ce principe fût adopté et suivi dans le pays. Cette nouvelle déclaration fit évanouir tout espoir d'arrangement s'il en existait encore. La réponse de la chambre fut réservée et pleine des expressions les plus respectueuses pour la constitution. Le gouverneur répliqua qu'il avait l'espoir que la discussion serait calme et sans passion; mais qu'il devait déclarer d'avance que la liste civile qu'il avait demandée était la condition sine qua non, et que tant qu'elle ne serait pas votée, on ne pourrait attendre aucune harmonie entre les trois branches de la législature, prévision qu'il pouvait faire avec d'autant plus d'assurance qu'il était maître de deux. La chambre était décidée à ne pas abandonner la position qu'elle avait prise, laquelle lui permettait de battre en brèche tout le système oligarchique qu'elle voulait à tout prix renverser avant de poser les armes. Cependant elle ne voulait pas accueillir la demande du gouverneur par un refus soudain et absolu et elle cherchait à l'ajourner, lorsque M. Taschereau, devenu partisan de l'administration, en proposa tout à coup l'acceptation pour faire disparaître tous les doutes. Le bureau colonial en était rendu au point où il lui fallait des moyens prompts et décisifs. Cinq membres seulement votèrent pour la proposition; trente et un contre. Dans un gouvernement vraiment constitutionnel une pareille division sur une matière d'argent eût réglé la question d'une manière définitive. La chambre crut devoir expliquer les motifs de son vote, qui étaient fondés principalement sur les considérations que nous avons développées plus haut, et conformes à l'offre faite en 1810 et acceptée par le roi en 1818. Ces explications furent incorporées dans une adresse à George IV, que lord Dalhousie promit de transmettre en Angleterre. En même temps la chambre nomma M. Joseph Marryat, membre des communes, pour veiller aux intérêts de la colonie au siège de l'empire, et pour communiquer avec les ministres sur toutes les questions qui auraient rapport au Canada, sur lesquelles on lui envoya des instructions très volumineuses.

Le conseil redoutant l'effet de la démarche de l'assemblée, s'empressa de déclarer qu'en nommant M. Marryat sans le concours des autres branches de la législature, elle s'arrogeait un pouvoir dangereux; que c'était nommer aux emplois en violation directe de la prérogative royale, et renverser ou chercher à renverser la constitution. Marryat en apprenant ce qui s'était passé, refusa la commission de la chambre sous prétexte que sa nomination ne pouvait être constitutionnelle, si elle n'était pas reconnue du gouvernement et approuvée de la seconde branche de la législature. L'assemblée persistant dans la voie qu'elle s'était tracée, refusa, malgré le message spécial que le gouverneur lui envoya, de voter les subsides et passa même une résolution pour rendre le receveur général personnellement responsable des paiemens qu'il pourrait faire. A la tournure tranchée que prenaient enfin les choses, lord Dalhousie vit bien que la réserve et la tactique qu'il avait employées jusque-là pour parvenir à son but, ne produiraient rien sur des hommes trop habiles pour s'en laisser imposer, et il prit le parti de communiquer la réponse des ministres aux demandes de l'assemblée de l'année précédente. Cette réponse communiquée au début de la session eut amené une explosion; elle refusait ou ajournait tout. Le lieutenant gouverneur de Gaspé était des plus nécessaires, et au lieu de retrancher son salaire il fallait l'augmenter; on aurait soin à la mort du présent secrétaire provincial d'en nommer un qui résiderait; l'agent colonial avait toujours existé et il n'y avait rien contre sa conduite qui pût autoriser son déplacement. Le reste était ajourné.

