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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 10

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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 10
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MÉMOIRES SUR LA VIE DE LORD BYRON

C'est à peu près à cette époque (octobre 1811), que j'eus le bonheur de voir Lord Byron pour la première fois et de me lier avec lui. La correspondance qui fut la source de notre amitié est on ne peut plus propre à faire connaître la mâle franchise de son caractère. Comme c'est moi qui la commençai, on me pardonnera un peu d'égoïsme dans le détail des circonstances qui y donnèrent lieu. En 1806, la plupart des feuilles publiques parlèrent avec beaucoup de raillerie et tournèrent en ridicule une affaire qui s'était passée entre M. Jeffrey et moi à Chalk-Farm, se fondant sur un faux rapport de ce qui nous était arrivé, à Bow-Street 1, devant les magistrats. J'adressai en conséquence une lettre à l'éditeur de l'un de ces journaux, dans laquelle je contredisais les faussetés qu'ils avaient avancées, et rétablissais les faits dans toute leur vérité. Pendant quelque tems, ma lettre parut produire l'effet que je m'en étais promis, mais malheureusement, la première version prêtait trop aux sarcasmes et aux plaisanteries pour céder facilement à la vérité de la seconde. Aussi, toutes les fois que l'on faisait allusion à cette affaire dans le public, l'on ne manquait pas de rappeler uniquement le premier écrit, parce qu'on le trouvait plus piquant.

Note 1: (retour) Bow-street, l'un des bureaux de la police municipale de Londres, où l'on commence, entre autres affaires, l'instruction des duels, que la loi anglaise ne tolère pas, mais regarde, suivant les circonstances, comme meurtre simple, ou comme assassinat prémédité.(N. du Tr.)

Lorsqu'en 1809 parut, pour la première fois, la satire intitulée Les Poètes anglais et les Journalistes écossais, je vis que l'auteur, et l'on s'accordait à attribuer l'ouvrage à Lord Byron, non-seulement s'égayait dans ses vers avec autant de malignité que de talent sur ce sujet, mais encore que, sous la forme plus grave d'une note, il donnait un aperçu de l'affaire, telle qu'on l'avait d'abord présentée, et par conséquent en contradiction directe avec le compte que j'en avais publié. Toutefois, comme cette satire était anonyme, et que sa seigneurie ne l'avait point reconnue, je ne me crus aucunement obligé d'y faire attention, et j'oubliai entièrement cet incident. Pendant l'été de cette même année, parut la seconde édition de l'ouvrage, portant cette fois le nom de Lord Byron. J'étais alors en Irlande, entretenant peu de relations avec le monde littéraire, et plusieurs mois se passèrent avant que j'eusse connaissance de cette nouvelle édition. Dès que je l'eus obtenue, l'offense prenant un tout autre caractère de gravité, j'adressai à Lord Byron la lettre suivante, que j'envoyai à l'un de mes amis à Londres, avec prière de la remettre lui-même entre les mains de sa seigneurie 2.

Note 2: (retour) Voilà la seule de mes lettres que je prendrai la liberté d'offrir entière au lecteur dans le cours de cet ouvrage. Comme elle est courte et exprime fort bien les sentimens qui me faisaient agir, j'ai cru que l'on me permettrait de m'écarter pour cette fois de la règle que je me suis faite de ne donner de mes lettres que les extraits qui me paraîtront nécessaires pour jeter plus de jour sur celles de mon noble correspondant.(Note de Moore.)

Dublin, Ier janvier 1807.

Milord,

«Je viens de voir le nom de Lord Byron en tête d'un ouvrage intitulé Les Poètes anglais et les Journalistes écossais, dans lequel on semble donner un démenti au compte que j'ai publié, de ce qui s'est passé entre M. Jeffrey et moi, il y a quelques années. Je vous prie d'avoir la bonté de me faire savoir si je dois considérer votre seigneurie comme l'auteur de cette publication.

«Je n'espère pas pouvoir revenir à Londres avant une semaine ou deux: je compte toutefois que, d'ici là, votre seigneurie voudra bien me faire connaître si elle avoue l'insulte renfermée dans les passages auxquels je fais allusion.

«Il est inutile de recommander à votre seigneurie de tenir secrète notre correspondance à ce sujet.

«J'ai l'honneur d'être, de votre seigneurie,

«Le très-humble serviteur,»

THOMAS MOORE.

Molesworth-street, Nº 22.

