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Buch lesen: «L'archéologie égyptienne», Seite 8

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2. Les procédés techniques

La préparation des surfaces à couvrir exigeait beaucoup de temps et beaucoup de soin. Comme l’imperfection des procédés de construction ne permettait pas à l’architecte de planer avec exactitude les parements extérieurs des murs du temple ou des pylônes, il fallait bien que le décorateur s’accommodât d’une surface légèrement bombée ou déprimée par endroits. Du moins était-elle formée de blocs à peu près homogènes : les filons de calcaire où l’on creusait les hypogées contenaient presque toujours des rognons de silex, des fossiles, des chapelets de coquilles pétrifiées. On remédiait à ces défauts de façons différentes, selon que la décoration devait être peinte ou sculptée. Dans le premier cas, après avoir dégrossi la paroi, on appliquait sur la surface encore rugueuse un crépi d’argile noire et de paille hachée menu, semblable au mélange avec lequel on fabriquait la brique. Dans le second, on s’arrangeait autant que possible de manière à éviter les inégalités de la pierre. Quand elles tombaient dans le champ des figures, mais n’offraient point trop de résistance au ciseau, on les laissait subsister, sinon on les enlevait et on bouchait le trou avec du ciment blanchâtre ou des morceaux de calcaire ajustés. Ce n’était point petite affaire, et l’on cite telle salle de tombeau où chaque paroi est incrustée au quart de dalles rapportées. Ce travail préliminaire achevé, on répandait sur l’ensemble une couche mince de plâtre fin, gâché avec du blanc d’œuf, qui masquait l’enduit ou le rapiéçage, et formait un champ lisse et poli, sur lequel le pinceau du dessinateur pouvait glisser librement.

On rencontre un peu partout, et jusque dans les carrières, des chambres ou parties de chambres inachevées, qui gardent encore l’esquisse à l’encre rouge ou noire des bas-reliefs dont elles devaient être revêtues. Le modèle, exécuté en petit, était mis au carreau et transporté sur la muraille à grande échelle par les aides et par les élèves. En quelques endroits, le sujet est indiqué sommairement par deux ou trois coups de calame hâtifs : tel est le cas pour certaines scènes des tombeaux thébains que Prisse a relevées avec soin.

Ailleurs, le trait est entièrement terminé et les figures n’attendent plus sur le treillis que l’arrivée du sculpteur. Quelques praticiens se contentaient de déterminer la position des épaules et l’aplomb des corps par des lignes horizontales et verticales, sur lesquelles ils notaient la hauteur du genou, des hanches et des membres.

D’autres, plus confiants dans leurs propres forces, abordaient le tableau à même et plaçaient leurs personnages sans secours d’aucune sorte ; ainsi, les artistes qui ont décoré la syringe de Séti Ier et les salles méridionales du temple d’Abydos. Leur trait est si net et leur facilité d’exécution si surprenante qu’on les a soupçonnés d’avoir employé des poncifs découpés à l’avance. C’est une opinion dont on revient bien vite, quand on examine de près leurs figures et qu’on se donne la peine de les mesurer au compas. La taille est plus mince chez les unes, les contours de la poitrine sont plus accentués chez les autres ou les jambes moins écartées. Le maître n’avait pas grand’chose à corriger dans l’œuvre de ces gens-là. Il redressait ça et là une tête, accentuait ou atténuait la saillie d’un genou, modifiait un détail d’ajustement. Une fois pourtant, à Kom-Ombo, dans un portique d’époque gréco-romaine, plusieurs des divinités du plafond avaient été mal orientées et posaient les pieds où elles auraient dû avoir le bras : il les a remises en position sur le même carreau, sans effacer l’esquisse primitive. Là, du moins, il avait aperçu l’erreur à temps : à Karnak, sur la paroi septentrionale de la salle hypostyle, et à Médinét-Habou, il ne l’a reconnue qu’après que le sculpteur avait achevé son travail. Les figures de Séti Ier et de Ramsès III penchaient trop en arrière et paraissaient prêtes à perdre l’équilibre : il les empâta de ciment ou de stuc, puis les fit tailler à nouveau. Aujourd’hui, le ciment est tombé, et les traces du premier ciseau sont redevenues visibles. Séti Ier et Ramsès III ont deux profils, l’un à peine marqué, l’autre levé franchement sur la surface de la pierre.

