Buch lesen: «La Pensée de l'Humanité», Seite 15

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CHAPITRE XXVI
LA VÉRACITÉ

Les superstitions empêchent de se bien conduire. On ne peut s'en débarrasser que par la sincérité, et cela non seulement envers les autres, mais encore envers soi-même.

I. —Comment on doit se comporter envers les opinions et les coutumes établies
1

Le moyen habituel employé pour nier l'existence de Dieu est de reconnaître l'opinion publique comme incontestablement juste et de n'attacher aucune importance à la voix de Dieu que nous entendons constamment en notre âme.

JOHN RUSKIN.
2

Quand même le monde entier reconnaîtrait la véracité d'une doctrine, quand même elle serait ancienne, l'homme doit la contrôler par sa raison et la rejeter hardiment, si elle ne s'accorde pas avec les exigences de sa raison.

3

«Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira.»

JEAN, VIII, 32.
4

Celui qui veut devenir vraiment un homme doit abandonner la préoccupation de plaire au monde; celui qui veut vivre d'une vie juste ne doit pas se conformer à ce qu'il est d'usage de considérer comme bien; il n'a qu'à chercher scrupuleusement où est véritablement le bien. Il n'y a rien de plus sacré et de plus fécond que la curiosité d'une âme indépendante.

EMERSON.
5

La tendance de croire à ce que l'on nous présente comme vérité renferme le bien comme le mal. C'est précisément cette tendance qui rend possible la marche progressive de la société, et c'est elle encore qui rend cette marche si lente et pénible: chaque génération hérite, grâce à elle, sans effort, des connaissances acquises à grande peine par ceux qui ont vécu avant, et c'est grâce à elle que chaque génération se trouve esclave des fautes et des erreurs de la précédente.

HENRY GEORGE.
6

Plus l'homme vit, plus il se libère des superstitions.

7

Croire que tout ce qui nous est avantageux et agréable est vrai, est une qualité naturelle tant aux enfants qu'à l'humanité en bas âge. Plus l'homme et l'humanité avancent en âge, et plus leur raison s'éclaircit, devient ferme, plus ils se libèrent de la conception erronée d'après laquelle tout ce qui est avantageux à l'homme est vrai. C'est pourquoi, à mesure qu'ils avancent dans la vie, l'homme et l'humanité doivent nécessairement examiner, par les efforts de leur raison et de la sagesse de ceux qui ont vécu avant eux, si les principes, acceptés sur foi, sont vrais.

8

Chaque vérité exprimée par les paroles est une force dont l'action est infinie.

II. —Le mensonge, ses causes et ses conséquences
1

Ne pense pas que l'on doive dire et créer la vérité uniquement dans les cas graves. On doit toujours le faire, même dans les questions les plus futiles. Il ne s'agit pas du grand ou du petit mal qui sera causé par ton mensonge, il importe que tu ne te souilles jamais par le mensonge.

2

Tous, nous aimons mieux la vérité que le mensonge; mais lorsqu'il s'agit de notre vie, nous préférons souvent le mensonge à la vérité, parce que le mensonge justifie notre mauvaise vie, tandis que la vérité la dénonce.

3

Chaque vérité qui pénètre dans la conscience des hommes et remplace une ancienne erreur arrive à un moment où l'erreur est claire et la vérité évidente. Mais les gens qui profitent de cette erreur ou qui y sont habitués s'efforcent de la maintenir. Dans ces moments-là, il est tout particulièrement important de proclamer hardiment la vérité.

4

Si l'on vous dit qu'il ne faut pas chercher la vérité partout, parce qu'on ne trouve jamais toute la vérité, ne le croyez pas. Ceux qui parlent ainsi sont vos plus redoutables ennemis, comme ils sont ceux de la vérité.

Ils le disent parce qu'ils ne vivent pas selon la vérité, parce qu'ils le savent et qu'ils veulent que les autres vivent comme eux.

5

Si tu veux connaître la vérité, débarrasse-toi, du moins pour le temps que tu la cherches, de toutes les considérations sur les avantages que tu pourrais tirer de telle ou telle autre décision.

