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Buch lesen: «Histoire amoureuse des Gaules; suivie des Romans historico-satiriques du XVIIe siècle, Tome IV», Seite 13

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Comme la paix donnoit quelque relâche aux grands soins que notre invincible Monarque prenoit de son Etat, Sa Majesté pour calmer ses ennuis fit une partie de promenade avec la marquise de Maintenon, à Chantilly234 où toute la Cour se trouva avec une magnificence surprenante. Le Roi étant allé sur le soir dans le jardin trouva un berceau de feuillages orné de festons de fleurs qui rendoient ce lieu charmant. Trente lustres y jetoient tant de clartés qu'elles produisoient un véritable jour. Du milieu de ces agréables feuillages sortoit un jet d'eau qui faisoit un murmure touchant. Après que le souper fut servi, qui fut accompagné de voix et d'instruments, les plus aimables du monde, le souper étant fini, on eut le divertissement d'un beau feu d'artifice, qui termina tous les plaisirs de cette belle journée. Le lendemain, Sa Majesté avec toutes les dames furent sur la rivière dans de petits bateaux faits d'une politesse extraordinaire, tirés par des dauphins et par des amours qui jetoient des filets dans l'eau pour pêcher235. Les jours suivants furent occupés à la promenade, à la chasse et à tout ce qui peut charmer les sens.

Le Roi, qui employoit la plus considérable partie de son temps dans ce qui pouvoit contribuer à sa gloire, ou à l'utilité de ses peuples, peu de jours après ce régal, alla à Dunkerque236 visiter les nouveaux travaux qu'il y faisoit faire, et Sa Majesté vouloit être présente à tous ces ouvrages, afin de les rendre parfaits, et aussi pour donner courage à ceux qui y étoient employés. L'on peut dire sans hyperbole qu'ils surpassent l'imagination, et que les fortifications de Dunkerque237 sont dignes de l'admiration du siècle présent et de ceux qui sont à venir.

Le Roi, qui vouloit voir toutes les entreprises qui se faisoient, se mit en marche, et le vingt-huit il détacha de son armée le vicomte de Turenne avec trois mille chevaux pour aller investir Burich238 dans le temps que le prince de Condé assiégeoit Vezel, ce qui fut aussitôt exécuté par l'un et par l'autre de ces lieutenants-généraux, avec toute la diligence possible. Au retour de l'armée, Sa Majesté tomba malade d'une fièvre lente qui lui dura longtemps. Les médecins disoient que cette maladie ne pouvoit venir que de mélancolie.

Mademoiselle de La Valière, qui s'étoit retirée aux Carmélites par une sage prévoyance, ayant pressenti, longtemps avant que le Roi la quittât, qu'elle ne pouvoit plus plaire à Sa Majesté et que ses charmes diminuoient de jour en jour, fut ravie239 d'apprendre la mort de sa rivale. Jamais nouvelle ne lui donna plus de plaisir que celle-là, et quoique cette sœur dolente ne possédât plus le cœur de son amant, elle ne pouvoit souffrir qu'avec une douleur mortelle, que le Roi en aimât d'autres. La jalousie l'accompagnoit presque dans le fond de son monastère, où elle avoit tout le temps de réfléchir sur tous les heureux moments qu'elle avoit passés avec notre Monarque. Ces douces pensées de plaisir nourrissoient l'amour et la tendresse qu'elle sentoit pour son prince, qui, de son côté, ne songeoit à elle que fort foiblement, ayant l'idée toute remplie de la belle personne que le sort lui avoit tirée d'entre les bras. Madame de Montespan, que le Roi voyoit encore quelquefois, ne reçut pas moins de joie240 que La Valière du malheur de mademoiselle de Fontanges, se trouvant en quelque façon vengée du tort que l'amour lui avoit fait d'avoir mis une autre à sa place.

Le Roi qui est clairvoyant sur toutes choses, vit très-bien la joie de madame de Montespan. Ce prince lui en sut peu de gré, et lui dit comme il étoit avec elle, dans son cabinet: – «Ah! Madame, je suis surpris du peu de part que vous prenez à ce qui me touche. J'aurois cru avoir rendu votre cœur plus sensible. – Hélas! Sire, répondit madame de Montespan, d'un air tendre, ce n'est que pour avoir trop de sensibilité pour vous que j'ai senti du plaisir de la mort de ma rivale. Vous savez qu'un amour délicat est toujours suivi de jalousie, et que, quand on aime tendrement, l'on ne peut souffrir de partage. – Il est vrai, Madame, répliqua le Roi, que j'aime les femmes qui ont ce discernement; c'est le véritable caractère d'un sincère amour. Mais vous savez que j'ai eu toujours pour vous des sentiments distingués et suffisants, pour vous faire ce qui pourroit me plaire.»

Madame de Montespan avoit envie de soutenir encore la conversation, quand le Roi la quitta avec assez d'indifférence, ce qui l'affligea sensiblement; car comme elle aime la gloire et l'éclat, la tendresse d'un prince comme le nôtre faisoit le plus grand bonheur de sa vie. Cette dame songea donc aux moyens de faire renaître la passion de son amant, qui étoit mourante, et prête à jeter les derniers soupirs. Elle employa pour cet effet tout ce que l'art a pu imaginer de plus aimable; et comme la nature n'a point été avare à donner des beautés à cette belle, il lui étoit facile de paroître charmante.

