Buch lesen: «Avant qu’il ne tue», Seite 6

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CHAPITRE DIX

Ils roulèrent un peu plus de deux heures et demie depuis le club de strip-tease après avoir reçu le coup de fil. La nuit tombait lentement durant tout le trajet, accentuant encore l’humeur déprimée de Mackenzie. Et lorsqu’ils arrivèrent à la scène du crime, la nuit était complètement tombée. Ils sortirent de la route principale pour s’engager sur une route sans bitume, puis sur un chemin de terre qui menait à un grand champ ouvert. Alors qu’ils s’approchaient de leur destination, elle eut le sentiment d’une tragédie imminente.

La lueur de ses phares se projetait juste devant elle alors qu’elle roulait prudemment sur un sentier cahoteux. Petit à petit, elle commença à distinguer les nombreuses voitures de police déjà présentes sur la scène. Certaines d’entre elles avaient leurs phares dirigés vers le centre du champ, révélant une scène sinistre mais devenue familière.

Bien qu’elle tentait de l’éviter, elle tressaillit à la vue de la scène.

« Mon dieu, » dit Porter.

Mackenzie se gara et sortit de la voiture, sans quitter un instant la scène des yeux. Elle s’avança lentement. L’herbe du champ était assez haute et lui arrivait aux genoux à certains endroit. Elle vit le sentier tracé par les policiers sur place. Il y en avait bien de trop ici et elle se demanda si la scène n’avait pas déjà été contaminée.

Elle leva les yeux et inspira profondément. C’était une autre femme, ne portant que ses sous-vêtements et attachée à un poteau d’environ deux mètres cinquante de haut. Cette fois-ci, en voyant cette femme attachée de cette manière, Mackenzie ne put s’empêcher de penser à sa sœur. Steph avait été strip-teaseuse. Mackenzie n’était pas certaine de ce que Steph faisait ces temps-ci mais il était très facile de l’imaginer finir sa vie de cette manière.

Alors que Mackenzie s’approchait de la victime, elle jeta un coup d’œil autour de la scène de crime et compta sept policiers au total. Deux officiers étaient sur le côté et parlaient avec deux adolescents. Devant elle, à quelques mètres du poteau et de la victime, Nelson parlait au téléphone. Quand il les aperçut, il leur fit signe de venir et termina rapidement son appel.

« Quelque chose de neuf venant du club de strip-tease ? » demanda Nelson.

« Non monsieur, » dit Mackenzie. « Je suis convaincue qu’Avery n’a rien à voir avec tout ça. Il a offert de nous fournir tous les noms et numéros de téléphone de ses employés si nous en avions besoin mais je pense que nous n’aurons pas besoin de son aide. »

« Nous avons besoin de l’aide de quelqu’un, » dit Nelson, en regardant en direction du poteau comme s’il allait vomir.

Mackenzie s’approcha du corps et vit tout de suite que celui-ci était en bien plus mauvais état que le corps de Hailey Lizbrook. D’abord, il y avait une importante bosse et un bleu sur le côté gauche du visage de la femme. Il y avait également du sang séché autour et dans son oreille. Les lacérations de son dos semblaient avoir été faites avec la même arme, mais cette fois-ci elles avaient été assénées avec beaucoup plus de force et de manière plus suivie.

« Qui a découvert le corps ? » demanda Porter.

« Ces ados, là-bas, » dit Nelson, en pointant du doigt en direction de l’un des policiers qui continuait à parler avec les deux adolescents. « Ils ont admis être venus ici pour s’embrasser et fumer des joints. Ils nous ont dit que ça faisait un mois qu’ils le faisaient. Mais ce soir, ils ont trouvé ça. »

« Même type de corps que Hailey Lizbrook, » dit Mackenzie, en réfléchissant tout haut. « Je pense que nous pouvons probablement envisager le même type de profession. »

« Vous deux, je veux des réponses sur cette affaire, » dit Nelson. « Et je les veux maintenant. »

« On s’y efforce, » dit Porter. « White est à fond sur cette enquête et… »

« Ce que je veux, c’est des résultats, » dit Nelson, prêt à exploser. « White, sur ce coup-là, je suis même ouvert à certains de vos raisonnements hors des sentiers battus. »

« Vous avez une torche à me prêter ? » demanda-t-elle.