6

On est joyeux lorsqu'on découvre le mensonge des autres et qu'on le dénonce. Mais combien on est plus heureux encore lorsqu'on se surprend soi-même ayant menti et que l'on s'accuse. Tâche de t'offrir ce plaisir aussi souvent que possible.

7

Bien que le mensonge et toutes ses séductions soient très tentantes, il arrive un temps où l'homme se sent tellement tourmenté par le mensonge, que pour fuir le désordre moral qu'engendre toujours le mensonge, il s'adresse à la vérité et trouve le salut en elle seule.

8

L'amère expérience nous montre qu'on ne peut conserver les anciennes conditions de vie, et que, par conséquent, il faut en rechercher des nouvelles, celles qui puissent répondre aux temps nouveaux. Mais au lieu d'employer leur temps à chercher et à instituer ces nouvelles conditions, les hommes emploient leur raison à rechercher des moyens de conserver les anciennes conditions de vie qui existent depuis des centaines d'années.

9

Le mensonge nous cache Dieu en nous-mêmes et chez les autres hommes; c'est pourquoi, il n'y a rien de plus cher que la vérité qui nous ramène à l'amour de Dieu et de notre prochain.

10

Il n'y a pas de plus grand malheur que lorsque l'homme commence à craindre la vérité, parce qu'elle lui cache combien il est mauvais.

PASCAL.
11

Le meilleur signe de la vérité est la simplicité et la clarté. Le mensonge est toujours compliqué, affecté et grandiloquent.

12

On peut être solitaire dans un milieu privé et temporaire; mais chacune de nos pensées et chacune de nos sensations trouve, a trouvé et trouvera un retentissement dans l'humanité. Pour certaines personnes, que la majorité de l'humanité reconnaît pour ses chefs, ses réformateurs, ses éducateurs, ce retentissement est immense et il résonne avec une force extrême; mais il n'y a pas d'homme dont les idées ne produiraient pas sur les autres le même effet, bien que moins apparent. Chaque manifestation sincère de l'âme, chaque déclaration d'une conviction personnelle servent à quelqu'un ou à quelque chose, même si nous n'en savons rien, même si on nous ferme la bouche, ou qu'on nous jette un nœud, coulant sur le cou. Un mot dit à quelqu'un conserve un effet indestructible; comme tout mouvement, il ne disparaît jamais, mais prend d'autres aspects.

AMIEL.
III. —Sur quoi repose la superstition
1

Plus les objets, les coutumes, les lois sont entourés de considération, plus on doit examiner attentivement leur droit à la considération.

2

Bien des vérités anciennes nous semblent probables uniquement parce que nous n'y avons jamais songé sérieusement.

EDOUARD ROD.
3

La raison est la chose la plus sacrée au monde; c'est pourquoi c'est un très grand péché que d'abuser de la raison, de l'employer à cacher ou à déguiser la vérité.

4

En feuilletant l'histoire de l'humanité, nous remarquons constamment que les inepties les plus évidentes passaient auprès des gens pour des vérités incontestables, que des nations entières devenaient la proie de superstitions sauvages et s'humiliaient devant des mortels qui étaient leurs pareils, souvent devant des idiots et des voluptueux. Et la cause de ces inepties et souffrances humaines était toujours la même: la croyance à des choses qui paraîtraient déraisonnables même à un enfant.

D'après HENRY GEORGE.
5

Notre siècle est un vrai siècle de critique. Tout ce qui est cru est vérifié par la critique.

La raison n'a de la considération que pour ce qui est en état de supporter son épreuve libre et universelle.

KANT.
6

On ne doit pas craindre les dévastations commises par la raison dans les légendes admises par les hommes. La raison ne peut rien détruire sans y mettre de la vérité. Telle est sa qualité.

IV. —Les superstitions religieuses
1

C'est mal quand les hommes ne connaissent pas Dieu; mais c'est bien pis lorsque les hommes reconnaissent comme Dieu ce qui n'est pas Dieu.

