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Buch lesen: «Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours. Tome III», Seite 8

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LIVRE X

CHAPITRE I.
VICTOIRE DE MONTMORENCY ET PREMIÈRE BATAILLE D'ABRAHAM

REDDITION DE QUÉBEC
1759

Invasion du Canada. – Moyens défensifs qu'on adopte. – L'armée française se retranche à Beauport, en face de Québec. – Arrivée de la flotte ennemie. – Les troupes anglaises débarquent à l'île d'Orléans. – Manifeste du général Wolfe aux Canadiens. – Ce général, jugeant trop hasardeux d'attaquer le camp français, décide de bombarder la capitale et de ravager les campagnes. – La ville est incendiée. – Attaque des lignes françaises à Montmorency. – Wolfe repoussé, rentre accablé dans son camp et tombe malade. – Il tente vainement de se mettre en communication avec le général Amherst sur le lac Champlain. – Les autres généraux lui suggèrent de s'emparer des hauteurs d'Abraham par surprise afin de forcer les Français à sortir de leur camp. – Le général Montcalm envoie des troupes pour garder la rive gauche du St. – Laurent depuis Québec jusqu'à Jacques Cartier. – Grand nombre de Canadiens, croyant le danger passé, quittent l'armée pour aller vaquer aux travaux des champs. – Du côté du lac Champlain M. de Bourlamarque fait sauter les forts Carillon et St. – Frédéric, et se replie à l'île aux Noix devant le général Amherst qui s'avance avec 12,000 hommes. – Le corps du général anglais Prideaux, opérant vers le lac Erié, prend le fort Niagara et force les Français à se retirer à la Présentation au-dessous du lac Ontario. – Les Anglais surprennent les hauteurs d'Abraham le 13 septembre. – Première bataille qui s'y livre et défaite des Français. – Mort de Montcalm: capitulation de Québec. – Le général de Levis prend le commandement de l'armée et veut livrer une autre bataille; mais en apprenant la reddition de la ville il se retire à Jacques Cartier et s'y fortifie. – L'armée anglaise, renfermée dans Québec, fait ses préparatifs pour y passer l'hiver. – Demande de secours en France pour reprendre cette ville.

Tandis que le gouverneur et les généraux attendaient à Montréal des nouvelles de l'ennemi, l'on reçut des dépêches de France qui déterminèrent le départ de Montcalm pour Québec, où il arriva le 22 mai, et fut suivi bientôt après par M. de Vaudreuil et le chevalier de Levis. Les navires d'Europe confirmaient le rapport des dépêches qu'une flotte anglaise était en route pour attaquer la capitale, laquelle devint dès lors le principal point à défendre. Le 23 un courrier annonça l'apparition de cette flotte au Bic. Les événemens se précipitaient. On redoubla d'activité pour la défense; et afin de retarder l'approche des envahisseurs, les bouées et autres indications nécessaires à la navigation du St. – Laurent furent enlevées, et des brûlots furent préparés pour lancer contre eux lorsqu'il paraîtrait en vue du port. L'on fit acheminer aussi les approvisionnemens sur les Trois-Rivières avec les archives publiques: on ne réserva dans Québec que ce qu'il fallait pour nourrir l'armée et le peuple pendant un mois. On leva le peu de céréales qui restait encore dans les campagnes de la partie supérieure du pays, et pour le paiement desquelles les officiers de l'armée avancèrent leur argent. Les magasins pour l'équipement des troupes furent placés à Montréal. Enfin il fut acheté des marchandises pour donner en présent aux tribus indiennes de Niagara et du Détroit qui étaient restées attachées à la France ou qui dissimulaient leur traité avec les Anglais, afin de les induire aussi à garder au moins la neutralité.

Ces premiers points réglés, l'on s'occupa de l'organisation de l'armée et de la défense de la capitale, dont la perte devait entraîner celle du Canada. D'abord, quant à cette ville elle-même, elle ne fut point jugée tenable ni même à l'abri d'un coup de main du côté de la campagne, où le rempart commencé, dépourvu de parapet, d'embrasures et de canons, n'avait que six à sept pieds de hauteur, et n'était protégé extérieurement par aucun fossé ni glacis; et d'un commun accord, il fut décidé de la couvrir par un camp retranché où l'armée prendrait position.

