Buch lesen: «Une Concession d’Armes »
À propos de Morgan Rice
Morgan Rice est l’auteur de la série de fantasy épique en dix-sept tomes L’ANNEAU DU SORCIER, classée meilleure vente aux États-Unis et célébrée par le quotidien USA Today. Elle est également l’auteur de trois autres séries à succès en cours de publication : MÉMOIRES D’UN VAMPIRE, qui comprend onze tomes, LA TRILOGIE DES RESCAPÉS, un thriller post-apocalyptique qui en compte deux, et sa nouvelle série de fantasy épique, ROIS ET SORCIERS. Les livres de Morgan sont disponibles en édition audio et papier. Elle est traduite dans plus de vingt-cinq langues.
TRANSFORMATION (Livre # 1 de Mémoires d'une vampire), ARÈNE UN (Livre # 1 de la Trilogie des rescapés) et LA QUÊTE DE HÉROS (Livre # 1 dans L'anneau du sorcier) et LE RÉVEIL DES DRAGONS (Livre # 1 de Rois et sorciers) sont disponibles en téléchargement gratuit!
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Quelques acclamations pour l’œuvre de Morgan Rice
« L'ANNEAU DU SORCIER a tous les ingrédients d'un succès immédiat : des intrigues, des contre-intrigues, du mystère, de vaillants chevaliers et des relations qui s’épanouissent entre les cœurs brisés, les tromperies et les trahisons. Ce roman vous occupera pendant des heures et satisfera toutes les tranches d'âge. À ajouter de façon permanente à la bibliothèque de tout bon lecteur de fantasy. »
--Books and Movie Reviews, Roberto Mattos
« [Une] épopée de fantasy passionnante. »
—Kirkus Reviews
« Les prémices de quelque chose de remarquable … »
--San Francisco Book Review
« Bourré d'action… L'écriture de Rice est consistante et le monde intrigant. »
--Publishers Weekly
« Une épopée inspirée… Et ce n'est que le début de ce qui promet d'être une série épique pour jeunes adultes. »
--Midwest Book Review
Du même auteur
ROIS ET SORCIERS
LE RÉVEIL DES DRAGONS (Livre n 1)
LE RÉVEIL DU VAILLANT (Livre n 2)
LE POIDS DE L'HONNEUR (Livre n 3)
UNE FORGE DE BRAVOURE (Livre n 4)
L'ANNEAU DU SORCIER
LA QUÊTE DES HÉROS (Tome 1)
LA MARCHE DES ROIS (Tome 2)
LE DESTIN DES DRAGONS (Tome 3)
UN CRI D'HONNEUR (Tome 4)
UNE PROMESSE DE GLOIRE (Tome 5)
UN PRIX DE COURAGE (Tome 6)
UN RITE D'ÉPÉES (Tome 7)
UNE CONCESSION D'ARMES (Tome 8)
UN CIEL DE SORTILÈGES (Tome 9)
UNE MER DE BOUCLIERS (Tome 10)
UN RÈGNE D'ACIER (Tome 11)
UNE TERRE DE FEU (Tome 12)
UNE LOI DE REINES (Tome 13)
UN SERMENT FRATERNEL (Tome 14)
UN RÊVE DE MORTELS (Tome 15)
UNE JOUTE DE CHEVALIERS (Tome 16)
LE DON DE BATAILLE (Tome 17)
TRILOGIE DES RESCAPÉS
ARÉNA UN : LA CHASSE AUX ESCLAVES (Livre n 1)
DEUXIÈME ARÈNE (Livre n 2)
MÉMOIRES D'UNE VAMPIRE
TRANSFORMÉE (Livre n 1)
AIMÉE (Livre n 2)
TRAHIE (Livre n 3)
PRÉDESTINÉE (Livre n 4)
DÉSIRÉE (Livre n 5)
FIANCÉE (Livre n 6)
VOUÉE (Livre n 7)
TROUVÉE (Livre n 8)
RENÉE (Livre n 9)
ARDEMMENT DÉSIRÉE (Livre n 10)
SOUMISE AU DESTIN (Livre n 11)
Écoutez L’ANNEAU DU SORCIER en format audio !