LACTANCE.
2

Nous n'avons plus de religions. Les lois éternelles de Dieu, avec leur paradis et leur enfer, se sont tranformées en règles de philosophie pratique, fondées sur d'habiles calculs de profils et de pertes, avec un faible reste de respect pour les joies apportées par la vertu et la moralité élevée. Pour parler comme nos ancêtres, «nous avons oublié Dieu», et en nous servant de l'expression contemporaine, nous devons dire que nous comprenons faussement la vie du monde. Nous fermons tranquillement les yeux et ne voulons pas voir la réalité éternelle des choses, nous ne regardons que leur aspect trompeur.

Nous considérons tranquillement l'univers comme une grande éventualité incompréhensible: à son aspect extérieur, nous nous le représentons assez nettement comme un immense pré pour les bêtes, ou une maison de travail, de vastes cuisines avec des tables à manger, où seuls les gens raisonnables peuvent trouver une place.

Oui, nous n'avons pas de Dieu. Les lois de Dieu sont remplacées par Je principe du plus grand profit possible.

CARLYLE.
3

Dieu nous a donné Son esprit, Sa raison, pour que nous le servions; et nous employons cet esprit pour nous servir nous-mêmes.

4

«Gardez-vous des docteurs qui se plaisent à se promener en longues robes, et qui aiment les salutations dans les places et les premiers sièges dans les synagogues, et les premières places dans les festins, qui dévorent les maisons des veuves, tout en affectant de faire de longues prières; ils encourront une plus grande condamnation.»

LUC, XX, 46-47.
5

«Mais vous, ne vous faites point appeler Maître; car vous n'avez qu'un Maître, le Christ, et pour vous, vous êtes tous frères. Et n'appelez personne sur la terre votre père, car vous n'avez qu'un seul Père, Celui qui est dans les cieux. Et ne vous faites point appeler docteur; car vous n'ayez qu'un seul Docteur: Le Christ.»

MATTH., XXIII, 8-10.
6

Pourquoi adorer Dieu si l'âme n'est pas pure? Pourquoi dire: j'irai à Benarès11. Comment celui qui fait le mal peut-il atteindre le vrai Benarès?

La sainteté n'est pas dans les forêts, ni au ciel, ni sur la terre, ni dans les fleuves sacrés. Purifie-toi, et tu verras Dieu. Transforme ton corps en temple, abandonne les mauvaises pensées et contemple Dieu de l'œil de ta conscience. Lorsque nous Le connaissons, nous nous connaissons nous-mêmes. Sans expérience personnelle, l'écriture seule ne détruira pas nos craintes, – de même que les ténèbres ne s'éclaireront pas par un feu peint. Quelles que soient ta religion et tes prières, tant que tu n'as pas la vérité, tu n'atteindras pas le chemin du bonheur. Celui qui conçoit la vérité, naît à nouveau.

La source du vrai bonheur, c'est le cœur; celui qui cherche le bonheur ailleurs est un insensé. Il est pareil au pâtre qui cherche la brebis qu'il a cachée sur sa poitrine.

Pourquoi ramassez-vous des pierres et construisez-vous de grands temples? Pourquoi vous tourmentez-vous ainsi, alors que Dieu habite toujours en vous-même?

Un chien de garde est meilleur qu'une idole sans vie dans la maison, et le grand Dieu de l'univers est meilleur que tous les demi-dieux.

La lumière qui, comme l'étoile du matin, vit dans le cœur de chaque homme, est notre refuge.

VEMANA.
7

Combien il est étonnant que, de toutes les révélations suprêmes de la vérité, le monde n'accepte et ne tolère que les plus anciennes, celles qui ne répondent plus à notre époque, tandis qu'il considère chaque révélation directe, chaque pensée originale comme nulles et parfois les hait.

THOREAU.
8

La conscience religieuse de l'homme n'est pas immuable: elle se transforme constamment, s'éclaircit et se purifie de plus en plus.

9

Le mal de la vie ne peut être corrigé par rien d'autre que par la démonstration du mensonge religieux et par l'établissement de la vérité religieuse par chaque homme pris individuellement.