Québec est bâti, comme on l'a dit ailleurs, sur un promontoire formant l'extrémité est d'un îlot qui se termine du côté opposé, au bout d'environ 12 milles, par un escarpement dont la rivière du Cap-Roupe baigne le pied. A l'est et au sud de cet îlot le St. – Laurent, large d'un mille ou moins, roule des flots profonds; au nord règne la belle vallée St. – Charles, qui forme un bassin de 3 à 4 milles de large en arrivant au fleuve et que chaque marée recouvre d'eau l'espace d'un petit mille du côté de Québec et de plus de 4 milles le long de Beauport et de la Canardière. A marée basse le cours d'eau qui descend dans cette vallée est guéable. Cet îlot très escarpé du côté du fleuve, et haut de 100 à 300 pieds, était regardé comme inaccessible surtout dans l'endroit qu'occupait la ville, 22 dont les points les plus faibles en face du port furent garnis de muraille et de palissades et les communications entre les parties hautes et basses coupées et défendues par de l'artillerie. On pensait que des batteries placées sur les quais de la basse-ville et sur l'escarpement de la haute, dont le feu se croiserait sur le port et le bassin, outre qu'elles serviraient à protéger l'accès de la plage, seraient suffisantes pour empêcher aucun vaisseau de remonter le fleuve au-dessus. Il ne restait donc plus dans cette hypothèse, qu'à défendre l'entrée de la rivière St. – Charles et à fortifier le rivage de la Canardière et de Beauport jusqu'au sault de la rivière Montmorency, et ensuite le côté droit de ce cours d'eau, qui descend des montagnes et qui coupe la communication de la rive gauche du St. – Laurent par une suite de cascades jusqu'à la grande cataracte qu'il forme en se jetant dans le fleuve d'une hauteur de 260 pieds.

Note 22:(retour) «Il n'y a pas lieu de croire, dit l'ordre de bataille du 10 juin, que les ennemis pensent à tenter à passer devant la ville et à faire le débarquement à l'anse des Mères; et tant que les frégates subsisteront, nous n'avons du moins rien à craindre pour cette partie.»

On barra en conséquence la rivière St. – Charles au fond du bassin, vis-à-vis de la porte du Palais, avec des mâtures enchaînées les unes aux autres, retenues par des ancres et protégées par 5 bateaux placés en avant, portant chacun une pièce de canon. En arrière de ce barrage on coula deux navires marchands pour y établir une batterie de gros calibre rayonnant sur le bassin. La rive droite de la rivière St. – Charles, depuis la porte du Palais jusqu'au pont de bateaux établi sur cette rivière à l'endroit où aboutissaient les routes de Beauport et Charlesbourg, fut bordée de retranchemens sur lesquels on plaça aussi de l'artillerie pour défendre l'entrée de St. – Roch et empêcher l'ennemi de s'emparer par surprise des hauteurs de Québec. La position de l'armée fut marquée de ce pont communiquant à la ville et dont les têtes étaient défendues par des ouvrages à corne, jusqu'à la rivière Montmorency, et dès que les troupes eurent passé de la rive droite de la rivière St. – Charles, où elles s'étaient d'abord retranchées, dans leur nouvelle position, du côté opposé, elles se couvrirent de retranchemens qui suivaient les sinuosités du rivage, et qu'elles flanquèrent de redoutes garnies de canons dans les endroits où la descente paraissait le plus facile. Dans le centre de cette ligne, à l'embouchure de la rivière Beauport, on établit encore une batterie flottante de 12 bouches à feu.

La petite flottille qui restait, c'est-à-dire les deux frégates, les bateaux et les brûlots, fut mise sous les ordres du capitaine Vauquelin. On posa des gardes de distance en distance au pied de la falaise le long du fleuve depuis la ville jusqu'au dessus du Foulon, où une rampe avait été pratiquée pour communiquer avec le plateau au fond des plaines d'Abraham. Une petite redoute avec du canon gardait cette issue. Tels sont les préparatifs de défense que l'on fît à Québec et dans les environs.

