Buch lesen: «Avant qu’il ne tue», Seite 9

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CHAPITRE SEIZE

Mackenzie se sentait un peu hors de son élément en compagnie d’Ellington et bizarrement c’était un sentiment qui était encore amplifié alors qu’ils étaient assis l’un à côté de l’autre dans un bar deux heures plus tard. Elle savait qu’ils avaient tous les deux l’air fatigué et au bout du rouleau et ils se fondaient du coup aisément parmi le reste des clients. Ils n’étaient pas les seuls à être bien habillés. D’autres clients sortant du travail étaient également habillés un peu mieux que d’habitude, s’arrêtant au bar vêtus de leurs chemises, cravates et pantalons de costumes qu’ils avaient porté durant leur journée de boulot. La lumière faible de l’après-midi se déversait à travers les deux fenêtres de l’autre côté du bar mais c’était le néon derrière le bar et le reflet des lampes au plafond des étagères où étaient alignées les bouteilles d’acool qui donnaient le ton.

« Vous avez une idée de comment Pope a pu être aussi rapidement au courant concernant la scène de crime ? » lui demanda Ellington.

« Aucune. Il y a sûrement une taupe parmi les forces de police. »

« C’est aussi ce que je pense, » dit Ellington. « Et c’est pourquoi je ne pense pas que Nelson puisse être trop dur avec vous. Il était impossible que vous ayiez pu imaginer que la personne se déplaçant dans les bois puisse être un journaliste. Et spécialement après que Pope s’enfuie en courant comme il l’a fait. »

« J’espère, » dit-elle.

Mackenzie savait qu’elle ne s’en était pas trop mal sortie. Son supérieur l’avait vue plaquer au sol de manière assez violente un journaliste grassouillet et sans défense. Et bien que Pope n’ait rien eu de plus qu’une légère entaille à la tempe en tombant sur une racine et bien qu’il se soit introduit sur une propriété privée, c’était tout de même un motif de punition. Elle ne reçut cependant que l’équivalent d’une simple réprimande. Elle avait vu Nelson être bien plus critique pour bien moins que ça. Mais elle se demandait tout de même à quel point il lui faisait confiance. Pour la laisser continuer son petit bonhomme de chemin alors qu’Ellis Pope était probablement occupé à passer des coups de fil en disait beaucoup sur la confiance qu’il avait en elle.

Bien sûr, il lui avait demandé de déguerpir de sa vue et d’aller quelque part d’autre avant d’agresser un autre pauvre imbécile qui aurait le malheur de croiser sa route. Voyant une occasion de s’échapper avant qu’il ne puisse reconsidérer sa decision de la maintenir active sur l’enquête, c’est exactement ce qu’elle avait fait.

Alors qu’elle sirotait de la manière la plus responsable possible une bière brune locale au fût, elle essaya de se rappeler de quand datait la dernière fois où elle était venue dans un bar dans le but d’échapper au monde. Normalement, elle utilisait le boulot pour ça, quelque chose qui était bien plus facile à admettre maitenant que Zack ne faissait plus partie de sa vie. Mais mainteant que le boulot l’avait envoyée se faire voir ailleurs pendant quelques temps, être assise à un bar semblait irréel.

C’était encore plus bizarre d’y être assise en compagnie d’un agent du FBI qu’elle ne connaissait que depuis hier. Durant le très court laps de temps qu’elle avait passé avec l’agent Ellington, elle avait découvert différentes choses à son sujet. D’abord, c’était un gentleman aux manières un peu démodées : il ouvrait les portes pour elle, il lui demandait toujours son opinion avant de prendre une décision, il utilisait des formules de respect lorsqu’il s’adressait à des personnes plus âgées et il faisait preuve d’une attitude protectrice à son égard. Lorsqu’ils étaient arrivés au bar, deux hommes n’avaient fait aucun effort pour dissimuler qu’ils la mataient clairement. En remarquant ça, Ellington s’était placé à ses côtés afin de leur bloquer la vue.

« Tu sais pourquoi les hommes de ton commissariat sont aussi dédaigneux à ton égard, n’est-ce pas ? » dit Ellington.

