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Buch lesen: «Les Dernières Années du Marquis et de la Marquise de Bombelles», Seite 12

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CHAPITRE VII

Mme de Bombelles et ses enfants s'installent à Wartegg près de Saint-Gall. – Lettres de Madame Élisabeth. – Nouvelles politiques. – La Constitution votée. – Conférences de Pilnitz. – Situation de plus en plus ambigue du Roi et de la Reine. – Désaccord avec les princes. – La Cour de Coblentz. – Lettres du marquis de Raigecourt. – Madame Élisabeth s'emploie à ramener la concorde entre ses frères. – Calonne et Breteuil. – Illusions des émigrés. – Fausse nouvelle d'une fuite de la famille royale. – La vie à Wartegg. – Correspondance de Madame Élisabeth. – Départ mystérieux de Bombelles.

Les événements vont se précipiter, et il nous est interdit, Bombelles n'étant que spectateur lointain, de faire autre chose que des allusions à la Constitution et aux conférences de Pilnitz. Sans doute le marquis n'aura pu se faire à l'idée que la Constitution acceptée par le Roi puisse s'élaborer facilement. Partage-t-il les illusions du marquis de Raigecourt sur ces conférences où l'Empereur et le Roi de Prusse se rencontrèrent avec le comte d'Artois? La déclaration très menaçante, très belliqueuse du 27 août, n'était au fond, suivant l'expression de Mallet du Pan, «qu'une comédie auguste». L'Autriche et la Prusse s'engageaient bien à agir dans le but d'aider le Roi de France à affermir les bases d'un gouvernement monarchique, mais seulement dans le cas de concours des autres puissances146, cette restriction annulait toute la portée de l'acte. Le concours général des puissances était «bien difficile», suivant l'expression de Léopold lui-même: le manifeste ne faisait donc sans sanction possible qu'exalter les espérances des émigrés et que compromettre ceux qu'on avait la prétention de sauver.

On est fort belliqueux à Coblentz; tandis que le marquis de Bouillé confère à Berlin avec le feld-maréchal Lascy et le prince de Hohenlohe147, le comte d'Artois et le maréchal de Broglie choisissent leurs aides de camp. M. de Raigecourt, sur le désir de Madame Élisabeth, sera attaché au comte d'Artois…

Mme de Bombelles a définitivement quitté Stuttgard et s'est installée à Wardeck, dans le vieux château qui leur a été prêté.

C'est là que lui parviennent les lettres de Madame Élisabeth, véritable journal par lequel elle tient son amie au courant des événements. «A combien de lieues es-tu de moi?» écrit, le 25 août, la princesse, qui semble un peu brouillée avec la géographie quand elle ajoute: «Si tu n'étais pas plus tranquille dans ton château, je regretterais que tu ne fusses plus à Stuttgard, car il me semblait que tu étais tout près de nous, tandis que ton vilain château me paraît aux antipodes. Je voudrais bien que mes lettres fussent pour toi un agréable journal, mais il s'en faut de beaucoup que cela puisse être…»

Cependant la princesse est d'humeur à vouloir «divertir» son amie, et elle lui raconte les petites histoires du château. Une sentinelle sur la terrasse des Feuillants recevant des marrons sur la tête a cru qu'on lui jetait des pierres. «En conséquence il a tiré. Le caporal accourt à ce bruit, monte sur le mur, voit deux hommes se promenant dans la cour des Feuillants, tire dessus. Heureusement ils n'ont point été blessés. C'était deux hommes de la garde.» Autre aventure de sentinelle. «Celle-ci s'est endormie dans un corridor du haut, a rêvé je ne sais quoi, s'est éveillée en criant. Dans le même moment, tous les postes jusqu'au fond de la galerie du Louvre en ont fait autant. Dans le jardin il y a eu aussi des terreurs paniques. Tout cela entretient la garde dans une terreur apparemment fort utile pour ceux qui sont cause de toutes ces bêtises148. Il a été question hier de la maison militaire du Roi. Il aura douze cents hommes à pied et six cents à cheval qui seront choisis dans les troupes de ligne et dans la garde nationale. Outre cela il aura la garde d'honneur que la ville où il sera lui fournira. Tu conviendras que tout cela fera un Roi bien et librement gardé. On le croira et c'est tout de même. M. le duc d'Orléans a renoncé à ses droits au trône dans la séance d'hier. Voilà, ma Bombe, toutes les nouvelles intéressantes que mon pays peut fournir. La fête du Roi se passe avec toute la modestie possible… Il n'y a pas la moindre différence des autres jours. On ne lui permet même pas d'entendre la messe dans la chapelle.»