La minorité du conseil, car la nature de la question avait enfin fini par détacher une faible section de ce corps, la minorité du conseil à l'aspect des menaces sourdes que l'on commençait à proférer contre les Canadiens, crut devoir faire une démonstration en faveur de l'opinion de la chambre sur la liste civile, craignant les suites d'une lutte trop prolongée sur une pareille matière, et M. Debartzch proposa de révoquer les résolutions de la session précédente. A cette proposition rétrograde, la majorité se récria. Des débats animés s'engagèrent et durèrent fort longtemps. «Comment, dit M. Richardson, pouvons-nous révoquer nos résolutions en présence d'un comité secret qui siège à la chambre d'assemblée, et qui délibère peut-être dans le moment même sur la nomination d'un gouverneur et sur le renvoi de celui que nous avons maintenant, pour le remplacer par un de son choix. Un comité siège à l'insu de plusieurs des membres de la chambre, chose sans exemple en Angleterre excepté du temps de Charles premier. Ce comité est peut-être un comité de sûreté.» Ce membre crédule et violent accusa la majorité de l'assemblée de desseins désorganisateurs et révolutionnaires, et porta les accusations les plus graves sur ses intentions. Plusieurs membres de la chambre présens à ces débats, en prirent ombrage et communiquèrent leurs sentimens aux autres. L'un d'eux, M. Quirouet, fit part à rassemblée de ce qu'il avait entendu. Là dessus un comité de cinq membres est nommé, lequel présenta quelques jours après, un rapport qui entraîna des débats dans lesquels l'antipathie profonde qui divisait les deux corps éclata dans toute sa force. Le rapport fut adopté à une grande majorité, et il fut résolu que le langage de M. Richardson était faux, scandaleux et méchant; qu'il tendait à détruire la confiance du roi dans la fidélité et la loyauté de la chambre et du peuple; que c'était de plus une haute infraction de ses privilèges; que le conseil devait sévir d'une manière proportionnée au mnal qu'on avait voulu lui faire, et que le gouverneur était tenu de destituer le coupable de toutes les places d'honneur, de confiance ou de profit qu'il pouvait tenir de la couronne.

Deux adresses conformes furent présentées, l'une au gouverneur et l'autre au conseil.

Le gouverneur répondit qu'elles renfermaient les conséquences de la plus haute importance; que les résolutions paraissaient exprimées dans un langage qui ne convenait nullement à la dignité réfléchie d'un corps délibératif; qu'elles affectaient les privilèges du conseil et la liberté des débats, et qu'il devait pour ces raisons se refuser à la demande qu'elles contenaient. La chambre protesta alors contre toutes les tentatives qui se faisaient pour détruire la confiance dans l'honneur et la loyauté des représentans du peuple, neutraliser leurs efforts en faveur du bien public, et déclara qu'elle avait incontestablement le droit de les réprimer par tous les moyens que lu constitution avait mis à sa disposition.

Ce conflit qui caractérise la violence de l'époque, augmenta encore l'irritation des esprits. L'assemblée montra en cette occasion trop de susceptibilité et parut vouloir gêner la liberté des débats. La bonne politique indiquait une marche contraire, parceque rien ne faisait mieux ressortir la faiblesse et le caractère du conseil, que ces apostrophes inspirées par la douleur qu'il éprouvait à chaque coup porté contre sa puissance artificielle. Cependant le gouverneur en voyant la résolution de l'assemblée au sujet des subsides, l'informa qu'il allait payer les dépenses du gouvernement sur les fonds que les anciennes lois avaient mis à sa disposition, à quoi elle répliqua qu'aussitôt qu'elle serait mise en pleine jouissance de ses privilèges et que son offre de voter les subsides annuellement serait acceptée, elle remplirait ses obligations avec toute l'économie que commandaient impérieusement les circonstances dans lesquelles se trouvait le pays.