« J’imagine que ça a à voir avec la manière dont ils ont été éduqués, » dit Mackenzie. « Si je ne suis pas en tablier à leur servir un sandwich ou une bière, je ne sers pas à grand-chose. »

Il haussa les épaules. « C’est peut-être une partie des raisons, mais moi je pense qu’il y en a une autre. Je pense que c’est parce que tu les intimides. Ils ont très peur de toi. Ils ont peur que tu les fasses paraître stupides et incompétents. »

« Pourquoi penses-tu ça ? »

Il ne lui sourit qu’un bref instant. Et bien qu’il n’y ait rien de romantique dans son sourire, c’était vraiment agréable d’être regardée de cette manière. Elle ne se rappelait pas à quand datait la dernière fois que Zack l’avait regardée ainsi, comme une personne à apprécier plutôt qu’à utiliser ou tolérer.

« Et bien, pour commencer, résumons ce qui crève les yeux : tu es jeune et tu es une femme. Tu es en quelque sorte le nouveau programme informatique qui débarque au bureau pour se charger de tout le travail à faire. Tu es également une encyclopédie sur pattes pour tout ce qui touche à la police scientifique et aux enquêtes, d’après ce que j’ai entendu. Ajoute à ça que tu as poursuivi ce pauvre journaliste aujourd’hui et tu as tous les éléments en main. Tu fais partie de la nouvelle race et eux, ce sont les vieux singes. Ce genre de choses. »

« Alors, c’est la peur du progrès ? »

« Bien sûr. Je doute qu’ils le voient ainsi, mais finalement c’est ce à quoi ça se résume. »

« J’imagine que c’est un compliment ? » demanda-t-elle.

« Bien sûr que c’est un compliment. C’est la troisième fois qu’on me met en équipe avec un détective hautement motivé et tu es de loin le détective la plus accomplie et la plus déterminée qu’il m’ait été donné de connaître. Je suis content qu’on fasse équipe. »

Elle se contenta de hocher la tête car elle ne savait pas vraiment comment réagir à son compliment et à l’opinion qu’il avait d’elle. Sur le terrain, il avait été très professionnel et il avait suivi les règles à la lettre, non seulement dans son approche de l’enquête mais également dans la manière dont il l’avait traitée. Mais maintenant qu’il était un peu moins reservé, Mackenzie avait des difficultés à définir la limite entre l’Ellington officiel et l’Ellington officieux.

« Tu n’as jamais envisagé de rejoindre le Bureau ? » demanda Ellington.

La question la surprit tellement qu’elle fut incapable de dire quoi que ce soit durant un instant. Bien sûr qu’elle y avait songé. Elle en avait même rêvé quand elle était enfant. Mais même en tant que détectective de vingt-deux ans remplie de determination et décidée à faire carrière dans le maintien de l’ordre public, le FBI avait toujours semblé être une sorte de rêve inaccessible.

« Tu y as déjà pensé, n’est-ce pas ? » demanda-t-il.

« Ça se voit tant que ça ? »

« Un peu. Tu as eu l’air un peu gênée. Ce qui me fait penser que tu y as songé mais que tu n’as jamais vraiment cherché à poursuivre cette idée. »

« C’était un peu un rêve que j’avais durant un temps, » dit-elle.

C’était gênant de l’admettre mais il avait une manière de l’analyser qui ne la dérangeait pas vraiment.

« Tu as les capacités » dit Ellington.

« Merci, » dit-elle. « Mais je pense que je suis tellement enracinée ici que j’ai l’impression que c’est trop tard. »

« Il n’est jamais trop tard, tu sais. »

Il la regarda avec un air intense et professionnel.

« Est-ce que tu veux que j’en touche un mot pour toi et voir si ça arrive à des oreilles attentives ? »

Elle resta sans voix en entendant son offre. D’un côté, elle en avait très envie, plus que tout au monde même. Mais de l’autre côté, ça faisait ressurgir toutes ses anciennes incertitudes. Qui était-elle pour prétendre se qualifier pour le FBI ?

Elle secoua lentement la tête.