Au bout d'une semaine, l'ami auquel j'avais adressé ma lettre m'écrivit qu'il avait appris du libraire de Lord Byron, que sa seigneurie avait quitté l'Angleterre immédiatement après la publication de la seconde édition. Il ajoutait que ma lettre avait été remise à un ami de Lord Byron, un M. Hodgson qui s'était chargé de la lui faire parvenir par une voie sûre. Quoique ce dernier arrangement ne fût pas absolument ce que j'aurais pu désirer, je pensai qu'après tout il fallait laisser ma lettre devenir ce qu'elle pourrait, et je cessai une seconde fois de songer à cette affaire.

Pendant les dix-huit mois qui s'écoulèrent avant le retour de Lord Byron, j'avais contracté comme époux et comme père, des obligations qui rendent les hommes peu jaloux de s'exposer à des dangers sans nécessité, surtout ceux qui n'ont rien à léguer aux objets de leur tendresse. Lors donc que j'appris que le noble voyageur était revenu de Grèce, bien que je crusse me devoir à moi-même de persister dans mon projet de demander une explication, je résolus de prendre un ton de conciliation propre non-seulement à montrer le désir d'un résultat pacifique, mais encore à faire voir que je ne conservais aucun ressentiment, aucun désir de vengeance. La mort de Mrs. Byron me força à différer quelque tems mon projet; mais, aussitôt que les convenances le permirent, j'adressai une seconde lettre à Lord Byron, dans laquelle me référant à la première, et après avoir exprimé le doute qu'elle lui fût jamais parvenue, j'établissais de nouveau, et à peu près dans les mêmes termes, la nature de l'insulte que je croyais avoir reçue dans la note en question. «Il est maintenant inutile, ajoutais-je, de parler de ce qui, dans mon intention, devait être la conséquence de cette première lettre. Le tems qui s'est écoulé depuis, quoiqu'il n'ait rien changé à la nature de l'injure ni à la manière dont je la ressentis, a matériellement altéré ma position sous beaucoup de rapports. Aussi le but de cette lettre n'est-il que de me montrer conséquent avec ma première, et de vous prouver que je suis toujours sensible à l'injure que j'ai reçue, quoique les circonstances me forcent à n'y pas donner suite à présent. Quand je dis que je suis sensible à cette injure, que votre seigneurie n'aille pas s'imaginer que je nourrisse dans mon cœur la moindre idée de vengeance contre elle. Je veux seulement exprimer ce malaise où se trouve l'homme accusé de mensonge, malaise qui doit le poursuivre jusqu'au tombeau à moins que l'insulte ne soit rétractée ou expiée. Si j'étais insensible à cette fausse position, je mériterais plus que le fouet de votre satire.» Je finissais en ajoutant que, loin de nourrir des ressentimens ou des projets de vengeance contre lui, ce me serait un grand plaisir qu'une explication satisfaisante me permît de rechercher, dès ce moment, l'honneur d'être compté au nombre de ses amis.

Lord Byron me fit la réponse suivante.

LETTRE LXXIII

À M. MOORE

Cambridge, 27 octobre 1811.

Monsieur,

«Votre lettre m'a été envoyée de Nollingham ici, ce qui excuse le retard qu'a éprouvé la réponse. Quant à votre première lettre, je n'ai jamais eu l'honneur de la recevoir; soyez sûr que, dans quelque partie du monde que je me fusse trouvé, j'aurais regardé comme un devoir de revenir et d'y répondre en personne.

«Je n'ai aucune connaissance de l'avertissement que vous dites avoir inséré dans les journaux. À l'époque de votre affaire avec M. Jeffrey, je venais d'entrer à l'université. J'ai lu et entendu à cette occasion un grand nombre de plaisanteries: le souvenir qui m'en restait était tout ce que je savais de l'aventure; et il ne pouvait entrer dans mes idées de démentir un récit qui n'était jamais tombé sous mes yeux. En mettant mon nom à cette production, je m'en suis rendu responsable envers tous les intéressés, j'ai contracté l'obligation d'expliquer tout ce qui pourrait avoir besoin d'explications, et de subir toutes les conséquences des étourderies que j'avais pu commettre. Ma situation ne me laisse pas le choix, c'est à ceux qui sont injuriés ou irrités de chercher la réparation qui leur convient.

»Quant au passage en question, vous n'étiez pas certainement la personne pour laquelle j'éprouvais des sentimens hostiles. Toutes mes pensées, au contraire, se portaient vers un individu que je me croyais en droit de regarder comme mon plus grand ennemi littéraire, et je ne pouvais prévoir que son antagoniste fût près de devenir son champion. Vous ne spécifiez pas ce que vous désiriez que je fisse; je ne puis ni rétracter une accusation de mensonge que je n'ai jamais avancé, ni offrir des excuses à ce sujet.