Querelle à l'Assemblée, désunion du parti républicain, éloquence inutile de Malouet, puisque la droite ne le suivit pas et que Barnave ne put lui apporter l'aide promise. Le Chapelier, qui n'était pas dans le secret, interrompit Malouet avec violence et réussit à le faire descendre de la tribune. Ainsi finit, le 30 juillet le discours charmant dont parle Madame Élisabeth. On se hâtait à l'Assemblée, de terminer la Constitution; le 3 août, elle était remise par le député Thouret au Roi, qui déclara qu'il l'examinerait et donnerait sa décision au plus vite. Il y a eu beaucoup de cris de Vive le Roi et même de Vive la Reine; des applaudissements ont éclaté quand le Roi est sorti des vêpres. «Paris n'est point dans l'effervescence. Il y a un monde énorme aux Tuileries, mais c'est tous gens d'une assez bonne tournure. On en aperçoit de temps en temps dont le cœur est pénétré; le reste est calme, et tous ils sont bien aises de voir leur ancien maître dans l'espoir qu'il signera promptement ce superbe ouvrage dont ils ont tous la tête tournée et qu'ils croient fait pour leur bonheur.»

Les départements préparent les élections. Versailles s'est signalé en patriotisme; le fameux Lecointre «qui se pique d'être royaliste est le premier de la liste. Les législateurs constituants sont très empressés de céder la place à leurs successeurs… Dans l'attente de la signature de la Constitution par le Roi les billets de Madame Élisabeth sont hérissés de politique…» Je voudrais avoir quelque chose d'amusant à te mander, mais nous n'abondons pas dans cette marchandise, d'autant que le pain qui commence à renchérir ici, en rappelant un temps fort triste, fait craindre pour cet hiver assez de mouvements… La Révolution, ses suites, l'entrée des émigrés, la Constitution, voilà sur quoi roulent toutes les conversations des cercles de Paris… A la veille de l'acceptation par le Roi de la Constitution, Madame Élisabeth se montre sérieuse et pense à l'avenir qui peut découler de cette Constitution qu'elle a été loin de désirer, et dont tant de gens autour d'elle et dans toutes les classes attendent à la fois bien général et amélioration dans l'état même du Roi.

Il s'agit avant tout pour la princesse que les actes des princes, surtout du comte d'Artois, soient bien d'accord avec les idées et les programmes du Roi… «On perdrait tout si l'on pouvait avoir d'autre vue pour le Futur149 que celle de la confiance et de la soumission aux ordres du Père150. Toute vue, toute idée, tout sentiment doit céder à celui-là… Plus je le sens difficile, plus je le désire.» Madame Élisabeth, en son langage énigmatique, donnait à Mme de Raigecourt des explications destinées à être montrées, rappelait dans quelle position s'était trouvé le malheureux Père qui, ne pouvant régir son bien lui-même, avait dû se jeter dans les bras de son fils. «Celui-ci a eu des procédés parfaits pour ce pauvre homme, malgré tout ce que l'on a fait pour le brouiller avec la Belle-Mère151.» D'après la princesse, le comte d'Artois aurait toujours résisté à ce genre de conseils, mais il n'aime guère cette Belle-Mère dont les dépenses lui ont toujours paru exagérées… il n'est pas aigri; mais à un moment donné il peut subir des influences…

Quant au Père, Madame Élisabeth se fait l'illusion de le considérer comme guéri; «ses affaires sont remontées; mais, comme sa tête est revenue, dans peu il voudra reprendre la gestion de ses biens; et c'est là le moment que je crains. Le Fils qui voit des avantages à les laisser dans les mains où elles sont, y tiendrait; la Belle-Mère ne la souffrira pas; et c'est ce qu'il faudrait éviter en faisant sentir au jeune homme que, même pour son intérêt personnel, il doit ne pas prononcer son opinion sur cela, pour éviter de se trouver dans une position très fâcheuse… Il faudrait aussi qu'on persuadât au jeune homme de mettre un peu plus de grâce avec sa Belle-Mère, seulement de ce charme qu'un homme sait employer quand il veut, et avec lequel il lui persuadera qu'il a le désir de la voir ce qu'elle a toujours été. Par ce moyen il s'évitera beaucoup de chagrin, et jouira paisiblement de l'amitié et de la confiance de son Père… On te dira du mal de la Belle-Mère; je le crois exagéré; mais le seul moyen de l'empêcher de se réaliser est celui que je te dis… Le jeune homme a fait une fière sottise en ne voulant pas se lier avec un ami de ladite dame.» Cet ami, c'est M. de Breteuil, et ceci sera pour plaire à l'alter ego du baron, à Bombelles, appelé à être instruit par les Raigecourt de cette lettre remplie d'avis sages et de conseils modérés.

Madame Élisabeth a terminé sa lettre le 14. «Je le savais bien, voilà la Constitution terminée par une lettre dont vous entendrez sûrement parler152. En la lisant, tu sauras tout ce que j'en pense; ainsi, je ne t'en parle pas davantage. J'ai beaucoup d'inquiétude sur ses suites. Je voudrais être dans tous les cabinets de l'Europe. La conduite des Français devient difficile. Une seule chose me soutient, c'est la joie de voir ces Messieurs sortir de prison153. M. de Choiseul l'est aujourd'hui, et ceux qui sont ici le sont d'hier.»

En terminant: «Je vais à midi à l'Assemblée pour suivre la Reine; si j'étais la maîtresse, je n'irais certainement pas. Mais je ne sais, tout cela ne me coûte pas autant qu'à bien d'autres, quoique assurément je sois loin d'être constitutionnelle.»