Copyright © 2013 par Morgan Rice
Tous droits réservés. Sauf dérogations autorisées par la Loi des États-Unis sur le droit d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, distribuée ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, ou stockée dans une base de données ou système de récupération, sans l'autorisation préalable de l'auteur.
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Il s'agit d'une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les lieux, les événements et les incidents sont le fruit de l'imagination de l'auteur ou sont utilisés dans un but fictionnel. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, n'est que pure coïncidence.
Image de couverture : Copyright Razzomgame, utilisée en vertu d'une licence accordée par Shutterstock.com.
« Mon honneur, c’est ma vie : tous les deux ne font qu’un ;
Enlevez-moi l’honneur, et ma vie est perdue. »
--William ShakespeareRichard II
CHAPITRE UN
Gwendolyn se recroquevilla pour se protéger du vent hurlant, en s’engageant sur la Passerelle Septentrionale. Le pont branlant, recouvert de glace, était fait de cordages usés et de planches vermoulues. Difficile de croire qu’il supporterait leur poids… Gwen serra les dents en posant le pied sur la première marche.
Elle glissa et se rattrapa à la rambarde qui se mit à tanguer de façon peu rassurante. Son cœur manqua un battement en songeant que cette passerelle fragile était leur seul moyen de traverser le Canyon pour atteindre les Limbes et secourir Argon. Elle leva les yeux et aperçut au loin le paysage recouvert d’un tapis de neige aveuglant. Ce voyage lui paraissait de plus en plus hasardeux.
Une bourrasque soudaine fit branler violemment la passerelle et Gwen s’accrocha à deux mains aux cordages avant de tomber à genoux. L’espace d’un instant, elle se demanda si elle tiendrait bon… C’était encore plus dangereux qu’elle ne l’avait imaginé. Il leur faudrait recommander leurs vies aux dieux.
– Madame ? fit une voix.
Gwen se retourna vers Aberthol qui se tenait à quelques pas, flanqué de Steffen, Alistair et Krohn, qui attendaient de pouvoir traverser à leur tour. Tous les cinq formaient un groupe étrange et improbable, perché à l’aplomb du monde, prêt à affronter le futur et la mort.
– Devons-nous vraiment traverser ce pont ?
Grelottante, Gwen se retourna vers le vent hurlant chargé de neige, en serrant contre elle ses fourrures. Elle espérait secrètement ne pas avoir à traverser, ne pas avoir à entreprendre ce voyage… Qu’elle serait bien dans la maison de son enfance, à la Cour du Roi, à l’abri derrière ces murs solides, au pied du feu, éloignée des dangers et des soucis du monde qui menaçaient de l’avaler depuis son couronnement !
Mais, bien sûr, c’était impossible. La Cour du Roi n’existait plus et l’enfance de Gwen avait disparu avec elle. Dorénavant, elle était Reine. Elle devait prendre soin de son bébé à naître et de son futur mari. Ils avaient besoin d’elle. Pour Thorgrin, elle se serait jetée au feu. Elle savait ce qu’elle devait faire… Ils avaient besoin de Argon. Il fallait se rendre à l’évidence : ils n’affrontaient pas seulement Andronicus mais également une forme de magie obscure qui avait été assez puissante pour capturer Thor. Sans Argon, ils ne pourraient en venir à bout.
– Oui, répondit-elle. Il le faut.
Gwen se prépara à poursuivre son chemin mais, cette fois, Steffen se précipita pour lui bloquer le passage.
– Madame, laissez-moi passer le premier, dit-il. Nous ne savons pas ce qui nous attend sur cette passerelle.
Quoique touchée par sa proposition, Gwendolyn le repoussa doucement.
– Non, dit-elle. Je dois le faire.
Elle n’attendit pas un instant de plus et s’engagea d’un pas volontaire sur le pont fait de cordages.
