Lui l’embrasse au cou: “Où vais-je? –
Dit Ivan au p’tit Cheval, –
De nouveau, j’ai un grand mal –
Le roi veut que je lui mène
Dans sa chambre une Fille-reine.
Que dois-je faire, mon petit
Cheval?” Celui-ci lui dit:
“C’est mal, je dis sans débattre,
Mais je me mettrai en quatre,
J’aid’rai. Ton malheur est grand
Parce que tu ne m’entends
Pas. A vrai dire sans malice,
C’est encore un p’tit service.
Le service nous attend!
Va chez le roi maintenant,
Et dis comme ça: “Pour sa prise,
Deux serviettes me suffisent,
Une tente brodée d’or,
Un couvert très cher encore
D’outre-mer, des friandises
Fraîches”. Il faut que tu le dises.”
Ivan va, donc, chez le roi
Et lui dit alors tout ça:
“Quant à la Fille, pour sa prise,
Deux serviettes me suffisent,
Une tente brodée d’or,
Un couvert très cher encore
D’outre-mer, des friandises
Fraîches. Il faut que tu le dises.”
“C’est mieux, que dire “non”, vraiment.” –
Dit le roi à notre Ivan.
Il ordonne aux domestiques
Qu’ils trouvent tout ça en pratique,
Et dit: “Tu es brave, Ivan!
Bon voyage, mon gars, maint’nant!”
A l’aube, le p’tit Ch’val réveille
Ivan et dit: “Maître, veille!
Ne dors pas, car il nous faut
Accomplir la tâche plus tôt. ”
Notre Ivan se lève, se lave,
Se met en route, sans entraves,
Il met la tente, le couvert
Très cher, fait en outre-mer,
Les serviettes, les friandises, –
Toutes les choses qui le suffisent,
Dans un sac pour porter mieux
Et le serre par un gros noeud.
Il s’habille chaud’ment d’avance,
Monte à son p’tit Ch’val qui danse,
Pour manger, il prend un pain
Et part à l’Orient très loin
Pour trouver cette Fille-reine.
Ils passent en route toute une s’maine.
Enfin, ils arrivent tout près
D’un bois qui est très épais.
Le petit Ch’val dit: “Cette route
Mène à l’océan, ne doute
Pas du tout, que toute l’année,
La belle Fille-reine vive là; et
Il faut deux fois qu’elle en sorte,
Dans ce cas, elle nous apporte
Sur la terre une longue journée.
Demain, tu vas la trouver.”
L’ayant dit, le p’tit Ch’val saute,
Court et vient vite à la côte,
Où la vague blanche, errant
Seule, porte une crête écumant.
Donc, Ivan descend par terre,
Le p’tit Ch’val lui dit que faire:
“Dresse la tente, mets le couvert
Très cher, fait en outre-mer.
Mets aussi les friandises;
Ça l’attire avant la prise.
Derrière la tente, cache-toi,
Tiens en tête ce que tu vois.
Là-bas, donc, vois-tu une barque?
C’est la Fille-reine qui débarque.
Qu’elle vienne dans la tente alors,
Qu’elle mange et boive encore;
Quand elle f’ra de la musique, –
Sache, c’est le moment unique:
Cours vite dans la tente alors,
Saisis la Fille-reine très fort,
Tiens de toutes tes forces la belle,
Ensuite, le plus vite, appelle-
Moi, à ton premier appel,
Je viendrai chez toi comme tel;
Et on va partir… Mais veille,
Il faut que tu la surveilles;
Si tu la manques en dormant,
Ton malheur sera très grand!”
Le petit Cheval se cache,
Notre Ivan, sans être lâche,
Va derrière la tente, donc, et
Fait un p’tit trou pour guetter.
Le soleil de midi brille;
Voilà notre belle Fille
Vient dans la tente brodée d’or,
S’assied pour goûter alors
De bons mets. “C’est cette Fille-reine!
De laquelle autour on mène
Tapage, – se dit notre Ivan, –
Qui est belle, au visage blanc.
La Fille-reine, une vraie merveille!
Cette fille que je surveille
N’est pas belle, elle est pâle et
De cinq pouces, pour l’embrasser;
Et ses jambes sont si fragiles!
Comme d’une poule très subtile!