« Merci, » répondit-elle. « Mais non. »

« Pourquoi pas ? » demanda-t-il. « Je ne cherche pas à critiquer les hommes avec lesquels tu travailles mais tes capacités ne sont pas exploitées à leur maximum ici. »

« Et qu’est-ce que je ferais au FBI ? » demanda-t-elle.

« Tu ferais un extraordinaire agent sur le terrain, » dit-il. « Et peut-être même un profileur. »

Mackenzie regarda pensivement sa bière, un peu décontenancée. Elle était de nouveau muette de surprise et pensa qu’elle avait beaucoup de choses à considérer. Et si elle parvenait à devenir agent ? Sa vie changerait du tout au tout. Ce serait vraiment gratifiant de faire un travail qu’elle adorait sans être continuellement freinée par des hommes tels que Nelson et Porter.

« Ça va ? » demanda Ellington.

Elle continuait à regarder la bière brune posée devant elle, puis elle soupira. Elle pensa à Zack durant un instant et elle ne parvint pas à se rappeler à quand datait la dernière conversation importante qu’ils aient eu ensemble. À quand datait la dernière fois où il l’avait fait sentir aussi bien au sujet d’elle-même comme Ellington le faisait maintenant ? De fait, à quand datait la dernière où tout homme lui avait parlé de manière aussi élogieuse directement en face d’elle ?

« Ça va, » dit-elle. « Je te remercie pour tout ce que tu viens de dire. Tu m’as donné sujet à réflexion. »

« OK, » dit Ellington doucement, sans laisser de temps mort. « Mais dis-moi, tu n’as jamais vraiment été du genre à te retenir, n’est-ce pas ? »

« Je ne pense pas que ça ait à voir avec moi, » dit-elle. « Je pense que c’est juste… je ne sais pas. Mon passé, peut-être ? »

« La mort de ton père ? »

Elle hocha de la tête.

« Il y a de ça, » dit-elle.

Mais il y a aussi tout ma série de relations ratées, pensa-t-elle mais ce n’était pas très approprié de le dire. Et alors qu’elle ruminait sur le sujet, elle se demanda soudain si ces deux éléments n’étaient pas liés, la mort de son père et ses relations amoureuses. Peut-être que la source de tout ça, après tout, c’était la mort.

Est-ce qu’elle s’en remettrait un jour ? Elle ne voyait pas vraiment comment. Peut importe le nombre de sales types qu’elle mettait derrière les barreaux, rien ne semblait atténuer la souffrance.

Il hocha de la tête, comme s’il comprenait parfaitement.

« Je comprends, » dit-il.

Puis, en lui décochant un sourire pour qu’il sache qu’elle disait ça sur un ton léger, elle lui demanda : « Est-ce que vous êtes occupé à me psychanalyser, agent Ellington ? »

« Non, je ne fais que te parler et être à l’écoute. C’est tout. »

Mackenzie termina sa bière et fit glisser son verre vers le bord du bar. Le barman s’en empara directement, le remplit à nouveau et le replaça devant elle.

« Je sais que c’est la raison pour laquelle cette affaire me bouleverse autant, » ajouta-t-elle. « Un homme se sert de femmes. Ce n’est peut-être pas pour le sexe mais il leur inflige une intense douleur et une humiliation comme une manière d’exprimer un point de vue de dérangé. »

« Et c’est la première fois que tu t’occupes d’une affaire de ce genre ? »

« Oui. Enfin, j’ai déjà été appelée dans le cadre de violence domestique où le mari avait tabassé sa femme et j’ai interrogé deux femmes après qu’elles aient été violées. Mais rien de semblable à cette affaire. »

Elle but une gorge de sa bière et réalisa qu’elle descendait bien trop facilement. Elle n’était pas une grande buveuse et cette bière, la troisième de la soirée, la poussait vers une limite qu’elle avait toujours tenté d’éviter de traverser depuis l’université.