Les sculpteurs égyptiens n’étaient pas aussi bien équipés que les nôtres. Un des scribes agenouillés en calcaire du musée de Boulaq a été taillé au ciseau ; les sillons lisses qu’avait laissés l’instrument sont visibles sur son épiderme. Une statue en serpentine grisâtre du même musée a gardé la trace de deux outils différents : le corps est tout moucheté des coups de pointe, la tête est encore informe, mais le bloc qui les renferme a été dégrossi à petits éclats par la marteline. D’autres constatations du même genre et l’étude des monuments nous ont appris qu’on employait aussi le violon, la gradine, la gouge ; mais de longues discussions se sont élevées sur la question de savoir si ceux de leurs instruments qui étaient en métal étaient en fer ou en bronze.

Le fer, a-t-on dit, était considéré comme impur. Personne n’aurait pu l’employer, même aux usages les plus vils de la vie, sans contracter une souillure préjudiciable à l’âme en ce monde et dans l’autre. Mais l’impureté d’un objet n’a jamais suffi à en empêcher l’emploi. Les porcs, eux aussi, étaient impurs. On les élevait pourtant et en nombre assez considérable, au moins dans certains cantons, pour permettre au bon Hérodote de raconter qu’on les lâchait sur les champs, après les semailles, afin d’enterrer le grain. D’ailleurs le fer, comme bien des choses en Égypte, était pur ou impur selon les circonstances. Si certaines traditions l’appelaient l’os de Typhon et le tenaient pour funeste, d’autres aussi anciennes prétendaient qu’il était la matière même du firmament, et elles avaient assez d’autorité pour qu’on l’appelât couramment Banipit, le métal céleste. Les quelques outils, dont on a trouvé les fragments dans la maçonnerie des pyramides, sont en fer, non en bronze, et si les objets antiques en fer sont si rares aujourd’hui, par comparaison aux objets en bronze, cela tient à ce que le fer n’est pas protégé contre la destruction par son oxyde, comme le bronze l’est par le sien. La rouille le dévore en peu de temps, et c’est seulement par un concours de circonstances assez difficiles à réunir qu’il se conserve intact. Toutefois, s’il est bien certain que les Égyptiens ont connu et employé le fer, il est non moins certain qu’ils n’ont jamais possédé l’acier, et alors on se demande comment ils s’y prenaient pour façonner à leur gré les roches les plus dures, celles mêmes qu’on redoute presque d’attaquer aujourd’hui, le diorite, le basalte, le granit de Syène. Les quelques fabricants d’antiquités qui sculptent encore le granit à l’intention des voyageurs ont résolu le problème très simplement. Ils ont toujours à côté d’eux une vingtaine de ciseaux ou de pointes en mauvais fer, qu’un petit nombre de coups met hors de service. La première émoussée ; ils passent à une autre, et ainsi de suite jusqu’à ce que la provision soit épuisée, après quoi ils vont à la forge et font tout remettre en état. Le procédé n’est ni aussi long ni aussi pénible qu’on pourrait croire. Un des meilleurs faussaires de Louxor a tiré, en moins de quinze jours, d’un fragment de granit noir rayé de rouge, une tête humaine de grandeur naturelle qui est au musée de Boulaq. Je ne doute pas que les anciens n’aient opéré de même : ils triomphaient des pierres dures à force d’user du fer sur elles. Le moyen une fois découvert, l’habitude leur avait enseigné les tours de main les plus favorables à rendre la besogne aisée et à obtenir de leurs outils une exécution aussi fine et aussi régulière que celle que nous tirons des nôtres. Dès que l’apprenti savait manier la pointe et le maillet, le maître le plaçait devant des modèles gradués qui représentaient les états successifs d’un animal, d’une portion de corps humain, du corps humain entier, depuis l’ébauche jusqu’au parfait achèvement.

On les recueille chaque année en assez grand nombre pour établir des séries progressives : quinze de ceux qui sont à Boulaq viennent de Saqqarah, quarante et un de Tanis, une douzaine de Thèbes et de Médinét-el-Fayoum, sans parler des pièces isolées qu’on ramasse un peu partout. Ils étaient destinés partie à l’étude du bas-relief, partie à celle de la statuaire proprement dite, et nous en font connaître les procédés.