Un jour qu'elle attendoit Sa Majesté en déshabillé de couleur de rose, et qu'elle étoit plus jolie qu'à son ordinaire, comme elle rêvoit profondément dans sa chambre, et que ses yeux se baignoient de larmes, le Roi arriva dans ce triste moment, et lui demanda pourquoi elle pleuroit: – «Hélas! Sire, répartit cette belle affligée, je vous aimerai toujours, et vous ne m'aimez plus. Ah! que mes sentiments sont opposés aux vôtres! L'amour, de qui dépend toute ma félicité, que ne vous a-t-il donné la tendresse que j'ai, ou que n'ai-je en partage toute l'indifférence possible!» Cette passionnée amante disoit ces paroles avec des manières si engageantes, qu'elle toucha le cœur du Roi, qui lui dit en l'embrassant: «J'ai le cœur, Madame, tendre et constant, et je veux vous aimer toujours; mais lorsque la raison condamne ma tendresse, je dois entendre ce qu'elle me dit, et renoncer à l'amour qui trahit mes vertus. Ma gloire a des appas qui triomphent de tout. Vous saurez, Madame, qu'un engagement plus long qu'il ne peut être est ordinairement suivi de la froideur. – Je ne le reconnois que trop, Sire, interrompit madame de Montespan, en répandant un torrent de pleurs, que votre cœur n'est plus que de glace pour moi. C'est en quoi j'accuse souvent mon infortune, me trouvant la plus malheureuse de toutes celles qui respirent le jour. Ah! qu'il est dangereux de vous connoître et difficile de vous oublier!»

Le comte de Lauzun qui entra brusquement fit changer de discours à nos amants. Notre Monarque demanda au comte d'où il venoit. – «Vous le savez, Sire,» répondit Lauzun, en riant. – «Il est vrai, dit le Roi, que je sais le lieu charmant où l'amour vous guide: comment se porte ma cousine241 depuis hier? Admirablement bien, Sire, répondit notre amoureux comte, avec un transport de joie inconcevable, j'ai eu le bonheur d'entretenir Son Altesse royale toute la matinée. C'est la plus adorable princesse qui ait jamais été au monde. Ah! quel bonheur, continua le comte de Lauzun, d'un air tout passionné, si un mortel avoit quelque part à son souvenir! Ce seroit la plus grande félicité où il pourroit aspirer. – Je vois bien, comte, dit notre Monarque en riant, que tu ne serois pas fâché que ma cousine de Montpensier eût un peu de sensibilité pour toi. Pousse ta fortune242, je te promets de te servir partout. – Ah! Sire, répartit le comte, avec un profond respect, je sais trop ce que je dois à mon Roi pour avoir des pensées si hardies: je me fais seulement une idée toute charmante du plaisir qu'un prince auroit de posséder une personne aussi engageante que Mademoiselle, s'il étoit né digne de Son Altesse royale.»

Le Roi qui se leva interrompit le comte qui fut avec Sa Majesté au Louvre, et qui l'entretint longtemps sur plusieurs affaires différentes, qui firent passer d'agréables moments à notre prince; et comme le comte de Lauzun a l'esprit fort enjoué et fort galant il a le don de plaire au Roi plus qu'aucune personne de la Cour. Pendant que Sa Majesté étoit absente, madame de Montespan, ayant essuyé ses beaux yeux qui étoient baignés de larmes, prit une plume et fit ces vers, où elle reprochoit au Roi son changement. Les voici qui suivent:

 
Quand vous commenciez à m'aimer,
Vous ne pouviez pas me quitter,
Sans vous faire une peine extrême.
Le souvenir en fait ma gêne
Et le sujet de mon tourment.
Pourquoi m'aimer si tendrement?
Vous savez très-bien comme on aime;
Mais, hélas! êtes-vous le même?
 

Madame de Montespan ayant fini sa poésie, fut se promener au Cours-la-Reine, où elle rencontra le Roi dans son carrosse, qui passa à côté d'elle fort froidement et qui se contenta de lui faire une grande révérence. Notre belle étoit dans ce moment au désespoir de voir l'indifférence de son amant. Après avoir fait tout son possible, pour allumer un feu qui vouloit absolument mourir, cette dame croyoit, après la mort de mademoiselle de Fontanges que Sa Majesté reviendroit à elle; mais hélas! que les femmes qui sont galantes se trompent fortement dans ces sortes d'espérances! Quand une fois l'amour a été au comble de son bonheur, cette passion diminue de moment en moment, et ne se fait plus connoître. Il ne reste plus que la rage et le chagrin à ces belles courtisanes de n'être plus aimées, et de dire souvent à leurs amants qui rient d'elles: Vous m'aimiez autrefois et vous ne m'aimez plus. Ces tristes idées me désolent le cœur. Ah! qu'il est bien plus généreux, selon mon sentiment, de conserver toujours sa liberté, quand on le peut, que de la mettre dans un péril si dangereux! Les hommes voluptueux disent ordinairement que le printemps d'une beauté passe comme une fleur qui ne revient jamais, et qu'il faut aimer dans un si bel âge. Ce sont des discours que l'amour-propre leur inspire, et non la raison et la vertu qui est quelquefois éloignée de leur cœur; mais demeurons toujours dans les bornes de l'honnêteté, et ne nous laissons point emporter au penchant rapide de nos inclinations. C'est le moyen le plus sûr de ne se repentir jamais de rien, et de vivre à l'abri des inquiétudes et des chagrins.

