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Un royaume et un public

La propagation d’une norme linguistique est certainement une des conditions de la naissance d’un espace public au sens moderne. Ainsi, après avoir étudié des prises de parole plus théoriques en faveur de la langue française et de sa littérature, il sera intéressant de voir dans quelle mesure des lecteurs provinciaux ou issus d’un milieu modeste suivent la deuxième phase de la Querelle des Anciens et des Modernes et y participent. Ou, pour formuler cela autrement, dans quelle mesure un espace public français existe-t-il ?

Cette problématique est née de deux observations. D’un côté, un changement de perceptive s’impose. La recherche contemporaine met principalement l’accent sur la dimension parisienne de cette dispute1 ou en décrit encore l’étendue européenne2. La réception populaire ou périphérique au sens social et géographie du terme, en revanche, n’est guère évoquée. De l’autre, le profil du Nouveau Mercure galant exige également que l’on tourne –du moins brièvement – le dos aux débats savants afin d’étudier cet aspect moins connu de la Querelle d’Homère. Dès la création de son Mercure galant, Donneau de Visé [Devizé], JeanDonneau de Visé a toujours essayé d’« atteindre les provinciaux [par l’intermédiaire des femmes]3 » et de les encourager à contribuer à la revue4. Et, au début du XVIIIe siècle, Hardouin Le Fèvre de Fontenay prolonge cette tradition. Par exemple, dans la livraison d’avril 1715, à savoir pendant l’apogée des débats, il écrit : « Voila mes intentions, Messieurs, contribuez à me fournier des matieres, & vous verrez que je vous meneray peut être plus loin qu’aucun des deffunts Mercures ne vous a menez5. » Le responsable du périodique veut donc savoir ce que ses lecteurs pensent de la Querelle d’Homère et il n’hésite pas à intégrer leurs textes dans la revue.

Par la suite, afin de mieux structurer l’analyse, le public socialement éloigné du centre culturel, que forment les salons parisiens, sera d’abord évoqué. Puis, les lecteurs-auteurs qui ne séjournent pas à Paris ainsi que les contributeurs qui dissimulent leur identité susciteront notre curiosité.

Dans le Nouveau Mercure galant d’août 1715, Hardouin Le Fèvre de Fontenay invite ses lecteurs à la Foire St. Laurent. Après avoir discuté l’Apologie d’Homère de Jean Boivin, Jean [M. B.]Boivin, il procède à la transition vers une pièce de théâtre de Louis Fuzelier, LouisFuzelier :

Cette matiere [la Querelle d’Homère] est si amusante, Monsieur, & en même tems si interessante, que je vous prie de me permettre de vous faire part d’un nouveau genre de divertissement dont elle a regalé le Public. Si tout ce qu’il y a d’honnêtes gens qui vont aux spectacles en France n’avoit pas veu la defense d’Homere dans les mains d’Arlequin à la Foire S. Laurent, je n’aurois pas l’indiscrection de vous [en] donner […] une Scene6.

Certes, il s’agit ici d’un récit. Le responsable de la revue ne donne pas la parole à un simple visiteur de la foire, mais il insiste bien sur le grand intérêt que cette scène suscite auprès du public parisien. Déjà, dans la livraison de juillet 1715, Le Fèvre de Fontenay a souligné le succès des pièces représentées à la Foire St. Laurent qui a commencé pendant les derniers jours de ce mois : « Mille et mille personnes de tout âge, sexe, qualités et conditions y furent en effet, y restèrent avec toute satisfaction imaginable et en sortirent charmées des nouveautés qu’elles venaient d’y voir7. »