Elle fut surprise par la sensation de froid sous ses doigts, comme si la glace cherchait à la transpercer de part en part. Elle prit une profonde inspiration, incertaine de survivre à la tentative.
Une autre bourrasque agita la passerelle et l’obligea à agripper plus fermement les cordes glacées. Elle lutta pour garder l’équilibre et ses semelles patinèrent sur les planches verglacées. Le pont s’inclina brusquement vers la gauche et, l’espace d’un instant, elle crut tomber, avant que le vent ne renverse à nouveau la passerelle dans l’autre direction.
Gwen s’agenouilla à nouveau. Elle avait à peine parcouru trois mètres et son cœur battait déjà à tout rompre dans sa poitrine. Ses doigts étaient si engourdis qu’elle ne les sentait plus.
Elle ferma les yeux et prit une grande inspiration, en pensant à Thor. Elle imagina son visage dans sa tête, jusqu’au dernier détail. Elle pensa à son amour pour lui, à sa détermination. Elle le sauverait. Quoi qu’il en coûte.
Quoi qu’il en coûte.
Gwendolyn ouvrit les yeux et se força à avancer, un pas après l’autre, les doigts refermés sur la rambarde, bien décidée à ne plus s’arrêter. Le vent et la neige pouvaient bien la renverser et l’emporter dans les ténèbres du Canyon. Cela n’importait plus. Il ne s’agissait pas d’elle, il s’agissait de l’amour de sa vie. Pour lui, elle aurait fait n’importe quoi.
Gwendolyn sentit le pont branler derrière elle. En jetant un coup d’œil par-dessus son épaule, elle vit Steffen, Aberthol, Alistair s’engager derrière elle. Krohn se faufila entre leurs jambes jusqu’à se retrouver à ses côtés.
– Je ne sais pas si j’y arriverai, prévint Aberthol d’une voix tendue en faisant quelques pas tremblants.
Il s’arrêta, ses doigts maigres et faibles refermés sur la rambarde. Un vieillard incapable de suivre ses compagnons…
– Vous pouvez le faire, dit Alistair en drapant un bras autour de sa taille. Je suis là, ne vous inquiétez pas.
La druidesse se mit à marcher à ses côtés, pour l’aider, comme le groupe poursuivait son chemin, de plus en plus loin, un pas après l’autre.
La force de Alistair devant l’adversité, son calme et sa témérité stupéfiaient Gwen. Elle dégageait également un pouvoir que Gwendolyn ne comprenait pas. Sans pouvoir l’expliquer Gwen ne pouvait s’empêcher de l’aimer. Les deux jeunes femmes se connaissaient à peine et, pourtant, elles étaient déjà aussi proches que des sœurs. La présence de la druidesse réconfortait Gwen, tout comme celle de Steffen.
Il y eut soudain une accalmie et le groupe en profita pour avancer. Bientôt, ils se retrouvèrent au milieu de la passerelle. Ils marchaient de plus en plus vite. Gwen commençait à s’habituer aux planches glissantes. Le bout du Canyon apparaissait au loin, à moins de cinquante mètre et le cœur de Gwendolyn se mit à battre plus vite. Peut-être qu’ils y arriveraient, finalement…
Une nouvelle bourrasque souffla alors, plus violente encore que les précédentes, si violente que Gwen fut obligée de s’agenouiller et d’agripper les cordes à deux mains. Elle se cramponna avec la force du désespoir, comme le pont se balançait d’un côté puis de l’autre. Elle sentit la planche sous ses pieds céder et poussa un cri quand sa jambe traversa la passerelle et se coinça jusqu’à la cuisse. Elle lutta pour se dégager, mais sans y parvenir.
Du coin de l’œil, elle vit Aberthol perdre l’équilibre, lâcher Alistair et glisser vers le précipice. Alistair réagit très vite et le rattrapa d’une main, juste avant qu’il ne dégringole.