Nelson sortit une petite torche Maglite de la poche de sa veste et lui tendit avec plaisir. Elle l’attrapa, l’alluma et commença à observer la scène. Elle s’éloigna du radotage nerveux de Nelson et le laissa passer ses nerfs sur Porter.

Avec le désir de précision qui l’envahissait dans des moments comme celui-ci, le monde extérieur disparaissait pendant qu’elle passait la scène au peigne fin à la recherche de tout indice. Certains étaient visibles directement. Par exemple, elle savait que Nelson et les autres policiers avaient utilisé le même sentier pour s’approcher du corps afin d’éviter de contaminer la scène du crime. En dehors de leurs empreintes menant des voitures vers le corps, il y avait de nombreuses autres marques et traces dans l’herbe haute, probablement laissées par le tueur.

Elle s’éloigna un peu du sentier et décrivit lentement un arc de cercle avec le faisceau lumineux de sa torche autour du champ entourant le poteau. Elle enregistra mentalement certains détails, se retourna pour regarder les deux adolescents, puis se dirigea de nouveau vers le poteau. Elle observa le corps afin d’y découvrir des indices. Elle était certaine que ce corps, tout comme celui de Hailey Lizbrook, ne montrerait aucun signe d’abus sexuel.

Elle se demanda si l’installation du poteau n’avait pas plus de signification qu’un simple dispositif théâtral. Il y avait une sorte de détermination dans cette installation, un peu comme une sorte de nécessité pour l’assassin. Durant un bref moment, elle l’imagina, les mains sur le poteau et prêt à la tâche.

Il le traîne avec fierté, peut-être même hissé sur son dos. Il consacre beaucoup d’effort à cette tâche, comme une condition préalable aux meurtres. Supporter le poids du poteau, l’amener jusqu’au site choisi, creuser le trou et l’installer. Il y a une forme de satisfaction dans cette tâche effectuée à la sueur de son front. Il prépare le site pour son meurtre. Il prend autant de satisfaction dans ce travail que dans celui de l’assassinat en soi.

« Qu’est-ce que tu en penses, White ? » demanda Nelson en la regardant tourner autour du corps.

Mackenzie cligna des yeux, arrachée soudainement à l’image du tueur qu’elle s’était forgée en tête. En réalisant combien elle était allée loin durant un instant, elle sentit un léger frissonnement la traverser.

« Là d’entrée de jeu, je peux déjà vous dire que le chemin qu’il a utilisé pour traîner le poteau depuis le chemin de terre jusqu’ici est encore visible, » dit-elle. « Ça veut dire que le poteau n’était pas ici à l’origine. Il l’a amené avec lui. Ce qui veut dire aussi qu’il conduit probablement une sorte de pickup ou de camionnette. »

« C’est la conclusion à laquelle j’étais arrivé, » dit Nelson. « Autre chose ? »

« C’est un peu difficile d’en être certain de nuit, » dit-elle, « mais je suis presque sûre que la victime était emballée dans quelque chose lorsque le tueur l’a amenée jusqu’ici. »

« Et pourquoi tu penses ça ? »

« Je ne vois pas de trace de sang dans l’herbe mais certaines des blessures de son dos, spécialement celles autour de son fessier, sont encore humides. »

Pendant que Nelson digérait cette information, Mackenzie se dirigea vers l’arrière du poteau et abaissa les brins d’herbe d’une main. De l’autre main, elle promena le faisceau lumineux de la torche le long du bas du poteau.

Son coeur s’emballa lorsqu’elle vit les chiffres : N511/J202.