Parallèlement à la question des subsides marchait dans l'assemblée celle du partage des droits de douane avec le le Haut-Canada. Le commerce de cette province avec l'Angleterre ne pouvait se faire que par le Bas-Canada. Les règles à suivre dans le partage avaient déjà causé beaucoup de difficultés, qui n'avaient été terminées qu'après de longs débats. Par le dernier arrangement conclu en 1817, le Haut-Canada devait recevoir le cinquième des droits perçus au port de Québec. Depuis quelque temps il réclamait une plus grande proportion sous prétexte que sa population avait beaucoup augmenté. On nomma des commissaires de part et d'autre, qui eurent plusieurs entrevues à Montréal sans pouvoir s'entendre. Le Haut-Canada poussé par les ennemis de l'assemblée, dont le principal foyer était dans cette ville, avançait des prétentions exagérées. Il demandait l'augmentation du cinquième fixé par le traité de 1817, vingt mille louis à titre d'arrérages sur les draw-backs, et dix mille qu'il prétendait lui revenir lors du dernier traité. Nos commissaires repoussèrent la première prétention et refusèrent d'entrer en négociation sur les deux autres, avant d'être autorisés. Le Haut-Canada résolut alors de s'adresser à l'Angleterre elle-même vers laquelle il députa un agent. Le comte de Dalhousie ne fit part à la législature que dans la session suivante de ces difficultés qui étaient de nature à fournir un nouveau motif en faveur de l'union, pour laquelle l'on disait qu'il penchait secrètement. On lui fit un reproche de ce délai; on l'accusa de trahir les intérêts de la province que le roi lui avait confiée; mais il s'excusa en assurant qu'il avait reçu la nouvelle officielle trop tard.

L'assemblée instruite de ce qui se passait par les gazettes, s'était hâtée de protester à la dernière heure de la session contre les demandes du Haut-Canada, et de déclarer qu'elle était prête à agréer tout arrangement qui pourrait faciliter le passage de ses marchandises d'outre-mer par Québec. Deux jours après, le gouverneur prorogeait les chambres en regrettant les résolutions de l'assemblée et faisant des compliments au conseil dont la conduite, disait-il, pouvait convaincre le roi qu'il continuerait à maintenir fermement les véritables principes de la constitution et les justes prérogatives de sa couronne.

C'étaient MM. Papineau, Neilson et Cuvillier qui avaient dirigé la chambre dans le grand débat sur les finances avec le bureau colonial, représenté ici par le gouverneur et le conseil. MM. Papineau et Neilson s'étaient chargés de la discussion du principe; M. Cuvillier des chiffres et de la comptabilité. Ils firent preuve qu'ils étaient parfaitement maîtres de leur sujet, et que les ministres n'étaient pas capables de leur en imposer ni de les trouver en défaut sur aucun point relatif à l'impôt et aux finances; mais celui-ci avait le oui et le non, le pouvoir et la force, et il en avait usé largement pour dissoudre le parlement. A peine un seul parlement avait-il atteint son terme naturel depuis plusieurs années. Cette situation extraordinaire devait enfin finir, car les autres affaires étaient entravées et les esprits se montaient. C'est cette extrémité que les partisans de l'union attendaient. La question du partage des droits de douane avec le Haut-Canada présentait à leurs yeux des motifs suffisans pour la justifier. Le Bas-Canada y était opposé, mais suivant eux, pas jusqu'au point de lever l'étendard de la révolte. L'on pouvait compter sur le clergé catholique au chef duquel on avait fait des concessions suffisantes pour le tranquilliser sur la nouvelle situation que l'union ferait aux peuples de son église, et le clergé catholique avait une influence toute puissante sur eux. Les ministres pressés; toujours de plus en plus par Ellice et ses amis, prirent enfin la résolution d'exécuter ce grand projet et d'introduire au parlement un bill pour révoquer l'acte de 91.

CHAPITRE II.
PREMIER PROJET D'UNION.
1823-1827

L'Union des deux Canadas désirée par les Anglais de Montréal. – Ellice est leur agent. – Histoire de la fortune de ce marchand. – Le bill d'union amené secrètement devant le parlement impérial, – Parker donne l'alarme. – Sir James Macintosh et sir Francis Burdett avertis arrêtent le bill dans la chambre des communes. – Nature de ce bill. – Il est ajourné. – Sensation que la nouvelle de son introduction dans le parlement fait dans les deux Canadas. – Pétitions contre: MM. Papineau et Neilson députés à Londres. Habile mémoire qu'ils présentent au gouvernement. – Les ministres abandonnent la mesure. – Paroles d'Ellice à M. Papineau. – Appréciation d'Ellice par sir James Macintosh. – Opinion de sir Francis Burdett sur l'union. – Entrevues de M. Papineau avec lord Bathurst. – Opinion des hommes d'état sur la durée de l'union des Etats-Unis. – Montant de la défalcation de Caldwell. – Affaires religieuses. – Lord Dalhousie passe en Angleterre et revient à Québec. – Refus des subsides. – Discours insultant de ce gouverneur en prorogeant le parlement.