Penchée vers le vide, elle se cramponna pour remonter le vieillard à sa hauteur et Gwen pria pour que les cordes tiennent bon. Elle se sentit si impuissante, la jambe bloquée entre les planches. Son cœur tambourina dans sa poitrine et elle s’agita de plus belle pour se dégager.
Le pont se balança à nouveau violemment. Alistair et Aberthol se balancèrent avec lui.
– Lâchez-moi ! hurla le vieillard. Sauvez votre vie !
Sa canne lui échappe et tourna sur elle-même avant de disparaître dans les ténèbres du Canyon. Il ne lui restait plus que le bâton accroché à son sac.
– Tout ira bien, dit Alistair calmement.
Gwen fut surprise de la voir si posée, si confiante.
– Regardez-moi dans les yeux, ordonna-t-elle fermement.
– Comment ? hurla Aberthol par-dessus le sifflement du vent.
– Regardez-moi dans les yeux, commanda la druidesse d’une voix plus forte.
Il y avait quelque chose dans sa voix. Le ton de ceux qui commandent aux hommes. Aberthol leva les yeux. Leurs regards se trouvèrent et Gwendolyn vit une étrange clarté émaner des yeux de Alistair, puis briller dans ceux de Aberthol. La lueur enveloppa le vieillard. Alistair le tira alors sans efforts et Aberthol reprit pied sur la passerelle.
Le vieil érudit resta un instant stupéfait, pantelant, son regard émerveillé levé sur Alistair. Quand une autre bourrasque souffla, il s’agrippa à la rambarde de toutes ses forces.
– Madame ! hurla Steffen.
Il s’agenouilla près de Gwen et l’attrapa par les épaules pour la dégager.
Au moment où elle retirait enfin sa jambe du trou qui la retenait prisonnière, elle glissa soudain entre les mains glacées de Steffen et retomba brusquement. L’impact fut si brutal qu’une autre planche céda sous son poids et elle poussa un hurlement, aspirée par le vide.
Avec l’énergie du désespoir, elle agrippa les cordes d’une main et le poignet de Steffen de l’autre. Suspendue au-dessus du gouffre, elle eut l’impression qu’on cherchait à l’écarteler. Steffen menaça de glisser à son tour, les jambes emmêlées, penché vers le précipice dans l’espoir d’empêcher Gwen de tomber. Les cordes usées étaient maintenant la seule chose qui les retenait de mourir.
Un grognement retentit. Krohn bondit et planta ses crocs dans le manteau de fourrure de Gwen pour la hisser, en gémissant.
Lentement, Gwen se sentit remonter, centimètre par centimètre. Bientôt, elle put s’accrocher aux planches et se traîna sur le pont. Elle resta un instant allongée sur le ventre, pantelante. Krohn lui lécha le visage, encore et encore. Elle ressentit une profonde gratitude envers lui et Steffen, maintenant étendu à côté d’elle. Elle avait de la chance d’être en vie et d’avoir échappé à une mort terrible.
Ce fut alors qu’elle entendit un claquement et toute la passerelle trembla. Son sang se glaça dans ses veines. Elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule : une des cordes qui retenait le pont était en train de céder.
La passerelle branla. Gwen vit avec horreur qu’une autre corde se délitait. Le pont ne tenait plus qu’à un fil.
Tous poussèrent un hurlement quand il se décrocha et les précipita vers la paroi du Canyon.
Gwen leva les yeux. Un mur de pierre arrivait sur eux à toute allure. Dans quelques instants, il les heurterait de plein fouet et ce serait la mort. Les survivants feraient une chute mortelle dans le ravin.
– Rocher, laisse-nous passer ! JE TE L’ORDONNE ! hurla une voix.
C’était une voix remplie d’une autorité primale et ancienne. Une voix que Gwen n’avait jamais entendue.
Elle baissa les yeux vers Alistair, cramponnée aux cordages, qui levait la main vers la falaise. Une lumière jaune émanait de ses doigts. Comme la vitesse les emportait vers la mort, Gwen se prépara à l’impact. Ce qui arriva alors la stupéfia.