C'en était fait; à cette date du 14, l'acte constitutionnel était accepté par Louis XVI. Après bien des hésitations, des discussions, des avis donnés en divers sens154; se sentant obligé non seulement de ne pas s'aliéner les constitutionnels, ses conseillers de la dernière heure, mais de n'inspirer aucune méfiance sur la sincérité de son adhésion, Louis XVI s'était déterminé à suivre leurs conseils.

Un certain revirement, d'ailleurs, se manifestait dans le public. En se rendant à la messe au château, le 4 septembre, Louis XVI et sa famille avaient été salués par des applaudissements155; un autre jour, la Reine prenant son fils dans ses bras avait été acclamée aux Tuileries. M. de Staël écrivait à son souverain qu'au Palais Royal, palladium de la Révolution, l'opinion royaliste était de nouveau en vogue; dans les cafés, on écoutait Barnave affirmant que la Constitution telle qu'elle était établie ne pourrait s'appliquer longtemps, qu'on reviendrait à une Assemblée n'ayant que l'influence d'un Conseil des Notables, que toute la force devait résider dans le Gouvernement156. Dans ce revirement inattendu de la faveur populaire, celle sur laquelle s'était acharnée la calomnie, la Reine, avait sa part, seize mille gardes nationaux portaient, dit-on, des anneaux avec cette devise: Domine, salvum fac Regem et Reginam.

Ce regain de popularité et cette résignation à la Constitution les émigrés vont le faire payer cher à la Reine. Ils l'accuseront de «sacrifier à sa fierté le salut de la France» – ils voulaient dire: leurs intérêts. – Marie-Antoinette expliquait à Fersen pourquoi le Roi et elle étaient résignés à une Constitution plus ou moins applicable. «Les folies des princes et des émigrants nous ont aussi forcés dans nos démarches; il était essentiel, en acceptant, d'ôter tout doute que ce n'était pas de bonne foi.»

Glissons légèrement sur les faits d'histoire générale, sur la séance du 14 où le Roi se rendit à l'Assemblée accompagné des ministres, et prononça debout son discours d'acceptation, tandis que, par un étrange oubli des convenances et des traditions, l'Assemblée, sur la motion de son président Thouret, resta assise. Dans l'enthousiasme général et devant les bruyantes acclamations, le public n'avait pas fait attention à cette étrange inauguration du nouveau régime – débutant par une humiliation officielle de la Royauté. Mais quel fut le dépit de la Reine et de Madame Élisabeth qui assistaient dans une tribune à la séance, on le devine. Marie-Antoinette s'était hâtée de rentrer dans ses appartements, le Roi l'y suivit, et affaissé dans un fauteuil il s'écria en sanglotant: «Tout est perdu! Ah! Madame, vous avez été témoin de cette humiliation!» Et la Reine de se jeter dans les bras de son mari, assure Mme Campan, et de pleurer avec lui.

Quelques jours après, le Champ de Mars retentit d'ovations de toute une foule: la Constitution est solennellement proclamée, les jeux s'installent à tous les carrefours, cependant que des vivres sont distribués gratuitement… Un violent enthousiasme, peu de désordre, une grande satisfaction, une grande joie populaire. Chacun se congratule et se leurre de l'illusion que la nouvelle Assemblée ramènera l'âge d'or. Beaucoup de cris sincères de: Vive le Roi, mais celui qui domine c'est: Vive la Nation… Une voix de stentor qui suivait sans relâche la voiture royale se chargeait, à chaque Vive le Roi, de jeter dans l'oreille de Marie-Antoinette: Ne les croyez pas! Vive la Nation! Et la voix brutale de la Révolution, rappelant la réalité à la Reine, la frappait de terreur et d'inquiétude157.

En même temps Te Deum à Notre-Dame et aux Tuileries, nouvelles fêtes populaires dans le jardin du château, représentations de pièces royalistes dans les Théâtres. Madame Élisabeth s'est contentée du Te Deum des Tuileries, bien que M. l'intrus (Gobert, évêque assermenté) eût désiré à Notre-Dame la présence de la famille royale; mais elle a assisté aux représentations de la Comédie italienne158, de l'Opéra159, de la Comédie française: Applaudissements inexprimables… «Tu ne peux te faire une idée du tapage qu'il y a eu samedi», écrit la princesse à Mme de Raigecourt. Puis, mélancoliquement, elle ajoutait: «Il faut voir combien cet enthousiasme durera.»

La clôture de l'Assemblée est aujourd'hui, écrit Madame Élisabeth, le 30 septembre160, à Mme de Bombelles. Le Roi ira prendre possession du droit que la Constitution lui donne d'ouvrir et de fermer les législatures. La nouvelle a presque toute été choisie par les Jacobins, et la moitié est protestante: Ainsi vous pouvez juger de la protection que nous aurons dans l'Assemblée… Il a paru hier une protestation des émigrés161, sur l'acceptation du Roi; elle est parfaitement écrite, mais je l'aurais désirée moins forte. La première partie est modérée, mais on voit dans la seconde que l'auteur a été entraîné par la chaleur de sa tête et la force de ses raisons. Il a paru en même temps une proclamation du Roi, pour engager tout le monde à la paix et les émigrés à rentrer162. Il y a un article sur la tolérance que l'on doit avoir pour les opinions, qui est parfait: je souhaite que ceux qui ont le pouvoir en main en fassent leur profit163

Voici d'autres nouvelles encore. La Fayette, proclamant partout que la Révolution était accomplie, éprouvait le besoin d'aller se reposer sur ses lauriers de politicien.