« Je ne sais pas ce que valent mes intuitions à tes yeux, » dit Ellington, « mais je sens qu’on va attraper ce type dans les prochains jours. J’en suis presque certain. Il devient trop sûr de lui et l’une des pistes que nous avons accumulées finira par payer. Et le fait que tu diriges l’opération est un gros avantage. »

« Comment peux-tu en être aussi sûr ? » demanda-t-elle. « Au sujet de mes capacités, je veux dire… Et pourquoi tu es aussi gentil avec moi ? »

Il faisait remonter sa confiance en elle mais, en même temps, il renforçait un trait de son caractère qu’elle savait être l’une des pires choses chez elle. Elle savait qu’elle avait tendance à être sur la défensive quand des hommes lui faisaient des compliments, surtout parce qu’elle savait qu’ils n’avaient qu’une idée en tête. En regardant Ellington lui sourire, elle pensa qu’au fond, ce ne serait pas si grave s’il avait cette idée en tête. En fait, elle commençait à penser qu’elle pourrait même vraiment prendre son pied. Bien sûr, il repartait demain et il était plus que probable qu’elle ne le reverrait jamais.

Peut-être que c’est exactement ce dont j’ai besoin, pensa-t-elle. Une nuit. Pas d’émotions, pas d’attentes, juste l’obscurité et cet agent du FBI trop beau pour être vrai et qui semble toujours trouver les mots justes et…

Elle s’arrêta là dans ses pensées car, franchement, c’était bien trop alléchant. Elle réalisa soudain qu’Ellington n’avait toujours pas répondu à sa question : Pourquoi tu es aussi gentil avec moi ?

Son sourire disparut et il finit par répondre.

« Parce que, » répondit-il, « tu mérites un break. J’ai obtenu mon poste car un ami connaissait un ami qui connaissait un directeur adjoint. Et je peux t’assurer que la moitié des hommes des cavernes de ton commissariat peuvent te raconter la même chose ou une histoire similaire. »

Elle se mit à rire et au son qu’elle émettait, elle réalisa qu’elle était sur le point de franchir cette fameuse limite. Elle essaya de se rappeler à quand datait la dernière fois où elle avait été soûle, tout en terminant son verre et en le faisant glisser au bord du bar. Quand le barman vint le prendre, elle secoua la tête.

« Tu peux conduire ? » demanda-t-elle. « Je suis un peu un poids léger, désolée. »

« Oui, pas de soucis. »

Lorsque le barman revint avec leurs additions, Ellington se saisit rapidement de celle de Mackenzie avant qu’elle ne puisse mettre la main dessus. En le voyant faire ça, elle décida qu’elle voulait définitivement savoir à quoi ressemblait une nuit sans sentiments avec un homme de rêve. Après tout, elle avait sa maison et son lit à elle toute seule. Alors pourquoi hésiter ?

Ils se dirigèrent vers la voiture et elle remarqua qu’Ellington marchait très près d’elle. Il ouvrit la porte de la voiture pour l’y laisser entrer, accentuant encore son charme à ses yeux. Lorsqu’il ferma la porte et fit le tour jusqu’au côté conducteur, Mackenzie reposa sa tête contre l’appuie-tête et inspira profondément. D’une maison abandonnée avec une femme morte attachée à un poteau jusqu’à cet instant où elle était sur le point de faire des avances à un homme qu’elle n’avait rencontré qu’hier… Est-ce que tout ceci s’était vraiment passé en seulement douze heures de temps ?

« Ta voiture est au commissariat, n’est-ce pas ? » demanda Ellington.

« Oui, » dit-elle. Puis, le coeur battant, elle ajouta en hésitant, « Mais ma maison est sur la route… On peut aussi seulement s’arrêter là si tu veux. »

Il la regarda d’un air perplexe et le coin de ses lèvres parut hésiter entre sourire ou se renfrogner. Il était clair qu’il avait compris ce qu’elle proposait. Elle se doutait bien qu’il avait sûrement déjà reçu ce type d’invitations dans le passé.

« Ah, mon dieu, » dit-il, en se frottant la tête. « Pour que tu en saches encore davantage sur ma volonté de fer et sur mon caractère, c’est le moment où il faut que je t’annonce que je suis marié. »

Mackenzie regarda sa main gauche, la même main à laquelle elle avait jeté de nombreux coups d’oeil dans le bar pour être bien sûre. Il n’y avait aucune alliance.