Sous ses yeux, le rocher se changea en neige. Au lieu de se rompre les os, Gwen se sentit plongée dans un mur douillet et froid. La neige l’enveloppa complètement et entra dans son nez, dans ses yeux, dans ses oreilles…
Elle avait survécu.
Ils étaient à présent suspendus contre la paroi du Canyon transformée en mur de neige. Gwen sentit une main forte l’attraper par le poignet. Alistair. Ses doigts semblaient étrangement chauds, malgré le froid glaçant. D’une manière ou d’une autre, la druidesse se débrouilla pour entraîner tous ses compagnons vers le haut, en grimpant le long des cordages comme si c’était la chose la plus facile au monde. Enfin, ils atteignirent le sommet et Gwen se jeta au sol. Derrière eux, les cordes usées cédèrent, emportant pour de bon la passerelle dans les ténèbres et les brumes tourbillonnantes du Canyon.
Gwen resta étendue un instant, pantelante, heureuse de retrouver la terre ferme, ses pensées tournées vers ce qui venait juste d’arriver. Elle n’était plus sur le pont. Elle était en vie. Ils l’avaient fait. Grâce à Alistair.
Gwendolyn se tourna vers elle, le regard empli d’émerveillement et de respect. Comme ils avaient de la chance de l’avoir à leurs côtés ! Il lui semblait vraiment qu’elle venait de trouver une sœur. Quant à ses pouvoirs, nul doute que Gwen n’avait pas fini de les découvrir…
Gwen ne savait pas comment ils reviendraient dans l’Anneau, une fois leurs aventures terminées – si leurs aventures se terminaient un jour, s’ils trouvaient Argon et revenaient vivants. Tournée vers le mur de neige aveuglante qui lui faisait face, l’entrée dans les Limbes, Gwen eut soudain l’impression que les plus grands obstacles se trouvaient encore devant elle…
CHAPITRE DEUX
Debout au bord de la Passerelle Orientale, les doigts refermés sur le garde-fou, Reece contemplait le précipice avec horreur, le souffle coupé. Il n’arrivait pas à y croire : l’Épée de Destinée, enchâssée dans sa prison de pierre, venait de dégringoler et de disparaître entre les volutes de brume.
Il était resté silencieux longtemps, dans l’attente du bruit de la chute, dans l’attente de sentir la terre trembler sous ses pieds au moment où le rocher aurait touché le sol. À son grand étonnement, ce bruit ne retentit jamais. Le Canyon n’avait-il donc pas de fond ? Les rumeurs disaient-elles vrai ?
Enfin, Reece lâcha le parapet, reprit son souffle et se tourna vers ses compagnons. O’Connor, Elden, Conven, Indra, Serna et Krog étaient bouche bée, le regard vide et hagard, pétrifiés, incapables d’assimiler ce qui venait de se passer. L’Épée de Destinée. La légende qui avait bercé leur enfance. L’arme la plus importante au monde. La propriété des rois. La seule chose qui permettait au Bouclier de les protéger tous.
Elle venait de glisser entre leurs doigts. Perdue à jamais dans les ténèbres et l’oubli.
Reece avait échoué. Il avait abandonné Thor et l’Anneau. Si seulement ils étaient arrivés quelques minutes plus tôt ! Quelques mètres de plus et ils l’auraient sauvée.
Reece se tourna de l’autre côté du Canyon, vers l’Empire, et se prépara au pire. L’Épée disparue, il s’attendait presque à voir le Bouclier descendre, à voir les soldats impériaux traverser la passerelle, bien alignés, prêts à envahir le pays. Il arriva alors quelque chose d’étrange : sous les yeux de Reece, l’un des soldats essaya de passer mais reçut de plein fouet une décharge qui le tua.
D’une manière ou d’une autre, le Bouclier était sauf. Reece ne comprenait pas.
– Ça n’a pas de sens, dit-il à ses compagnons. L’Épée a quitté l’Anneau. Comment est-ce possible ?