Il utilise un couteau ou un burin. Il prend beaucoup de temps et fait beaucoup d’effort afin de s’assurer que les gravures soient lisibles. Ces gravures ont une grande importance pour lui et, au-delà de ça, il veut qu’elles soient vues. Que ce soit consciemment ou inconsciemment, il souhaite que quelqu’un comprenne pourquoi il fait ce qu’il fait. Il a besoin que quelqu’un comprenne ses raisons.

« Chef ? » dit-elle.

« Oui, White ? »

« Il y a à nouveau ces chiffres. »

« Merde, » dit Nelson, en s’approchant de là où elle était agenouillée. Il baissa les yeux et laissa échapper un profond soupir. « Vous avez une idée de ce qu’ils signifient ? »

« Aucune idée, monsieur. »

« OK, » dit Nelson. Les mains sur les hanches, il leva les yeux vers le ciel comme un homme vaincu. « Encore d’autres questions nécessitant des réponses et pour l’instant, il n’y a rien qui nous permette de boucler cette affaire sous peu. Un homme conduisant un pickup ou une camionnette, qui a accès à des poteaux en bois et… »

« Attendez, » dit Mackenzie. « Vous venez juste de dire quelque chose. »

Elle retourna vers l’arrière du poteau. Elle se pencha pour observer l’endroit où les poignets de la femme étaient liés avec la corde.

« Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda Porter, en s’approchant pour jeter un coup d’oeil.

« Tu t’y connais en nœuds ? » demanda-t-elle.

« Pas vraiment. »

« Moi oui, je m’y connais, » dit Nelson, en s’approchant également pour jeter un coup d’oeil. « Qu’est-ce que tu as trouvé ? »

« Je suis presque sûre qu’il s’agit du même nœud utilisé pour attacher Hailey Lizbrook. »

« Et alors ? » dit Porter.

« C’est un peu inhabituel, » répondit Mackenzie. « Tu sais faire un nœud comme celui-là, toi ? Moi je ne sais pas. »

Porter y jeta à nouveau un oeil, l’air perplexe.

« Je suis presque sûr qu’il s’agit d’un nœud marin, » dit Nelson.

« C’est ce que j’avais pensé, » dit Mackenzie. « Et même si c’est un mince indice, je prendrais en compte que notre tueur pourrait être familiarisé avec les bateaux. Peut-être qu’il vit près d’une étendue d’eau ou qu’il y a vécu à un moment donné de sa vie. »

« Conduit un pickup ou une camionnette, vit peut-être à proximité d’une étendue d’eau et a des problèmes avec les femmes, » dit Nelson. « Pas énormément auquel se raccrocher mais c’est déjà mieux que ce qu’on avait hier. »

« Et au vu de la manière rituelle qu’il a de tuer, » dit Mackenzie, « et l’intervalle très court entre les deux meurtres, nous pouvons seulement supposer qu’il va tuer à nouveau. »

Elle se tourna vers lui en le regardant de la manière la plus sérieuse possible.

« Avec tout le respect que je vous dois, monsieur, je pense qu’il est temps d’appeler le FBI. »

Il fronça les sourcils.

« White, leurs procédures seules nous ralentiraient. On aurait déjà deux corps de plus sur les bras avant qu’ils ne nous envoient quelqu’un. »

« Je pense que ça vaut la peine d’essayer tout de même, » dit-elle. « On est un peu dépassé par la situation. »

Elle avait horreur de l’admettre mais le visage de Nelson avait l’air de dire qu’il était du même avis. Il hocha la tête de manière solennelle et se retourna pour regarder le corps attaché au poteau. « Je passerai un coup de fil, » dit-il finalement.

Derrière eux, ils entendirent un des policiers laisser échapper un juron. Ils se retournèrent tous pour voir ce qu’il se passait et virent la lueur de phares s’approcher sur le chemin de terre.

« Mais c’est qui ça ? » demanda Nelson. « Personne d’autre ne devrait être au courant et… »

« Une camionnette de journalistes, » dit le policier qui avait laissé échapper le juron.