Dans ce plan, supposant toujours le fleuve infranchissable devant Québec, et l'armée de Beauport trop solidement établie pour être forcée, il ne restait plus à l'armée envahissante qu'à débarquer sur la rive droite du St. – Laurent, la remonter une certaine distance, traverser ensuite sur la rive gauche et la descendre pour venir prendre l'armée française à revers en l'attaquant par les routes de Charlesbourg et Bourg-Royal. C'était une opération difficile et sans doute jugée impraticable à cette époque, la retraite étant impossible en cas d'échec.

L'armée française grossissait chaque jour par l'arrivée des milices de toutes les parties du pays. Il ne resta bientôt plus dans les campagnes que des femmes, des enfants et des vieillards. Tous les hommes en état de porter les armes étaient à Québec, à Carillon, sur le lac Ontario, à Niagara et dans les postes du lac Erié et de la partie de la vallée de l'Ohio qui restait encore aux Français.

Par l'ordre de bataille, la droite de l'armée de Québec, composée des milices des gouvernemens de ce nom et des Trois-Rivières, formant 4,380 hommes sous les ordres de MM. de St. – Ours et de Bonne, occupait la Canardière; le centre, fort de 5 bataillons de réguliers comptant 2,000 combattans, sous les ordres du brigadier de Sénezergues, gardait l'espace compris entre la rivière et l'église de Beauport, et la gauche, formée des milices du gouvernement de Montréal au nombre de 3,450 hommes, sous le commandement de MM. Prud'homme et d'Herbin, s'étendait depuis cette église jusqu'à la rivière Montmorency. Le général de Levis commandait la gauche et le colonel de Bougainville la droite. Le général en chef se réserva le centre, où il établit son quartier général. Un corps de réserve composé de 1,400 soldats de la colonie, 350 hommes de cavalerie et 450 Sauvages, en tout 2,200 combattans, commandés M. de Boishébert revenu des frontières de l'Acadie, prit position en arrière du centre de l'armée sur les hauteurs de Beauport. Si à ces forces l'on ajoute la garnison de Québec formée de ses habitans et comptant 650 hommes aux ordres de M. de Ramsay, et les marins, l'on aura un grand total de 13,000 combattans. 23 «On n'avait pas compté, dit un témoins oculaire (documens de Paris), sur une armée aussi forte, parce qu'on ne s'était pas attendu à avoir un si grand nombre de Canadiens; on n'avait eu intention d'assembler que les hommes en état de soutenir les fatigues de la guerre; mais il régnait une telle émulation dans ce peuple que l'on vit arriver au camp des vieillards de 80 ans et des enfans de 12 à 13 qui ne voulurent jamais profiter de l'exemption accordée à leur âge: jamais sujets ne furent plus dignes des bontés de leur souverain soit par leur constance dans le travail, soit par leur patience dans les peines et les misères qui, dans ce pays, ont été extrêmes; ils étaient dans l'armée exposés à toutes les corvées. 24»

Note 23:(retour) Le recensement fait dans l'hiver donne 15,200 hommes capables de porter les armes dans les trois gouvernemens du Canada.

Note 24:(retour) Les 3 autres bataillons de troupes réglées qu'il y avait en Canada étaient sur le lac Champlain avec en outre 300 hommes détachés des 5 bataillons des troupes réglées du camp de Beauport: Lettre de M. de Bourlamarque au ministre, 1 novembre 1759. L'auteur du Journal tenu à l'armée du marquis de Montcalm dit 5 bataillons de troupes de terre (environ 1,600 hommes), 600 des troupes de la colonie, 10,400 Canadiens, 918 sauvages et 200 hommes de cavalerie, total 13,718 combattans. -Document de Paris.

L'on attendit les ennemis dans cette position vraiment formidable. Le gouverneur et les officiers de l'administration laissèrent la ville et se retirèrent à Beauport. Les principales familles gagnèrent les campagnes emportant avec elles ce qu'elles avaient de plus précieux.

