Buch lesen: «La Pensée de l'Humanité», Seite 14

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PASCAL.
IV. —Le vrai amour envers les hommes n'est possible que par l'abnégation
1

Seul ce qui ne vit pas pour soi-même ne périt pas. Mais pourquoi celui qui ne vit pas pour lui-même vivra-t-il? On peut ne pas vivre pour soi-même alors seulement qu'on vit pour Tout. C'est en vivant pour le Tout que l'homme peut être et est tranquille.

LAO-TSEU.
2

Quand même tu le voudrais, tu ne pourrais pas séparer ta vie de celle de l'humanité. Tu vis dans l'humanité, par elle et pour elle. En vivant parmi les hommes, tu ne peux pas ne pas renoncer à toi-même, parce que nous sommes tous créés pour agir d'un commun accord, comme les jambes, les bras, les yeux, et l'accord ne serait pas possible sans l'abnégation.

MARC-AURÈLE.
3

On ne saurait se contraindre à l'amour des autres. On ne peut que rejeter ce qui empêche l'amour. Et ce qui l'empêche, c'est l'amour de son «moi» matériel.

4

«Tu aimeras ton prochain comme toi-même» ne veut pas dire que tu dois tâcher d'aimer ton prochain. On ne peut pas se forcer à aimer. «Tu aimeras ton prochain» veut dire que tu dois cesser de t'aimer plus que tout. Et dès que tu ne t'aimeras plus ainsi, tu te mettras à aimer ton prochain comme toi-même.

5

Il faut s'habituer de se dire lorsqu'on rencontre un homme: je ne penserai qu'à lui, et non pas à moi-même.

6

I suffit de penser à soi au beau milieu d'un discours, pour perdre le fil de ses idées. De même, quand nous nous oublions complètement, que nous sortons de nous-mêmes, nous pouvons communiquer fructueusement avec les autres, les servir et avoir sur eux une influence bienfaisante.

7

Plus la vie d'un homme est confortable et mieux organisée extérieurement, plus la joie de l'abnégation est loin et difficile pour lui. Les riches en sont presque entièrement privés. Au pauvre, tout travail interrompu dans le but de venir en aide à son prochain, chaque morceau de pain tendu à un mendiant, procure la joie de l'abnégation.

8

Ce que tu as donné est à toi, ce que tu as gardé est aux autres.

Si tu t'es privé de quelque chose pour le donner aux autres, tu t'es fait du bien à toi-même; ce bien est à jamais à toi et personne ne peut te le prendre.

Mais si ta as gardé ce qu'un autre voulait prendre, lu ne l'as que pour un temps ou jusqu'au moment où tu devras le rendre. Et tu devras sûrement le rendre lorsque la mort sera venue.

9

Serait-il possible de ne pouvoir espérer qu'il viendra un jour où les gens verront qu'il leur est tout aussi facile de vivre pour les autres qu'il leur est facile de mourir à la guerre dont ils ne connaissent pas la cause? Il suffit aux hommes d'avoir à cet effet un peu plus de force d'esprit et un peu plus de conscience.

BRAUN.
V. —L'homme qui emploie toutes ses forces à satisfaire uniquement ses besoins bestiaux, détruit sa vraie vie
1

Si l'homme ne pense qu'à lui-même et cherche partout son profit, il ne peut être heureux. Si tu veux réellement vivre pour toi-même, vis pour les autres.

SÉNÈQUE.
2

Pour comprendre combien il est indispensable de renoncer à la vie corporelle pour la vie spirituelle, il suffit de se représenter combien serait terrible et répugnante une vie consacrée uniquement à la satisfaction des désirs charnels. La vraie vie ne commence qu'au moment où l'homme renonce à toute bestialité.

3

Par la parabole des vignerons (MATTH., 33-42), le Christ éclaircit l'erreur des gens qui prennent l'apparence de la vie – leur vie charnelle – pour la vraie vie.