« Mais comment ? » dit Nelson. « Merde ! Qui continue à informer ces trous du cul ? »

La scène fut soudainement prise d’effervescence. Nelson faisait tout son possible afin de préparer l’arrivée des journalistes. Il était furieux et on aurait dit que sa tête allait exploser à tout moment. Mackenzie prit autant de photos qu’elle put : des traces dans certaines zones du champ, du nœud aux poignets de la victime, des chiffres sur la base du poteau.

« White, Porter, sortez d’ici et retournez au commissariat, » dit Nelson.

« Mais monsieur, » dit Mackenzie, « nous devons encore… »

« Faites ce que je vous dis, » dit-il. « Vous êtes en charge de cette affaire et si les journalistes s’en rendent compte, ils vous colleront au train et ralentiront votre enquête. Alors partez maintenant. »

C’était un raisonnement qui tenait la route et Mackenzie obtempéra. Mais au moment de retourner vers la voiture avec Porter, une autre idée lui traversa l’esprit. Elle se retourna vers Nelson et lui dit : « Monsieur, je pense que nous devrions faire tester le bois de ce poteau et celui du poteau précédent. Prélevez un échantillon et faites-le analiser. Peut-être que le type de bois utilisé pour ces deux poteaux pourrait nous mener à quelque chose. »

« Très bonne idée, White, » dit-il. « Maintenant, foutez-moi le camp. »

Mackenzie obéit et en se dirigeant vers sa voiture, elle vit que d’autres phares suivaient la première camionnette de journalistes qui venait de se garer du côté des voitures de police. Elle put lire les initiales WSQT inscrites sur le côté du véhicule. Un journaliste, suivi d’un caméraman, en sortirent en se précipitant. Mackenzie ne put s’empêcher de penser à une bande de vautours encerclant une proie récemment tuée.

Alors qu’elle rentrait dans la voiture du côté chauffeur, une autre journaliste sortit de la camionnette et se mit à prendre toute une série de photos. Mackenzie se sentit tout de suite mal lorsqu’elle vit que l’appareil était pointé dans sa direction. Elle baissa la tête, rentra dans la voiture et démarra le moteur. Elle vit trois policiers se diriger précipitamment vers la camionnette des journalistes, Nelson en tête. Mais la journaliste parvint à forcer le passage.

Ils s’éloignèrent mais Mackenzie savait qu’il était déjà trop tard.

Demain, sa photo ferait la une de tous les journaux.

CHAPITRE ONZE

Finalement, Nelson avait eu tort concernant le FBI. Mackenzie reçut un appel à 6h35 du matin, lui demandant de se rendre à l’aéroport pour aller y chercher un agent qui était en route. Elle devait se dépêcher car le vol arrivait déjà à 8h05 et elle était un peu ennuyée de faire une première impression sans avoir eu le temps de se coiffer correctement.

Mais ses cheveux étaient tout de même la moindre de ses préoccupations alors qu’elle s’assit dans une des chaises inconfortables de l’aéroport devant la porte des arrivées. Elle avalait une tasse de café, en espérant leurrer son esprit sur le fait que son corps n’avait eu que cinq heures de sommeil la nuit dernière. C’était sa troisième tasse de café ce matin et elle savait qu’elle devait lever le pied si elle ne voulait pas être trop nerveuse. Mais elle ne pouvait pas se permettre d’être fatiguée et dans le gaz.

Elle passa en revue tous les éléments de l’enquête dans sa tête en attendant que l’agent descende de l’avion, revoyant en boucle l’horrible scène d’hier soir. Elle ne pouvait pas s’empêcher de penser qu’il y avait quelque chose qui lui échappait. Elle espérait que l’agent du FBI pourrait les aider à y voir plus clair.