Que quelqu’un veuille bien l’aimer,
Même pour rien, je ne prendrai,
Non!” La Fille-reine joue et chante
D’une belle voix si charmante,
Que l’Idiot, ne sait comment,
Se blottisse, en s’endormant,
Et, à cette voix si douce,
Dort fort bien sans qu’on le pousse.
Lentement, l’Ouest s’éteint,
Le p’tit Ch’val hennit soudain,
En poussant Ivan pour faire
Se lever, et crie, sévère:
“Dors, mon cher, jusqu’aux étoiles!
Attends, donc, un nouveau mal,
Ce n’est pas moi qu’on va battre!”
Celui-ci, sans se débattre,
Pleure, se met à demander
Au Ch’val de le pardonner:
“Pardonne à Ivan sa faute,
Je ne dors plus!” Il sanglote.
“C’est Dieu qui te pardonn’ra! –
Crie son Ch’val, – Mais ne pleure pas,
On peut tout refaire, je pense,
Ne dors plus, – je prie d’avance!
Car demain, avant l’aurore,
Vers la tente brodée d’or,
Cette Fille viendra pour prendre
Des douceurs, tu dois l’attendre
De nouveau. Si tu t’endors,
Sans tête, tu seras alors”.
De nouveau, le Ch’val se cache;
Aux épaves, notre Ivan tâche
De trouver quelques bons clous
Des navires naufragés, ou
Des pierres, pour que ça le blesse,
Si, soudain, un somme le presse.
Le lend’main matin encore
Une fois, près de la tente d’or
La même Fille-reine débarque
Et laisse sur la côte sa barque,
Vient dans la tente pour manger,
Devant le couvert, s’assied…
Ensuite, la Fille-reine chante
Des chansons d’une voix charmante,
Et Ivan veut de nouveau
Dormir sans faire ce qu’il faut.
“Non, attends, la vilaine, cesse, –
Dit-il, se lève et se presse
Vers la tente, –Tu n’iras pas!
Je ne suis pas si jeune, moi!”
Ivan entre dans la tente,
Saisit une longue tresse charmante:
“Oh! Mon p’tit Ch’val, viens ici!
Aide-moi, mon Ch’val, je t’en prie!”
Le p’tit Ch’val vient tout de suite:
“Excellent, Ivan! Plus vite,
Mets-toi sur mon dos alors
Et tiens cette Fille-reine plus fort!”
Loin, la capitale se montre.
Le roi court à la rencontre
De la Fille-reine, il la fait
Entrer dans son grand palais
Et la fait s’asseoir à table.
Le roi tâche d’être aimable:
Il regarde dans ses yeux
Et dit d’un ton délicieux:
“Chère jeune Fille incomparable,
Sois ma reine incontestable!
Aussitôt que je t’ai vue –
J’ai senti: je suis perdu
D’une passion forte. Et je souffre,
Car je suis comme dans un gouffre,
Jour et nuit, de tes beaux yeux
Qui sont si miraculeux!
Dis un p’tit mot doux et sage!
Tout est prêt pour le mariage;
Demain, quand le jour viendra,
Ma chère, on nous mari’ra.
Notre vie va couler douce”.
La jeune Fille sans qu’elle le pousse,
Se détourne sans parler,
Même sans le regarder.
Le roi ne se fâche guère,
Mais il tâche de lui plaire:
Devant elle, il tombe à g’noux,
Serre ses mains blanches, comme un fou,
Et reprend son bavardage:
“Dis un p’tit mot doux et sage!
Je te cause du chagrin?
Parce que je t’aime bien?
Mon destin est si tragique!”
La Fille dit à cet antique
Roi: “Si tu veux m’épouser,
Tu dois en trois jours trouver
Au fond d’océan ma bague”. –
“Appelez Ivan, sans blagues!” –
Crie le roi en se pressant,
Comme s’il veut courir vraiment.
Chez le roi, Ivan retourne.
Vers Ivan, le roi se tourne
Et lui dit alors: “Ivan!
Va plus vite à l’océan!
Là, la bague de la Fille-reine
Est gardée sans qu’on la prenne.
Si tu la trouves maintenant,
Je te comble de présents!” –
“Je me traîne à peine, écoute,
Après la première route;
Tu renvoies à l’océan!” –
Dit Ivan, très mécontent.
“Faut-il que je ne me presse
Pas, quand je veux les noces? Cesse
De parler!” – crie notre roi
En colère; des pieds, il bat
Le plancher. – Sans te dédire,
Mets-toi en route sans rien dire!”
Il tourne pour partir, Ivan.