«M. de la Fayette, écrit la princesse, quitte Paris et va en Auvergne voir, dit-il, une tante qu'il aime beaucoup. Mais, comme on prétend que cette tante est fort aristocrate, je crains qu'il ne soit pas aussi bien reçu qu'il le mérite. On dit que Barnave va en Dauphiné, Lameth à Metz, et d'autres dans d'autres provinces. D'autres disent qu'ils resteront ici pour influencer l'Assemblée; s'ils veulent une monarchie, ils feront bien, car celle-ci est bien forte en volonté républicaine.»

Sur ce trait frappé au coin du bon sens, Madame Élisabeth prêche encore la concorde. «C'est ce que je ne cesse de dire des deux côtés… Mais il faudrait que tout le monde y mît quelque chose, et je t'avoue que j'ai été dans le cas de voir des gens qui m'effraient par leur raideur. Il serait bien à souhaiter que ceux qui sont de leur société pensassent comme moi, le leur persuadent et fussent de bonne foi. Il n'y a que cela qui ramène des cœurs ulcérés par la douleur et par l'intime et juste conviction de la pureté de leurs intentions…» Rapprochons cette lettre de celle adressée quelques jours avant à Mme de Raigecourt, et nous voyons que Madame Élisabeth s'est donné le but d'apaiser les malentendus, de ramener la concorde entre les différents membres de la famille royale. Malgré sa tendresse pour le comte d'Artois et sa faiblesse pour les émigrés, elle sent qu'elle a un devoir à remplir, et elle s'emploie de toutes ses instances. On sait que pas plus que les prières de Louis XVI, les objurgations de Madame Élisabeth n'étaient écoutées.

Pendant ce temps nos émigrés ont continué à correspondre et à s'entretenir des nouvelles qui leur parviennent soit de Paris, soit des princes.

Le 16 septembre, Mme de Bombelles ne sait encore si elle doit se réjouir tout à fait du voyage du comte d'Artois dont elle augure si grand bien. «On assure qu'il a reçu parole de l'Empereur et du roi de Prusse, écrit-elle en supposant bien facilement le problème résolu… Le premier donne définitivement 60.000 hommes, le second 40.000… Monsieur a témoigné à son frère la tendresse la plus touchante et, jetant son chapeau en l'air, a crié Vive le Roi lorsqu'il a appris les dispositions des Souverains; le mouvement de la part de Monsieur est charmant. Dieu veuille les éclairer et les diriger… Dussions-nous dans notre petit coin être oubliés, maltraités, peu importe si notre Souverain reprend sa couronne et la religion son empire!..»

Quant au marquis, il a chargé M. de Raigecourt de parler pour lui au maréchal de Broglie qu'il vénère. Non pas qu'il veuille se faire une place à Coblentz entre Calonne et l'évêque d'Arras, M. de Conzié. Il n'est pas sans conserver rancune à ceux qui l'ont si bien desservi auprès du comte d'Artois et «dans ce tableau nouveau d'intrigues mal cousues, il n'a garde de vouloir figurer». Bombelles doit être sincère et nous ne le suspecterons pas d'imiter le renard de la fable. Sa consolation de diplomate pour le moment réduit à l'impuissance, il la trouve dans les lettres du Roi et de la Reine aux princes, dans les marques d'estime des Rois Bourbons à Madrid et à Naples. «Je suis ravi, dit-il en finissant, que M. le comte d'Artois vous attache à lui. Hélas! il mériterait de n'avoir près de sa personne que des gens de votre trempe; alors ses actions seraient toutes analogues aux bonnes et aux droites intentions de son excellent cœur.»

M. de Raigecourt ne se refusera pas à s'entremettre pour M. de Bombelles et dans une lettre qui se croise avec celle de son ami, il a fait entrevoir des arrangements possibles dont le bien général devait profiter. «Le chevalier de Las Casas a été à même de connaître et d'apprécier toutes vos démarches et peut vous faire rendre par le prince une justice que nous réclamons avec tant de raison.» De bonnes nouvelles d'ailleurs viennent d'être apportées par le baron de Bombelles; alors agent des princes à Saint-Pétersbourg. Les obligations qu'on lui devait étaient assez essentielles «pour mettre un poids de plus du côté de la justice et de la reconnaissance». Le frère de M. de Bombelles avait réussi dans une petite mesure auprès de l'impératrice Catherine: il venait d'obtenir beaucoup de promesses, et, ce qui valait mieux, deux millions d'argent qui avaient été les bienvenus dans l'état de détresse où se trouvaient princes et émigrés.

On ne saurait demander à M. de Raigecourt de juger sans parti pris et la déclaration de Pilnitz et ses conséquences escomptées, et l'attitude du Roi vis-à-vis de ses frères. Le marquis est attaché à la personne du comte d'Artois qu'il considère comme le sauveur de la monarchie, il se montre très sévère pour le Roi, «qui aggrave tous les jours sa position par son peu de caractère et des démarches indignes de son rang».