Cependant les vaisseaux anglais que l'on avait vus au Bic, et dont l'immobilité dans cette partie du fleuve avait fini par surprendre, n'était qu'une avant-garde commandée par l'amiral Durell, envoyée de Louisbourg pour intercepter les secours venant de France. Une puissante escadre, sous les ordres de l'amiral Saunders, avait fait voile dans le mois de février pour aller prendre l'armée du général Wolfe à Louisbourg et la transporter à Québec. Mais ayant trouvé le port de Louisbourg fermé par les glaces, elle alla en attendre la débâcle à Halifax. Au retour de la flotte, le général Wolfe s'embarqua immédiatement avec 8 régimens de ligne, 2 bataillons de fusiliers royal-américains, les 3 compagnies de grenadiers de Louisbourg, 3 compagnies de chasseurs (rangers), une brigade de soldats du génie, formant en tout, y compris 1000 soldats de marine, 11,000 hommes environ. 25

Note 25:(retour) Louisbourg, 19 mai 1759. – «We are ordered to attack Québec, a very nice operation. The fleet consists of 22 sails of the line and many frigates. The army is 9,000 men (in England it is called 12,000). We have 10 battalions, 3 companies of grenadiers, some mariners (if the admiral can spare them), and six new-raised companies of north american rangers not complete and the worse soldiers in the universe; a great train of artillery, plenty of provisions, tools and implements of all sorts 5; the brigadiers under one all men of great spirit, some colonels of reputation. Carleton for a Qr. – Mr. – General, and upon whom I chiefly rely; for the engineering part, engineers very indifferent and of little experience, but we have none better. The regular troops in Canada consist of 8 battalions of old foot, about a battalion or 40 companies of mariners or colony troops, 40 men a company. They can gather together 8 or 10 thousand Canadians, and perhaps a thousand Indians. As they are attacked on the side of Montreal, by an army of 12 thousand fighting men, they must necessarily divide their force, but as the loss of the capital implies the loss of the colony, their chief attention will naturally be there, and therefore I reckon we may find at Québec 6 battalions, some companies of mariners, 4 or 5,000 Canadians and some Indians all together not much inferior to their enemy. The town of Québec is poorly, but the ground round about it is rocky. To invest the place and cut off all communications with the colony it will be necessary to encamp with our right to the river St. Lawrence and our left to the river St. Charles.»

Note. – Le général Wolfe dit ici que son armée était de 9,000 hommes, chiffres ronds; mais les ordonnances de paiement des troupes prouvent qu'elle était d'au moins 10,000 hommes, y compris les officiers, outre les soldats de marine.

Le général Wolfe était un jeune officier plein de talens et brûlant du désir de se distinguer. Le duc de Bedford lui avait donné un emploi assez considérable en Irlande; il l'avait quitté pour prendre part à la guerre, laissant son avancement à la fortune. «Elle a été écrivait-il, peu favorable à ma famille; mais pour moi elle m'a souri quelquefois et m'a fait participer à ses faveurs. Je me remets entièrement à sa discrétion. 26» Sa conduite au siège de Louisbourg attira l'attention sur lui, et le fit choisir pour commander l'expédition de Québec, qui demandait à la fois de l'activité, de la hardiesse et de la prudence. On lui donna des lieutenans animés de la même ambition. Les brigadiers Monckton, Townshend et Murray, quoiqu'aussi à la fleur de l'âge, avaient étudié la guerre avec fruit, et s'ils étaient jeunes en années, dit un historien, ils étaient déjà vieux par l'expérience. Wolfe était fils d'un ancien major-général qui avait servi avec quelque distinction. Les trois autres appartenaient à la noblesse: Townshend à l'ordre de la pairie. Tous ils s'embarquèrent remplis d'émulation et d'espérance. «Si le général Montcalm, s'écriait Wolfe, est capable de frustrer nos efforts encore cette année, il pourra passer pour un officier habile, ou la colonie, a des ressources que l'on ne connaît pas, ou enfin nos généraux sont plus mauvais que de coutume.»

Note 26:(retour) Lettre au major Wolfe, du 21 janvier 1759.

L'escadre forte de 20 vaisseaux de ligne, d'un pareil nombre de frégates et autres bâtimens de guerre plus petits et d'une multitude de transports, remonta le St. Laurent et atteignit l'île d'Orléans sans aucun accident le 25 juin. On fut étonné dans le pays de l'heureuse fortune de cette flotte, qui avait su éviter tous les périls de la navigation du fleuve. On a ignoré jusqu'à nos jours que le commandant d'une frégate française, Denis de Vitré, fait prisonnier pendant la guerre, avait été forcé de lui servir de pilote jusqu'à Québec, sa patrie, trahison dont il fut récompensé ensuite par un grade au service de l'Angleterre. Bientôt l'ennemi eut près de 30,000 hommes; de terre et de mer devant cette ville.