Nelson lui avait envoyé par email le dossier de l’agent, qu’elle avait rapidement survolé en avalant un petit déjeuner composé d’une banane et d’un bol de porridge. C’est grâce à ça qu’elle repéra directement l’agent au moment où il passa la passerelle de débarquement et entra dans l’aéroport. Jared Ellington, trente et un ans, diplômé de l’université de Georgetown et avec un cursus incluant une expérience en profilage dans des affaires d’antiterrorisme. Ses cheveux noirs étaient lissés en arrière comme sur sa photo et le costume qu’il portait indiquait qu’il était en mission officielle.

Mackenzie traversa la porte pour venir à sa rencontre. Elle ne parvenait pas à éviter de penser à ses cheveux. Elle se sentait exténuée et pas très en forme, du fait d’avoir dû se dépêcher tôt ce matin. Mais elle ne s’était jamais vraiment préoccupée de son apparence ni de la première impression qu’elle pouvait donner. Alors pourquoi se préoccupait-elle aujourd’hui ?

Peut-être parce qu’il était du FBI, une agence qu’elle vénérait. Ou peut-être parce que, en dépit d’elle-même, elle était impressionnée par son physique. Cette idée la dérangeait vraiment, non seulement à cause de Zack, mais aussi à cause de l’urgence et du caractère macabre du travail qu’ils avaient à effectuer.

« Agent Ellington, » dit-elle, en tendant la main et en s’efforçant d’adopter un ton aussi professionnel que possible. « Je suis Mackenzie White, une des détectives en charge de l’affaire. »

« Un plaisir de vous rencontrer, » dit Ellington. « Votre chef m’a dit que vous étiez la détective dirigeant l’enquête. C’est bien ça ? »

Elle fit de son mieux pour cacher sa surprise et acquiesça de la tête.

« C’est bien ça, » dit-elle. « Je sais que vous venez juste de descendre de l’avion mais nous ne devrions pas perdre de temps et nous rendre directement au commissariat. »

« Bien sûr, » dit-il. « Je vous suis. »

Elle le guida à travers l’aéroport jusqu’au parking. Ils restèrent silencieux durant tout ce temps et Mackenzie en profita pour le jauger. Il avait l’air assez détendu, pas aussi crispé et rigide que d’autres types du Bureau qu’elle avait rencontrés dans le passé. Il avait l’air aussi très intense et très sérieux. Il avait un air bien plus professionnel que n’importe lequel des hommes avec qui elle avait travaillé.

Alors qu’ils se dirigeaint vers l’autoroute, en manoeuvrant dans l’intense circulation matinale, Ellington se mit à consulter toute une série d’emails et de documents sur son téléphone.

« Dites-moi, détective White, » dit-il, « quel type de personne pensez-vous que nous recherchons ? J’ai révisé les notes que le chef Nelson m’a envoyées et je dois dire que vous avez l’air d’y voir assez clair. »

« Merci, » dit-elle. Puis, écartant très vite le compliment, elle ajouta : « Quant au type de personne, je pense à une personnalité découlant d’une forme d’abus. Le fait que les victimes n’aient subi aucun abus sexuel, bien qu’elles ne portent plus que leurs sous-vêtements, indique que ce sont des meurtres qui trouvent leur source dans un besoin de vengeance contre une femme qui lui aurait fait du mal à un moment de sa vie. Je pense qu’il pourrait s’agir d’un homme qui a honte du sexe ou qui trouve le sexe répugnant. »

« Je vois que vous n’avez pas écarté la motivation religieuse, » dit Ellington.

« Non, pas encore. La nature même de la manière dont il expose ces femmes trahit d’évidentes connotations liées à la crucifixion. Et le fait que les femmes qu’il tue représentent l’incarnation de la luxure masculine ne permet pas d’écarter la motivation religieuse. »

Il hocha de la tête en continuant à consulter son téléphone. Elle lui jetait des regards furtifs en se faufilant à travers le trafic et elle était frappée par sa beauté. Ce n’était pas spécialement visible au premier coup d’oeil, mais il avait quelque chose de simple et en même temps de sauvage. Il ne correspondait pas au prototype du jeune premier mais constituerait sans aucun doute un très joli ajout à l’équipe du héros.