– L’Épée n’a pas quitté l’Anneau, suggéra O’Connor. Elle n’a pas traversé. Pas encore. Elle est tombée tout droit dans le ravin. Maintenant, elle est bloquée entre les deux mondes.
– Que devient le Bouclier si l’Épée n’est ni à l’intérieur, ni à l’extérieur ? s’interrogea Elden.
Tous échangèrent des regards émerveillés. Personne n’avait la réponse, car cette situation était inédite.
– Nous ne pouvons pas repartir comme ça, dit Reece. L’Anneau est en sécurité tant que l’Épée est de notre côté, mais nous ne savons pas ce qui lui arrivera en bas.
– Tant que nous ne l’avons pas dans les mains, impossible de savoir si elle ne finira pas par glisser de l’autre côté, renchérit Elden.
– Nous ne pouvons pas prendre ce risque, dit Reece. Le destin de l’Anneau en dépend. Nous ne pouvons pas faire demi-tour et revenir les mains vides.
Reece se tourna vers les autres d’un air décidé.
– Nous devons la récupérer, conclut-il. Avant qu’un autre ne le fasse.
– La récupérer ? demanda Krog d’un air stupéfait. Es-tu sot ? Comment comptes-tu faire ça ?
Reece jeta un coup d’œil à Krog qui le regardait avec un air de défi, comme toujours. Il commençait vraiment à ennuyer Reece, celui-là : il ne cessait de remettre ses ordres en question. S’il continuait comme ça, Reece finirait par perdre patience.
– Nous le ferons, insista-t-il. Nous le ferons en descendant le long de la paroi.
Ses compagnons poussèrent des cris de surprise. Les mains sur les hanches, Krog fit la grimace.
– Tu es fou, dit-il. Personne n’est jamais descendu dans le Canyon.
– Personne ne sait si le Canyon a un fond, renchérit Serna. Pour ce qu’on en sait, l’Épée a traversé un nuage de brume et continue de dégringoler.
– C’est ridicule, s’agaça Reece. Tout a un fond. Même l’océan.
– Eh bien, même si ce fond existe, rétorqua Krog, comment descendre jusque là alors que nous ne pouvons ni l’apercevoir, ni l’entendre ? Ça prendrait des jours… même des semaines peut-être !
– Sans parler du fait que ce ne sera pas une promenade de santé, dit Serna. Tu as vu comme c’est abrupt ?
Reece se retourna vers la falaise dont la pierre millénaire disparaissait partiellement derrière les volutes de brume. Verticales. Vertigineuses. Ses compagnons avaient raison : ce ne serait pas facile. Cependant, ils n’avaient pas le choix.
– C’est pire que vous ne le pensez, dit-il. La brume rend la pierre humide et glissante. Même si nous atteignons le fond, nous ne serons pas sûrs de pouvoir remonter.
Tous lui jetèrent un regard stupéfait.
– Alors, tu es d’accord : c’est de la folie, dit Krog.
– C’est de la folie, dit Reece d’une voix tonnante, pleine d’assurance et d’autorité. Mais nous sommes nés pour ce genre de folie. Nous ne sommes pas seulement des hommes. Nous ne sommes pas seulement des citoyens de l’Anneau. Nous sommes d’une autre race : celle des guerriers. Nous sommes des soldats. Nous sommes des hommes de la Légion. Nous avons fait un vœu. Nous avons prêté serment. Nous avons promis de ne jamais refuser une quête sur le prétexte qu’elle est difficile ou dangereuse, de ne jamais hésiter devant une entreprise qui pourrait nous coûter la vie. C’est cela qui fait de nous des guerriers. L’essence même du courage : s’engager dans une quête qui nous dépasse, car c’est la bonne chose à faire, la chose honorable, même si le but à atteindre parait inaccessible. Après tout, ce n’est pas le résultat qui fait de nous des braves, mais le fait d’essayer. C’est plus grand que nous. C’est ce que nous sommes.