Mme de Raigecourt forcerait volontiers la note. Écrivant à son mari à la même époque – on se rappelle qu'elle est demeurée à Trèves avec ses enfants – elle livre ses impressions vraies: «On promène dans Paris notre Roi nonchalant, sa triste compagne et notre trop malheureuse princesse. La Constitution se consolidera à peu près, puisqu'on laisse passer les gelées dessus, et que le Roi est forcé à se prêter à toutes les démarches honteuses auxquelles il se soumet; mais les princes et les puissances doivent, pour juger sa façon de penser sur cette maudite Constitution, se souvenir de ce qu'il a dit en partant pour Varennes164

Plus tôt qu'on n'aurait pu le croire il a été question à Coblentz du marquis de Bombelles. Aussitôt M. de Raigecourt mande à la marquise: «J'ai eu le plaisir hier de causer avec le baron de Bombelles qui repart ce soir pour la Russie, et vous vous imaginez bien quel a été l'objet principal de notre conversation. Il est fort d'avis et j'en suis aisément tombé d'accord que, d'après les lettres que M. le comte d'Artois doit avoir reçues actuellement et les témoignages flatteurs qui ont été rendus à votre mari par le Roi et les autres Souverains, témoignages que les princes ne peuvent pas ignorer, il est indispensable que M. de Bombelles reparaisse ici. La jalousie de M. de Calonne ne pourra pas empêcher M. le comte d'Artois de le voir et de le bien traiter, et je suis persuadé que dans une demi-heure de conversation il achèverait d'éclairer le prince et de le ramener aux sentiments de justice et de reconnaissance qui lui sont naturels. D'ailleurs la présence de M. de Bombelles ici dissiperait l'impression qu'ont pu laisser dans quelques esprits les propos qu'on a répandus, et produirait peut-être mieux cet effet qu'un mémoire justificatif, supposé même que les circonstances permissent d'en publier un. Monsieur votre frère m'a prié particulièrement d'insister près de vous sur ce point, et je crois qu'il a grande raison. La délicatesse de M. de Bombelles ne doit jamais être alarmée de faire auprès du prince la première marche; elle me paraît d'autant plus nécessaire de sa part que celui qui a eu des torts ne revient presque jamais le premier. Outre l'avantage que je trouverais pour la chose publique à un rapprochement qui ferait employer M. de Bombelles, je crois que dans le cas du rétablissement de nos affaires il ne serait pas inutile à l'avancement de votre mari et à la fortune de vos enfants qu'il fût bien avec les princes. J'espère qu'ils joueront un assez grand rôle dans la contre-révolution pour conserver ensuite une certaine influence dans le Gouvernement.»

Si cependant M. de Bombelles ne trouvait pas que cette démarche fût encore convenable pour le moment, son frère le priait d'écrire au prince Charles de Nassau-Siegen, qui faisait partie du Conseil à Coblentz. Les princes avaient beaucoup d'obligations à l'aventureux personnage, amiral au service de la Russie, lequel était à la fois un des hommes de confiance de Catherine II et un des partisans les plus convaincus et enthousiastes de l'émigration165. Enfin le baron de Bombelles partant pour la Russie attendrait à Berlin les lettres de son frère. A son retour à Coblentz en novembre il ferait le possible pour faire le crochet de Berlin, de Wardeck, si le marquis lui traçait un itinéraire. M. de Raigecourt est enchanté de l'idée de revoir M. de Bombelles, surtout de pouvoir contribuer suivant son idée à le ramener dans le sillon de Coblentz. N'est-ce pas aller bien vite en besogne que de croire Bombelles si facilement gagné à la cause de l'émigration sans le Roi? Nous connaissons assez l'inébranlable fidélité de Bombelles à la cause royale pour supposer qu'en faisant des démarches pour être reçu à Coblentz le marquis n'a qu'une idée: reprendre si possible une petite influence et servir utilement les intérêts de la monarchie en faisant obstacle aux plans impolitiques de Calonne. S'est-il leurré de l'idée que le baron de Breteuil et lui, aidés des conseils expérimentés du maréchal de Broglie, pourraient faire rentrer des idées saines dans les cerveaux de Coblentz et ramener cette concorde après laquelle tous soupirent – à la condition que les concessions soient toujours faites par les autres? Nous le verrons à l'œuvre, mais sans succès, et deux mois ne se seront pas passés que la désunion sera plus forte que jamais: Bombelles, ancré de plus en plus à la politique particulière du Roi et de la Reine, s'affirmera l'antagoniste de la politique des princes.

Quelques détails sont aussi donnés par M. de Raigecourt sur l'existence menée alors à Coblentz: «La vie d'ici est fort ennuyeuse; j'ai heureusement pour ressource Mmes de Caylus et d'Autichamp. La société de Schœnbornslust n'est point du tout dans mon genre, et j'aurais de la peine à faire le Beau Monsieur auprès de la comtesse de Balbi. Je vous assure que ces femmes n'ont pas été rendues plus raisonnables par la Révolution; le pauvre et respectable maréchal de Broglie y est tourné en ridicule à la journée, ainsi que le prince de Revel, qui est une des plus honnêtes créatures que je connaisse; aussi je vais là le moins possible.» D'autres émigrés de marque sont aux alentours: le maréchal de Castries et le marquis de Bouillé.