V. —Le principe raisonnable de l'homme
1

Qu'est-ce que la raison? Tout ce que nous établissons, nous l'établissons toujours par la raison. Or, par quoi établirons-nous la raison.

Si nous avons tout établi par la raison, nous ne pouvons, par cela même, établir la raison. Mais non seulement nous connaissons tous la raison, mais encore il n'y a qu'elle seule que nous connaissons indubitablement et tous au même degré.

2

Nous devons avoir confiance en notre raison. C'est une vérité qu'il ne faut pas et que l'on ne doit pas cacher. La foi en la force de la raison est la base de toute autre foi. On ne peut croire en Dieu si nous diminuons l'importance de la faculté à l'aide de laquelle nous connaissons Dieu. La raison est précisément la seule faculté à laquelle la révélation s'adresse. La révélation ne peut être comprise que par la raison. Si, après avoir utilisé consciencieusement et impartialement nos meilleures facultés, certaine doctrine nous semble contradictoire et en désaccord avec les principes essentiels dont nous ne doutons pas, nous devons incontestablement nous abstenir de croire à cette doctrine. Je suis plus persuadé que ma nature raisonnable est Dieu, plutôt qu'un livre ne soit l'expression de sa volonté.

CHANNING.
3

La raison révèle à l'homme le sens et la signification de sa vie.

4

La raison n'est pas donnée à l'homme pour apprendre à aimer Dieu et son prochain. Cette connaissance est dans le cœur de l'homme, indépendamment de sa raison. La raison est donnée à l'homme pour lui indiquer où est le mensonge et où est la vérité. Et il suffit à l'homme de rejeter le mensonge, pour apprendre tout ce qu'il lui faut.

5

Les erreurs et les désaccords entre hommes dans les recherches et l'adoption de la vérité viennent uniquement de leur défiance de la raison; il en résulte que la vie humaine, guidée par les usages, les traditions, les modes, les superstitions, les préjugés, la violence, par tout ce que l'on veut, sauf la raison, va à l'aventure, et la raison existe par elle-même. Souvent il arrive également que si la réflexion est utilisée à quelque chose, ce n'est pas à chercher et à propager la vérité, mais pour justifier et maintenir, malgré et contre tout, les usages, les traditions, les modes, les superstitions, les préjugés.

Les erreurs et les désaccords des hommes à reconnaître l'unique vérité ne viennent pas de ce que la raison n'est pas la même chez tous les hommes ou parce qu'elle ne peut pas leur démontrer la même vérité, mais parce qu'ils ne croient pas à la raison.

S'ils avaient foi en leur raison, ils auraient trouvé moyen de comparer les jugements de leur raison avec ceux des autres. Et ayant trouvé ce moyen de vérification mutuelle, ils se seraient persuadés que la raison est la même chez tous, et ils se seraient soumis à ses volontés.

TH. STRAKHOV 12.
6

Autant que l'homme est véridique, autant il est divin; l'invincibilité, l'immortalité, la grandeur de la divinité entrent en l'homme avec sa véracité.

EMERSON.
7

Souviens-toi que la raison, ayant la faculté de vivre par elle-même, te donne la liberté, si tu ne l'emploies pas à servir ton corps. L'âme humaine, éclairée par la raison, est libre de passions qui cachent la lumière; elle constitue une véritable forteresse, et l'homme n'a pas de refuge plus sûr et moins accessible au mal. Celui qui ne le sait pas, est aveugle, et celui qui, tout en le sachant, ne croit pas à sa raison, est réellement malheureux.

MARC-AURÈLE.
8

L'un des devoirs principaux de l'homme consiste à faire briller dans toute sa force le clair principe de la raison que nous recevons du Ciel.