L'Union avait été de tout temps la pensée secrète du parti anglais de Montréal, dont l'hostilité contre les anciens habitans augmentait tous les jours avec le désir de les dominer. L'avarice autant que l'ambition entretenait cette haine qui trouvait de la sympathie en Angleterre à la faveur des préjugés nationaux et des calomnies. Ce parti avait exclusivement l'oreille du peuple anglais; le bureau colonial recevait toutes ses inspirations de lui, et les gouverneurs se jetaient presque toujours dans ses bras pour l'avoir pour ami et s'assurer de ses bonnes grâces à Londres, où les Canadiens étaient regardés comme des espèces d'étrangers. De là le motif de leur antipathie pour ces derniers et de leur chambre d'assemblée.

On a pu voir depuis l'arrivée du comte de Dalhousie que sa marche a été régulière et comme toute tracée d'avance. Son dernier mot est dit dans son premier discours aux chambres; aucune concession n'est accordée, et les résolutions de l'assemblée ne sont recueillies que pour servir de pièces dans le grand procès qu'on se propose de lui intenter devant les communes d'Angleterre avant de la détruire. De là la situation des choses en 1822, refus des subsides et querelles avec le Haut-Canada.

De deux points et pour des motifs différens partaient des accusations contre l'assemblée où l'esprit, les sympathies et l'intérêt de l'ancienne population s'étaient réfugiés. Le parti britannique le plus exclusif avait toujours voulu l'union pour noyer la population française, ci c'est pour ce motif que M. Lyrnburner protesta en son nom à la barre de la chambre des communes contre la division de la province en 91. Lorsque M. Papineau le vit en 1823, en qualité d'ancien ami de son père et d'homme instruit et lettré comme lui, pour l'intéresser aux requêtes des Canadiens, sachant qu'il avait changé d'opinion, il répondit à lui et à M. Neilson qui l'accompagnait: «J'ai plusieurs lettres de mes anciens amis en Canada, qui s'appuyent de ce que j'ai dit en leur nom comme au mien contre la division de ce pays en deux provinces. Cette division fut une erreur. L'amalgamation des deux populations eût été plus rapide sans elle. Mais il y aurait maintenant de l'injustice à la faire disparaître. Elle a fortifié des habitudes et des intérêts distincts, elle a donné naissance à une législation séparée. J'ai répondu que loin de les appuyer, je les opposerais et que j'emploierais mon influence auprès des hommes publics que je connais pour faire échouer leur tentative, parce que le gouvernement se mettrait par là en contradiction avec lui-même et ce rendrait odieux en Amérique.» Si M. Lyrnburner était maintenant contre l'union, d'autres l'avaient remplacé dans son ancienne idée. On sait que la compagnie du Nord-Ouest jouissait d'une influence locale assez grande à Londres. Cette compagnie était dirigée en Canada par MM. Richardson et McGill, deux des chefs les plus exagérés du parti anglais. M. Ellice, dont le père avait fait autrefois un grand commerce dans ce pays, et qui y avait acheté de la famille Lotbinière, la seigneurie de Beauharnois, avait été commis chez eux. Par le chapitre des accidens, Ellice était devenu un homme important à Londres. Du Canada, il était passé aux Iles. Là il avait épousé une des filles du comte Grey, veuve d'un officier de l'armée. Quelques années plus tard, lord Grey se trouvait l'homme le plus puissant du parti whig, et M. Ellice, par contre coup, quoique d'un esprit fort ordinaire, se trouvait par son alliance en possession d'une grande influence. Whig en Angleterre, il devint entremetteur des torys du Canada avec le ministère tory à Londres, pour détruire l'oeuvre de Pitt, et il détermina le ministère à précipiter son projet et à présenter, en 1822, le bill d'union aux communes, qui étaient sur le point de l'adopter pour ainsi dire par surprise, la chose se faisant sans bruit, lorsque par hasard un M. Parker en eut connaissance.