M. de Raigecourt vient d'entrebâiller la porte de la société de Coblentz. Jetons un court regard sur cette cour d'intrigues.

Le château de Schœnbornslust était situé aux portes de Coblentz et prêté aux princes par Louis Wenceslas de Saxe, frère de la Dauphine Marie-Josèphe, archevêque-électeur de Trèves. L'électeur déteste le Gouvernement qui a ruiné le clergé et donne sans discontinuer à l'Europe de funestes exemples. Comme les émigrés se sont constitués les défenseurs de la religion catholique, l'électeur est captivé; il abandonne pour ainsi dire le gouvernement de sa principauté à Calonne, lequel mène le comte d'Artois par le bout du nez. Le maréchal de Broglie est annihilé; si le maréchal de Castries a conservé une certaine indépendance, c'est parce qu'il réside à Cologne. Calonne est grand-maître, ministre, organisateur, il centralise les fonds trop rares à venir, il les distribue à ses amis, à ses créatures, il met les grades en vente, mécontente ceux dont les appointements ne sont pas payés, s'aliène les chefs, du prince de Condé au duc de Guiche qui a rassemblé les anciens gardes du corps166 et est chargé de l'organisation de l'armée, au marquis de Bouthillier167, major général, qui à Worms reçoit les engagements168.

Mais, pendant ce temps, la Cour est fort brillante. Sur les conseils de Calonne, les princes font revivre le cérémonial de la Cour de France, réorganisent la Maison du Roi, rétablissent les grandes charges, les pages, les mousquetaires, la compagnie de Saint-Louis, les chevaliers de la couronne. Uniformes éclatants, tenue de ces troupes d'élite magnifique. Les gentilshommes qui composent le guet des gardes sont montés sur des chevaux à courte queue: costume vert avec parements, revers et collet cramoisi, galonnés en argent. A la tête de ces corps sont placés: le marquis de Vergennes, le comte de Bussy, le marquis d'Autichamp, le vicomte de Virieu, le comte de Montboissier, le marquis du Hallay. La maison militaire de Monsieur est commandée par le comte de Damas et le comte d'Avaray, celle du comte d'Artois par le comte François des Cars et le bailli de Crussol. Calonne est le mentor du comte d'Artois, Jaucourt est l'homme de Monsieur et l'ami réel de la comtesse de Balbi, née Caumont la Force, qui joue le rôle de favorite du comte de Provence. D'autres hommes ont un rang important à la Cour; en dehors du maréchal de Broglie et du duc de Guiche, c'est Mgr de Conzié, évêque d'Arras, ce sont les deux Vaudreuil, le comte et le marquis; ce sera plus tard le comte de Vergennes, ministre du roi de France près de l'électeur, mais seulement quand il aura été révoqué par son gouvernement et remplacé par Bigot de Sainte-Croix; si le ministre de France n'est pas accepté dans le conseil, les représentants des puissances y sont accueillis avec empressement: ce sont le baron de Duminique, premier ministre de l'électeur, qui prend part aux délibérations que préside Monsieur et qui sait si bien s'effacer devant Calonne; c'est le comte d'Oxenstiern accrédité auprès des princes par le roi de Suède, le comte de Romanzof, envoyé par Catherine, le prince de Nassau, qui «est tout entier au service des princes, leur offre tout, son sang et sa fortune», enfin le chevalier de Bray qui représente les Français engagés dans l'Ordre de Malte169.

La politique tient ses assises au Café des Trois-Couronnes, où chaque jour vient pérorer Suleau, le journaliste de l'émigration, l'oracle des exaltés: il est l'éditeur de ce Journal Suleau, qui critique tout le monde, qui raille le Roi et la Reine, que Calonne est obligé de désavouer, tant ses diatribes sont violentes contre les puissances qui tardent à envoyer des secours, et que finalement on est obligé de supprimer170. Les propos du pamphlétaire trouvent de l'écho parmi ses lecteurs ou auditeurs; les jalousies anciennes, les vieilles hostilités se réveillent; noblesse de province contre noblesse de Versailles, gentilhommes pauvres et gentilhommes nantis, gens d'épée et gens de cour; puis par dessus tout la haine de Coblentz pour les royalistes modérés, les «monarchiens» qu'on enveloppe dans la même animadversion que les Jacobins. Les partis opposés se déchirent; le Roi et l'acceptation de la Constitution font les frais principaux des discussions âpres et permettent aux antagonistes de tomber d'accord. Parlent-ils d'autre chose, ils se divisent, et Mercy a raison de dire: «Pour juger sainement les affaires françaises, il ne faut pas prêter l'oreille à aucun parti, parce qu'ils sont tous aveuglés par leur intérêt ou leurs passions; leur plus grand défaut c'est d'être dans un état de dissolution politique; ils sont plus exagérés et plus absurdes que les Jacobins.»