Les Égyptiens traitaient le bas-relief de trois façons principales : ou bien c’était une simple gravure à la pointe, ou bien ils abattaient le fond autour de la figure et la modelaient en saillie sur la muraille, ou bien ils réservaient le champ et levaient le motif en relief dans le creux. Le premier procédé a l’avantage d’aller vite et l’inconvénient d’être peu décoratif. Ramsès III s’en est servi dans quelques endroits, à Médinét-Habou ; mais on l’appliquait de préférence aux stèles et aux petits monuments. Le dernier diminuait les chances de destruction de l’œuvre et la peine de l’ouvrier : il supprimait en effet le dressage des fonds, ce qui était une réelle économie de temps, et ne laissait subsister aucune saillie à la face du parement, ce qui mettait l’image à l’abri des chocs accidentels. Le procédé intermédiaire était le plus usité, et on paraît l’avoir enseigné dans les écoles de préférence aux autres. Les modèles étaient de petites dalles carrées ou rectangulaires, quadrillées pour permettre à l’élève d’augmenter ou de réduire son sujet sans rien changer aux proportions traditionnelles. Quelques-unes sont ouvrées sur les deux plats ; la plupart n’ont de sculpture que d’un côté. C’est alors un bœuf, une tête de cynocéphale, un bélier, un lion, une divinité ; de temps en temps, le même motif y est répété deux fois, à peine dégrossi sur la gauche, fini à droite jusque dans ses moindres détails. Dans aucun cas, la figure n’est très élevée au-dessus du fond : elle ne dépasse jamais les cinq millimètres et se maintient ordinairement plus bas. Ce n’est pas que les Égyptiens n’aient su fouiller profondément la pierre à l’occasion. La décoration atteint jusqu’à seize centimètres de saillie, à Médinét-Habou et à Karnak, sur le granit et sur le grès, dans les parties hautes du temple, et dans celles qui sont exposées directement au plein jour ; si elle était moindre, les tableaux seraient comme absorbés par la lumière répandue sur eux et offriraient une masse de lignes confuses au spectateur. Les modèles consacrés à l’étude de la ronde bosse sont plus instructifs encore que les précédents. Plusieurs de ceux que nous possédons sont des moulages en plâtre d’œuvres connues dans l’école. La tête, les bras, les jambes, le tronc, chaque partie du corps était coulée séparément. Voulait-on une figure complète ? on assemblait les morceaux et on avait, selon le cas, une statue d’homme ou de femme, agenouillée ou debout, assise sur un siège ou accroupie sur les talons, le bras tendu en avant ou au repos le long du buste. Cette collection curieuse a été découverte à Tanis et date probablement du temps des Ptolémées. Les modèles d’époque pharaonique sont en calcaire tendre et représentent presque tous le portrait du souverain régnant. Ce sont de vrais dés à base rectangulaire, hauts de vingt-cinq centimètres en moyenne. On commençait par établir sur une des faces un réseau de lignes croisées à angle droit, et qui réglaient la position relative des traits du visage, puis on attaquait la face opposée, en se guidant d’après l’échelle inscrite au revers. L’ovale seul est dessiné nettement sur le premier bloc : un saillant au milieu, deux rentrants à droite et à gauche indiquent vaguement la position du nez et des yeux. La forme s’accuse à mesure qu’on passe d’un bloc à l’autre, et le visage sort peu à peu de la masse où il était enfermé. L’artiste en limite les contours, au moyen de tailles menées parallèlement de haut en bas, puis abat les angles des tailles et les tond de manière à préciser le modelé : les linéaments se dégagent, l’œil se creuse, le nez s’affine, la bouche s’épanouit. Au dernier bloc, il ne reste plus rien d’inachevé que l’uraeus et le détail de la coiffure. Nous n’avons aucun morceau d’école en granit ou en basalte ; mais les Égyptiens, comme nos marbriers de cimetière, gardaient toujours en magasin des statues de pierre dure, à moitié prêtes, et qu’ils pouvaient terminer aisément en quelques heures. Les mains, les pieds, le buste n’attendent plus que la touche finale, mais la tête est à peine dégrossie et l’habit n’est qu’ébauché ; une demi-journée aurait suffi pour transformer le masque en un portrait de l’acheteur et pour mettre le jupon à la mode nouvelle. Deux ou trois statues de ce genre nous révèlent le procédé aussi clairement que les modèles théoriques auraient pu le faire. La taille régulière et continue du calcaire ne convenait pas aux roches volcaniques, la pointe seule parvenait à les assouplir et à triompher de leur résistance. Lorsqu’à force de patience et de temps, elle avait amené l’œuvre au point voulu, s’il y avait encore çà et là quelques aspérités, quelques noyaux de substances hétérogènes, qu’on n’osait attaquer résolument de peur d’enlever avec elles les parties environnantes, on avait recours à un instrument nouveau. L’artiste appuyait sur la parcelle superflue le tranchant d’un galet en forme de hache, et d’un second galet arrondi, qui remplaçait le maillet, frappait à coups mesurés sur cet engin grossier : le point ainsi traité s’écrasait sous le choc et s’en allait en poussière. Les menus défauts corrigés, le monument avait encore l’aspect fruste et terne. Il fallait le polir pour faire disparaître les cicatrices de la pointe et du marteau. L’opération était des plus délicates, un tour de main malheureux, une distraction d’un moment, et l’œuvre de longues semaines était gâtée sans retour. La dextérité des praticiens rendait un accident assez rare. Examinez le Sovkoumsaouf de Boulaq, examinez le Ramsès II colossal de Louxor. Les jeux de lumière empêchent d’abord l’œil d’en bien saisir les délicatesses ; mais si vous vous placez dans un jour favorable, le détail du genou et de la poitrine, de l’épaule et du visage, n’est pas moins finement exprimé sur le granit qu’il ne l’est sur le calcaire. Le poli à outrance n’a pas plus gâté les statues égyptiennes qu’il n’a fait celles des sculpteurs italiens de la Renaissance.