Sagesse chinoise.
9

Je glorifie le christianisme parce qu'il développe, augmente et élève ma nature raisonnable. Si je ne pouvais conserver la raison en étant chrétien, j'aurais renoncé au christianisme. Je sens que mon devoir est de sacrifier au christianisme mon bien, ma gloire, ma vie; mais je ne saurais sacrifier à aucune religion la raison qui m'élève au-dessus de la bête et fait de moi un homme. Je ne connais pas de pire sacrilège que de renoncer à la plus haute faculté que l'on tient de Dieu. En agissant ainsi, nous nous opposons sciemment à l'élément divin qui vit en nous. La raison est l'expression suprême de notre nature intelligente. Elle correspond à l'unité de Dieu et à celle de l'univers et tend à faire de l'âme le miroir de l'unité suprême.

CHANNING.
10

L'homme qui ne saurait pas que ses yeux peuvent voir et qui ne les ouvrirait jamais, serait très misérable. Mais l'homme qui ne comprend pas que la raison lui est donnée pour supporter facilement toutes les peines, est plus misérable encore. Grâce à la raison, nous pouvons venir à bout de tous les ennuis. L'homme qui raisonne, ne rencontrera pas dans la vie des ennuis impossibles, à supporter; ils n'existent pas pour lui. Et cependant, combien souvent, au lieu de regarder un ennui en face, nous tâchons lâchement de l'éviter. Ne serait-il pas préférable de nous réjouir que Dieu nous ait donné le pouvoir de ne pas nous chagriner de ce qui nous arrive indépendamment de notre volonté, et de le remercier de ce qu'Il n'a subordonné notre âme qu'à ce qui dépend de nous-mêmes. Il n'a pourtant pas subordonné notre âme à nos parents, ni à nos frères, ni à la richesse, ni à notre corps, ni à la mort. Etant bon, Il ne l'a soumis qu'à ce qui dépend de nous-mêmes: à notre raison.

ÉPICTÈTE.
11

Dieu nous a donné la raison pour que nous Le servions. C'est pourquoi nous devons veiller à sa pureté, afin qu'elle puisse toujours reconnaître le bien et le mal.

12

L'homme n'est libre que lorsqu'il est dans la vérité; et la vérité est révélée par la raison.

VI. —La raison vérifie les principes de la foi
1

Lorsqu'un homme emploie sa raison à résoudre les questions de la cause de l'existence du monde et de la cause de sa vie dans ce monde, il sent une espèce de malaise, d'étourdissement. La raison humaine ne peut imaginer de réponses à ces questions. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela signifie que la raison n'est pas donnée à l'homme pour répondre à ces questions, et que c'est une erreur de la raison que de l'espérer. La raison ne résout qu'une question: «Comment vivre?» Et la réponse est claire: «Il faut vivre de façon à ce que je me sente bien et que les autres hommes se sentent bien. Tout ce qui vit en a autant besoin que moi. Et la possibilité en est donnée à tout ce qui vit et à moi par la raison que je possède.» Cette solution exclut toutes les questions: le comment et le pourquoi.

2

«N'avons-nous pas raison? Il faut que le peuple reste dans le mensonge: voyez comme il est peu éveillé et sauvage!»

Non, il est peu éveillé et sauvage parce qu'il est grossièrement trompé. C'est pourquoi cessez tout d'abord de le tromper.

3

Si Dieu, en tant qu'objet de notre foi, est au-dessus de notre compréhension et si nous ne pouvons le concevoir par la raison, cela ne prouve pas encore que nous devions négliger les fonctions de la raison en les considérant comme nuisibles.

Bien que les objets de notre foi soient, sans aucun doute, au-dessus du niveau de notre compréhension, notre raison a cependant une si grande importance à leur égard, que nous ne pouvons absolument pas nous en passer. Elle semble remplir les fonctions de censeur qui, – tout en admettant, dans le domaine de la foi, la vérité qui est au-dessus de la raison, c'est-à-dire, la vérité métaphysique, – nie toute vérité imaginaire qui est contraire à la raison.

Mais en dehors de cette œuvre positive, la raison accomplit également l'œuvre négative de libération de l'homme, des péchés, des tentations (justification des péchés) et des superstitions.

TH. STRAKHOV.
4

Sois ton propre flambeau. Sois le refuge. Laisse-toi guider par la lumière de ton flambeau et ne cherche pas autre refuge.