La chronique scandaleuse ne perd pas ses droits. En ce même Café des Trois-Couronnes, médisances et calomnies vont leur train. Calonne est non seulement épargné, mais exalté: il est tout-puissant et tient les cordons de la bourse. Breteuil au contraire est dénigré, violemment attaqué dans sa vie privée. «On commente la liaison de sa fille, la comtesse de Matignon, avec d'Agoult, évêque de Pamiers, la sienne avec la sœur du même évêque, le tout émaillé de détails abominables.» M. de Vaudreuil écrira à d'Antraigues: «Les agents de Breteuil nuisent à qui veut faire: tel est le troupeau de boucs dont il est le plus puant bouc.» Marie-Antoinette se plaindra à Fersen d'avoir reçu «une lettre du gros d'Agoult lui disant simplement: «Nous attendons avec impatience le gros baron lorrain pour que l'accord soit parfait entre ici et où vous êtes». D'Agoult a des raisons pour attendre l'arrivée de Breteuil; les autres l'exècrent et le vilipendent.

146.Les prétentions des princes et des émigrés ne trouvèrent chez les souverains qu'un assez froid écho. La demande faite par le comte d'Artois de reconnaître Monsieur comme Régent, ne contribua pas peu à cette froideur. Voir les ouvrages de Sybel, t. I, de M. A. Sorel, t. III.
147.Celui qui commandera l'armée prussienne à Iéna.
148.A Mme de Bombelles, sous le nom de Mme Schwarzengald, à Saint-Gall, en Suisse, par Roschack.
149.Le futur est le comte d'Artois.
150.Le père est Louis XVI.
151.La belle-mère est Marie-Antoinette.
152.La lettre du 13, où le Roi déclarait accepter la Constitution, et demandait une amnistie générale pour les accusations et poursuites ayant pour cause les événements de la Révolution.
153.Par suite de l'acceptation de la Constitution, une amnistie fut proclamée sur la proposition de la Fayette, etc. Les officiers compromis dans l'affaire de Varennes furent mis en liberté.
154.Burke écrivait d'Angleterre: «Si vous acceptez la Constitution, vous êtes tous perdus. Ce n'est pas l'adresse, c'est la fermeté seule qui peut vous sauver… Votre salut consiste dans la patience, le silence et le refus». La Marck et Gouverneur-Morris demandaient des réserves. Mallet du Pan et Malouet proposaient que le Roi montrât à l'Assemblée les dépêches des puissances et que, faisant constater qu'il n'était pas libre, il demandât à se rendre à Compiègne ou à Fontainebleau où il aurait formé un nouveau ministère. Montmorin insista, Marie-Antoinette et le Roi furent effrayés des conséquences et de la crainte d'une insurrection. D'autre part, comme elle l'écrivait à Mercy, on pouvait redouter, en cas de non-acceptation, que le jeune Dauphin ne fût retenu comme otage. Le peuple regardait cette Constitution comme l'aurore de jours sans nuages, on ne pouvait guère lui ôter cela de l'idée. Comment lutter contre cette croyance? Quelle autorité, quelle armée avait-on pour résister? «Ni force, ni moyens, écrivait la Reine. Tout ce que nous pouvons faire ce sont des observations à faire, qui ne seront sûrement pas écoutées, mais qui au moins, avec la protestation que le Roi a faite, il y a six semaines (au retour de Varennes) et calquées sur elle, serviront de base pour le moment où l'ennemi, le malheur et le désenivrement pourront laisser passer la raison», et Mercy, tout en envoyant à Marie-Antoinette l'opinion de Burke, renonçait à l'idée de résistance et concluait: «Il faudrait ne rien brusquer et mettre toute sa fermeté à tâcher de temporiser.» La Reine était plus que convaincue qu'il n'y avait rien à tenter et écrivait le 26 août: «Il est impossible que le Roi refuse son acceptation. Croyez que la chose doit être bien vraie, puisque je le dis. Vous connaissez assez mon caractère pour croire qu'il se porterait plutôt à une chose noble et pleine de courage; mais il n'en existe point à courir un danger plus que certain.»
155.Journal d'une bourgeoise pendant la Terreur (Mme Jullien), publié par M. Lockroy, t. III, p. 51.
156.Le baron de Staël à Gustave, 28 août, 4 et 28 septembre.
157.Mémoires de la duchesse de Tourzel.
158.Clairval, dans Richard Cœur de Lion, substitua le nom de Louis au nom de Richard:
  O Louis, ô mon roi,
  Notre amour t'environne.
  Les dames brisaient leurs éventails.
159.Castor et Pollux. Les Souverains furent acclamés quand Lays chante:
  Régnez, aimable mère,
  Sur un peuple généreux.
160.Le président Thouret déclarait que l'Assemblée nationale avait terminé sa mission. Sur ces événements, voir surtout les Mémoires du marquis de Ferrières, t. II.
161.Lettre de Monsieur et de M. le comte d'Artois au Roi. Pilnitz, 1791.
162.Louis XVI à ses frères, septembre, lettre publiée dans le Recueil Feuillet de Conches.