Parker sans être un homme de talent ni d'influence, portait une haine mortelle à Ellice, qu'il accusait de diverses fraudes dans ses transactions commerciales avec lui et avec d'autres marchanda. Il vivait retiré en Angleterre avec une fortune qu'il avait acquise dans le commerce canadien, lorsqu'il apprit que le bill d'union soumis au parlement, était plutôt l'oeuvre d'Ellice que du ministère. Il courut aussitôt dire à Downing Street qu'ils étaient les dupes d'un fripon sans pouvoir se faire écouter. Il fut plus heureux auprès de sir James Macintosh, sir Francis Burdett et de quelques autres membres des communes. Une opposition se forma et arrêta le bill à sa seconde lecture. C'est à cette occasion qu'on entendit proférer ce langage singulier dans un pays libre, par un organe du cabinet, M. Wilmot. «Je vous supplie de passer ce bill immédiatement; si vous attendez à l'an prochain, vous recevrez tant de pétitions pour protester contre la mesure, qu'il sera fort difficile de l'adopter quelqu'utile qu'elle puisse être à ceux qui s'y opposent par ignorance ou par préjugé. D'ailleurs elle est indispensable pour faire disparaître les difficultés qui existent entre l'exécutif et l'assemblée.» Malgré cette supplication pressante, sir James Macintosh et ses amis persistèrent dans leur opposition et firent renvoyer le bill à l'année suivante.

Ce bill tranchait largement sur les libertés coloniales en général et sur celles du Bas-Canada en particulier. Il donnait à celui-ci une représentation beaucoup plus faible qu'au Haut. Il conférait à des conseillers non élus par le peuple le droit de prendre part aux débats de l'assemblée. Il abolissait l'usage de la langue française. Il affectait la liberté religieuse et les droits de l'église catholique. Il restreignait les droits des représentans touchant la disposition des impôts. Ce bill paraissait enfin dicté par l'esprit le plus rétrograde et le plus hostile. Il réduisait le Canadien français presqu'à l'état de l'Irlandais catholique. Le peuple libre qui se met à tyranniser est cent fois plus injuste, plus cruel, que le despote absolu, car sa violence se porte pour ainsi dire par chaque individu du peuple opprimant sur chaque individu du peuple opprimé toujours face à face avec lui.

La nouvelle de l'introduction secrète pour ainsi dire de ce bill dans les communes, fit une immense sensation en Canada. L'on cria à la perfidie, à la trahison; et il ne resta plus de doute sur les motifs de la résistance du bureau colonial dans la question des subsides. On vit dés lors le but qu'il voulait atteindre. Mais il y avait encore quelque bienveillance pour nous en Angleterre.

Les journaux torys qui avaient gardé îe silence jusque là, donnèrent, au mot d'ordre, le cri d'approbation, auquel les journaux libéraux répondirent en donnant l'éveil aux habitans, dont les institutions, les lois et la langue se trouvaient menacées d'une manière si inattendue. Toute la population s'agita d'un bout du pays à l'autre. On tint des assemblées publiques, on organisa des comités dans toutes les localités, pour protester contre la conduite du gouvernement de la métropole, et pour préparer des pétitions au parlement impérial et les faire signer par le peuple. Montréal et Québec donnaient l'exemple. Le jour de l'assemblée de Québec, les partisans de l'union se réunirent à Montréal sous la présidence de M. Richardson. Plusieurs assistans prononcèrent des discoure dans lesquels ils s'abandonnèrent à tous les sentimens de haine qu'ils portaient aux anciens habituans, et que plusieurs avaient dissimulés longtemps, surtout ce même Smart que la chambra avait désigné tant de fois pour être son agent en Angleterre, et qui vint donner le démenti à tous les sentimens qu'il avait professés avec ardeur jusque-là. «Les raisons des Canadiens, dit-il, ne peuvent être fondées que sur des préjugés qu'il faut extirper, ou sur des intérêts locaux qui ne doivent pas entrer dans la considération de la question,» comme si la langue, les lois, les institutions d'un peuple, «observait le Spectateur, pouvaient être mis au rang des préjugés.» Une partie des habitans des townships nouvellement établis sur les limites des districts des Trois-Rivières et de Montréal, sur la frontière américaine, imitèrent leurs compatriotes de Montréal. Mais il n'en fut pas de même dans le Haut-Canada. La majorité des habitans se prononça formellement contre l'union. Partout ils déclarèrent qu'ils étaient satisfaits de leur constitution, qu'ils désiraient la transmettre intacte à leur postérité, et que le bill introduit par les communes anglaises, loin de les accroître restreignait leurs droits et leurs libertés. Ce langage déconcerta les unionnaires, qui commencèrent après quelque temps d'attente à perdre espérance.