Au sortir des mains du sculpteur, l’œuvre tombait entre celles du peintre. Elle aurait été jugé imparfaite si on lui avait laissé la teinte de la pierre dans laquelle elle était taillée. Les statues étaient peintes des pieds à la tête. Dans les bas-reliefs, le fond restait nu, les figures étaient enluminées. Les Égyptiens avaient à leur disposition plus de couleurs qu’on n’est disposé à leur en prêter d’ordinaire. Les plus anciennes de leurs palettes – et on en connaît qui sont de la Ve dynastie – ont des compartiments séparés pour le jaune, le rouge, le bleu, le brun, le blanc, le noir et le vert. D’autres, à la XVIIIe dynastie, comptent trois variétés de jaune, trois de brun, deux de rouge et de bleu, deux de vert, en tout quatorze ou seize tons différents. On obtenait le noir en calcinant les os d’animaux. Les autres matières employées à la peinture existent naturellement dans le pays. Le blanc est du plâtre mêlé d’albumine ou de miel, les jaunes sont de l’ocre ou du sulfure d’arsenic, l’orpiment de nos peintres, les rouges de l’ocre, du cinabre ou du vermillon, les bleus du lapis-lazuli ou du sulfate de cuivre broyés. Si la substance était rare ou coûteuse, on lui substituait des produits de l’industrie locale. On remplaçait le lapis-lazuli par du verre coloré en bleu au sulfate de cuivre et qu’on réduisait en poussière impalpable. La couleur, conservée dans des sachets, était délayée, au fur et à mesure des besoins, avec de l’eau additionnée légèrement de gomme adragante. On l’étalait au moyen d’un calame ou d’une brosse en crin plus ou moins grosse. Bien préparée, elle était d’une solidité remarquable et s’est à peine modifiée au cours des siècles. Les rouges ont foncé, le vert s’est terni, les bleus ont verdi ou grisé, mais ce n’est qu’à la surface ; dès qu’on enlève la couche extérieure, les dessous apparaissent brillants et inaltérés. Jusqu’à l’époque thébaine, on ne prit aucune précaution pour défendre la peinture contre l’action de l’air et de la lumière. Vers la XXe dynastie, l’usage se répandit de la recouvrir d’un vernis transparent, soluble dans l’eau, probablement la gomme d’une sorte d’acacia. L’emploi n’en était point le même partout : certains peintres l’étendaient également sur le tableau entier, d’autres se contentaient d’en glacer les ornements et les accessoires, sans toucher aux nus ni aux vêtements. Il s’est craquelé sous l’influence du temps, ou a noirci au point de gâter ce qu’il aurait dû protéger. Les Égyptiens reconnurent sans doute les mauvais effets qu’il produisait, car on ne le rencontre plus à partir de la XXe dynastie.