De plus, il ne faut pas croire qu’il a exagéré en décrivant la grande diversité du public puisque la Foire St. Laurent – contrairement à celle de St. Germain – a toujours ciblé des gens modestes et donc différents des habitués des salons et de la société galante. Cet aspect devient particulièrement évident dans le Nouveau Mercure galant de novembre 1714 dans lequel le responsable du périodique publie la « Lettre curieuse » de Mademoiselle de **. L’autrice qui a apparemment une très bonne culture littéraire dénonce la mauvaise qualité des pièces montrées sur scène lors de la Foire St. Laurent de 1714 ; elle s’en dit choquée et ne comprend guère comment le public peut s’enthousiasmer pour de telles productions indécentes : « Je ne doute pas, Madame, que vous n’avoüiez maintenant […] que vous ne regardiez enfin le plaisir qu’on prend aux spectacles des Foires, comme un sacrifice d’esprit & de bon goût8. »

Or, bien qu’il s’agisse de regards extérieurs portés sur la Foire St. Laurent qui réduisent le public modeste à de simples objets passifs, force est de constater que le Nouveau Mercure galant contribue à montrer que la Querelle d’Homère n’avait pas seulement d’importantes répercussions dans les cercles savants et galants de la capitale, mais également parmi les Parisiens d’origine plus humble.

Étant donné la dominance culturelle et politique de Paris dans le royaume de Louis XIVLouis XIV, il n’est guère surprenant que la plupart des auteurs participant à la Querelle d’Homère publient leurs livres au bord de la Seine9. Néanmoins, il serait erroné de réduire la dispute à une simple querelle parisienne. Grâce au Nouveau Mercure galant, il devient évident que des lecteurs présents partout en France s’intéressent à cette dernière phase de la Querelle des Anciens et des Modernes.

Durant l’été 1714, Hardouin Le Fèvre de Fontenay publie deux textes de Jean-Antoine Du Cerceau, Jean-AntoineDu Cerceau : l’« Apolopie D.P.D.C. » et « De la nécessité de la Critique ». S’il est difficile d’établir comment Le Fèvre de Fontenay a obtenu ces deux pièces en vers, dont la deuxième a déjà été publiée à l’époque de Charles Dufresny, CharlesDufresny, son prédécesseur à la tête de la revue10, il est moins compliqué de savoir où Du Cerceau, Jean-AntoineDu Cerceau a rédigé ses textes. Selon le Dictionnaire des journalistes, Du Cerceau, Jean-AntoineDu Cerceau séjournait à Bourges de 1710 à 1714. Il y était préfet des études au collège des jésuites – établissement prestigieux puisqu’il avait profité du généreux soutien financier d’Henri II de Bourbon-Condé, Henri II de BourbonCondé11 et car le Grand Condé, Louis II de BourbonCondé y fut élevé12 – et, à ce titre, chargé de son bon fonctionnement pédagogique. La présence de Du Cerceau, Jean-AntoineDu Cerceau à Bourges est d’ailleurs confirmée par deux textes qu’il publia dans cette ville : une oraison funèbre de Monseigneur Louis, dauphin, en 1711 et une autre à la gloire de l’épouse de ce dernier, Marie-Adélaïde de Savoie, Marie-Adélaïde deSavoie, en 171213. Il est donc fort possible que Du Cerceau, Jean-AntoineDu Cerceau ait également écrit les vers publiés dans la revue à Bourges.