« Je sais, » dit-il. « Je ne la porte jamais au travail. Je n’aime pas la sensation que ça me donne quand je dois dégainer mon arme. »

« Oh mon dieu, » dit Mackenzie. « Je suis… »

« Non, il n’y a pas de problèmes, » dit-il. « Et crois-moi, je suis plus que flatté. Je pensais tout ce que je t’ai dit auparavant. Et bien que je sois sûre que l’homme primaire qui sommeille en moi s’en voudra toute sa vie, j’adore ma femme et ma fille. Je pense que je… »

« Tu peux juste me ramener à ma voiture ? » demanda Mackenzie, extrêmement gênée. Elle regarda par la fenêtre, elle avait envie d’hurler.

« Je suis désolé, » dit Ellington.

« Ne le sois pas. C’est de ma faute. J’aurais dû savoir. »

Il démarra la voiture et sortit du parking. « Savoir quoi ? » demanda-t-il alors qu’ils se dirigeaient vers le commissariat.

« Rien, » dit-elle, en évitant toujours de le regarder.

Mais dans le silence pesant qui dura tout le temps du trajet au commissariat, elle pensa : J’aurais dû savoir que c’était trop beau pour être vrai.

Alors qu’ils roulaient en silence, elle eut soudain envie de se mettre en boule et de mourir. Elle se détestait elle-même et se demandait si elle ne venait pas de foutre en l’air la plus belle opportunité de sa vie depuis très, très longtemps.

CHAPITRE DIX-SEPT

Mackenzie fut réveillée à six heures quarante-cinq le lendemain matin par le son d’un message entrant. Elle était déjà éveillée et vêtue de ses sous-vêtements. Elle lut le message et son coeur battit à tout rompre quand elle vit que c’était un message d’Ellington.

Je rentre à la maison. Je t’appelle plus tard pour voir comment ça va.

Elle eut envie de l’appeler tout de suite. Elle était bien consciente qu’elle s’était comportée comme une adolescente éconduite hier soir. Mais au fond, elle n’avait pas vraiment été rejetée. Ellington était juste resté fidèle à ce qu’il était, ajoutant la qualité de mari fidèle à sa déjà très longue liste de caractéristique admirables.

Finalement, elle décida de laisser tomber. Elle se sentait déjà assez gênée comme ça mais en plus elle se sentait démoralisée. Et ce n’était pas un sentiment qu’elle avait très souvent. Le tueur courait toujours et ils n’étaient pas plus près de l’attraper qu’ils ne l’étaient il y a trois jours. Elle avait perdu son petit ami de trois ans et s’était amourachée d’un agent du FBI à peine vingt-quatre plus tard. Pour couronner le tout, elle avait vu à quoi son futur pouvait ressembler lorsqu’elle était avec Ellington. Elle avait vu ce que son boulot pouvait devenir avec quelqu’un qui la respectait et qui d’une certaine manière, l’admirait. Et maintenant, c’était terminé.

Elle n’avait plus que Porter et Nelson auxquels s’adresser. Ce qui la remplit de doutes en plein milieu d’une affaire qui l’affectait jusqu’en son for intérieur.

Après avoir enfilé un t-shirt, elle s’assit au coin du lit et regarda son téléphone. Tout d’un coup, ce n’était plus Ellington qu’elle avait envie d’appeler. Elle pensait à quelque d’autre, quelqu’un qui partageait les même traumatismes et sentiment d’échec qu’elle connaissait si bien.

Avec un nœud dans l’estomac, Mackenzie attrapa son téléphone et fit défiler ses contacts. Quand elle arriva au nom de Steph, elle appuya sur APPELER puis fut sur le point de raccrocher tout de suite.

Au moment où le téléphone se mit à sonner, elle regrettait déjà d’avoir passé cet appel. Le téléphone sonna deux fois avant qu’elle ne réponde. La voix de sa soeur de l’autre côté du fil était familière mais c’était une voix qu’elle n’entendait pas souvent.

« Mackenzie, » dit Stephanie, « Il est tôt. »

« Tu ne dors jamais plus tard que cinq heures, » souligna Mackenzie.