LA SOUTHA BOUDDHISTE.
5

«Pendant que vous avez la lumière, croyez en la lumière, afin que vous soyez les enfants de lumière.»

JEAN, XII, 36.

Loin de comprimer la raison, comme le conseillent les faux docteurs, il faut la purifier, l'exercer, en contrôler tout ce qu'on vous soumet, afin de découvrir la véritable religion.

CHAPITRE XXVII
DU MAL

Nous appelons mal tout ce qui trouble le bonheur de notre vie corporelle. Et pourtant, toute notre vie n'est qu'une libération graduelle de notre âme, de ce qui constitue le bonheur de notre corps. C'est pourquoi, pour celui qui comprend la vie telle qu'elle est, en réalité, le mal n'existe pas.

I. —Ce que nous appelons la souffrance est la condition inévitable de la vie
1

C'est un bien pour l'homme que de supporter les malheurs de cette vie terrestre, car cela conduit au saint isolement du cœur, et on s'y trouve comme un exilé de son pays natal et obligé de ne se fier à aucune joie terrestre. Il est également bon pour l'homme de se heurter à des contradictions et des reproches, lorsque l'on pense et que l'on parle mal de lui, bien que ses intentions soient pures et ses actes justes; car cette manière d'agir le maintient dans l'humilité et est un contre-poison de la vaine gloire. Et c'est tout particulièrement un bien parce que nous pouvons nous entretenir, avec le témoin qui est en nous, qui est Dieu, nous entretenir, alors que le monde nous méprise, nous manque de respect et nous prive d'amour.

THOMAS A KEMPIS 13.
2

Si quelque divinité nous avait offert, à nous, hommes, de supprimer tous nos chagrins, avec toutes leurs causes, nous serions, de prime abord, très tentés d'accepter cette proposition. Lorsque le dur travail et la misère nous écrasent, lorsque la douleur nous mine, lorsque l'anxiété étreint notre cœur, il nous semble qu'il n'y aurait rien de meilleur que de vivre sans travailler, dans le calme, l'aisance et la paix. Mais après avoir goûté à une telle vie, je pense que nous aurions bientôt demandé à la divinité de nous rendre notre vie ancienne, avec toutes ses peines, ses misères, ses chagrins et ses dangers. La vie, exempte de tout chagrin et de toute crainte, nous semblerait bientôt non seulement peu intéressante, mais encore intolérable. Car, avec les causes de nos peines, tous les obstacles, tous les dangers et tous les échecs auraient disparu, supprimant avec eux la tension de nos forces, le zèle, l'excitation du risque, les efforts de la lutte et les joies de la victoire. Il ne resterait que l'accomplissement facile du but, la réussite sans résistance. Nous en serions bientôt, ennuyés comme d'un jeu où nous savons d'avance que nous gagnerons à chaque coup.

FR. PAULSEN 14.
II —Les souffrances éveillent l'homme à la vie spirituelle
1

L'homme est l'esprit de Dieu enfermé dans un corps.

Au début de la vie, l'homme ne le sait pas, et croit que sa vie est dans son corps. Mais plus il avance, plus il apprend que la vraie vie est dans l'esprit et non dans le corps. Toute l'existence de l'homme consiste à l'apprendre de mieux en mieux. Et cette connaissance nous est donnée plus facilement et plus sûrement par les souffrances corporelles qui rendent notre vie telle qu'elle doit être, c'est-à-dire spirituelle.

2

La croissance physique sert à préparer les provisions pour la croissance spirituelle, qui commence lorsque le corps décline.

3

L'homme vit pour son corps qui dit: tout est mal. L'homme vit pour son âme qui dit: ce n'est pas vrai, tout est bien. Ce que tu crois mauvais est précisément la meule sans laquelle ce qu'il y a de plus précieux en toi serait émoussé et rouillé: ton âme.

4

Tous les malheurs – ceux des individus comme ceux de l'humanité entière – conduisent l'humanité et les hommes, bien que par des chemins détournés, à l'unique but qui est donné à tous les hommes: à la manifestation de plus en plus grande de l'élément spirituel, par chaque homme séparé comme par toute l'humanité.