Un autre auteur relativement illustre – également membre des jésuites et résidant en province – a également contribué au Nouveau Mercure galant et plus précisément à la livraison d’octobre 1715 : il s’agit du « R. P. de Clery14 » qui a versifié un conte dédié à « M. Houdart de la Motte, Auteur de la nouvelle Iliade15 ». Au premier coup d’œil, il est difficile d’attribuer le poème à un auteur précis car le responsable de la revue écrit que « c’est un conte de la faҫon du R. P. de Clery, Professeur d’Eloquence à Toulouse16 » : s’agit-il simplement d’un imitateur de Clery ou un de ses disciples a-t-il envoyé le texte au Nouveau Mercure galant sans demander l’approbation de son professeur, ce qui a amené Le Fèvre de Fontenay à ne pas associer le poème à Clery ? Si un dernier doute persiste, il est cependant plausible qu’il y ait une faute d’orthographe dans le Nouveau Mercure galant d’octobre 1715 et qu’il est effectivement question de Pierre Cléric, PierreCléric : dans la livraison du 7 décembre 1715 des Nouvelles Littéraires, le même poème est imprimé et Henri Du Sauzet, HenriDu Sauzet, le responsable de ce périodique, annonce que le « Révérend Pere Pierre Cleric […] est l’Auteur du Conte17 ». De plus, au XVIIIe siècle, plusieurs contemporains lui ont également attribué les vers en question, par exemple Claude Pierre Goujet, Claude PierreGoujet dans sa Bibliothèque franҫoise ou Histoire de la littérature franҫoise de 174418 ou Heinrich Wilhelm Lawätz, Heinrich WilhelmLawätz dans son Handbuch für Bücherfreunde und Bibliothekare19. De plus, selon la Biographie universelle des Anciens et des Modernes, un certain Pierre Cléric, PierreCléric « professa les humanités dans divers colléges, et la rhétorique à Toulouse pendant vingt-deux ans20 » ce qui le rapproche encore davantage du « Clery » du Nouveau Mercure galant. Par conséquent, il paraît plus que probable qu’il s’agisse de la même personne.

Si Jean-Antoine Du Cerceau, Jean-AntoineDu Cerceau et Pierre Cléric, PierreCléric font parties des auteurs plus connus, il existe également des contributeurs moins renommés : dans la livraison de juillet 1715 par exemple, « l’Auteur desinteressé des bords de la Marne21 » publie un « Rondeau redoublé, & decisif, sur le sujet des Anciens & des Modernes22 ». Le recours à une périphrase constitue une stratégie typique et bien répandue dans la société mondaine. Selon Suzanne Dumouchel, c’est un « jeu de masque23 » qui permet au responsable de la revue de présenter une diversité de voix tout en protégeant l’identité du contributeur lui-même. Or, celui-ci ne cherche guère l’anonymat, mais il initie un jeu littéraire. Comme à un bal masqué, le versificateur de juillet 1715 se cache derrière une description géographique et les autres lecteurs peuvent deviner de qui il s’agit véritablement. Le fait que l’auteur désintéressé des bords de la Marne choisit cette forme au lieu de signer simplement par son nom ou de choisir la discrétion de l’anonymat signifie qu’il connaît bien les règles et les traditions du monde galant.

De plus, il semble que le Nouveau Mercure galant soit régulièrement lu aux « bords de la Marne24 » étant donné que le contributeur inconnu cite indirectement et à plusieurs occasions le numéro de mars 1715 de la revue :

Mais dés qu’on vit l’horloge menagere

[…]

On fut surpris dessus nostre hemisphere

Qu’un tournebroche ait sceu nous étonner25.

L’idée de présenter l’horloge comme un perfectionnement d’un tournebroche n’est pas nouvelle. Dans la livraison de mars 1715, Thémiseul de Saint-Hyacinthe, Thémiseul deSaint-Hyacinthe a recours à cette comparaison pour défendre le concept du progrès26. En outre, l’auteur provincial se sert également d’un texte de l’abbé Jean-François de Pons, Jean-François de [M. P.]Pons. Tout comme celui-ci, il voit dans Houdar de La Motte un nouveau Descartes, RenéDescartes27.

Ainsi, cet exemple montre bien une dimension particulière de la fameuse fécondité des querelles et, en même temps, dans quelle mesure la revue d’Hardouin Le Fèvre de Fontenay a contribué à divulguer les grands thèmes de la Querelle d’Homère en France : il est désormais clair que des lecteurs présents partout dans le royaume des Bourbons s’y sont intéressés et que la revue a également facilité leur accès.