« Je sais que ça peut sembler impoli, » dit-il, « mais je m’efforce de bien comprendre la situation. Comme vous le savez sûrement, on m’a appelé il y a seulement six heures pour m’occuper de cette affaire. Tout est arrivé très vite. »

« Non, ce n’est pas impoli du tout, » dit Mackenzie. Elle trouvait très agréable le fait d’être en voiture avec un homme sans avoir à subir une conversation teintée de sexisme ou d’insultes à peine dissimulées. « Ça ne vous dérange pas si je vous demande quelle est votre première impression concernant le tueur ? »

« Ma plus grosse question consiste à comprendre pourquoi il affiche les corps tout court, » dit Ellington. « Ça me fait penser que ces meurtres ne sont pas juste une vengeance personnelle. Il veut que les autres voient ce qu’il a fait. Il veut donner ces femmes en spectacle, ce qui signifie qu’il est fier de ce qu’il fait. J’en arrive même à penser qu’il croit rendre service à l’humanité. »

Mackenzie sentit monter en elle un sentiment d’effervescence alors qu’ils s’approchaient du commissariat. Ellington était à l’opposé de Porter et semblait adopter la même forme d’approche qu’elle au profilage. Elle ne se rappellait pas à quand datait la dernière fois où elle avait été capable de faire part librement de ses pensées avec un collègue sans avoir peur d’être ridiculisée ou prise de haut. Elle sentait qu’il était facile de parler avec Ellington et qu’il prenait en compte les opinions des autres. Et franchement, le fait qu’il soit beau à regarder ne gâchait rien, au contraire.

« Je sens que vous êtes sur la bonne voie, » dit Ellington. « À nous deux, je pense qu’on peut attraper ce type. En creusant davantage sur le sujet des nœuds, sur le fait qu’il conduit un pickup ou une camionnette et qu’il utilise apparemment la même arme à chaque fois, nous avons déjà de quoi faire. Je me réjouis de travailler sur cette affaire avec vous, détective White. »

« De même, » dit-elle, en lui jetant un autre regard furtif du coin de l’oeil alors qu’il continuait à lire attentivement les emails sur son téléphone.

Son enthousiasme ne fit qu’augmenter. Elle eut un sentiment de motivation qu’elle n’avait plus ressenti à l’égard de son boulot depuis très longtemps. Elle se sentait inspirée et revigorée. Elle sentait que beaucoup de choses étaient sur le point de changer dans sa vie.

*

Une heure plus tard, Mackenzie fut brutalement ramenée à la réalité lorsqu’elle vit l’agent Jared Ellington se tenir debout devant une salle remplie de policiers qui visiblement pensaient ne pas avoir besoin de son aide. Quelques-uns d’entre eux assis autour de la table prenaient des notes mais il y avait une tension dans l’air qui pouvait se lire sur tous les visages. Elle remarqua que Nelson était assis en tête de table et qu’il avait l’air nerveux et mal à l’aise. Ça avait été finalement son choix de contacter le FBI et il était clair qu’il se demandait s’il avait bien fait.

Pendant ce temps, Ellington fit de son mieux pour garder le contrôle de la salle et fit un court exposé des mêmes informations dont il avait discuté avec Mackenzie lors du trajet depuis l’aéroport. Qu’ils recherchaient un tueur qui avait très probablement une aversion pour le sexe et qui était également fier de ses meurtres. Il passa également en revue tous les indices dont ils disposaient et de ce qu’ils pouvaient signifier. Ce ne fut que lorsqu’il arriva au sujet concernant l’analyse du bois des poteaux qu’il reçut une forme de réponse de la part des officiers disséminés autour de la table.

« Concernant les échantillons de bois, » dit Nelson, « nous devrions recevoir les résultats des analyses d’ici quelques heures. »

« Et qu’est-ce que ça nous apportera de plus, de toute façon ? » demanda Porter.