“Eh! Ecoute, chemin faisant, –
Lui dit la belle Fille-reine, –
Je voudrais bien que tu mènes
Tes pas dans mon beau château
Pour dire à ma mère ces mots:
Sa fille veut alors apprendre,
Pourquoi elle, toujours si tendre,
Cache d’elle trois nuits et trois jours
Sa face claire? Et à son tour,
Pourquoi le Soleil, mon frère,
Se cache aux nuages pour faire
Le mauvais temps et, du haut,
Il ne m’envoie pas de beaux
Rayons? N’oublie pas!” – “Je tâche
De ret’nir, mais ne t’en fâche
Pas, si je veux bien savoir
Qui sont tes proches pour pouvoir
M’adresser sans me méprendre”. –
La Fille-reine lui fait entendre:
“La Lune m’est mère, le Soleil
Est mon frère”. – “Dans trois jours, veille!” –
Notre roi-fiancé l’ajoute,
Et Ivan reprend sa route.
Il va à la grange des foins,
Où son p’tit Cheval se tient.
“Tu n’es pas gai au visage,
Ou tu as perdu courage? –
Pose son p’tit Ch’val cette question.
“Aide-moi, mon petit Ch’val, donc!
Le roi épous’ra cette Fille-
Reine, mince comme une aiguille,
Il m’envoie à l’océan, –
Lui dit notre pauvre Ivan. –
Dans trois jours, je dois le faire, –
Comment ça pourrait me plaire? –
Trouver sa bague magique d’or!
Cette reine mince a dit encore
De saluer la Lune, sa mère,
Au château – c’est où?, – son frère,
Le Soleil, de demander…”
Son p’tit Ch’val, pour l’arrêter,
Dit: “A vrai dire sans malice,
C’est encore un p’tit service.
Le service nous attend.
Va dormir, mon cher Ivan;
Car demain, donc, de bonne heure,
Nous quitt’rons notre demeure”.
Le matin, Ivan met trois
Oignons dans la poche et va
S’habiller chaud’ment d’avance,
Monter à son Ch’val qui danse
Et partir du pays loin…
Donnez du repos, enfin!
La troisième partie
Aujourd’hui, en pleurs,
Demain en fleurs.
Tra-la-la! Bats du tambour!
Les chevaux sortent de la cour.
Les paysans, donc, les attrapent
Et attachent sans qu’ils s’échappent.
Sur un chêne, un vieux corbeau
Est assis au sommet haut,
Il joue bien de la trompette
Et fait aux Chrétiens une fête:
“Braves gens! Il était une fois,
Un très bon mari qui a
Une femme; comme il commence
Des blagues, alors, sa femme danse;
De ça, ils font un festin
Pour le monde entier chrétien!”
C’est encore une ritournelle,
Un bon conte va après celle-
Ci. Près des portes, une chanson
Est chantée par un mouch’ron:
“Que donne-t-on pour la nouvelle?
Une belle-mère bat sa belle-
Fille: elle l’a mise au foyer,
Par une corde, l’a attachée,
La serre, comme une poule par pattes,
Et déchausse sa jambe droite:
“La nuit, ne sors nulle part!
Ne te montre pas aux gars!“
C’est la ritournelle qu’on danse,
Voilà le conte qui commence.
Alors, donc, notre Ivan va
Chercher la bague pour le roi.
Comme le vent, son p’tit Ch’val passe
Vers le soir la grande surface
De plus de trois cent mille pieds,
Sans, nulle part, se reposer.
Donc, à l’océan, ils viennent,
Le Ch’val dit: “Cette route nous mène,
Cher Ivan, regarde, dans
Trois minutes à l’océan.
Nous irons à une clairière,
D’où on voit, comme une barrière,
En travers de l’océan,
Un très grand poisson gisant.
Cette Baleine a ces souffrances
Dix ans, sans avoir la chance,
Un jour, d’être pardonnée;
Et elle va te demander
Que, dans la Cité Solaire,
Tu pries la Lune de lui faire
Pardon; tu le promettras,
Mais, Ivan, ne l’oublie pas!”
Ils arrivent à la clairière,
D’où on voit, comme une barrière,
En travers de l’océan,
Un très grand poisson gisant.
Des paysans labourent ses côtes
Tout près des palissades hautes.
Un bourg est sur son dos plat,
Sur la queue, il y a un bois.