« C’est vrai. Mais je tenais quand même à souligner qu’il était tôt. »

« Désolée, » dit-elle. C’était un mot qu’elle utilisait beaucoup quand elle parlait à Steph. Non pas parce qu’elle était vraiment désolée mais plutôt parce que Steph avait l’art d’accabler les gens d’un sentiment de culpabilité au sujet des choses les plus banales.

« Qu’est-ce que Zack a fait cette fois-ci ? » demanda Steph.

« Ce n’est pas Zack, » dit Mackenzie. « Zack n’est plus là. »

« Tant mieux, » dit Steph, sur un ton neutre. « Il prenait trop de place pour pas grand-chose. »

Il y eut un silence à l’autre bout de la ligne durant un instant. Il était clair que Steph aurait pu continuer à vivre sans plus jamais parler à sa sœur. C’était un fait qu’elle avait exprimé clairement à de nombreuses reprises. Elles ne se détestaient pas, loin de là, mais communiquer avec elle ramenait toujours le passé sur le tapis. Et le passé était quelque chose que Steph avait passé la majorité de ses trentre-trois ans de vie à fuir.

Comme toujours, Steph avait l’air d’être à moitié endormie quand elle parla au téléphone.

« Ça vaut la peine de rentrer dans les détails ? Factures à peine payées. Petit ami alcoolique avec une réputation de me décocher des crochets du droit. Migraines constantes. Tu choisis quoi ? »

Mackenzie inspira profondément.

« Et si on commençait par parler du petit ami qui te bat ? » dit Mackenzie. « Pourquoi tu ne le dénonces pas ? »

Steph dit en rigolant. « Trop d’emmerdes. Non merci. »

Mackenzie réfréna toute une série de questions sur les autres sujets. Entre autres : Et si tu retournais à l’université, que tu finissais tes études et que tu arrêtais ce boulot sans issue ? Mais ce n’était pas le moment pour de tels conseils. Au téléphone, tout ce qu’elles pouvaient se dire allait rester superficiel. Elles avaient toutes les deux appris depuis longtemps que c’était mieux ainsi.

« Bon allez, crache le morceau, » dit Steph. « Tu ne m’appelles que quand ça ne va pas. C’est juste parce que Zack est parti ? Parce que si c’est ça, alors laisse-moi te dire que c’est la meilleure chose qui ait pu t’arriver. »

« Il y a de ça, » dit Mackenzie. « Mais il y a aussi cette affaire qui m’affecte à un point comme jamais ça ne m’était arrivé. J’ai l’impression d’être, je ne sais pas, incompétente. Ajoute à ça que j’ai invité hier soir un homme marié à partager mon lit et… »

« Et il a accepté ? » l’interrompit Steph.

« Steph, c’est tout ce que tu as retenu de ce que je viens de te dire ? »

« C’est la seule chose intéressante que j’ai entendue. C’était qui ? »

« Un agent du FBI qui avait été envoyé pour aider sur l’enquête. »

« Oh, » dit Steph, ayant apparemment terminé la conversation. Un silence envahit la ligne durant cinq secondes avant qu’elle ne répéte sa question : « Alors, il a accepté ? »

« Non. »

« Aïe, » dit Steph.

« Tu n’as pas envie de parler ? » demanda Mackenzie.

« En général, non. On n’a rien à voir l’une avec l’autre, Mackenzie. Qu’est-ce que tu veux de moi ? »

Mackenzie soupira, envahie par la tristesse.

« Je veux ma sœur, » dit Mackenzie, se surprenant elle-même. « Je veux une sœur que je peux appeler et qui m’appelle de temps en temps pour me parler du pauvre type au boulot qui aime tripoter les filles. »

Steph soupira. Ce son parvint à voyager les mille deux cents kilomètres qui les séparaient et l’atteindre en pleine figure à travers le téléphone.

« Ce n’est pas moi, » dit Steph. « Tu sais qu’à chaque fois qu’on parle, le sujet de papa revient sur le tapis. Et à partir de là, ça part en vrille. Encore pire si on se met à parler de maman. »

Le mot maman l’atteignit en plein visage à travers le téléphone. « Comment va-t-elle ? » demanda Mackenzie.