A force d'habiter le jardin cultivé de leur maître, des gens se crurent propriétaires du jardin. Et de cette conception erronée il résulte une série d'actes insensés et cruels accomplis par ces gens qui, finalement, sont chassés du jardin, exclus de la vie. De même, nous nous sommes imaginés que la vie de chacun de nous est notre vie personnelle, que nous y avons droit et pouvons en jouir à notre gré, n'ayant aucune obligation envers personne. Aussi, commettons-nous inévitablement la même série d'actes cruels et insensés et sommes de même exclus de la vie. Comme les habitants du jardin avaient oublié que le jardin leur avait été donné en état, entouré d'un fossé et d'une clôture, pourvu d'un puits, que quelqu'un avait travaillé à leur intention et attend, par suite, qu'ils fournissent également du travail, les hommes qui ne possèdent qu'une vie personnelle ont oublié, ou veulent oublier, tout ce qui a été fait pour eux avant leur naissance, ce qui se fait au cours de leur vie, et ce qu'on attend d'eux.

D'après la doctrine du Christ, de même que les vignerons, qui habitaient une vigne qu'ils n'avaient pas travaillée, doivent sentir et comprendre qu'ils ont contracté une dette constante envers leur maître, les hommes doivent sentir et comprendre que, depuis leur naissance et jusqu'à la mort, ils ont contracté une dette envers ceux qui ont vécu avant eux, qui vivent encore et qui vivront, et envers ce qui était, est et sera toujours le commencement de tout. Ils doivent comprendre que chaque heure de leur existence confirme cette obligation, et que, par conséquent, l'homme qui vit pour lui-même et qui nie cette obligation, l'attachant à la vie et à son principe, se prive lui-même de la vie.

4

Les hommes pensent que l'abnégation compromet la liberté. Ils ne savent pas que seule l'abnégation nous donne la vraie liberté, en nous débarrassant de nous-mêmes, de l'esclavage de notre dépravation. Nos passions sont les tyrans les plus cruels: il suffit de renoncer à eux, et tu te sentiras libre.

FÉNELON.
5

La conscience de notre mission, qui implique la loi de l'abnégation, n'a rien de commun avec la jouissance de la vie. Si nous voulions confondre la conscience de notre mission avec la jouissance, et que nous offrions ce mélange, en qualité de remède, à une âme malade, ces deux éléments se seraient séparés spontanément. Mais si cela n'avait pas eu lieu et que la conscience de la haute destination de l'homme n'avait produit aucun effet, et que la vie corporelle aurait acquis, en aspirant au plaisir, une certaine force qui correspondrait avec la destination, la vie morale de l'homme aurait disparu sans retour.

KANT.
VI. —On ne peut se libérer de ses péchés qu'à condition de renoncer à soi-même
1

Le renoncement au bonheur corporel pour le bonheur spirituel est la conséquence d'une modification de la conscience; c'est-à-dire un homme qui se croyait être d'abord purement un animal, commence à se reconnaître comme un être spirituel. Quand ce changement s'est effectué, ce qui semblait avant une privation, une souffrance, n'est plus une privation ni une souffrance, mais une préférence naturelle du meilleur au plus mauvais.

2

On croit et on dit que pour remplir la mission de la vie, il faut avoir la santé, l'aisance et, en général, être dans des conditions extérieures favorables. C'est inexact: la santé, l'aisance et les conditions extérieures favorables ne sont pas nécessaires pour remplir sa mission et obtenir le bonheur. Il nous est donné la possibilité d'acquérir le bien spirituel et que rien ne peut détruire: le bien de développer en soi l'amour. Seulement, il faut croire en cette vie spirituelle, concentrer vers elle tous ses efforts.

Tu mènes une vie charnelle, tu travailles pour elle; mais dès que tu trouves des obstacles dans cette vie, transporte-toi dans la vie spirituelle; car la vie spirituelle est toujours libre. C'est comme les ailes de l'oiseau. L'oiseau marche sur ses pattes. Mais voilà que survient un obstacle, un danger, et l'oiseau, ayant foi en ses ailes, les déploie et survole.

3

L'unique œuvre joyeuse et vraie de la vie est d'élever son âme; et pour élever son âme, il faut renoncer à soi-même. Commence par le renoncement dans les petites choses; lorsque tu t'habitueras à renoncer aux petites, tu pourras renoncer aux grandes.

4

Lorsque la lumière de ta vie spirituelle s'éteint, l'ombre noire de tes désirs charnels tombe sur ton chemin. – Méfie-toi de cette terrible ombre: la lumière de ton esprit, ne peut détruire ces ténèbres tant que tu n'auras pas chassé les désirs de ton âme.