5

«Car je suis descendu du Ciel pour faire non pas ma volonté, mais la volonté de Celui qui m'a envoyé. Or, la volonté du Père qui m'a envoyé est que je ne perde rien de ce qu'il m'a donné,» dit Jean (VI, 28-39), autrement dit, il est commandé de conserver, de cultiver, d'amener au plus haut degré possible l'étincelle divine qui m'est donnée, qui m'est confiée, comme un enfant à sa bonne. Que faut-il pour accomplir cela? Non pas satisfaire nos désirs charnels, celui de la gloire; non la vie tranquille, mais, au contraire, l'abstinence, l'humilité, le travail, la lutte, les privations, les persécutions, tout ce qui est dit tant de fois dans l'Evangile. Et c'est précisément ce dont nous avons besoin qui nous est envoyé sous diverses formes, en grandes et en petites mesures. Sachons seulement l'accepter comme il convient, comme une épreuve dont nous avons besoin et qui donne la joie, et non comme quelque chose d'ennuyeux qui trouble notre existence bestiale, et celle que nous croyons être la vraie et dont l'accroissement d'intensité nous apparaît comme un bonheur.

6

«Si l'homme pouvait ne pas craindre la mort et ne pas y penser, les souffrances affreuses, inutiles, injustifiables et inévitables suffiraient à enlever tout sens raisonnable attribué à la vie», disent les hommes.

Je m'emploie à une bonne œuvre, incontestablement utile aux autres, et brusquement la maladie interrompt mon travail, me fait souffrir sans raison. La vis d'un rail se rouille, et il faut que ce soit précisément le jour même qu'il saute, qu'une excellente mère se trouve dans le wagon et que ses enfants soient écrasés devant elle. Il faut que le tremblement de terre se produise juste à l'endroit où se trouve Lisbonne ou Verny, et que des innocents soient ensevelis sous la terre et périssent dans d'affreux tourments. Pourquoi les milliers d'autres accidents affreux, ineptes, tant de souffrances qui frappent les hommes? Quel sens à cela?

La réponse est que ces raisonnements sont absolument justes pour ceux qui ne reconnaissent pas la vie spirituelle. Pour eux, la vie humaine n'a réellement aucun sens. La vie de ceux qui n'admettent pas de vie spirituelle ne saurait, en effet, qu'être insensée et malheureuse. Et s'ils déduisaient tout ce qui découle inévitablement de leur conception matérielle de la vie, ils ne pourraient vivre un instant de plus. Car aucun ouvrier ne serait resté chez un patron qui, en l'engageant, aurait exigé le droit de brûler, toutes les fois qu'il en aurait envie, cet ouvrier sur un feu lent, ou bien de l'écorcher vif, de le soumettre à toutes les horreurs que le patron ferait subir à ses ouvriers, en présence de celui qu'il engage. Si les hommes comprenaient réellement la vie, comme ils le disent, c'est-à-dire uniquement comme une existence matérielle, nul parmi eux, par la seule crainte des affreux et inexplicables tortures qu'il voit autour de lui et qui peuvent l'assaillir à tout instant, ne continuerait à vivre sur la terre.

Pourtant, les hommes vivent, se plaignent, se lamentent, mais continuent à vivre.

Il n'y a qu'une seule explication à celte étrange contradiction: c'est que tous les hommes savent, dans leur for intérieur, que leur vie n'est pas dans leur corps, mais dans leur âme, et que toutes les souffrances sont nécessaires, indispensables pour le bien de la vie spirituelle; quand, ne voyant aucun sens à la vie humaine, ils se révoltent contre les souffrances, mais continuent néanmoins à vivre, cela tient uniquement à ce que leur raison affirme la matérialité de leur vie, tandis qu'ils sentent, au fond de leur âme, qu'elle est spirituelle et qu'aucune souffrance ne peut priver l'homme de son vrai bonheur.

III. —Les souffrances apprennent à l'homme à considérer la vie au point de vue raisonnable
1

Tout ce que nous appelons mal, toute peine, à condition de l'envisager comme il convient, améliore notre âme. Et toute l'œuvre de la vie consiste en cette amélioration.