Revenons à notre Monarque, qui étoit dans une douleur extrême, et qui, ne pouvant oublier mademoiselle de Fontanges, fut pour passer ses ennuis deux ou trois jours de suite chez M. le duc d'Orléans où il trouva un grand nombre de dames de qualité et presque toute la Cour, qui étoit venue visiter Madame, qui avoit eu une légère indisposition.

Le Roi qui vit entrer le prince de Turenne243 lui demanda, en souriant, s'il n'aimeroit jamais, et si sa malice seroit toujours égale pour les femmes, en se faisant aimer et puis se rire d'elles. – «Cette manière ne me charmeroit point du tout, continua le Roi. Il faut de la bonne foi avec les dames. – Ah! répartit la duchesse de Gersay244 qui étoit la plus belle personne du monde, qu'il est avantageux pour notre sexe qu'un prince aussi aimable comme est le nôtre, prenne généreusement le parti des pauvres femmes, que l'on outrage sensiblement! – Madame, répondit le Roi, si elles étoient toutes faites comme vous, il ne seroit pas besoin de les défendre; mais sans raillerie, il me souvient que M. de Guise perdit entièrement sa réputation auprès des femmes, pour des affaires de cette nature, et que, quand il est mort, il n'eût pas trouvé une servante de la ville qui l'eût voulu croire. – Mais, Sire, répliqua le prince de Turenne, quelquefois l'on y est obligé par des motifs de conscience, et par les conseils de son curé, qui dit assez souvent qu'il faut rompre les attachements de la chair. – Ah! l'honnête homme, s'écria le Roi, en riant de tout son cœur. Jamais il ne s'est vu une confidence si tendre et qui mérite si bien la rémission de ses péchés; continuez toujours de vivre dans ces nobles sentiments, vous aurez une augmentation de gloire.»

Le prince fit une très-humble révérence à Sa Majesté, en la remerciant de tout son encens; ce qui fut un sujet de plaisir à toute la compagnie. Pendant le carnaval, toute la Cour travailla à faire diversion à la mélancolie du Roi, qui paroissoit sans remède. La marquise de Maintenon, qui savoit que Sa Majesté aimoit la conversation de la comtesse du Lude245, tâchoit par tous les moyens du monde de lui en procurer le plaisir. Souvent que cette comtesse surprenoit le Roi dans sa rêverie, madame de Maintenon les laissoit tête à tête moraliser. L'on peut dire que c'étoit le fort de cette aimable femme, et qu'ayant l'esprit aussi solide qu'elle l'avoit, rien n'étoit si charmant que de l'entendre parler.

Un après-dîner, comme notre Monarque étoit seul avec elle, Sa Majesté lui fit un portrait fidèle de son chagrin, et ne le lui déguisa aucunement. – «Ah! Madame, s'écria ce prince, si vous saviez combien la vie m'est importune, je ne fais rien qui ne me donne de la peine; en de certains moments ma couronne m'est incommode. – Hélas! Sire, répondit la comtesse du Lude, l'inégalité qui se trouve dans la vie fait naître en nous ces divers mouvements. Ce qui nous plaît aujourd'hui nous déplaît en peu de jours. Notre humeur changeante ne sauroit se comprendre. – Cependant, Madame, dit le Roi, l'on donne tant d'encens à la raison, à la prudence: de quoi nous servent ces chimères, si elles n'arrêtent pas le cours de nos passions? – Ces idées, Sire, répartit la comtesse, mettent mon esprit au désespoir; plus j'envisage ces talents imaginaires, et moins j'aime à m'en souvenir. Ah! prudence importune qui ne servez qu'à faire avancer les maux que nous devons avoir! Si cette cruelle avoit quelque secret de détourner les infortunes qui pendent sur nos têtes, nous devrions la chérir; mais hélas! rien n'est si trompeur que son apparence. – Ce que vous dites, Madame, répliqua le Roi, est divinement bien pensé, mais vous m'avouerez qu'il faut obéir à l'Etre indépendant, qui nous a donné la vie et tous les avantages de conduite, de raison et de prudence. – Je le sais, Sire, dit la comtesse; c'est pourquoi j'envie souvent le sort des choses inanimées, qui durent plus longtemps que nous, et qui ne ressentent point mille remords qui nous rongent nuit et jour, et qui ne sont utiles à rien. – Que diriez-vous donc, Madame, continua le Roi, de ceux qui passent le plus beau de leur âge dans des soins continuels, et qui ne sont quelquefois pas de grand usage? Nous voyons Platon attaché à chercher des idées; Epicure attrapant des atômes, pour ensuite les accrocher les uns aux autres et en faire un monde en petit; Thalès au bord d'une fontaine admirant l'eau comme principe de toutes choses; Socrate n'osant sortir de sa gravité, de crainte de ne passer plus pour sage; enfin tous ces grands hommes ont pris mille gênes dans la vue de s'immortaliser. – Ah! Sire, reprit la comtesse, il n'est pas besoin de sortir de notre siècle pour connoître les folies des humains. Ne voyons-nous pas tous les jours parmi nous des généraux, des capitaines qui mettent leur vie au hasard pour une idée de gloire? – La guerre, Madame, répartit le Roi, est quelque chose de plus grand et de plus noble que mille autres attaches dont l'homme fait ses délices, et où il met les plus doux moments de sa vie à les acquérir. – Cependant, Sire, dit madame du Lude, l'esprit des mortels est borné, quelque soin qu'ils donnent à la recherche, et quelque pénétrants qu'ils puissent être. L'on ne sait rien à fond avec certitude. Nous apportons en naissant des ténèbres qui rendent nos lumières peu brillantes.»