Hormis ces exemples, il existe des contributions qui sont cependant plus difficilement attribuables à un auteur précis. C’est le cas de nombreux textes envoyés à Hardouin Le Fèvre de Fontenay par « un de mes amis28 » ou des réflexions anonymes. Bien que ces contributions très élaborées, comme par exemple, le « Dialogue magnifique entre Iris, Mercure & un Moderne29 », aient très certainement été rédigées par quelqu’un possédant une grande culture littéraire, certains textes plus courts, également présents dans la revue, sont susceptibles d’avoir été écrits par des auteurs-lecteurs moins savants. Il faut penser, entre autres, aux énigmes et aux questions aux lecteurs – deux catégories à la mode qui sont présentes dans de nombreuses livraisons de la revue.

En août et en octobre 1715, Le Fèvre de Fontenay intègre dans le périodique des questions que des amis lui ont envoyées et qui s’inspirent directement de la Querelle d’Homère. Voilà la « [q]uestion moderne » d’août : « Lequel a plus de raison, ou de Me. Dacier de nous avoir donné la Traduction d’Homere, comme celle d’un original parfait, ou de M. de la Motte d’avoir choisi ce mesme Homere pour en faire une imitation30. » Deux mois plus tard, le responsable de la revue cherche à nouveau à élucider les pensées de ses lecteurs et publie deux questions concernant la Querelle d’Homère : « Quatriéme Question. On est grandement curieux de sҫavoir, si Hélène [Helen] [Helene] de TroieHelen estoit blonde ou brune […]. Cinquiéme Question Qu’on nous dise enfin, s’il y a eû un Homère, & qu’on réponde cette fois par un ouї, ou un non définitif31. » Dans les deux cas, les lecteurs n’ont pas hésité à envoyer de nombreuses réponses au Nouveau Mercure galant – du moins selon les propos d’Hardouin Le Fèvre de Fontenay qui n’en publie que les meilleures32. Étant donné notre problématique, il nous suffit de formuler quelques hypothèses au sujet des intentions du responsable de la revue et des participants à ce jeu littéraire. Au vu du contenu un peu simpliste, voire naïf des questions – dès le début de la Querelle d’Homère, les Modernes ont par exemple souscrit au fait qu’Homère a bel et bien existé33 –, il semble s’agir avant tout d’une tentative d’Hardouin Le Fèvre de Fontenay de prolonger les débats en raison d’un intérêt véritable ou supposé de son public. De plus, si l’on prête foi au responsable de la revue et à son affirmation que bien des lecteurs auraient réagi aux questions, il est fort probable qu’il ne s’agissait guère d’un public savant, mais plutôt mondain. Bien évidemment, sans aucune recherche archivistique supplémentaire, il est impossible de savoir si ce public fut plus parisien que provincial, ou l’inverse. Pourtant, l’essentiel constitue la contribution du Nouveau Mercure galant en tant que « salon de papier34 » – ou salon virtuel35 – à la construction d’un espace public français et à la divulgation des savoirs.

En définitive, il est clair que sa présence dans le Nouveau Mercure galant permet à la Querelle d’Homère de trouver un nouveau public. Entre 1714 et 1716, la revue d’Hardouin Le Fèvre de Fontenay donne des informations sur les enjeux des débats et incite son public à y participer de manière active : les réactions et contributions des lecteurs socialement ou géographiquement éloignés du centre culturel en constituent la meilleure preuve.

En résumé, le Nouveau Mercure galant contribue sur deux niveaux différents à l’unification du royaume. Contrairement à Anne Dacier qui évoque certaines faiblesses de sa langue maternelle, la revue défend le français et les œuvres qui sont rédigés dans la langue de Molière créant de cette manière une sorte de patrimoine national – il faut notamment se souvenir de l’abbé Jean-François de Pons, Jean-François de [M. P.]Pons qui parle de « nos bons ouvrages » et cite Corneille, PierreCorneille, Molière [Moliere]Molière et Racine, JeanRacine comme exemples36. Cependant, bien que le périodique ait plus l’air d’un porte-parole des Modernes que d’un « forum37 » de discussion puisqu’aucun Ancien ne cherche à défendre la position d’Anne Dacier, il est évident que les défenseurs du français restent un groupe hétérogène : alors que Pons, Jean-François de [M. P.]Pons défend l’égalité des différentes langues38, un contributeur anonyme insiste sur la supériorité du français face au latin et au grec39.