Cependant les pétitions des Canadiens se couvraient de signatures. Bientôt elles en portèrent plus de 60,000 provenant de cultivateurs, des seigneurs, des magistrats, des ecclésiastiques, des officiers de milice, des marchands. Au contraire de celles de leurs adversaires, elles s'exprimaient dans un langage digne et modéré, qui faisait voir que l'on ne voulait s'appuyer que sur le nombre et sur la justice. Elles n'avaient besoin d'ailleurs que d'exposer la vérité avec le calme et la gravité que demandaient l'importance de leurs motifs, la sainteté de leur cause pour porter la conviction dans le coeur des juges d'un peuple qu'on voulait proscrire sans l'entendre. Toutes ces adresses furent envoyées à Londres en attendant la réunion de la législature, qui devait parler à son tour au nom de tout le pays. Elles étaient portées par M. Papineau et M. Neilson, deux de des membres les plus distingués et les plus populaires, qui furent chargés aussi de celles du Haut-Canada. Sans attendre le résultat des mesures du ministère, le gouverneur convoqua le parlement pour le commencement de janvier (1823,) et en l'absence de M. Papineau M. Vallières de St. – Réal fut porté à la présidence de l'assemblée, qui s'occupa aussitôt de l'union, contre laquelle elle passa les résolutions les plus énergiques.

M. Ogden, le chef et l'orateur de l'opposition, proposa un amendement en faveur de l'union. «Les Canadiens, disait-il, ne peuvent avoir aucun sentiment hostile contre des sujets d'un même souverain, par conséquent aucune répugnance à adopter la langue, les habitudes et le caractère de cette grande famille, et à former dans l'intérêt commun une seule province des deux. L'union de l'Angleterre avec l'Ecosse avait eu un résultat fort heureux; les intérêts des habitans des deux Canadas devaient être les mêmes. Il fallait détruire les préjugés mal fondés pour assurer la bonne harmonie. Il n'était pas nécessaire d'expliquer ce qui avait causé l'alarme produite par la mesure amenée devant la chambre des communes; elle était connue du gouvernement. C'était la jalousie, c'était le manque de confiance dans l'honneur et la droiture du pouvoir, qu'on entretenait malheureusement avec trop de succès parmi les hommes ignorans et inconsidérés; et il était quelquefois du devoir des législateurs de chercher le bonheur du peuple même malgré lui.» Les imprudens et les ignorans dans le langage de M. Ogden, c'étaient les Canadiens-français qu'il voulait régénérer comme l'avaient été ses pères. Celui qui prenait ainsi le langage de l'insulte, et qui taxait d'ignorance le sentiment de la nationalité si profondément gravé dans le coeur de tous les peuples, était le descendant d'un des deux Hollandais qui contractèrent en 1632 pour bâtir les mure d'une église à New-Amsterdam pour la somme de 1000 piastres. Ils ne pensaient pas, sans doute, qu'un de leurs descendans, chassé de leur pays, parlerait ainsi d'un peuple planté en Amérique par le grand roi Louis XIV, le terrible voisin de leurs ancêtres. L'amendement de M. Ogden, que le président refusa de recevoir parcequ'il était en opposition directe avec les résolutions qui venaient d'être adoptées, ne rallia que trois voix lorsque son auteur appela à la chambre de la décision du fauteuil.