Notre Monarque prenoit un plaisir extrême d'entendre raisonner cette aimable comtesse, quand le duc de La Feuillade246 entra qui entretint Sa Majesté longtemps. Le Roi ayant fait une profonde révérence à madame du Lude, la quitta pour un moment, et revint aussitôt auprès d'elle. – «Ah! Madame, lui dit ce prince en riant, une sympathie inconnue m'entraîne vers vous. Je compte les heures qui me privent de votre agréable présence [comme] perdues. – Ce que vous dites, Sire, répondit notre belle, est quelque chose de bien glorieux pour moi. Rien n'est si doux que l'encens d'un prince comme vous, qui connoît la valeur de ce qu'il estime avec un discernement distingué. – Madame, si j'étois à présent, lui répondit le Roi, encore assez heureux pour être aimé d'une personne aussi engageante que vous, non pas de cet amour sensuel dont j'ai fait mon bonheur autrefois, mais de celui qui ne consiste qu'en esprit! Car je vous assure que ces plaisirs sont plus réels que ceux du corps. J'en goûte tous les jours la différence, qui me fait regretter mille moments que j'ai passés en bagatelles. – Il est vrai, Sire, reprit madame du Lude, qu'après avoir fait le véritable panégyrique de l'amour, l'on y remarque des défauts surprenants. Qu'est-ce que cette passion, sinon un amas de peines qui ne se nourrit que de craintes et de doutes? les plaisirs qui sont de peu de durée sont toujours suivis d'amertumes sensibles; et l'amour, au comble de son bonheur, comme toutes les autres choses, retourne à son néant. – Que vous représentez justement, Madame, dit notre Monarque, le caractère de ce Dieu! Le voilà sans ombres et sans voiles, et c'est de la manière qu'il est plus charmant, car ses défauts ne sont point cachés. – Il est pourtant bon, Sire, répondit notre aimable, de lui donner quelques agréments, afin qu'il nous puisse plaire. Car quand on s'engage, si l'on se faisoit une idée funeste d'un triste changement… Ah! Sire, continua la comtesse, pardonnez un tendre souvenir, je ne puis oublier l'ardeur violente que le comte d'Armagnac247 avoit conçue pour moi, et quand je fais la revue de toute sa passion et du changement que j'y vois, je dis: c'est l'ouvrage d'un mortel. Il n'appartient qu'à l'homme à mettre en usage ces foiblesses. Il y a quelque temps, comme j'étois chez moi à la campagne, et que je rêvois solitairement dans le bois, je considérois le peu de durée de l'aimable verdure de ce bocage, ayant réfléchi solidement, je fis ce quatrain:

 
Tout change, enfin, et le cœur le plus tendre
Ne peut faire vivre sa passion toujours.
L'on n'a point encor vu d'éternelles amours,
Et le temps à venir ne doit pas en attendre.
 

– Vous faites, dit le Roi, d'une manière obligeante, la dixième Muse. Il faut un mérite aussi charmant que le vôtre pour augmenter la beauté du Parnasse. Apollon, ce Dieu des lumières, vous doit chérir uniquement, puisque vous embellissez son rocher et ses fontaines; aussi Pégase vous donne-t-il de son eau de cristal pour vous rafraîchir dans vos exercices poétiques. – Je vous dirai, Sire, répondit la comtesse, que j'aime passionnément la poésie. Je trouve que c'est le langage des dieux: voici encore des vers que l'inconstance du comte d'Armagnac m'a fait faire:

 
Taisez-vous, mes soupirs sensibles,
Vous me causez de la douleur,
Et mon cœur est trop susceptible
Aux doux charmes de mon vainqueur.
A quoi servent ces sentiments,
Puisque l'ingrat est un volage?
Quand on a perdu ses amants,
Les soupirs doivent être sages.
 

– En vérité, Madame, interrompit le Roi, vous êtes toute divine, et c'est un charme puissant de vous entendre parler. Un cœur peut-il se défendre à des attraits si doux qui le demandent? Ah! je condamne extrêmement le peu de discernement du comte d'Armagnac en vous ayant quittée. Je sais que si vous l'aviez plus aimé, vous l'auriez engagé davantage; car il veut qu'on l'aime tendrement, et celle qui possède son cœur présentement est pour lui tout de feu. – Ah! Sire, s'écria madame du Lude, que l'amour est difficile à contenter! cet enfant crie toujours et n'est jamais content. J'ai marqué au comte incessamment une tendresse égale; mais non pas de ces emportements qui font perdre la raison. – C'est ce que nous demandons, Madame, dit Sa Majesté, quand nous aimons. Nous ne pouvons souffrir des cœurs froids qui raisonnent. Il faut aimer avec chaleur un amant, quand vous voulez qu'il vous aime.»