L'armée anglaise débarqua en deux divisions sur l'île d'Orléans évacuée de la veille par les habitans, et vint prendre position à son extrémité supérieure en face de Québec et du camp de Beauport. Le général Wolfe adressa un manifeste au peuple canadien, qui devait demeurer sans effet. L'escadre anglaise se réunit graduellement sous cette île, et on commença à faire reconnaître le bassin et la rade de la ville. Le capitaine Cook, qui s'est immortalisé par ses voyages de découverte, fut un des officiers employés pour ce service. Il est digne de remarque que des deux premiers navigateurs qui aient fait le tour; du globe, Cook et Bougainville, se trouvaient alors sous les murs de Québec combattant chacun pour sa patrie.

Pendant ces reconnaissances, les Français préparèrent les brûlots qu'ils tenaient en réserve pour les lancer contre la flotte ennemie: toujours groupée sous l'île d'Orléans; Le 28 juin le vent étant favorable, sept brûlots de 3 à 400 tonneaux chacun furent lâchés; mais ceux qui les conduisaient y ayant mis le feu trop tôt, les Anglais eurent le temps d'en changer la direction en les remorquant au large de leurs vaisseaux, qui en furent quittes pour la peur. Un mois après furent lancés les radeaux enflammés, qui se consumèrent avec le même résultat; de sorte que ces machines, dans le fond rarement dangereuses, mais auxquelles l'imagination du peuple attribue toujours un effet extraordinaire, s'évanouirent en fumée, et débarrassèrent l'ennemi de l'inquiétude qu'elles pouvaient lui causer.

Le général Wolfe cependant après avoir examiné la situation de la ville et de l'armée française, trouva les difficultés de son entreprise encore plus grandes qu'il ne les avait supposées. D'un côté une ville bâtie sur un rocher inaccessible, de l'autre une armée nombreuse fortement retranchée pour en défendre l'approche. Il paraît qu'il commença dès lors à avoir des doutes sur le résultat. Ses tâtonnemens dévoilèrent au général Montcalm l'indécision de ses plans et le confirmèrent dans sa résolution de rester immobile dans son camp de Beauport. Ne pouvant approcher de Québec, Wolfe résolut, en attendant qu'il découvrit quelque point vulnérable pour attaquer Montcalm, de bombarder la ville et de dévaster les campagnes dans l'espoir d'obliger les Canadiens à laisser l'armée pour mettre leurs familles et leurs effets en sûreté.

Une partie de l'armée anglaise qui était débarquée sur l'île d'Orléans, traversa à cet effet à la Pointe-Levy le 30 juin, et y prit position en face de la ville en délogeant un petit corps de Canadiens et de sauvages qui y avait été placé en observation; c'était ce que le général Montcalm appréhendait le plus et ne pouvait empêcher à cause de la nature des lieux N'osant risquer un gros corps au-delà du fleuve, il donna, lorsqu'il vit les préparatifs de l'ennemi pour le bombardement; 14 ou 1500 hommes de toutes sortes à M. Dumas pour tâcher de surprendre et détruire les ouvrages et les batteries du-général Monckton. Cet officier traversa le fleuve au sault de la Chaudière dans la nuit du 12 au 13 juillet et se mit en marche sur deux colonnes; mais dans l'obscurité une colonne devança l'autre en passant un bois, et celle qui se trouva en arrière, apercevant tout-à-coup des troupes devant elle, les prit pour des ennemis et les attaqua. La première colonne se voyant assaillie par-derrière brusquement, se crut coupée, riposta, tomba en désordre et, saisie d'une terreur panique, elle prit la fuite, entraînant la seconde après elle. Dès 6 heures du matin le détachement avait repassé le fleuve. On a donné à cette échauffourée le nom de Coup des écoliers, parce que les élèves des écoles qui formaient partie du détachement, furent la cause première du désordre.