Un lourd silence suivit ces mots, comme le vent sifflait autour d’eux.
Enfin, Indra fit un pas en avant.
– Je suis avec Reece, dit-elle.
– Moi aussi, ajouta Elden en faisant à son tour un pas en avant.
– Et moi, dit O’Connor.
Conven se porta en silence à la hauteur de Reece, les doigts refermés sur la poignée de son épée.
– Pour Thorgrin, dit-il, j’irai jusqu’au bout du monde.
D’avoir à ses côtés ses amis de la Légion, Reece sentit soudain la fierté et l’optimisme l’envahir. Ses compagnons étaient devenus sa famille. Ils l’avaient accompagné jusqu’au bout de l’Empire. Les cinq se tournèrent alors vers les nouvelles recrues, Krog et Serna. Reece se demanda s’ils se joindraient à eux. Ils en auraient bien besoin mais, si les deux gaillards souhaitaient faire demi-tour, il en serait ainsi. Reece ne demanderait pas deux fois.
Krog et Serna renvoyèrent leurs regards, visiblement hésitants.
– Je suis une femme, leur dit Indra, comme vous me le rappeliez en riant. Et, pourtant, je suis là, prête à entreprendre la quête d’un guerrier, tandis que vous, avec tous vos muscles, vous hésitez…
Serna grogna, repoussa ses longs cheveux bruns et fit à son tour un pas en avant.
– J’irai, dit-il, mais seulement pour Thorgrin.
Krog resta seul de son côté, le visage cramoisi et le regard plein de défi.
– Vous êtes tous des idiots, dit-il, vous tous.
Mais il fit à son tour un pas en avant pour se joindre au groupe.
Reece, satisfait, se tourna vers la paroi du Canyon. Il n’y avait plus un instant à perdre.
*
Reece se cramponnait à la paroi tout en descendant, centimètre par centimètre. Les autres le suivaient, quelques mètres au-dessus de sa tête. Il semblait qu’ils étaient là depuis des heures. Le cœur de Reece battait à tout rompre chaque fois que son pied cherchait un appui. Ses doigts douloureux, engourdis par le froid, et ses semelles ne cessaient de glisser. Il n’aurait jamais imaginé que ce serait si dur. Il avait soigneusement étudié le terrain et la forme des rochers. Par endroits, la falaise était lisse et il était impossible de l’escalader. Cependant, ça et là, elle était recouverte d’une mousse épaisse et la roche dentelée présentait des prises, des trous, des fissures qui lui permettaient de poser les pieds et les mains. Reece avait même repéré quelques saillies pour se reposer un instant.
Pourtant, l’escalade était encore plus difficile que prévue. La brume les empêchait d’y voir clair. En baissant les yeux à la recherche d’une prise, Reece avala sa salive avec difficulté. Sans parler du fait qu’après tout ce temps, il était toujours impossible d’apercevoir le fond…
En son for intérieur, Reece était de plus en plus inquiet et pessimiste. Sa gorge était sèche. Une partie de lui ne pouvait s’empêcher de se demander s’il n’avait pas commis une grave erreur.
Il n’osait pas en parler aux autres. Depuis la capture de Thor, il était le chef et il devait donner l’exemple. Laisser sa peur le contrôler ne serait pas bon… Il fallait qu’il reste fort et concentré sur sa quête. La peur ne lui servirait à rien.
Les mains de Reece tremblaient. Il s’obligea à ne pas penser à ce qui se trouvait en contrebas et à se concentrer sur la paroi.
Un pied après l’autre, songea-t-il. Cette pensée le rassura.
Il glissa le pied dans une fissure, puis trouva une autre prise. Il commençait à trouver son rythme.
– ATTENTION ! cria quelqu’un.
Reece se prépara et une pluie de gravillons tomba soudain sur lui, en rebondissant sur sa tête et ses épaules. Il leva les yeux et vit un énorme caillou filer dans sa direction. Il s’aplatit sur la paroi, manquant de peu d’être assommé.