Sagesse brahmane.
5

La plus grande difficulté de se libérer de l'égoïsme matériel réside en ce fait que cet égoïsme est une condition indispensable de la vie. Il est indispensable et naturel pendant l'enfance; mais il doit faiblir et disparaître à mesure que la raison s'éclaire.

L'enfant n'éprouve pas de remords de conscience pour son égoïsme; mais à mesure que la raison s'éclaire, l'égoïsme devient un poids pour soi-même; au cours de la vie, l'égoïsme faiblit de plus en plus, et lorsqu'on approche de la mort, il disparaît entièrement.

6

Totalement renoncer à soi-même, c'est devenir Dieu; vivre uniquement pour soi-même, c'est devenir une brute absolue. La vie humaine se passe dans, l'éloignement progressif de la vie bestiale et dans le rapprochement graduel de la vie divine.

7

Sans sacrifice, il n'y a pas de vie. Toute la vie, que tu le veuilles ou non, n'est qu'un sacrifice du corporel au spirituel.

VII —Le renoncement à sa personnalité bestiale donne à l'homme le vrai bonheur spirituel qui est inaliénable
1

Une seule et même loi régit la vie de chaque homme et celle de tous les hommes; cette loi dit: pour améliorer la vie, il faut être prêt à la donner.

2

L'homme ne peut connaître les conséquences de sa vie d'abnégation, mais il n'a qu'à l'essayer pour un temps, et je suis sûr que tout honnête homme reconnaîtra l'influence favorable qu'avaient sur son âme et son corps les instants, même fugitifs, pendant lesquels il ne pensait plus à lui-même et renonçait à sa personnalité corporelle.

JOHN RUSKIN.
3

L'homme est comme un nuage dont l'eau se déverse sur les champs, les prés, les forêts, les jardins, les étangs, les rivières. La pluie a passé, elle a rafraîchi et donné la vie à des millions de jeunes pousses, d'épis, de buissons, d'arbres; le nuage est devenu clair et transparent et bientôt il disparaîtra complètement. Il en est de même de la vie corporelle d'un homme de bien: il est venu en aide à bien des gens, il leur a facilité la vie, il leur a montré la voie à suivre, les a consolés; maintenant, il est vidé et, en mourant, il se relire là où vit seul l'éternel, l'invisible, le spirituel.

4

Les arbres donnent leurs fruits et même leur écorce, leurs feuilles et leur suc à ceux qui en ont besoin. Heureux est l'homme qui en fait autant! Mais il y a peu de gens qui le comprennent et qui agissent ainsi.

KRISHNA.
5

Le bonheur n'est pas possible tant qu'on ne cesse à penser à soi-même. Mais on ne peut le faire incomplètement. Si le moindre souci de soi-même reste, tout est gâté… Je sais que c'est difficile, mais je sais également qu'il n'y a pas d'autre moyen d'acquérir le bonheur.

CARPENTER.
6

Bien des gens pensent que si l'on exclut la personnalité et l'amour, il ne restera plus rien dans la vie. Ils s'imaginent que, sans personnalité, il n'y a pas de vie. Mais cela semble seulement à ceux qui n'ont jamais éprouvé la joie de l'abnégation. Rejette ta personnalité, renonce à elle, et il te restera ce qui est l'essence de la vie: l'amour, donnant le bienfait incontestable.

7

Plus l'homme apprend à connaître son «moi» moral et plus il renonce à la vie charnelle, mieux il se comprend lui-même.

Sagesse brahmane.
8

Au point de vue du bonheur, la question de la vie est insoluble, parce que nos élans les plus élevés nous empêchent d'être heureux. Au point de vue du devoir, la même difficulté subsiste, car le devoir accompli donne la paix et non le bonheur.

Seul le divin amour et la communion avec Dieu suppriment cette difficulté, car, dans ce cas, le sacrifice devient une joie constante, croissante etimmuable.

AMIEL.
9

L'idée du devoir dans toute sa pureté est non seulement bien plus simple, plus claire, plus compréhensible dans la pratiquent plus naturelle que l'impulsion venant du désir du bonheur ou qui est liée à lui (et qui exige toujours beaucoup d'artifice et de spéculations approfondies), mais même devant le simple bon sens, cette idée apparaît comme bien plus puissante, plus persistante et promet bien plus de succès que toutes les impulsions provenant de l'égoïsme, à condition que l'idée du devoir soit comprise par le bon sens tout à fait indépendamment des impulsions égoïstes.