Madame de Maintenon, qui entendit en entrant ce mot d'aimer, dit en saluant le Roi: – «Sire, c'est en vain que vous vous défendez de l'amour, car vous le mettez toujours sur le tapis. – Ah! Madame, répartit la comtesse du Lude, l'on ne peut parler que de ce qui plaît. Quand les conversations commencent à mourir, ce Dieu les ressuscite par son enjouement. – Cette vivacité, Madame, répliqua la marquise, n'est plus du règne de notre prince. Il a renoncé aux traits de l'amour, et son cœur est à l'épreuve de ses coups. – Madame, lui dit en riant la comtesse du Lude, quelques efforts que nous puissions faire, notre résistance est vaine. Quand la nature nous a donné un cœur sensible, il aime tout ce qu'il trouve aimable, tant qu'il a de la vie. Cependant, Madame, reprit la marquise de Maintenon, les passions diminuent avec l'âge. Ah! Madame, répliqua madame du Lude, nous revenons toujours à notre principe qui est cet amour naturel. Les philosophes nous le prouvent en nous faisant connoître que tous les êtres du monde doivent retourner au lieu d'où ils ont pris leur origine. L'homme, qui est un être fini, est composé de deux parties qui sont l'âme et le corps. Cette première, son règne étant achevé, retourne au ciel qui est la source d'où elle est venue, et le dernier va au sein de la terre d'où le premier homme est né. – Vous passez donc, Madame, interrompit notre prince, en regardant la comtesse du Lude, de la philosophie à la théologie? Il faut avoir autant d'esprit que vous en avez pour soutenir les thèses que vous avancez. Qu'il est glorieux, Madame, pour votre sexe d'avoir des personnes qui se distinguent par leur génie! Un de nos philosophes modernes donnoit en son temps des leçons aussi bien aux femmes qu'aux hommes; mais le savoir que vous avez, la nature vous en a fait un don en naissant. – Sire, répondit la comtesse, si j'avois assez de foiblesse pour tirer de la vanité des douceurs coutumières que les galants hommes disent ordinairement aux femmes, je me perdrois en écoutant le joli panégyrique que vous faites de moi; mais je me connois un peu. Si quelques lumières brillent en mon esprit, un nombre infini de ténèbres en diminuent la beauté.»

Le Roi brûloit d'envie de pousser la conversation plus loin; mais des affaires du Parlement qui furent apportées à Sa Majesté par M. Talon248, avocat-général, qui parla au Roi avec une éloquence toute charmante pendant plus d'une heure, fit que le prince donna audience à plusieurs autres, tout le reste du jour. Madame de Maintenon, que le comte de Marsan249 sollicitoit tous les jours pour mademoiselle de Béthune250 qui étoit à Saint-Cyr sous la domination de la marquise, étoit journellement chez elle251.