– Désolé ! cria O’Connor. J’ai mis le pied sur un caillou !
Le cœur de Reece battit à tout rompre. Il se força à se calmer. Il brûlait de savoir s’ils se rapprochaient enfin du but. Il saisit un petit caillou tombé sur son épaule et le fit tomber par-dessus son épaule.
Il attendit le bruit de l’impact.
Ce bruit ne vint jamais.
Son mauvais pressentiment ne fit que s’accentuer. Il était toujours impossible de savoir jusqu’où descendait ce Canyon. Ses mains et ses pieds commençaient à trembler. Y arriveraient-ils ? Et si Krog avait eu raison ? Et s’il n’y avait pas de fond ? Et si tout cela n’était qu’une mission suicidaire ?
Comme Reece poursuivait sa descente, progressait de quelques mètres et retrouvait son rythme, il entendit soudain le bruit d’un corps raclant contre la paroi rocheuse, puis un cri. En levant les yeux, il s’aperçut que Elden avait perdu l’équilibre et tombait près de lui.
Instinctivement, il tendit la main et réussit à agripper le poignet de son camarade avant que celui-ci ne disparaisse entre les volutes de brume. Heureusement, il était lui-même fermement cramponné à la falaise et parvint à retenir la chute de son ami. Mais Elden resta suspendu au bout de son bras, incapable de retrouver une prise le long de la paroi. Il était trop lourd. Reece ne tiendrait pas longtemps.
Indra apparut brusquement à leurs côtés. Elle tendit la main pour attraper l’autre poignet de Elden, qui se tortilla sans pouvoir glisser ses pieds sur la paroi.
– Je ne trouve pas de prises ! hurla-t-il d’une voix paniquée.
Il balança ses pieds si violemment que Reece crut qu’il allait lâcher ou bien tomber avec lui. Il réfléchit rapidement.
Il pensa alors à la corde et au grappin que O’Connor lui avait montrés juste avant de descendre. Un objet qu’ils utilisaient pour escalader les murs des forteresses en cas de siège. Au cas où, avait dit O’Connor.
– O’Connor, ta corde ! cria Reece. Jette-la vers moi !
Reece leva les yeux vers son ami qui détacha la corde de sa ceinture et planta le grappin sur la paroi, avant de laisser courir la longe contre le mur. Il tira dessus de tout son poids pour tester sa stabilité, puis la fit glisser vers Reece.
Ce n’était pas trop tôt : la paume glissante de Elden s’échappa entre les doigts de Reece. Il tendit la main vers la corde pour s’y accrocher. Reece retint son souffle.
La corde tint bon. Elden se stabilisa contre la paroi et parvint à retrouver une prise solide. Pantelant, il resta longuement plaqué contre la paroi pour retrouver son équilibre et sa respiration. Il poussa un long soupir de soulagement, tout comme Reece. Ils étaient passés tout près d’une tragédie.
*
Ils descendirent et descendirent, jusqu’à perdre la notion du temps. Le ciel s’assombrit. Malgré le froid, Reece était couvert de sueur. Il pourrait tomber à tout moment. Ses mains et ses pieds tremblaient violemment et le son de sa propre respiration emplissait ses oreilles. Combien de temps encore tiendrait-il ? Il fallait qu’il trouve le fond du ravin très vite, très bientôt, pour que tous puissent se reposer. Malheureusement, ils ne pouvaient s’arrêter nulle part.
Que se passerait-il quand la fatigue les empêcherait de continuer ? Tomberaient-ils l’un après l’autre dans le néant ?
Il y eut soudain une agitation au dessus de la tête de Reece et une petite avalanche de gravillons s’abattit sur son visage et dans ses yeux. Son cœur s’arrêta quand il entendit un cri. Un cri de mort. Du coin de l’œil, il vit un corps chuter à côté de lui, plus vite qu’il n’aurait su le dire.
Reece tendit la main pour l’attraper mais, en se retournant, il put seulement apercevoir Krog dégringoler en hurlant, tout droit vers les ténèbres.