On laboure aux lèvres immenses,
Entre les yeux, des gars dansent,
Aux moustaches, des jeunes filles vont
Ramasser des champignons.
Le Ch’val court sur la Baleine,
Piaffe ses os. Et, à grand-peine,
La merveille, Baleine-poisson,
Les regarde d’une façon
Amère et triste; elle soupire,
Ouvre une large bouche pour dire:
“Bon voyage, messieurs, c’est d’où
Que vous v’nez, et allez où?” –
“La Fille-reine nous engage
A porter vite son message, –
Répond le Ch’val, en criant,–
Au Soleil, juste à l’Orient,
Nous allons dans sa demeure”. –
“Pouvez-vous, amis, à l’heure
Demander au Soleil, si
Je devrai rester puni?
Pour quelles fautes, sans nulle chance,
Je supporte ces souffrances?” –
“Oui, d’accord, Baleine-poisson!” –
Crie Ivan d’un très haut ton.
“Sois, comme le Père, charitable!
Que je souffre, misérable!
Je suis là depuis dix ans,
Ce service, je te le rends!..” –
Le supplie la pauvre Baleine
Et soupire avec des peines.
“Oui, d’accord, Baleine-poisson!” –
Crie Ivan d’un très haut ton.
Alors le Ch’val bat et saute
Pour courir vite sur la côte.
Et on voit tourbillonner
Du sable auprès de ses pieds.
Ils gagnent des places proches, lointaines,
Basses, hautes; vite ou avec peine.
Peut-être, ils y croisent quelqu’un, –
De cela, je n’ai aucun
Avis: on fait vite un conte,
Agir, c’est long. On raconte,
Comme je m’en souviens encore,
Qu’ils arrivent très loin, au bord
De la terre, là, où la terre
Touche le ciel (comment le faire?),
Des paysannes y filent du lin,
Posent des rouets au ciel, qui tient.
En quittant puis notre Terre,
Ivan dit adieu, va faire
Tout au ciel. Il va, hardi
Comme un prince, ragaillardi.
“Quelle merveille! Quelle merveille!
Ma contrée n’est pas pareille, –
Au p’tit Ch’val dit notre Ivan,
Marchant sur l’azur des champs. –
Le ciel, si on l’y compare,
Est plus beau, comme s’il se pare.
Mais le sol!.. Toujours, il est
Noir et plein de saleté!
Ici, la terre est bleue-claire,
Comme, à notre ciel, – la paire!
Regarde, là, mon Ch’val bossu,
A l’Orient, j’ai aperçu,
Comme l’aurore matinale,
Est-ce que c’est la capitale
Céleste? Mais c’est très, très haut!” –
Demande-t-il. – “C’est le château
De la belle Fille-reine,
C’est de notre reine prochaine, –
Explique le p’tit Ch’val et crie, –
Le Soleil y dort la nuit,
A midi, la Lune, sa mère,
S’y repose, pour être claire.”
Ils viennent à l’entrée; tout près,
Un cintre de cristal est fait,
Où tous les piliers s’enroulent
En serpents d’or, faits au moule,
Avec trois étoiles en haut.
Et autour de ce château,
Il y a des jardins; aux cages,
Des oiseaux à beau plumage,
Sur des branches d’or et d’argent,
Chantent de très jolis chants.
Comme un bourg, aux palissades,
Le château a des bourgades.
En haut du château, une croix
Ortodoxe russe se voit.
Dans la cour, le p’tit Ch’val entre,
Notre Ivan doit en descendre
Pour aller au beau château
Et dire à la Lune ces mots:
“Bonjour, la belle Lune, ma chère!
Moi, Ivan, le fils de Pierre,
De très loin, je suis venu
Pour te rendre le salut!” –
“Assieds-toi, le fils de Pierre! –
Lui répond la Lune claire, –
Dis-moi en détails: pourquoi
Es-tu dans mon pays-là?
Pourquoi viens-tu de la Terre?
D’où es-tu originaire?
Comment es-tu v’nu chez nous?
Dis-moi, ne cache rien du tout!” –
“Je viens de la Terre chrétienne
Chez toi, à ton beau domaine, –
Dit Ivan, en s’asseyant. –
J’ai passé par l’océan,
De la part de la belle reine
Qui voulait bien que je mène
Mes pas dans ce beau château
Pour dire à sa mère ces mots:
“Sa fille veut alors apprendre,
Pourquoi elle, toujours si tendre,