Ce comte étoit devenu éperdûment amoureux de mademoiselle de Béthune, pour l'avoir vue un moment dans l'église de Saint-Cyr. Cette jeune beauté se faisoit distinguer de toutes les autres, par un certain air doux et languissant qui lui étoit naturel, et qui demandoit le cœur à tout ce qu'elle faisoit. Il n'en falloit pas tant pour enflammer le plus passionné de tous les hommes. Aussi dans ce premier moment, il fit connoître à cette charmante fille, par un langage muet qui parloit dans ses yeux, combien ses charmes avoient de pouvoir sur lui. Depuis ce jour que le hasard avoit conduit le comte à l'abbaye de Saint-Cyr, comme il retournoit de la chasse dans le dessein de remercier les Saints de n'avoir point trouvé de malheur, il se vit pris, sans rien prendre dans toute sa course. C'est ordinairement ce que fait Vénus dans ses exercices. Elle fait quelquefois plus de conquêtes que Diane, quoique ses armes soient bien différentes. Revenons au comte de Marsan qui se voyoit obligé de garder de grandes mesures, dans toute la suite de son amour. Madame de Maintenon le recevoit fort honnêtement et même avec beaucoup de plaisir, dans la vue qu'il recherchoit en mariage mademoiselle de Béthune, qui étoit de qualité et d'une maison très-considérable. Le comte disoit mille douceurs à la marquise sur sa vertu et sur sa conduite, afin d'obtenir les bonnes grâces, et d'avoir un peu plus de liberté avec sa belle mignonne; ce que notre abbesse remarquoit fort bien, ayant l'esprit aussi ouvert qu'elle l'a. C'est pourquoi elle ne perdoit jamais de vue cette jeune fille, quand son amant étoit présent, ce qui le désoloit entièrement, car il ne pouvoit pas dire une parole que la marquise ne l'entendît. Une vie si misérable dura quelque temps, mais comme l'amour est ingénieux, et que ce petit Dieu découvre toujours quelque ruse à ses sujets, le comte de Marsan, ennuyé de son martyre, pria une vieille tante qu'il avoit à Paris, et qui étoit devenue dévote jusqu'à la fureur, et par cette raison grande amie de madame de Maintenon (car elles alloient fort souvent ensemble à Saint-Lazare de Jérusalem252 faire leurs oraisons) de lui être favorable dans son amour, et de permettre qu'il se trouvât quelquefois chez elle avec mademoiselle de Béthune qu'il aimoit tendrement. Que la sévérité de la marquise de Maintenon lui étoit insupportable! aussi rendoit-elle toutes ses demoiselles comme des esclaves, qui sont privées de la liberté humaine. Madame de La Roche253 parut un peu surprise en écoutant la proposition de son neveu. – «Quoi! dit-elle, Monsieur, vous ne songez pas à ce que vous me dites? Ne savez-vous pas combien cette dame a de haine et d'horreur pour les rendez-vous, et que, si elle découvroit une fois votre intrigue galante, je serois perdue dans son esprit, et elle maltraiteroit mademoiselle de Béthune comme la dernière de toutes les filles? De plus, mon neveu, continua cette bonne femme, vous avez un attachement qui n'est pas des plus honnêtes avec madame de… et qui ne plaît aucunement à tous vos amis. Retirez-vous avec prudence de ce commerce criminel, et je ferai tout mon possible pour vous procurer cette jolie mignonne. – Ce que vous dites, ma tante, répondit le comte, est à peu près raisonnable; mais vous saurez que, quand l'on a une fois donné son cœur, il est bien difficile de le reprendre. Je vous avoue que j'aime la baronne de… qui est la plus belle femme de France, et qui mérite le mieux les adorations d'un galant homme. Tant que cette adorable personne possèdera mon cœur, le mariage me sera fort indifférent, mais non pas les galanteries. – Mon neveu, répartit madame de La Roche, en riant, si vous aimez, autant que vous voulez me le persuader, votre belle, vous devez lui être fidèle; ce que vous n'êtes point, puisque vous cherchez les moyens d'en conter à une autre. – Ah! ma tante, répliqua M. de Marsan, il ne faut point mettre un ordre si régulier dans la conduite de la vie. L'amour se plaît dans la variété et le changement. D'abord que cet enfant est attaché, il meurt. C'est pourquoi, par un motif de charité qui est fort humain, l'on doit lui donner la liberté de courir où il veut, afin de lui conserver la vie. – Où avez-vous appris, Monsieur, dit la bonne tante, cette morale admirable qui porte sa charité jusques à l'amour? – Ne savez-vous pas, ma tante, répondit le comte malicieusement, que charité est amour. – Oui, mon neveu, je le sais, mais ce n'est pas de cet amour qui ne consiste qu'au bonheur de son prochain que vous entendez parler. – Ma tante, répartit le comte de Marsan, en riant, je renferme dans les bornes de la pitié ou de la compassion tous les besoins du genre humain. Si j'aime une femme qui soit aimable et que je lui jure que je meurs pour elle, et qu'elle soit d'assez bonne foi pour le croire, en voulant bien soulager mes peines, n'est-ce pas vivre moralement, et d'une manière exemplaire? – Mon neveu, interrompit la bonne femme, d'un air de pédante, vous vous raillez de la piété et vous n'êtes qu'un indévot, qui sacrifiez tout à vos plaisirs. Rompez votre pente criminelle et vous attachez à la vertu et à la gloire, en faisant des actions dignes d'elles. – Ah! ma chère tante, répliqua notre amoureux comte, en l'embrassant, quand je combats les charmes de l'amour, je sens ses douceurs qui triomphent de toutes mes forces, et c'est ma passion la plus dominante. – C'est alors, Monsieur, dit madame de La Roche, qu'il faut opposer à cette rapidité des remèdes salutaires, et résister fortement au méchant penchant qui vous entraîne à votre perte. Nous lisons que nos Saints n'ont pas été moins que nous sensibles à cette foiblesse, et que saint Dominique, tout célèbre personnage qu'il étoit, a souffert des peines cruelles pour résister aux convoitises de la chair. Ce religieux père préparoit jour et nuit son corps rebelle afin de le mortifier, et de tâcher de corriger les emportements de la nature.»

Le comte de Marsan ne put s'empêcher de rire en écoutant les belles instructions de sa bonne tante, qui lui marquoit avec le doigt tout ce qu'elle disoit; mais, ayant bien moralisé, la conclusion de la prière que le comte fit à sa chère tante fut de lui procurer le bonheur de voir quelquefois chez elle mademoiselle de Béthune, ce que madame de La Roche eut bien de la peine à lui accorder; mais comme elle aimoit son neveu tendrement, elle se laissa persuader plus facilement, ce qui donna une joie inexprimable à notre passionné amant, qui brûloit d'envie d'entretenir un instant la charmante enfant qui l'occupoit si agréablement. Il demanda donc à sa tante quel jour cette belle pourroit venir chez elle, et qu'il y viendroit aussi. – «Ah! mon neveu, répartit madame de La Roche, il faut user de grande précaution dans une affaire si délicate. La marquise de Maintenon est la plus sévère de toutes les femmes, comme je vous l'ai déjà dit, et a beaucoup de confiance en moi; c'est pourquoi je serois au désespoir qu'elle sût que vous venez chez moi souvent, car elle empêcheroit bientôt que mademoiselle de Béthune ne me vînt voir. – Ah! dit le comte, j'en serois au désespoir; mais il faut que je vous avoue, ma tante, que j'ai de la peine à souffrir qu'une vieille ridicule comme cette femme-là occupe encore la terre. Elle enrage de ce que les plaisirs l'ont quittée, et qu'elle n'est plus capable d'en inspirer. C'est pourquoi elle s'oppose si fortement aux galanteries de la jeunesse. Vous saurez, ma chère tante, que, quand on est sur son retour et qu'on n'a plus de mérite pour charmer les cœurs, l'on s'en fait un de paroître bigote, et c'est la retraite ordinaire de toutes les femmes de la Cour. – Mon neveu, ne vous emportez pas contre cette dame; c'est la plus modeste, et la plus sage qui fût jamais. – Il faut bien qu'elle le soit malgré elle, répliqua notre comte, car l'on n'en veut plus.»