«En vérité, en vérité, je vous dis que vous pleurerez et vous vous lamenterez, et le monde se réjouira; vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse sera changée en joie. Quand une femme accouche, elle a des douleurs parce que son terme est venu; mais dès qu'elle a accouché d'un enfant, elle ne se souvient plus de son travail, à cause de sa joie de ce qu'un homme est né dans le monde.»

JEAN, XVI, 20-21.
2

Les souffrances de la vie déraisonnable amènent à reconnaître la nécessité d'une vie raisonnable.

3

De même que seuls les ténèbres de la nuit révèlent les astres célestes, seules les souffrances révèlent la vraie signification de la vie.

THOREAU.
4

Les obstacles extérieurs ne font pas de mal à l'homme d'esprit fort, car le mal est tout ce qui défigure ou affaiblit, comme cela est le cas pour les animaux que les obstacles irritent ou affaiblissent; mais pour l'homme qui les accueille avec la force d'esprit qui lui est donnée, tout obstacle ne peut qu'augmenter sa beauté morale et sa force.

MARC-AURÈLE.
5

Seulement après avoir éprouvé la souffrance, j'ai appris la parenté des âmes humaines entre elles. Il suffit de bien souffrir soi-même pour savoir comprendre tous ceux qui souffrent. Bien plus: la raison même devient plus lucide; on commence à connaître la situation et la carrière des gens qui s'étaient cachés jusque-là, et l'on aperçoit nettement ce dont chacun a besoin. Grand est le Dieu qui nous instruit ainsi I Et par quoi nous instruit-il? Par les misères mêmes que nous fuyons. C'est par les souffrances et les peines qu'il nous est donné d'acquérir les petites parcelles de sagesse, de celle qui ne s'apprend pas dans les livres.

GOGOL.
6

Si Dieu nous donnait des éducateurs et si nous savions sûrement qu'ils nous sont envoyés par Dieu, nous leur obéirions librement avec joie.

Et nous possédons bien ces éducateurs: ce sont la misère et tous les accidents de la vie.

PASCAL.
7

Tout ce que la Providence envoie à tout être vivant lui est non seulement utile, mais encore utile au moment où la Providence le lui envoie.

MARC-AURÈLE.
8

L'homme qui ne reconnaît pas la bienfaisance des souffrances, n'a pas encore commencé à vivre de la vie raisonnable, c'est-à-dire de la vraie vie.

IV. —Les maladies n'entravent pas la vraie vie, mais y aident
1

Rien qu'en voyant combien sont faibles et souvent mauvais ceux à qui tout réussit dans la vie, qui se portent toujours bien, qui sont riches, qui ne connaissent ni les offenses, ni les humiliations, on voit combien les épreuves sont indispensables à l'homme. Et nous nous plaignons de devoir les supporter!

2

Il n'est point de maladie qui puisse empêcher l'accomplissement du devoir. Si tu ne peux pas servir les hommes par tes travaux, sers-les par l'exemple de patience et d'amour.

3

Il y a une histoire où l'on conte qu'un homme a été puni, à cause de ses péchés, par l'impossibilité de mourir. On peut dire sûrement que si l'homme avait été puni par l'impossibilité de souffrir, la punition aurait été tout aussi pénible.

4

Ce n'est pas bien de cacher à un malade qu'il peut mourir de sa maladie. Il faut, au contraire, le lui rappeler. En le lui cachant, nous le privons du bienfait que lui donne la maladie; elle évoque en lui, par la conscience de la mort prochaine, la conscience de la vie spirituelle.

11.Ville sainte des Hindous. (Note de l'auteur).
12.Philosophe et critique russe, ami de Tolstoï, mais ne partageant que partiellement ses opinions. (Note du trad.).
13.Ou Thomas Hemerken, auteur présumé de l'Imitation de Jésus-Christ. (Note du trad.).
14.Philosophe allemand, de tendance néo-karitienne, professeur à l'Université de Berlin. (N. du trad.).