Pendant que partout en Canada l'on se levait et protestait contre cette mesure, les townships de l'Est se plaignaient que leurs intérêts étaient négligés, excités par les affidés du château. Ils demandèrent à être représentés dans l'assemblée, et lord Dalhousie recommandait l'intervention du parlement impérial pour satisfaire leurs voeux. Il approuvait en même temps le conseil d'avoir rejeté le bill passé par la chambre, pour augmenter la représentation générale. 21 On ne savait enfin quel moyen prendre pour diminuer, pour neutraliser le nombre des représentons Canadiens et augmenter celui des Anglais, quoique la proportion de ces derniers fût déjà bien plus élevée que celle des habitans de leur origine, dans la population entière.

Note 21:(retour) Dépêche de lord Dalhousie au ministre, 5 avril, 1825.

On s'attendait que la question des subsides allait revenir sur le tapis et amener la répétition des débats qui troublaient le pays depuis tant d'années; mais contre l'attente de bien du monde, elle reçut une solution temporaire. Le gouvernement sépara dans les estimations qu'il transmit à l'assemblée, la liste civile des autres dépenses. Cette distinction déplut aux deux partis; mais à l'aide de termes généraux susceptibles de différentes interprétations, on ménagea les prétentions hostiles et le bill des subsides passa. Le conseil à qui la main avait été forcé probablement par quelque influence supérieure, déclara qu'il n'y donnait son concours dans le moment qu'à cause des circonstances dans lesquelles se trouvait le pays; mais qu'il ne le ferait pas à l'avenir. Ce corps recevait alors un terrible choc de la grande débâcle du receveur-général, l'un de ses chefs, dont la banqueroute jeta un moment l'épouvante et la confusion dans leur camp. Depuis longtemps la chambre soupçonnait sa défalcation par les grands travaux et le grand commerce de bois qu'il faisait, les nombreux moulins qu'il élevait partout et qui devaient entraîner des dépenses auxquelles ses propres capitaux n'auraient pu suffire. L'un des principaux motifs de l'assemblée en persistant dans sa résolution sur les subsides, était de forcer le gouvernement à mettre au jour la véritable situation des finances. L'opposition qui connaissait son but mettait tout en oeuvre pour la faire échouer. Les chefs de cette opposition, amis intimes du receveur-général, partageant ses festins et son opulence, sans connaître peut-être ses vols, étaient portés par sympathie de caste à le soutenir dans ses prétextes et dans les raisons qu'il voulait bien donner pour refuser de fournir à l'assemblée les renseignemens qu'elle demandait. Mais chaque chose à son terme, et Caldwell fut obligé en 1822, de déclarer qu'il n'avait plus d'argent pour subvenir aux dépenses du reste de l'année. La chambre ne manqua pas une occasion qui venait si à propos pour justifier ses prétentions. Elle déclara que le receveur-général devait avoir au moins £100,000 entre les mains, et qu'elle ne pouvait sanctionner aucun remboursement pour favoriser des opérations inconstitutionnelles. Ce reflua qui en toute autre occasion eut amené une crise, fut reçu presque sans mot dire par l'exécutif, qui voulait éviter un éclat et qui témoigna contre son ordinaire toute sa satisfaction du résultat de la session, résultat dit le gouverneur qui faisait honneur aux membres et qui serait utile au pays. Mais en même temps, il ôtait le titre de Gazette officielle au journal de M. Neilson fils, et le transférait à une nouvelle feuille qu'il faisait mettre sur pied, afin de punir le fils des indiscrétions du père, et d'avoir un organe de son choix et sur la dépendance duquel il put toujours compter, pour communiquer ses vues ou défendre ses mesures devant le public. On voulait imiter l'Angleterre; mais à Londres le ministère qui a ses journaux pour soutenir sa politique, est responsable aux chambres, de sorte que ces journaux ne sont après tout que les organes d'un parti politique qui a la majorité et qui possède le pouvoir pour le moment. En Canada, la responsabilité n'existant pas, et le gouvernement n'étant ostensiblement soutenu par aucune majorité, le journal ministériel loin d'avoir de l'influence devait la perdre du moment qu'il défendait une politique qui ne s'accordait pas avec l'opinion publique, et c'est ce qui arriva.