  Louis XVI expliquait sa conduite nécessitée par les événements. «La nation aime la Constitution, parce que ce mot ne rappelle à la classe inférieure du peuple que l'indépendance où il vit depuis deux ans, et à la classe au dessus, l'égalité.» Le bas peuple voit que l'on compte avec lui; le bourgeois ne voit rien au dessus. L'amour-propre est satisfait… Il faut donc attendre et surtout se garder avec soin de tout ce qui pourrait faire croire au peuple qu'on veut détruire cette Constitution, qu'il regarde comme la charte de sa liberté. Il faut – et cela ne saurait tarder – que l'usage lui en démontre à lui-même les inconvénients». On lira cette phrase avec attention. Maintes fois il a été affirmé que, dès le début, Louis XVI n'entendait pas respecter la Constitution. Cela est sans doute exagéré. Mais le Roi ne cachait pas son espoir de voir la Constitution détruite par ceux-là même qui l'avaient réclamée.
  Le post-scriptum de la lettre du Roi ne peut être laissé dans l'oubli:
  «Je finissais cette lettre, dans le moment où j'ai reçu celle que vous m'avez envoyée. Je l'avais vu imprimée avant de la recevoir (Louis XVI signale avec raison ce manque d'égards), et elle est répandue partout en même temps. Vous ne sauriez croire combien cette marche m'a peiné… Je ne vous ferai aucun reproche; mon cœur ne peut se décider à en faire… Je vous ferai seulement remarquer qu'en agissant sans moi, il – le comte d'Artois – contrarie mes démarches comme je déconcerte les siennes. Vous me dites que l'esprit public est revenu, et vous voulez en juger mieux que moi qui en éprouve tous les malheurs. Je vous ai déjà dit que le peuple supportait toutes ses privations, parce qu'on l'avait toujours flatté qu'elles finiraient avec la Constitution. Il n'y a que deux jours qu'elle est achevée et vous voulez que son esprit soit changé!.. Vous vous flattez de donner le change, en déclarant que vous marchez malgré moi; mais comment la persuader, lorsque cette déclaration de l'Empereur et du Roi de Prusse est motivée sur votre demande? Pourra-t-on jamais croire que mes frères n'exécutent pas mes ordres? Ainsi vous allez me montrer à la nation, acceptant d'une main et suscitant les puissances étrangères de l'autre.» Quelques jours après, craignant que cette lettre ne parût un message officiel et forcé, Louis XVI renouvelait ses instances dans une lettre confidentielle. Toutes ses prières restaient sans effet.
163.Les frères du Roi comprirent peu le langage modéré et conciliant de Louis XVI. Ils n'admirent pas non plus les reproches que Louis XVI était en droit de leur adresser. Ils protestèrent de nouveau. Ce simple billet trouvé dans le secrétaire du Roi, après le 10 août, prouvera l'état de rébellion où s'entêtaient les chefs des émigrés voulant uniquement agir à leur guise: «Si l'on nous parle de ces gens-là, nous n'écouterons rien; si c'est de la vôtre, nous écouterons, mais nous irons notre chemin».
164.Voir la Déclaration de Louis XVI (Recueil Feuillet de Conches, t. II). Il y énonçait les motifs de son départ et les critiques nombreuses qu'il avait à faire de la Constitution.
165.Sous le titre: Un Paladin au XVIIIe siècle, le marquis d'Aragon a publié d'après des correspondances inédites une intéressante biographie de son grand-père maternel. Il est beaucoup question du prince de Nassau dans les Mémoires de Langeron. Voir aussi: M. Léonce Pingaud, les Français en Russie, et M. Albert Sorel, l'Europe et la Révolution française, t. II. Nous aurons l'occasion de parler de lui dans un chapitre postérieur ayant trait à la mission du marquis de Bombelles en Russie. Rentré dans la vie privée sous Paul Ier, le prince de Nassau-Siegen mourut obscurément en 1829.
166.Papiers Gramont. Arch. de M. le duc de Lesparre. Tout un dossier sur l'organisation des gardes du corps.
167.Voir fragments de Mémoires du marquis de Bouthillier; M. E. Daudet: Coblentz. Cf. Mémoires du comte Valentin Esterhazy.
168.L'armée de Condé demande officiers et soldats. Le marquis de la Queuille fait par son ordre un appel à la noblesse pour qu'elle vienne constituer des corps réguliers. Les jeunes gentilshommes accourent «au poste assigné par l'honneur»; ils ont peur d'être blâmés pour arriver trop tard; chacun leur dit: vous n'arriverez pas à temps, vous serez déshonorés (Marcillac, Souvenirs; Bernard de la Frégeolières, Mémoires).
  Quand le colonel convoque ses officiers pour prêter serment à la Constitution de 1791, ceux qui ont hésité jusqu'alors se révoltent contre un serment humiliant; ils partent le même jour. Un négociant de Marseille veut persuader à un jeune officier que l'émigration attirera des calamités sur lui, sa famille et son pays. «Je suis soldat, répond le jeune homme, les princes m'appellent, je n'ai pas à discuter, mais à obéir.» (Romain, Souvenirs.)
169.Ernest Daudet, Coblentz, 130 et suivantes; —La Mission de Bigot de Sainte-Croix à Coblentz, par M. Bletry (inédit).
170.Voir la lettre de Calonne à Suleau, dans Coblentz, Pièces justificatives.