C'est dans la même nuit que les batteries de la Pointe-Levy ouvrirent leur feu sur la ville: L'on dut voir alors que les assiégeans ne reculeraient devant aucune mesure extrêmes, et que les lois de la guerre seraient suivies avec rigueur, puisque ce bombardement était complètement inutile pour avancer la conquête. Mais ce n'était que le commencement d'un système de dévastation qui, en Europe, eût attiré sur son auteur l'animadversion des peuples, et dont l'exemple donné autrefois en Allemagne par Turenne a été blâmé par tous les historiens anglais. Les premiers projectiles qui tombèrent sur cette cité dont chaque maison pouvait être distinguée de l'ennemi, fit fuir les habitants qui y étaient restés, d'abord derrière les remparts du côté des faubourgs, et ensuite dans les campagnes. On retira les poudres, et une partie de la garnison s'organisa en sapeurs-pompiers pour éteindre les incendies. Dans l'espace d'un mois les plus belles maisons de la ville avec la cathédrale devinrent la proie des flammes. La basse-ville fut entièrement incendiée dans la nuit du 8 au 9 août. La plus grande et la plus riche portion de Québec n'était plus qu'un monceau de ruines, et quantité de citoyens riches auparavant se trouvèrent réduits à l'indigence. Bon nombre de personnes furent tuées. Le canon des remparts était inutile. La distance, plus d'un mille, par-dessus le fleuve, était trop grande pour qu'il pût incommoder les batteries anglaises, invisibles à l'oeil nu au travers des bois et des broussailles qui les masquaient.

Après avoir détruit la ville, le général Wolfe se rejeta sur les campagnes. Il fit brûler toutes les paroisses depuis l'Ange-Gardien au levant du sault Montmorency jusqu'aux montagnes du cap Tourmente et couper les arbres fruitiers. Il fit subir le même sort à la Malbaie, à la baie St. – Paul, et aux paroisses St. – Nicolas et Ste. – Croix sur la rive droite du St. – Laurent, à quelques lieues au-dessus de Québec. L'île d'Orléans fut également incendiée d'un bout à l'autre On choisissait la nuit pour commettre ces ravages, que l'on portait ainsi sur les deux rives de ce grand fleuve partout où l'on pensait mettre le pied, enlevant les femmes et les enfans, les vivres et les bestiaux. Plus la saison avançait plus on se livrait à cette guerre de brigandages par vengeance des échecs qu'on éprouvait et pour effrayer la population. Un détachement de 300 hommes sous les ordres du capitaine Montgomery, envoyé à St. – Joachim où quelques habitans se mirent en défense, y commit les plus grandes cruautés. 27 Du camp de Beauport l'on apercevait à la fois les embrâsemens de la côte de Beaupré, de l'île d'Orléans et d'une partie de la rive droite du fleuve.

Note 27:(retour) «There were several of the enemy killed and wounded and a few prisoners taken, all of whom the barbarous Capt. Montgomery who commanded us, ordered to be butchered in a most inhuman and cruel manner,» &c. -Manuscript Journal relative to the operations before Québec in 1759, kept by Colonel Malcolm Fraser, then lieutenant of the 78th (Fraser's Highlanders).

Ces dévastations, dans lesquelles plus de 1,400 maisons furent incendiées dans les campagnes, 28 n'avançaient pas cependant le but de la guerre. Les Français ne bougeaient pas. Après beaucoup de délais le général Wolfe, ne voyant point d'autre alternative que d'attaquer le général Montcalm par son flanc gauche dans la position qu'il s'était choisie, prit la résolution de faire passer le gros de son armée de l'île d'Orléans à l'Ange-Gardien, et de chercher des gués pour franchir la rivière Montmorency. Mais Montcalm avait déjà fait reconnaître et fortifier ceux qui existaient. Frustré de ce côté, le général anglais dut tourner son attention ailleurs. Il ordonna à quelques vaisseaux de tâcher de remonter au-dessus de la ville. S'il réussissait et s'il pouvait mettre son armée à terre à l'ouest de Québec, la position du général Montcalm était tournée. La force de cette position consistait toute dans l'impossibilité de ce passage; si cette impossibilité disparaissait, l'ordre de bataille devait être aussitôt changé. Le 18 juillet les ennemis tentèrent ce passage avec deux vaisseaux de guerre, deux chaloupes armées et deux transports, et malgré les boulets de la ville l'exécutèrent avec la plus grande facilité en serrant de près le rivage de la Pointe-Levy. Mais l'examen de la côte leur fit regarder le débarquement entre la ville et le Cap-Rouge comme trop chanceux, et après avoir poussé un détachement jusqu'à la Pointe-aux-Trembles pour faire des prisonniers, le général Wolfe ne vit plus d'autre parti à prendre que d'aborder de front les retranchemens des Français où se retirer. L'attaque de leur droite et de leur centre présentant trop de dangers, il décida de limiter ses efforts à leur gauche, en l'attaquant en front par le fleuve St-Laurent et en flanc par la rivière Montmorency. Voici quelles furent ses dispositions.

