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La Comédie humaine – Volume 08. Scènes de la vie de Province – Tome 04

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– On dit que tu les ruines! dit le vigneron à son fils. Eh! bien, voilà la seule chose que tu aies faite qui me soit agréable.

Le lendemain, Ève et David étaient à neuf heures dans l'antichambre de monsieur Petit-Claud, devenu le défenseur de la veuve, le tuteur de l'orphelin, et dont les conseils leur parurent les seuls à suivre.

Le magistrat reçut à merveille ses anciens clients, et voulut absolument que monsieur et madame Séchard lui fissent le plaisir de déjeuner avec lui.

– Les Cointet vous réclament six mille francs! dit-il en souriant. Que devez-vous encore sur le prix de la Verberie?

– Cinq mille francs, monsieur, mais j'en ai deux mille… répondit Ève.

– Gardez vos deux mille francs, répondit Petit-Claud. Voyons, cinq mille!.. il vous faut encore dix mille francs pour vous bien installer là-bas. Eh! bien, dans deux heures, les Cointet vous apporteront quinze mille francs.

Ève fit un geste de surprise.

… – Contre votre renonciation à tous les bénéfices de l'acte de société que vous dissoudrez à l'amiable, dit le magistrat. Cela vous va-t-il?

– Et ce sera bien légalement à nous? dit Ève.

– Bien légalement, dit le magistrat en souriant. Les Cointet vous ont fait assez de chagrins, je veux mettre un terme à leurs prétentions. Écoutez, aujourd'hui je suis magistrat, je vous dois la vérité. Eh! bien, les Cointet vous jouent en ce moment; mais vous êtes entre leurs mains. Vous pourriez gagner le procès qu'ils vous intentent, en acceptant la guerre. Voulez-vous être encore au bout de dix ans à plaider? On multipliera les expertises et les arbitrages, et vous serez soumis aux chances des avis les plus contradictoires… Et, dit-il en souriant, et je ne vous vois point d'avoué pour vous défendre ici… Tenez, un mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès…

Tout arrangement qui nous donnera la tranquillité me sera bon, dit David.

– Paul! cria Petit-Claud à son domestique, allez chercher monsieur Ségaud, mon successeur!.. Pendant que nous déjeunerons, il ira voir les Cointet, dit-il à ses anciens clients, et dans quelques heures vous partirez pour Marsac, ruinés, mais tranquilles. Avec dix mille francs, vous vous ferez encore cinq cents francs de rente, et, dans votre jolie petite propriété, vous vivrez heureux!

Au bout de deux heures, comme Petit-Claud l'avait dit, maître Ségaud revint avec des actes en bonne forme signés des Cointet, et avec quinze billets de mille francs.

– Nous te devons beaucoup, dit Séchard à Petit-Claud.

– Mais je viens de vous ruiner, répondit Petit-Claud à ses anciens clients étonnés. Je vous ai ruinés, je vous le répète, vous le verrez avec le temps; mais je vous connais, vous préférez votre ruine à une fortune que vous auriez peut-être trop tard.

– Nous ne sommes pas intéressés, monsieur, nous vous remercions de nous avoir donné les moyens du bonheur, dit madame Ève, et vous nous en trouverez toujours reconnaissants.

– Mon Dieu! ne me bénissez pas!.. dit Petit-Claud, vous me donnez des remords; mais je crois avoir aujourd'hui tout réparé. Si je suis devenu magistrat, c'est grâce à vous; et si quelqu'un doit être reconnaissant, c'est moi… Adieu.

En 1829, au mois de mars, le vieux Séchard mourut, laissant environ deux cent mille francs de biens au soleil, qui, réunis à la Verberie, en firent une magnifique propriété très-bien régie par Kolb depuis deux ans.

Avec le temps, l'Alsacien changea d'opinion sur le compte du père Séchard, qui, de son côté, prit l'Alsacien en affection en le trouvant comme lui sans aucune notion des lettres ni de l'écriture, et facile à griser. L'ancien ours apprit à l'ancien cuirassier à gérer le vignoble et à en vendre les produits, il le forma dans la pensée de laisser un homme de tête à ses enfants; car, dans ses derniers jours, ses craintes furent grandes et puériles sur le sort de ses biens. Il avait pris Courtois le meunier pour son confident.

– Vous verrez, lui disait-il, comme tout ira chez mes enfants, quand je serai dans le trou. Ah! mon Dieu, leur avenir me fait trembler.

David et sa femme trouvèrent près de cent mille écus en or chez leur père. La voix publique, comme toujours, grossit tellement le trésor du vieux Séchard, qu'on l'évaluait à un million dans tout le département de la Charente. Ève et David eurent à peu près trente mille francs de rente, en joignant à cette succession leur petite fortune; car ils attendirent quelque temps pour faire l'emploi de leurs fonds, et purent les placer sur l'État à la révolution de juillet.

Après 1830 seulement, le département de la Charente et David Séchard surent à quoi s'en tenir sur la fortune du grand Cointet. Riche de plusieurs millions, nommé député, le grand Cointet est pair de France, et sera, dit-on, ministre du commerce dans la prochaine combinaison. En 1837, il a épousé la fille d'un des hommes d'État les plus influents de la dynastie, mademoiselle Popinot, fille de monsieur Anselme Popinot, député de Paris, maire d'un arrondissement.

La découverte de David Séchard a passé dans la fabrication française comme la nourriture dans un grand corps. Grâce à l'introduction de matières autres que le chiffon, la France peut fabriquer le papier à meilleur marché qu'en aucun pays de l'Europe. Mais le papier de Hollande, selon la prévision de David Séchard, n'existe plus. Tôt ou tard il faudra sans doute ériger une Manufacture royale de papier, comme on a créé les Gobelins, Sèvres, la Savonnerie et l'Imprimerie royale, qui jusqu'à présent ont surmonté les coups que leur ont portés de Vandales bourgeois.

David Séchard, aimé par sa femme, est père de deux enfants, il a eu le bon goût de ne jamais parler de ses tentatives, Ève a eu l'esprit de le faire renoncer à l'état d'inventeur. Il cultive les lettres par délassement, mais il mène la vie heureuse et paresseuse du propriétaire faisant valoir. Après avoir dit adieu sans retour à la gloire, il ne saurait avoir d'ambition, il s'est rangé dans la classe des rêveurs et des collectionneurs: il s'adonne à l'entomologie, et recherche les transformations jusqu'à présent si secrètes des insectes que la science ne connaît que dans leur dernier état.

Tout le monde a entendu parler des succès de Petit-Claud comme Procureur Général, il est le rival du fameux Vinet de Provins, et son ambition est de devenir premier président de la Cour royale de Poitiers.

Cérizet, condamné à trois ans de prison pour délits politiques en 1827, fut obligé par le successeur de Petit-Claud de vendre son imprimerie d'Angoulême. Il a fait beaucoup parler de lui, car il fut un des enfants perdus du parti libéral. A la révolution de juillet, il fut nommé sous-préfet, et ne put rester plus de deux mois dans sa Sous-préfecture. Après avoir été gérant d'un journal dynastique, il contracta dans la Presse des habitudes de luxe. Ses besoins renaissants l'ont conduit à devenir prête-nom dans une affaire de mines en commandite, dont les faits et gestes, le prospectus et les dividendes anticipés lui ont mérité une condamnation à deux ans de prison en police correctionnelle. Il a fait paraître une justification dans laquelle il attribue ce résultat à des animosités politiques. Il se dit persécuté par les républicains.

1835-1843.
FIN DU HUITIÈME VOLUME