Nelson regarda en direction de Mackenzie et hocha de la tête, lui donnant la permission de répondre à cette question. « Et bien, sur base des résultats, nous pourrons faire des recherches du côté des entreprises d’abattage ou des scieries afin de savoir si quelqu’un a acheté dernièrement ce type de poteau. »

« Les chances sont minimes que ça aboutisse à quelque chose, » dit un policier plus âgé au fond de la salle.

« C’est vrai, » dit Ellington, en reprenant rapidement le contrôle de la salle. « Mais des chances minimes, c’est mieux qu’aucune chance du tout. Et s’il vous plaît, n’oubliez pas que je ne suis pas ici pour prendre le contrôle de cette enquête. Je suis ici uniquement en tant qu’élément mobile d’une solution, un intermédiaire garantissant que vous ayez un accès total à toutes les ressources et informations que le Bureau peut fournir. Ça inclut la recherche, la main-d’œuvre et tout ce qui peut être nécessaire pour attraper ce tueur. Je suis ici seulement de manière temporaire, probablement pas plus longtemps que trente-six ou quarante-huit heures. Puis je m’en irai. C’est votre enquête, les gars. Je suis juste une personne embauchée pour vous aider. »

« Alors on commence par quoi ? » demanda un autre policier.

« Après cette réunion, je travaillerai avec le chef Nelson sur une division appropriée des tâches, » dit Ellington. « Certains d’entre vous iront parler avec les collègues de Hailey Lizbrook. Nous allons également recevoir tous les résultats d’autopsie et des informations concernant la défunte découverte hier soir. Dès que nous aurons une identification positive, certains d’entre vous iront rendre visite à sa famille et à ses amis afin d’obtenir davantage d’informations. Et il faudra également rendre visite aux scieries dès que nous recevrons les résultats des tests du bois. »

À nouveau, Mackenzie remarqua la raideur de la plupart des policiers assis autour de la table. Elle n’arrivait pas à croire qu’ils étaient trop fiers (ou peut-être, pensa-t-elle, trop paresseux) que pour recevoir des ordres directs de quelqu’un qu’ils ne connaissaient pas bien, quelle que soit sa position. La mentalité des petites villes était-elle si difficile à abandonner ? Elle se l’était souvent demandée face à la manière dégradante avec laquelle la plupart des hommes dans cette salle l’avait traitée depuis qu’elle était arrivée.

« C’est tout pour l’instant, » dit Ellington. « Des questions ? »

Bien sûr, il n’y avait aucune question. Nelson se leva et rejoignit Ellington à l’avant de la salle.

« L’agent Ellington travaillera avec la détective White. Alors si vous avez besoin de lui, vous le trouverez dans son bureau à elle. Je sais que c’est peu orthodoxe mais c’est une occasion unique de profiter de la générosité du Bureau. »

Des marmonnements et des grommellements de remerciement se firent entendre alors que les policiers quittaient la table et se dirigeaient vers la sortie. Au passage, Mackenzie remarqua que certains d’entre eux la regardèrent avec air encore plus lourd de reproche que d’habitude. Elle regarda ailleurs en se levant et en rejoignant Nelson et Ellington à l’avant de la pièce.

« Il y a quelque chose que je devrais savoir ? » demanda Mackenzie à Nelson.

« Qu’est-ce que tu veux dire par là ? »

« On me jette des regards plus méchants que d’habitude, » dit-elle.

« Des regards méchants ? » demanda Ellington. « Pourquoi est-ce qu’on te regarde méchamment d’habitude ? »

« Parce que je suis une jeune femme déterminée qui dit ce qu’elle pense, » dit Mackenzie. « Les hommes par ici n’apprécient guère. Certains pensent que je devrais rester à la maison à cuisiner. »

Nelson eut l’air très embarassé et un peu fâché aussi. Elle pensa qu’il allait dire quelque chose pour se défendre lui et ses policiers mais il n’en eut pas l’occasion. Porter les rejoignit et jeta un exemplaire du journal local sur la table.