»Je serai, au commencement de la semaine, à Saint-James's-Street, n° 8. Je n'ai vu ni la lettre ni la personne à laquelle vous aviez communiqué vos intentions.

»Votre ami, M. Rogers, ou toute autre personne déléguée par vous, me trouvera toujours disposé à adopter toute espèce de proposition conciliatrice qui ne compromettra pas mon honneur; ou si tout autre moyen échouait, à vous donner les satisfactions que vous croirez nécessaires.

»J'ai l'honneur d'être, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur,»

BYRON.

Dans ma réplique à cette lettre, je commençais par dire qu'elle était, après tout, aussi satisfaisante que je pouvais le désirer. Elle contenait, en effet, tout ce que pouvait demander la stricte diplomatie des explications, savoir: Que Lord Byron n'avait jamais vu mon compte rendu, auquel je supposais qu'il avait donné volontairement le démenti; qu'il n'avait jamais eu l'intention de m'accuser de mensonge; et qu'enfin le passage dont je me plaignais dans son ouvrage n'avait pas été dirigé contre moi personnellement. J'ajoutais que c'était là toute l'explication que j'avais droit d'attendre, et que naturellement je m'en tenais satisfait.

 

J'entrais ensuite dans quelques détails sur la manière dont je lui avais envoyé ma lettre de Dublin, disant que je le faisais parce que je ne pouvais dissimuler que les expressions dont sa seigneurie s'était servie en parlant de la perte de cette première missive, m'avaient beaucoup affligé.

Je terminais ainsi ma réplique: «Votre seigneurie ne montrant aucun désir de sortir du stricte formulaire des explications, il ne m'appartient pas de faire de nouvelles avances. Dans des affaires de cette nature, nous autres Irlandais, nous savons rarement garder un milieu entre des hostilités ouvertes ou une amitié décidée. Mais comme les pas que nous pourrions faire vers cette dernière alternative, dépendent entièrement de vous maintenant, il ne me reste qu'à répéter que je me tiens pour satisfait de votre lettre, et que j'ai l'honneur d'être, etc., etc.»

Le lendemain, je reçus de Lord Byron une seconde lettre.

LETTRE LXXIV

À M. MOORE

Saint-James's-street, № 8, 29 octobre 1811.

Monsieur,

«Peu de tems après mon retour en Angleterre, mon ami, M. Hodgson, m'apprit qu'il avait une lettre pour moi; mais un événement malheureux arrivé dans ma famille me forçant à quitter Londres précipitamment, cette lettre qui, très-probablement doit être la vôtre, est demeurée non ouverte entre ses mains. Si, en examinant l'adresse, nous croyons reconnaître votre écriture, elle sera ouverte en votre présence, pour la satisfaction de toutes les parties. M. Hodgson n'est pas en ville actuellement; je le verrai vendredi, et le prierai de me l'envoyer.

»Quant à la dernière partie de vos deux lettres, je ne sais comment y répondre, jusqu'à ce que le point principal ait été discuté entre nous. Devais-je m'attendre à l'amitié d'une personne qui se croyait accusée par moi de fausseté? Dans de telles circonstances n'auraient-elles pas pu être mal interprétées, non par la personne à laquelle elles étaient adressées, mais par d'autres? Dans le cas où je me trouvais, une pareille démarche était impraticable. Si vous, qui vous croyez l'offensé, êtes convaincu que vous n'aviez pas de motifs de penser ainsi, il ne sera pas difficile de m'en convaincre à mon tour. Ma situation, comme je l'ai déjà dit, ne me laisse pas le choix. J'aurais été fier de notre connaissance, si elle avait autrement commencé; mais c'est à vous de voir jusqu'où elle peut aller sous des auspices si peu favorables.

«J'ai l'honneur d'être, etc.»

Un peu piqué, je l'avoue, de la manière dont avaient été accueillies mes ouvertures intempestives pour établir entre nous un commerce amical, je me hâtai de clore notre correspondance par un petit billet où je disais que sa seigneurie m'ayant fait sentir l'imprudence que j'avais commise en m'écartant du point immédiat de notre discussion, il ne me restait qu'à ajouter que si, dans ma dernière lettre, j'avais correctement établi l'explication qu'elle m'avait donnée, je déclarais m'en contenter; et que, dès ce moment, toute correspondance pouvait cesser à jamais entre nous.

Ce billet me valut aussitôt, de la part de Lord Byron, la réponse suivante, où se montrent si bien la franchise et la bonté de son naturel.

LETTRE LXXV

À M. MOORE

30 octobre 1811.