De même, la réception de la Querelle d’Homère dans la revue témoigne d’une certaine manière d’une unification réussie. Une étude détaillée des différentes contributions souligne bien que des auteurs-lecteurs qui sont socialement ou géographiquement éloignés du centre culturel participent à l’échange et qu’un espace public qui dépasse les salons de la haute société parisienne existe40. Pourtant, il faut également admettre que ces contributeurs restent minoritaires et qu’un manque d’information nous empêche de préciser nos résultats sans entamer de recherches plus poussées dans les archives : un grand nombre de contributeurs cachent leur identité, publient sous anonymat dans le périodique ou utilisent un pseudonyme41.

L’accent mis sur des pratiques culturelles paraît nous éloigner de la dimension politique de la Querelle d’Homère. Pourtant, d’un côté, il faut se rappeler la réflexion de Myriam Dufour-Maître qui soutient que la galanterie joue un « rôle éminemment politique […] par son apolitisme même42 ». Dans ce sens, il est possible d’affirmer que la Querelle d’Homère contribue à l’unification du royaume de France : sa réception dans le Nouveau Mercure galant montre le prestige que le français vient d’acquérir et le bon fonctionnement de l’espace public national naissant. De l’autre, cela distingue également la revue d’Hardouin Le Fèvre de Fontenay d’autres périodiques : les Nouvelles Littéraires, par exemple, ne transmettent guère une version aussi populaire de la Querelle d’Homère, bien que l’on y trouve également des pièces divertissantes43.

2. De Louis XIV à Philippe d’Orléans
2.1 Entre éloges anciens et modernes

Par la suite, nous étudierons les différentes stratégies servant à glorifier Louis XIVLouis XIV et Philippe d’Orléans, le RégentPhilippe d’Orléans, le Régent. Dans un premier temps, nous révélerons la présence – ou l’absence – des références au passé, ou autrement dit, nous offrons une lecture au premier degré, ce qui nous permet de lier les éloges du Nouveau Mercure galant à l’histoire culturelle et aux glorifications traditionnelles du roi-soleil. C’est uniquement dans un deuxième temps, à savoir dans le prochain sous-chapitre que nous nous interrogerons sur la possibilité d’une lecture au deuxième degré de ces textes. Dans ce contexte, nous aborderons également des contributions qui présentent une vision plutôt sombre de leur époque ou qui rompent radicalement avec la politique culturelle du roi-soleil.

La question de la bonne glorification du roi est un vieux sujet de débat et elle a déjà marqué la première partie de la Querelle des Anciens et des Modernes. Selon Marc Fumaroli, Nicolas Boileau, NicolasBoileau aime décrire son roi comme « un héros ancien réapparu parmi les Modernes » et Charles Perrault, CharlesPerrault fait de son souverain « l’argument en faveur de la supériorité des Modernes sur l’Antiquité1 ». Dans « Le Siècle de Louis le Grand », l’ancien commis de Jean-Baptiste Colbert, Jean-BaptisteColbert déclare :

Les siècles, il est vrai, sont entre eux différents

Il en fut d’éclairés, il en fut d’ignorants ;

Mais si le règne heureux d’un excellent Monarque

Fut toujours de leur prix et la cause et la marque,

Quel siècle pour ses rois, des hommes révéré,

Au siècle de Louis, saint [S. Loüis]Louis IXLOUIS peut être préféré ?

De Louis, saint [S. Loüis]Louis IXLOUIS qu’environne une gloire immortelle,

De Louis, saint [S. Loüis]Louis IXLOUIS des grands rois le plus parfait modèle2.