De grandes teintes plates, uniformes, juxtaposées, mais non fondues : on enluminait, on ne peignait pas au sens où nous prenons le mot. De même qu’en dessinant, on résumait les lignes et on supprimait presque le modelé interne, en mettant la couleur, on la simplifiait et on ramenait à une seule teinte, non rompue, toutes les variétés de tons qui existent naturellement sur un objet ou qu’y produisent les jeux de l’ombre et de la lumière. Elle n’est jamais ni entièrement vraie ni entièrement fausse. Elle se rapproche de la nature autant que possible, mais sans prétendre à l’imiter fidèlement, l’atténue tantôt, tantôt l’exagère et substitue un idéal, une convention à la réalité visible. L’eau est toujours d’un bleu uni ou rayé de zigzags noirs. Les reflets fauves et bleuâtres du vautour sont rendus par du rouge vif et du bleu franc. Tous les hommes ont le nu brun, toutes les femmes l’ont jaune clair. On enseignait dans les ateliers la couleur qui convenait à chaque être ou à chaque objet, et la recette, une fois composée, se transmettait sans changement de génération en génération. De temps à autre quelques peintres plus hardis que le commun se risquaient à rompre avec la tradition. Vous trouverez des hommes au teint jaune comme celui des femmes, à Saqqarah sous la Ve dynastie, à Ibsamboul sous la XIXe, et des personnages aux chairs roses, dans les tombeaux de Thèbes et d’Abydos, vers l’époque de Thoutmos IV et d’Harmhabi. Ces nouveautés ne duraient guère, un siècle au plus, et l’école retombait dans ses anciens errements. N’allez pas imaginer cependant que l’ensemble produit par ce coloris factice soit criard ou discordant. Même dans des ouvrages de petite dimension, manuscrits du Livre des Morts, ornements des cercueils ou des coffrets funéraires, il a de l’agrément et de la douceur. Les tons les plus vifs y sont juxtaposés avec une hardiesse extrême, mais avec la pleine connaissance des relations qui s’établissent entre eux et des phénomènes qui résultent nécessairement de ces relations. Ils ne se heurtent, ne s’exaspèrent, ni ne s’éteignent ; ils se font valoir naturellement et donnent naissance, par le rapprochement, à des demi-tons qui les accordent. Passez du petit au grand, du feuillet de papyrus ou du panneau en bois de sycomore à la paroi des tombeaux et des temples, l’emploi habile des teintes plates, loin d’y blesser l’œil, le flatte et le caresse. Chaque mur est traité comme un tout, et l’harmonie des couleurs s’y poursuit à travers les registres superposés : tantôt elles sont réparties avec rythme ou symétrie, d’étage en étage, et s’équilibrent l’une par l’autre, tantôt l’une d’elles prédomine et détermine une tonalité générale, à laquelle le reste est subordonné. L’intensité de l’ensemble est toujours proportionnée à la qualité et à la quantité de lumière que le tableau devait recevoir. Dans les salles entièrement sombres, le coloris est poussé aussi loin que possible ; moins fort, on l’aurait à peine aperçu à la lueur vacillante des lampes et des torches. Aux murs d’enceinte et sur la face des pylônes, il atteignait la même puissance qu’au fond des hypogées ; si brutal qu’on le fît, le soleil en atténuait l’éclat. Il est doux et discret dans les pièces où ne pénètre qu’un demi-jour voilé, sous le portique des temples et dans l’antichambre des tombeaux. La peinture en Égypte n’était que l’humble servante de l’architecture et de la sculpture. La comparer à la nôtre ou même à celle des Grecs, il n’y faut point songer ; mais si on la prend pour ce qu’elle est dans le rôle secondaire qui lui était assigné, on ne pourra s’empêcher de lui reconnaître des mérites peu communs. Elle a excellé au décor monumental, et si jamais on en revient à colorer les façades de nos maisons et de nos édifices publics, on ne perdra rien à étudier ses formules ou à rechercher ses procédés.