Note 28:(retour) «We burned and destroyed upwards of 1,400 fine farm houses, for we durin the siege were masters of a great part or their country along shore, and parties were almost continually kept out, ravaging the country; so that'tis tho't it will take them half a century to recover the damage.» -A Journal of the expedition up the river St. – Lawrence &c., publié dans le New-York Mercury du 31 décembre 1759. Et cependant un écrivain du temps, parlant de la conduite de M. de Contades et du maréchal Richelieu en Allemagne par opposition à celle du général Wolfe en Canada, ajoute avec naïveté: «But (said the late general Wolfe) Britons breathe higher sentiments of humanity and listen to the merciful dictates of the Christian Religion, which was verified in the brave soldiers whom he led on to conquest, by their shewing more of the true Christian spirit than the subjects of His Most Christian Majesty can pretend to.»

La rive gauche du Montmorency qu'il occupait étant près du fleuve plus élevée que la droite, il y fit augmenter les batteries qu'il y avait déjà et qui enfilaient par-dessus la rivière tes retranchemens des Français. Le nombre des canons, mortiers ou obusiers fut porté à plus de 60. Il fit échouer ensuite sur les récifs deux transports portant chacun 14 pièces de canon, l'un à droite et l'autre à gauche d'une petite redoute en terre élevée sur le rivage, au pied de la route de Courville, pour défendre à la fois l'entrée de cette route qui conduit sur la hauteur et le passage du gué de Montmorency en bas de la chute. Le feu de ces deux transports devait se croiser sur cette redoute, la réduire au silence et couvrir la marche des assaillans sur ce point accessible de notre ligne. Le Centurion de soixante canons vint-ensuite se placer vis-à-vis de la chute, pour protéger le passage du gué dont nous venons de parler aux troupes qui devaient descendre du camp de l'Ange-Gardien. Ainsi 118 bouches à feu devaient tonner contre l'aile gauche de l'armée de Montcalm. Vers midi, le 31 juillet, elles ouvrirent leur feu. Dans le même temps le général Wolfe forma ses colonnes d'attaque. Plus de 1,500 berges étaient en mouvement sur le bassin de Québec. 1,200 grenadiers et une partie de la brigade du général Monckton s'embarquèrent à la Pointe-Levy pour venir débarquer entre le Centurion et les transports échoués. La seconde colonne, composée des brigades Murray et Townshend, descendit des hauteurs de l'Ange-Gardien pour venir, par le gué, se joindre à la première colonne au pied de la route de Courville, afin d'aborder ensemble cette route et les retranchemens qui l'avoisinaient. Ces deux corps formaient 6,000 hommes. Un troisième corps de 2,000 soldats fut chargé de remonter la rive gauche du Montmorency pour franchir cette rivière à un gué qui est à une lieue environ de la chute, et qui était gardé par un détachement sous les ordres de M. de Repentigny. À une heure ces trois colonnes étaient en marche pour exécuter un plan d'attaque qui aurait été beaucoup trop complexe pour des troupes moins disciplinées que celles du général Wolfe.