Ainsi, Perrault, CharlesPerrault célèbre son époque et son roi qui est à la fois la cause et l’incarnation de cette perfection. Ces vers résument non seulement une réflexion personnelle de l’auteur des Histoires, ou contes du temps passé, mais principalement un véritable changement de paradigme dans la propagande royale3. D’après Larry F. Norman, il était évident pour Perrault, CharlesPerrault et les Modernes que la mise en scène du monarque et sa glorification doivent refléter sa suprématie sans limites. Par conséquent, sur l’Arc de Triomphe construit à la Porte Saint-Martin de Paris pour fêter la victoire de Louis XIVLouis XIV en Franche-Comté en 1674, il est écrit « Ludovico Magno » et non pas « Louis-AugusteAuguste », ni « nouvel Alexandre le GrandAlexandre ». Et Gérard Sabatier constate une mise à l’écart similaire de l’Antiquité dans la représentation graphique du pouvoir royal4. La question semble donc close et Marc Fumaroli constate même que l’euphorie des Modernes pour leur monarque se calmerait dans la deuxième moitié de son règne5.

Pourtant, lorsque la Querelle d’Homère éclate, cette question refait surface : Houdar de La Motte réintroduit clairement cette problématique dans les débats. Il dédie sa traduction-imitation de l’Iliade d’Homère à Louis XIVLouis XIV tout en dénigrant et discréditant le monde ancien :

Sire, Je n’autoriserai la hardiesse que je prends d’offrir cet Ouvrage à VOTRE MAJESTÉ ; ni du mérite de l’Auteur que j’imite, ni de la grandeur des Personnages qu’il célébre. J’avoüe qu’il a manqué à Homére, pour être digne de Vous, d’avoir vêcu sous le regne d’AugusteAuguste, ou sous le Vôtre. Il est vrai qu’il peint des Héros à qui l’on a souvent comparé VOTRE MAJESTÉ ; mais j’ai trop senti […] qu’on a abusé de leur ancienne réputation dans ce parallele & qu’on n’a jamais dû leur faire honneur de vos vertus6.

D’uneLouis XIV phase de la Querelle des Anciens et des Modernes à l’autre, l’argument reste le même – du moins d’après Larry F. Norman : face à la France du « Siècle de Louis le Grand », l’Antiquité ne peut pas suivre. Or, La Motte fait preuve de subtilité. À l’instar de Fontenelle, Bernard Le Bovier deFontenelle dans sa Digression des Anciens et des Modernes7, il oppose l’Antiquité grecque au monde romain, mais il serait erroné de croire que La Motte veut y défendre l’époque d’AugusteAuguste. Au contraire, tout en esquissant l’idée d’un progrès historique, il s’en sert pour démontrer que, déjà au temps des Romains, l’Iliade était dépassée.

Sans entrer davantage dans cette discussion sur les textes des chefs de file des Modernes, on peut constater que la dimension politique reste un enjeu central des débats ; il faut donc revenir au Nouveau Mercure galant, bien que celui-ci n’aborde pas ces questions-là dans des textes de querelle de premier ordre8. Au vu de l’importance du périodique pour la communication royale – démontrée au début de cette partie – et le dédain que les Modernes expriment à l’égard des héros de l’Iliade en général, il nous faut maintenant nous concentrer sur la relation entre le monde ancien et la propagande royale dans la revue d’Hardouin Le Fèvre de Fontenay : l’Antiquité est-elle désormais complètement hors-jeu ou certains éléments plus classiques de la propagande royale peuvent-ils résister à la volonté réformatrice des Modernes9. Afin de répondre à cette problématique, l’accent sera d’abord mis sur les textes proches des idées des Modernes. Par la suite, l’analyse du discours semi-officiel du Nouveau Mercure galant prendra également en compte les aspects plus traditionnels de la glorification royale, c’est-à-dire ceux qui tournent le regard du lecteur vers le passé.