234.La jouissance de la terre de Chantilly avoit été donnée par la reine Anne d'Autriche au prince de Condé; Louis XIV la lui abandonna, en toute propriété, en 1661.
235.Ces fêtes mythologiques, dans le goût de la fête donnée à Rambouillet à Cospeau, sont bien de ce temps où les femmes aimoient à se faire peindre en déesses, surtout en Dianes. – Voy. Cospeau, évêque d'Aire, de Nantes et de Lisieux, sa vie et ses œuvres, par Ch. – L. Livet, 1 vol. in-12.
236.Les nouvelles fortifications de Dunkerque étoient achevées depuis le mois de mai 1671; le Roi, qui avoit visité la place le 2 décembre 1662, quelques jours après la prise de possession qui est du 27 novembre, n'y retourna point l'année qui suivit la mort de Mlle de Fontanges.
237.Dunkerque put supporter, en 1694 et 1695, deux bombardements sans en trop souffrir. Les fortifications furent détruites en 1712, à la suite du traité d'Utrecht.
238.On lit dans les Fastes des rois de la maison de Bourbon, sous la date du 3 juin 1672: «le Roy prend Orsay en trois jours; le vicomte de Turenne prend Buric en deux jours;» et sous la date du 4: «M. le Prince réduit Vesel en trois jours.»
239.Rien n'est plus faux que ce sentiment odieux prêté à Mlle de La Valière, qui, depuis son entrée au couvent, fit l'admiration de toute la Cour et de tout son couvent par son détachement sincère des choses du monde.
240.L'opinion publique alla même jusqu'à accuser Mme de Montespan d'avoir empoisonné sa rivale. Le Roi, craignant un scandale, défendit qu'on fît l'autopsie du corps de Mlle de Fontanges. Voy. sur cette affaire, sur les dépositions de la Filastre, témoin dans le procès de la Voisin, etc., Mme de Montespan, par P. Clément, 1 vol in-8o, Paris, Didier, pp. 402-405.
241.Mlle de Montpensier. En cette année 1681, Lauzun quittoit Pignerol, où il avoit été enfermé dans le temps où Fouquet y étoit lui-même, et venoit prendre les eaux à Bourbon, où il rencontra Mme de Montespan. Il ne reparut devant le Roi qu'en 1682. Toute la conversation qui suit est imitée d'un passage analogue qu'on a pu lire au t. II, pp. 259 et suiv.
242.Ces mots «poussez votre fortune» sont prêtés à Mme de Montespan, dans le Perroquet ou les Amours de Mademoiselle. – Le Roi les répète, après Mme de Montespan. Voy. II, 261. Mais, d'après ce dernier libelle, c'est en 1670 que cet entretien auroit eu lieu.
243.Voy. t. III, pp. 194 et 489. Ce n'est certainement pas avec lui que le Roi peut avoir eu la conversation rappelée ici; et s'il s'agit du vicomte de Turenne, il étoit mort depuis le 27 juillet 1675.
244.Il n'y avoit pas de duchesse de Gerzay, mais une marquise de Jarzé, de la famille de celui dont il a été parlé, t. I, p. 74. Le Jarzé dont il s'agit ici acheta en 1685 le régiment d'Hamilton au prix de 11,000 écus; en 1688 il eut le bras emporté à Philipsbourg; il conserva cependant son régiment jusqu'en 1691, et le vendit alors 40,000 francs au marquis de Montendre. En 1692, il voulut racheter le régiment de dragons de Barbezières au prix de 80,000 francs: le Roi ne lui permit pas de reprendre du service, après l'avoir quitté. Nous le retrouvons le 18 avril 1708 nommé ambassadeur en Suisse et autorisé à ne se rendre à son poste qu'au mois de septembre; mais, dans l'intervalle, étant à son château de Jarzé en Anjou, il fit une chute si malheureuse qu'il fut hors d'état de s'acquitter de son emploi et dut donner sa démission. Son avarice y trouvoit son compte. Sa femme et sa mère se félicitoient fort, après qu'il eut quitté l'armée, de pouvoir le retenir en Anjou: peut-être ne furent-elles pas étrangères au parti qu'il prit de renoncer à son ambassade. Voyez Saint-Simon, Dangeau, Sévigné, etc.
245.Il s'agit de la deuxième femme du duc, Marguerite-Louise de Béthune, veuve du comte de Guiche, qu'il épousa le 6 février 1682. Celle-ci, qui s'étoit mariée pour la première fois le 23 janvier 1658, avoit alors 37 ans. Mais, en 1704 (3 mars), Mme de Coulanges écrivoit à Mme de Grignan: «Nous avons eu la duchesse du Lude quatre jours ici. Cela devient ridicule d'être aussi belle qu'elle l'est; les années coulent sur elle comme l'eau sur la toile cirée.» – Saint-Simon dément ce qu'on dit ici du plaisir que trouvoit le Roi dans la conversation de la duchesse. Voici d'ailleurs le portrait qu'il trace d'elle:
  «La duchesse du Lude étoit sœur du duc de Sully, fille de la duchesse de Verneuil et petite-fille du chancelier Séguier. Elle avoit épousé en premières noces ce galant comte de Guiche, fils aîné du maréchal de Grammont, qui a fait en son temps tant de bruit dans le monde, et qui fit fort peu de cas d'elle et n'en eut pas d'enfants. Elle étoit encore fort belle (1696) et toujours sage, sans aucun esprit que celui que donne l'usage du grand monde et le désir de plaire à tout le monde, d'avoir des amis, des places, de la considération, et avoir été dame du palais de la Reine: elle eut de tout cela, parce que c'étoit la meilleure femme du monde, riche, et qui, dans tous les temps de sa vie, tint une bonne table et une bonne maison partout, et basse et rampante sous la moindre faveur, et faveur de toutes les sortes. Elle se remaria avec le duc du Lude par inclination réciproque… Elle demeura toujours attachée à la Cour, où sa bonne maison, sa politesse et sa bonté lui acquirent beaucoup d'amis, et où sans aucun besoin, elle faisoit par nature sa cour au ministre, et tout ce qui étoit en crédit, jusqu'aux valets. Le Roi n'avoit aucun goût pour elle, ni Mme de Maintenon; elle n'étoit presque jamais des Marlys, et ne participoit à aucune des distinctions que le Roi donnoit souvent à un petit nombre de dames.»
  Est-il besoin de dire maintenant que la conversation qui suit n'est ni vraie ni vraisemblable?
246.Voy. la table.
247.Louis de Lorraine, comte d'Armagnac, fils aîné du comte d'Harcourt «cadet la Perle,» l'ami du poète Saint-Amant. Il étoit frère du chevalier de Lorraine et du comte de Marsan. Né en 1641 il mourut en 1718. Il avoit épousé Catherine de Neufville. La prétendue passion dont il est parlé ici n'est connue que par ce libelle.
248.Denis Talon, fils d'Omer Talon II et de Françoise Doujat, succéda à son père dans sa charge d'avocat-général au Parlement, en 1652. On lui attribue à tort, selon Moréri, le livre de l'Autorité des Rois qui est de Rolland Le Vayer de Boutigny. Il avoit épousé Marie-Elisabeth-Angélique Favier du Boulay, dont il eut Omer Talon III, marquis du Boulay, qui quitta la robe, où sa famille s'étoit illustrée, pour l'épée. Denis Talon mourut en 1698.
249.Charles de Lorraine, comte de Marsan, frère cadet du comte d'Armagnac (p. 294, note) et du chevalier de Lorraine, «qui n'avoit ni leur dignité ni leur maintien,» et dont ils ne faisoient aucun cas, dit Saint-Simon, étoit «un extrêmement petit homme, trapu, qui n'avoit que de la valeur, du monde, beaucoup de politesse et du jargon des femmes, aux dépens desquelles il vécut tant qu'il put… M. de Marsan étoit l'homme de la cour le plus bassement prostitué à la faveur et aux places, ministres, maîtresses, valets, et le plus lâchement avide à tirer de l'argent de toutes mains.» Il avoit épousé, le 22 décembre 1682, la marquise d'Albret, qui mourut sans enfants le 13 juin 1692, et, en secondes noces, Mme de Seignelay, sœur des Matignon (21 février 1696), qui mourut en décembre 1699, lui laissant deux fils.
250.Les lettres-patentes pour la fondation de Saint-Cyr sont de juin 1686; c'est seulement du 30 juillet au 2 août de cette même année que les jeunes filles reçues précédemment à Noisy passèrent à Saint-Cyr, et le 3 août qu'eut lieu l'inauguration de la maison. Dans la liste, si complète, des demoiselles élevées à Saint-Louis, et donnée par M. Lavallée à la suite de son ouvrage Mme de Maintenon et la maison royale de Saint-Cyr, on ne trouve pas le nom de Mlle de Béthune.
251.L'auteur veut dire, et il l'explique plus loin, que: «le comte de Marsan, qui sollicitoit tous les jours Mme de Maintenon pour Mlle de Béthune… étoit journellement chez elle, c'est-à-dire chez la marquise.»
252.L'église de Saint-Lazare étoit le seul bâtiment qui fût resté de l'ancien hôpital de Saint-Lazare, après que saint Vincent de Paul en eut pris possession. – Saint-Lazare est devenu une prison de femmes, rue du Faubourg-Saint-Denis.
253.Le comte de Marsan n'avoit pas de tante qui se nommât Mme de La Roche, ni du côté de son père ni du côté de sa mère.