La conscience que je peux parce que je dois, révèle en l'homme la profondeur des dons divins, lui permettant, comme à un saint prophète, de pressentir la puissance et la grandeur de sa vraie destination. Et si l'homme y faisait plus souvent attention et s'était habitué à séparer entièrement la vertu de tous les avantages qui sont la récompense du devoir accompli, si l'exercice de la vertu avait été la préoccupation principale de l'éducation privée et sociale, l'état moral des hommes se serait bientôt amélioré. Si l'expérience de l'histoire n'a pas encore donné de bons résultats concernant la doctrine de la vertu, cela vient de la fausse conception que l'impulsion déduite de l'idée du devoir serait trop faible et distante, et qu'une impulsion plus proche, provenant d'un calcul sur les avantages que l'on doit attendre pour l'accomplissement du devoir, tant en ce monde que dans l'autre monde, agit plus fortement sur l'âme. Tandis que, en réalité, la conscience de posséder en soi le principe spirituel, suscitant le renoncement à sa personnalité, incite l'homme, bien plus que toutes les récompenses, à obéir à la loi du bien.

KANT.

CHAPITRE XXV
L'HUMILITÉ

Le plus grand bonheur de l'homme dans ce monde est de communiquer avec ses pareils. Les orgueilleux, en se mettant à l'écart des autres, se privent eux-mêmes de ce bien. Mais l'homme humble supprime tous les obstacles en lui-même pour obtenir ce bonheur. C'est pourquoi l'humilité est une condition indispensable du vrai bonheur.

I. —L'homme ne peut être fier de ses œuvres, parce que tout le bien qu'il fait ne vient pas de lui, mais de l'élément divin qui vit en lui
1

Seul l'homme qui sait que Dieu vit en son âme peut être humble. Un tel homme est absolument indifférent à ce que les gens disent de lui.

2

L'homme qui se croît maître de sa vie ne peut être humble, parce qu'il pense qu'il n'est l'obligé de personne, ni de rien. Mais l'homme qui voit son œuvre, dans le service de Dieu, ne saurait ne pas être humble, parce qu'il sent toujours qu'il est loin d'avoir accompli toutes ses obligations.

3

Nous sommes souvent fiers de ce que nous avons bien fait, nous sommes fiers de ce que nous avons fait, et nous oublions que Dieu vit en chacun de nous et qu'en faisant le bien, nous ne sommes que les instruments de Son œuvre.

Dieu fait avec moi ce qui Lui est nécessaire, et moi je m'en vante. C'est comme si la pierre qui intercepte la source était fière de ce que l'eau s'échappe d'elle, et que les hommes et les animaux boivent cette eau. On dira que la pierre peut être fière de ce qu'elle est propre et qu'elle ne salit pas l'eau. Ceci encore n'est pas vrai. Si elle est propre, c'est uniquement parce que cette même eau l'a lavée et la lave toujours. Rien n'est à nous, tout est à Dieu.

4

Nous sommes les instruments de Dieu. Nous savons ce que nous devons faire, mais il ne nous est pas donné de savoir pourquoi nous le faisons. Celui qui comprend cela, ne peut ne pas être humble.

5

L'œuvre principale de la vie de chaque homme est de devenir plus charitable et meilleur. Et comment peut-on devenir meilleur si l'on se croit déjà bon?

6

Il suffit de se croire non pas le maître, mais le serviteur, pour que les tâtonnements, l'inquiétude, le mécontentement se transforment en certitude, en tranquillité, en paix et en joie.

II. —Toutes les tentations viennent de l'orgueil
1

Si l'homme tend à Dieu, il ne peut jamais être satisfait de lui-même. Il aura beau avancer, il se sentira toujours éloigné de la perfection, car la perfection est infinie.

2

L'assurance est la qualité de la bête; l'humilité est la qualité de l'homme.

3

Celui qui se connaît le mieux, s'estime le moins.

4

Celui qui est content de lui-même, n'est jamais satisfait des autres.

Celui qui est toujours mécontent de lui-même, est toujours content des autres.

5

On dit à un sage qu'il a la renommée d'être mauvais. Il répondit: «C'est heureux qu'ils ne sachent pas tout sur moi: ils auraient dit des choses bien pires.»