Monsieur,

«Je vous demande bien des pardons de vous importuner encore une fois sur un sujet si peu agréable. Ce serait une grande satisfaction pour moi et pour vous aussi, je pense, que la lettre laissée chez M. Hodgson, en supposant qu'elle soit la vôtre, vous pût être renvoyée encore toute entière, surtout puisque vous me dites que les expressions dont je me suis servi en parlant de la perte de cette première missive, vous ont beaucoup affligé.

»Encore deux mots et ce sera tout. Je me suis senti et me sens encore très-flatté de cette partie de votre correspondance, où vous me faites entrevoir la perspective de relations amicales entre nous. Si je ne suis pas allé d'abord au-devant de ces ouvertures, comme je l'aurais peut-être dû, la situation dans laquelle je me trouvais doit être mon excuse. Aujourd'hui, vous vous déclarez satisfait des explications que je vous ai données; nous n'avons donc plus rien de fâcheux à démêler ensemble. Si vous conservez la même bonne volonté de m'accorder l'honneur que vous m'avez fait entrevoir, je m'estimerai heureux de vous voir au lieu et au moment qu'il vous plaira désigner; et j'ose espérer que vous n'attribuerez à aucun motif honteux la prière que je vous en fais à mon tour.

»J'ai l'honneur d'être, etc.»

Au reçu de cette lettre, je me hâtai d'aller trouver mon ami, M. Rogers, qui était alors en visite chez lord Holland; et, pour la première fois, je lui parlai de la correspondance dans laquelle je m'étais engagé. Avec son empressement ordinaire à obliger, il proposa que l'entrevue avec Lord Byron eût lieu à sa table, et me chargea de le prier de vouloir bien lui-même choisir un jour à cet effet.

La lettre suivante est celle qu'il répondit à mon billet.

LETTRE LXXVI

À M. MOORE

1er novembre 1811.

Monsieur,

«Je serais désespéré de troubler les engagemens que vous pouvez avoir pour le dimanche; si lundi, ou tout autre jour de la semaine arrange également vous et votre ami, j'aurai alors l'honneur d'accepter votre invitation. Je ne puis être que très-flatté de l'estime que M. Rogers veut bien me témoigner; et quoique je ne la mérite pas, je manquerais à moi-même, si je n'étais fier des éloges d'un tel homme. Si l'entrevue projetée entre vous, votre ami et moi, me conduisait à former une liaison avec tous deux, ou l'un de vous, je regarderais le premier sujet de notre correspondance comme l'un des plus heureux événemens de ma vie.

«J'ai l'honneur d'être sincèrement votre très-humble serviteur,»

BYRON.

Il n'est pas nécessaire, je crois, de faire remarquer au lecteur tout ce qu'il y a de bon sens, de convenances et de franchise dans ces lettres de Lord Byron. Mêlant, avec une facilité vraiment irlandaise, la guerre et la paix, les paroles hostiles et les offres amicales, je l'avais mis dans une position où, ne connaissant pas le caractère de celui qui lui écrivait, il avait besoin de beaucoup de tact et d'un sentiment profond d'honneur, pour se mettre en garde contre une surprise ou quelques embûches. De là, cette judicieuse réserve avec laquelle il s'abstint de répondre aux offres d'amitié que je lui faisais, avant de savoir si son correspondant se tiendrait pour satisfait des seules explications qu'il lui convenait de donner. Du moment que ses doutes, à cet égard, furent levés, il déploya toute la franchise de son naturel, et la facilité avec laquelle, sans plus songer à aucune forme d'étiquette, il se déclara prêt à me voir dans quelque lieu et en quelque moment qu'il me plairait de choisir, prouve qu'il était aussi confiant et aussi empressé après cette explication, qu'il s'était montré judicieusement réservé et même pointilleux auparavant.

Ce caractère franc et mâle que Byron déploya dans mes premiers rapports avec lui; je le lui ai vu conserver jusqu'à la fin.

L'intention de M. Rogers avait d'abord été de n'avoir à dîner que Lord Byron et moi; mais M. Thomas Campbell étant venu faire visite le matin à notre hôte, fut invité à nous honorer de sa compagnie: ce qu'il accepta. Une telle réunion ne pouvait manquer d'être intéressante pour nous tous. C'était la première fois que chacun de nous trois voyait Lord Byron; de son côté, il se trouvait pour la première fois avec des personnes dont les noms s'étaient associés à ses premiers rêves littéraires, deux desquelles il regardait avec cette admiration dont les jeunes hommes de génie honorent volontiers ceux qui les ont précédés dans la carrière 3.