Le général Montcalm, quelque temps incertain sur le point qui allait être assailli, avait envoyé ses ordres sur toute la ligne pour se tenir prêt à repousser les ennemis partout où ils se présenteraient; mais bientôt leurs mouvemens firent connaître le lieu précis où ils voulaient opérer leur débarquement, et où le général de Levis se préparait à les bien recevoir. Celui-ci détacha 500 hommes au secours de M. de Repentigny, et ordonna à un petit parti de suivre le mouvement du corps anglais qui allait l'attaquer au gué du Montmorency. Il fit demander en même temps quelques bataillons de réguliers du centre pour le soutenir en cas de besoin. Le général Montcalm vint à deux heures examiner la situation de sa gauche, en parcourut les lignes, approuva les dispositions du chevalier de Levis, donna de nouveaux ordres et retourna au centre afin d'être plus à portée d'observer ce qui se passait partout. Trois bataillons avec quelques Canadiens des Trois-Rivières vinrent renforcer cette aile gauche; la plus grande partie se plaça en réserve sur la grande route de Beauport et le reste gagna le gué défendu par M. de Repentigny. Cet officier avait été attaqué par la colonne anglaise avec assez de vivacité; mais il l'avait forcée d'abandonner son entreprise après lui avoir mis quelques hommes hors de combat. La retraite de ce corps permit aux renforts qui arrivaient à M. de Repentigny de rebrousser chemin et de revenir sur le théâtre de la principale attaque.

La colonne de la Pointe-Levy cependant qui venait sur des berges, sous les ordres immédiats du général Wolfe lui-même, après avoir fait beaucoup de mouvemens divers comme pour tromper les Français sur le véritable point où elle voulait opérer sa descente, se dirigea enfin vers les transports échoués; en arrivant la marée étant basse une partie des berges fut arrêtée par une chaîne de cailloux et de galets, qui la retint quelque temps et causa quelque désordre; mais le général en chef fit surmonter bientôt tous les obstacles. Les grenadiers et 200 hommes d'autres troupes furent les premiers qui mirent pied à terre sur une place très large et unie. Ils devaient se former en quatre divisions et marcher soutenus par la brigade Monkton qui était derrière eux. Par quelque malentendu cet ordre ne fut pas ponctuellement exécuté. Ils se mirent en colonne; et suivis, mais de trop loin, par la brigade Monckton rangée en trois divisions, ils marchèrent sur la redoute qui gardait l'entrée de la route de Courville, au son d'une musique guerrière. La redoute avait été évacuée. Les grenadiers s'y arrêtèrent et se formèrent en colonnes d'attaque pour assaillir les retranchemens qui étaient à une petite portée de fusil, tandis que toutes les batteries ennemies, redoublant de vigueur, faisaient pleuvoir depuis midi sur les Canadiens qui défendaient cette partie de la ligne française, une grêle de bombes et de boulets que ceux-ci essuyaient avec la plus grande patience et la plus grande fermeté. Lorsque les assaillans furent formés, ils s'ébranlèrent la bayonnette au bout du fusil pour aborder les retranchemens. Leur costume et leur attitude contrastaient singulièrement avec l'apparence de leurs adversaires, enveloppés d'une légère capote fortement serrée autour des reins et n'ayant, pour suppléer à leur discipline, que leur courage et la justesse remarquable de leur tir. Ils attendirent froidement que l'ennemi atteignit le pied du côteau, à quelques verges seulement de leur ligne, pour les coucher en joue. Alors 29 ils lâchèrent, des décharges si meurtrières sur les deux colonnes anglaises, qu'en peu de temps elles furent jetées en désordre, et, malgré, les efforts des officiers, elles prirent toutes la fuite pêle-mêle pour aller chercher un abri derrière la redoute, où elles ne purent jamais être reformées, et ensuite derrière le reste de leur armée, qui était en lignes développées un peu plus loin. Au même moment survint un orage furieux de pluie et de tonnerre, qui déroba les combattans à la vue les uns des autres pendant quelque temps, et dont le bruit plus imposant et plus vaste, fit taire celui de la bataille. Lorsque la tempête fut finie et que le brouillard se fut dissipé, les Français aperçurent les ennemis qui se rembarquaient avec leurs blessés, après avoir mis le feu aux deux transports échoués, se retirant comme ils étaient venus, les uns dans leurs berges, et les autres par le gué de Montmorency. Le feu de leur nombreuse artillerie, à laquelle on n'avait pu répondre qu'avec une dizaine de pièces de canon, qui avaient incommodé cependant beaucoup les troupes de débarquement, le feu de leur artillerie dura sans discontinuer jusqu'au soir, et l'on estime qu'elle tira 3000 coups de canon dans cette journée. La perte des Français, causée presqu'entièrement par cette arme fut peu considérable, si l'on considère qu'ils furent plus de six heures exposés à une grêle de projectiles. Les ennemis eurent environ 5100 hommes hors de combat dont un grand nombre d'officiers.