6

Il n'y a rien de plus utile à l'âme que de te souvenir que tu n'es qu'un vil scarabée et que toute ta force consiste à pouvoir comprendre ta nullité et, par suite, d'être humble.

7

Malgré le peu d'attention que la plupart des hommes attachent à leurs défauts, il n'y a pas d'homme qui ne se connaisse quelque chose de plus mauvais que ce qu'il sait sur son prochain.

C'est pourquoi il est facile à chaque homme d'être humble.

WOLSELEY.
8

Il suffit de réfléchir un jeu pour se découvrir quelque défaut envers le genre humain (ne serait-ce que cette faute qu'en vertu de l'inégalité des hommes, nous jouissons de certains avantages pour lesquels d'autres doivent éprouver de plus grandes privations) – et cela nous empêchera d'exagérer nos mérites au détriment d'autres hommes.

KANT.
9

On ne peut voir ses défauts qu'avec les yeux des autres.

Proverbe chinois.
10

Chaque homme peut être pour nous un miroir dans lequel nous voyons nos vices, nos défauts et tout le mal qui est en nous; or, nous agissons le plus souvent comme un chien qui aboie contre le miroir, pensant que ce n'est pas lui qu'il voit là-dedans, mais un autre chien.

SCHOPENHAUER.
11

Les gens trop sûrs d'eux-mêmes, sots et immoraux, inspirent souvent le respect aux gens modestes, sages et moraux, précisément parce qu'un homme modeste, en se jugeant, ne peut pas comprendre qu'un mauvais homme puisse tellement se respecter.

12

Souvent les hommes les plus simples, les moins lettrés, les moins instruits, s'assimulent facilement la doctrine chrétienne, tandis que les plus savants croupissent dans le paganisme le plus vulgaire. Cela vient de ce que les gens simples sont le plus souvent humbles, et que les savants sont pour la plupart trop surs d'eux-mêmes.

13

Pour comprendre raisonnablement la vie et la mort et attendre celle-ci en paix, il est indispensable de comprendre combien on est nul.

Tu es une parcelle infiniment petite de quelque chose, et tu ne serais rien si tu n'avais pas une mission déterminée – une œuvre. Cela seulement donne un sens et une signification à ta vie. Ton œuvre consiste à profiter des instruments qui te sont donnés, de même qu'à tout ce qui existe: d'user ton corps à ce qui t'a été recommandé. C'est pourquoi, toutes les œuvres sont égales et tu ne peux pas faire plus qu'il ne t'a été commandé. Tu ne peux être qu'adversaire de Dieu ou interprète de son œuvre. De sorte que l'homme ne peut s'attribuer rien de grand ni d'important. Il suffit de s'attribuer quelque œuvre exceptionnelle, pour qu'il n'y ait plus fin aux déceptions de la lutte, à la jalousie, aux souffrances de toutes sortes, tu n'as qu'à t'attribuer plus d'importance qu'à la plante qui donne des fruits, et tu es perdu. La tranquillité, la liberté, la joie de la vie, le courage devant la mort, ne sont donnés qu'à celui qui ne se croit dans cette vie rien de plus qu'un ouvrier de son Maître.

III. —L'Humilité unit les hommes par l'amour
1

Être inconnu des hommes ou non compris d'eux, et ne pas s'en attrister – voilà la qualité de l'homme réellement vertueux qui aime les autres.

Sagesse chinoise.
2

De même que l'eau ne reste pas sur les sommets, la bonté et la sagesse ne se rencontrent pas chez les orgueilleux. L'un comme les autres cherchent des terrains bas.

Sagesse persane.
3

Un homme charitable est celui qui se souvient de ses péchés et qui oublie le bien qu'il fait; un homme méchant est celui qui, au contraire, se souvient de sa bonté et oublie ses péchés.

Ne te pardonne pas, et tu pardonneras facilement aux autres.

4

On peut reconnaître un homme bon et intelligent à ce qu'il considère tous les autres hommes meilleurs et plus intelligents que lui.

5

Les gens les plus agréables ce sont les justes qui se croient pécheurs. Et les plus désagréables ce sont les pécheurs qui se croient justes.

PASCAL.
6

Combien il est difficile d'aimer, de plaindre les orgueilleux, confiants en eux-mêmes! On voit, rien qu'à cela, combien la modestie est non seulement bonne, mais encore avantageuse. Elle suscite ce qu'il y a de plus précieux dans la vie: l'amour des hommes.