Note 3: (retour) Qu'on ne me suppose pas ici une modestie affectée: Lord Byron avait déjà fait lui-même cette distinction dans les opinions qu'il a émises sur les poètes vivans; et je ne puis m'empêcher de reconnaître que les éloges qu'il a donnés dans la suite à mes écrits sont dus en grande partie à son amitié pour moi.(Note de Moore.)

Parmi les impressions que cette réunion m'a laissées, ce que je me rappelle avoir principalement remarqué, c'est la noblesse de son air, sa beauté, la douceur de sa voix et de ses manières, et ce qui naturellement dut me flatter le plus; son envie marquée de m'être agréable. Il portait le deuil de sa mère; la couleur de ses vêtemens, ses cheveux si bien bouclés, si brillans, si pittoresques, faisaient ressortir davantage encore la pâleur aérienne et sans mélange de ses traits, dans lesquels se peignait parfois la vivacité de sa pensée, mais dont la mélancolie était l'expression habituelle.

Comme aucun de nous ne savait le régime particulier de nourriture qu'il avait adopté, notre hôte fut bien embarrassé quand il s'aperçut que son noble convive ne pouvait rien boire ni manger de ce qui était sur la table. Lord Byron ne voulut goûter ni viande, ni poisson, ni vin; il demanda des biscuits et du soda-water 4; malheureusement on n'avait pas songé à s'en procurer. Toutefois, il déclara qu'il se contenterait fort bien de pommes de terre et de vinaigre; et trouva moyen de faire, avec de si pauvres ingrédiens, un dîner qu'il parut prendre de grand cœur.

Je vais reprendre la série de sa correspondance avec d'autres amis.

Note 4: (retour) Boisson rafraîchissante, digestive et mousseuse à un très-haut degré, obtenue par la combinaison et la solution instantanée dans l'eau d'une quantité de soude et d'acide tartreux.(N. du Tr.)

LETTRE LXXII

À M. HARNESS

6 décembre 1811.

Mon Cher Harness,

«Voici que je vous écris encore; mais ne croyez pas que je mette à contribution votre plume et votre patience, au point d'attendre de vous des réponses régulières. Quand vous vous y sentirez disposé, écrivez-moi; quand vous garderez le silence, j'aurai la consolation de penser que vous êtes beaucoup mieux occupé ailleurs. Hier, Blaud et moi sommes allés chez M. Miller; mais comme il n'y était pas, il viendra chez Blaud 5 aujourd'hui ou demain. Je tâcherai certainement de les réunir. – Vous êtes bien frondeur, mon enfant; en prenant de l'âge, vous apprendrez à n'affectionner personne, mais à ne dire du mal de qui que ce soit.

Note 5: (retour) Le révérend Robert Blaud, l'un des auteurs des Extraits de l'anthologie grecque. Lord Byron s'occupait en ce moment de lui assurer la traduction du poème de Lucien Bonaparte.

»Quant à la personne dont vous parlez, votre propre bon sens doit vous guider. Je n'ai jamais eu la prétention de donner des avis; j'ai, pour cela, une foi trop entière au vieux proverbe.

»La gelée actuelle est insupportable. C'est la première fois que j'en vois depuis trois ans; je me souviens encore des vœux que je formais pour en voir une petite au milieu des étés de l'Orient; quand, pour m'en procurer le plaisir, il m'eût fallu monter exprès au sommet de l'Hymette.

»Je vous remercie de tout mon cœur pour la dernière partie de votre lettre. Il y a long-tems que je n'ai reçu des témoignages d'amitié de personne; et je suis charmé qu'il m'en vienne de quelqu'un qui m'en a donné de si bonne heure. Je n'ai point changé au milieu de mes courses aventureuses. Harrow et vous naturellement êtes toujours présens à ma mémoire; et le m'est venu à l'idée, sur les lieux mêmes auxquels fait allusion la pensée prêtée par le poète aux Argiens déchus. Notre liaison a commencé avant que nous connussions ce que c'était qu'une date; et il ne tient qu'à vous qu'elle continue jusqu'au moment qui nous rangera vous et moi au nombre des choses qui auront été.

 
Dulces… reminiscitur Argos
 

»Lisez des livres de mathématiques. Je crois que X plus Y est au moins aussi amusant que la Malédiction de Kéhama, et certainement plus intelligible. Les poèmes de maître S's. sont, en effet, des lignes parallèles prolongées indéfiniment, sans qu'on puisse y rien rencontrer qui soit absurde autant qu'elles 6.

 

»Tout à vous, etc.»

Note 6: (retour) Il y a ici dans le texte un jeu de mots impossible à traduire; le mot lines signifiant à la fois des vers et des lignes.(N. du Tr.)