« Je pense que c’est ça la raison pour laquelle ils te regardent méchamment, » dit-il.

Ils se penchèrent tous pour jeter un œil au journal. Mackenzie sentit son cœur se glacer pendant que Nelson laissait échapper un juron derrière elle.

La une titrait « LE TUEUR ÉPOUVANTAIL COURT TOUJOURS. » En-dessous, le sous-titre disait : « Les forces de police dépassées par les événements et sans réponses alors qu’une autre victime est découverte. »

La photo en-dessous montrait Mackenzie rentrer dans la voiture qu’elle et Porter avaient utilisée hier pour se rendre sur la scène du crime. Le photographe avait immortalisé tout le côté gauche de son visage. Le pire, c’est qu’elle était assez jolie sur cette photo. Qu’elle veuille l’admettre ou pas, cette photo placée directement en-dessous du titre de la une la présentait comme le visage de l’enquête.

« Ce n’est pas juste, » dit-elle, sans aimer la manière dont ces mots sonnaient en sortant de sa bouche.

« Les hommes pensent que tu prends ton pied avec cette enquête, » dit Porter. « Ils pensent que tu es déterminée à résoudre cette affaire pour faire ta pub. »

« Et toi, c’est ce que tu penses ? » lui demanda Nelson.

Porter recula d’un pas et soupira. « Personnellement, non. White m’a prouvé sa valeur durant ces derniers jours. Elle veut attraper ce type, coûte que coûte. »

« Alors pourquoi tu ne prends pas sa défense ? » demanda Nelson. « Crée des interférences aux rumeurs en attendant qu’on reçoive l’identification de la dernière victime et les résultats d’analyse des échantillons de bois. »

Avec l’air d’un enfant qui venait d’être grondé pour avoir menti, Porter baissa la tête et dit, « Oui, monsieur. » Il sortit sans se retourner.

Nelson jeta à nouveau un coup d’oeil au journal puis se tourna vers Mackenzie. « Moi, je dis qu’il faut que tu en tires profit. Si les journalistes veulent mettre un joli visage sur cette enquête, qu’ils le fassent. Tu en récolteras d’autant plus les lauriers le jour où tu arrêteras ce salaud. »

« Oui, monsieur. »

« Agent Ellington, de quoi avez-vous besoin ? » demanda Nelson.

« Juste de votre meilleur détective. »

Nelson sourit et tendit son pouce vers Mackenzie. « Vous l’avez devant vous. »

« Alors, je pense que je n’ai pas besoin de quoi que ce soit d’autre. »

Nelson sortit de la salle de conférence, laissant Ellington et Mackenzie seuls. Mackenzie commença à rassembler ses notes et son ordinateur portable pendant qu’Ellington faisait le tour de la pièce du regard. Il était clair qu’il ne se sentait pas à sa place et qu’il ne savait pas très bien comment gérer ça. Elle non plus ne se sentait pas trop à sa place. Elle était contente que tout le monde soit parti. Elle aimait se retrouver seule avec lui. Elle avait l’impression d’avoir un confident, quelqu’un qui la considérait d’égal à égal.

« Alors, » dit-il, « ils vous regardent vraiment de haut parce que vous êtes une femme et que vous êtes jeune ? »

Elle haussa les épaules.

« On dirait bien. J’ai déjà vu des nouvelles recrues arriver, des hommes bien entendu, et être taquinées mais on ne leur parle jamais de haut de la manière dont on me parle de haut à moi. Je suis jeune, motivée et, selon certains, pas trop laide à regarder. Il y a quelque chose dans tout ça qui les déstabilise. C’est plus facile pour eux de me considérer comme une belle paire de fesses ambitieuse plutôt que comme une femme de moins de trente ans faisant preuve d’une éthique professionnelle plus développée que la leur. »

Altersbeschränkung:
16+
Veröffentlichungsdatum auf Litres:
10 Oktober 2019
Umfang:
251 S. 2 Illustrationen
ISBN:
9781632918987
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