7

Tout le monde aime les humbles; nous voulons tous être aimés. Comment ne pas s'efforcer d'être humbles?

8

Pour que les hommes puissent bien vivre, il faut que la paix règne parmi eux. Et là où chacun veut être au-dessus des autres, il ne peut y avoir de paix. Plus les hommes sont humbles, plus il leur est facile de vivre en paix.

IV. —L'Humilité unit l'homme à Dieu
1

Il n'y a rien de plus fort qu'un homme humble; car, en renonçant à lui-même, cet homme cède la place à Dieu.

2

Les paroles de la prière: «Venez et descendez en nous» sont fort belles. Tout est dans ces paroles. L'homme a tout ce qu'il lui faut si Dieu descend en lui. Et pour cela, il ne faut qu'une chose: se diminuer pour faire une place à Dieu. Dès que l'homme se diminue, Dieu s'établit en lui. C'est pourquoi, pour obtenir tout ce qui lui est nécessaire, l'homme doit s'humilier avant tout.

3

Plus l'homme descend en lui-même et se croit insignifiant, plus il s'élève vers Dieu.

Sagesse brahmane.
4

L'orgueil disparaît du cœur de celui qui adore l'Être Suprême, de même que la lueur du bûcher s'éclipse à la lumière du soleil. Celui dont le cœur est pur et qui est sans orgueil, celui qui est doux, fidèle et simple, qui considère chaque être comme son ami et qui aime chaque âme comme la sienne, qui traite chacun également avec tendresse et amour, qui veut faire le bien et a banni toute vanité, est l'homme dont le cœur est habité par le Souverain de la vie.

De même, que la terre se décore de belles plantes qu'elle produit, celui dans l'âme duquel habite le Seigneur de la vie, s'en trouve embelli.

Vichnou Pourana.
V. —Comment lutter contre l'orgueil
1

Les défauts qui sont pénibles et intolérables chez les autres, paraissent ne rien peser en nous-mêmes. Il arrive très souvent qu'en parlant des autres et en les blâmant cruellement, les gens ne remarquent pas qu'ils se décrivent eux-mêmes.

Rien ne nous corrigerait aussi vite de nos défauts que si nous pouvions nous voir dans les autres. En voyant clairement nos défauts chez les autres, nous aurions détesté nos défauts comme ils le méritent.

LABRUYÈRE.
2

Tâche de ne pas penser de bien de toi-même. Si tu ne peux pas penser mal de toi, sache que c'est déjà mal que tu ne peux pas penser mal de loi.

3

La tendance de te comparer aux autres à ton avantage est une tentation rendant impossible une bonne vie et entravant l'œuvre principale: le perfectionnement. Compare-toi uniquement à la perfection suprême, et non aux hommes qui peuvent être inférieurs à toi.

4

Quand on t'injurie où que l'on te blâme, réjouis-toi; quand on te vante et que l'on t'approuve, méfie-toi.

5

Tache de ne pas cacher dans des coins sombres les souvenirs honteux de tes péchés; au contraire, tiens-les toujours prêts, afin de pouvoir juger des péchés de tes prochains.

6

Considère-toi toujours comme un écolier. Ne pense pas que tu es trop vieux pour apprendre, que ton âme est déjà telle qu'elle doit être et qu'elle ne peut être meilleure. Pour l'homme raisonnable, le cours des études n'est jamais terminé: il est élève jusqu'à la tombe.

7

Seul l'humble de cœur connaît la vérité. L'humilité ne provoque pas la jalousie.

Les arbres sont emportés par le torrent, les joncs restent.

Un sage a dit: «Mon enfant, ne t'attriste pas de n'avoir pas été apprécié, car personne ne peut te reprendre ce que tu as fait, ou te donner ce que tu n'as pas fait. L'homme raisonnable se contente du respect qu'il mérite.

«Sois aimable, respectueux, affable, soucieux du profit des autres, et le bonheur viendra à toi tout aussi naturellement que l'eau descend dans les vallées.»

Vichnou hindou.
VI. —Conséquences de l'orgueil
1

L'homme sans humilité blâme toujours les autres; il ne voit que les fautes des hommes, pendant que ses passions et ses vices à lui se développent de plus en plus.