« Toujours pareil. Je lui ai parlé le mois dernier. Elle m’a demandé de lui prêter de l’argent. »

« Et tu lui as prêté ? »

« Mackenzie, je n’ai pas assez d’argent pour lui en prêter. »

Un autre silence envahit la ligne. Mackenzie avait souvent offert à Steph de lui prêter de l’argent mais chaque tentative avait été reçue avec mépris, colère et ressentiment. Après un temps, Mackenzie avait arrêté d’essayer.

« C’est tout ? » demanda Steph.

« Une dernière chose, si ça ne te dérange pas, » dit Mackenzie.

« Quoi ? »

« Quand tu as parlé avec maman, est-ce qu’elle a mentionné mon nom ne serait-ce qu’une seule fois ? »

Steph resta silencieuse durant un instant puis finit par répondre. Elle le fit d’une voix à nouveau somnolente. « Tu as vraiment envie de t’infliger ce genre de choses ? »

« Est-ce qu’elle a posé des questions à mon sujet ? » demanda Mackenzie, d’une voix plus forte et sur un ton plus exigeant.

« Oui, elle en a posé. Elle m’a demandé si je pensais que tu lui prêterais de l’argent. Je lui ai dit de te le demander elle-même. Rien de plus. »

Mackenzie se sentie envahie de tristesse. C’était tout ce que sa mère voulait d’elle.

Elle tenait le téléphone à l’oreille, sentit une larme couler et ne sut pas quoi dire.

« Écoute, » dit Steph. « Là, il faut vraiment que j’y aille. »

La communication se coupa.

Mackenzie jeta le téléphone sur le lit et le fixa du regard durant un instant. La conversation avait duré moins de cinq minutes mais elle avait l’impression qu’elle avait duré une éternité. Il n’empêche qu’elle avait bizarrement été plus positive que leurs dernières conversations téléphoniques, qui s’étaient terminées avec de vives discussions au sujet de la dynamique familiale par rapport à qui était responsable de la dégringolade de leur mère après la mort de leur père. Mais d’une certaine manière, cette conversation avait également été pire.

Elle pensa aux années pourries qui s’étaient déroulées entre le soir où elle avait trouvé son père mort et la nuit où sa mère avait été emmenée au service psychiatrique de l’hôpital pour la première fois. Mackenzie avait alors dix-sept quand ça arriva et Steph était à l’université où elle faisait des études de journalisme. Après ça, la situation avait empiré pour elles trois mais Mackenzie avait été la seule à vraiment résister, finissant par s’en sortir assez bien au vu des circonstances dramatiques.

Elle pensa à sa mère pendant qu’elle terminait de s’habiller, se demandant pourquoi la pauvre femme avait choisi de la détester dans toute cette histoire. C’était une question qu’elle avait enterré dans un recoin de son esprit mais qui ressortait à chaque fois qu’elle n’avait pas le moral.

En s’efforçant autant que possible d’éviter cette question, elle attrapa son téléphone, son badge et son arme. Puis elle se dirigea vers son boulot, de manière déterminée. Mais quelle direction allait-elle prendre ? C’était quoi la prochaine étape ?

Pour la première fois depuis qu’elle avait été promue détective, elle eut l’impression de se retrouver dans un cul-de-sac.

Cul-de-sac, pensa-t-elle, les mots commençant à prendre forme dans son esprit.

Elle pensa au chemin de terre le long duquel le deuxième corps avait été retrouvé. Ne menait-il pas à un cul-de-sac dans ce champ ?

Et la maison abandonnée ? La route en gravier qui y menait et la troisième victime était dans une voie sans issue sur un petit carré de terre devant la maison.

« Cul-de-sac, » dit-elle tout haut en sortant de chez elle.

Et elle sut tout de suite où elle devait aller.

Altersbeschränkung:
16+
Veröffentlichungsdatum auf Litres:
10 Oktober 2019
Umfang:
251 S. 2 Illustrationen
ISBN:
9781632918987
Download-Format:
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