Sagesse bouddhiste.
2

L'homme non éclairé par le christianisme n'aime que lui. Et en n'aimant que lui, un tel homme veut être grand, et il se voit petit; il veut être heureux, et il se voit misérable; il veut être parfait, et il se voit plein d'imperfections. Et en voyant tout cela, l'homme commence à détester la vérité et à imaginer des arguments d'après lesquels il résulterait qu'il est précisément ce qu'il voudrait être, et il devient à ses yeux grand, heureux et parfait. Il y a là un double péché d'orgueil et de mensonge. Le mensonge vient de l'orgueil, et l'orgueil vient du mensonge.

D'après PASCAL.
3

Qui ne hait en soi son amour-propre et cet instinct qui le porte à se faire Dieu est bien aveuglé. Qui ne voit pas que rien n'est si opposé à la justice et à la vérité? Car il est faux que nous méritions cela, et il est injuste et impossible d'y arriver, puisque tous demandent la même chose.

PASCAL.
4

Il y a toujours une tâche sombre sur notre soleil: c'est l'ombre qui tombe de la considération que nous avons pour notre personne.

CARLYLE.
VII. —L'Humilité donne à l'homme le bonheur spirituel et la force de lutter contre les tentations
1

Rien n'est aussi profitable à l'âme que l'humiliation acceptée avec joie. Elle rafraîchit l'âme comme une chaude pluie après le soleil ardent de la fatuité.

2

La porte d'entrée du temple de la vérité et du bonheur est basse. Seule ceux qui se baisseront pourront y entrer. Et heureux seront ceux qui pourront passer cette porte. Le temple est vaste et libre, et tous les gens qui s'y trouvent s'aiment les uns les autres, s'entr'aident et ne connaissent point de chagrin.

Ce temple est la vraie vie des hommes. La porte du temple, c'est la doctrine de la sagesse. Et la sagesse est donnée aux humbles, à ceux qui ne s'élèvent pas, mais qui se diminuent.

3

La joie parfaite, selon les paroles de saint François d'Assise, consiste à supporter le reproche non mérité, même une souffrance corporelle, sans éprouver d'inimitié envers la cause du reproche ou de la souffrance. Cette joie est parfaite parce qu'aucune offense, aucune injure et aucun reproche ne peuvent la compromettre.

4

«Quiconque s'élève sera abaissé, et quiconque s'abaisse sera élevé.»

LUC, XIV, 11.
5

Le plus faible en ce monde vainc le plus fort; le bas et l'humble vainc le grand et le fier. Un très petit nombre de gens comprennent toute la force de l'humilité.

LAO-TSEU.
6

Il n'y a rien de plus tendre et de plus conciliant que l'eau, et cependant, en attaquant les choses solides et dures, rien n'est plus fort qu'elle. Le faible vainc le fort. Le délicat vainc le cruel. L'humble vainc le fier. Tout le monde le sait, mais personne ne veut agir selon cette loi.

LAO-TSEU.
7

Si les rivières et les mers dominent toutes les vallées qu'elles traversent, c'est parce qu'elles sont plus basses.

C'est pourquoi, si un saint homme veut être au-dessus du peuple, il doit tâcher d'être au-dessous de lui. S'il veut le gouverner, il doit être derrière lui.

Par conséquent, si un saint homme vit au-dessus du peuple, le peuple ne le sent pas. Il est au-devant du peuple, mais le peuple n'en souffre pas. C'est pourquoi le monde ne cesse de le louer. Le saint homme ne discute avec personne, et personne ne discute avec lui.

LAO-TSEU.
8

L'eau est légère, liquide et peu résistante, mais lorsqu'elle attaque quelque chose de solide, de dure et de résistant, rien ne peut lutter contre elle: elle emporte des maisons, joue avec d'énormes bateaux comme avec des copeaux, creuse la terre. L'air est encore moins dense, plus doux et moins résistant que l'eau, mais il est plus fort encore lorsqu'il attaque des choses dures, fermes et solides. Il arrache les arbres avec leurs racines, démolit les maisons, gonfle l'eau en vagues énormes et chasse l'eau dans les nuages. Le tendre, le doux et le liquide vainc le dur, le ferme et le résistant.

Il en est de même dans la vie des hommes. Si tu veux être vainqueur, sois tendre, doux et condescendant.