Programme des Épouses Interstellaires Coffret

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12


Natalie

Je me réveille dans le lit où m’a déposée Roark lorsque mes larmes se sont taries. Je regarde le réveil sur la table de chevet, il est environ quatre heures du matin. Il fait encore nuit, je suis trop bien pour esquisser le moindre geste. Je me blottis sous les grosses couvertures, je suis aux anges. Roark est là, avec moi. Avec nous.

Je tends la main mais ne rencontre que des draps froids.

La panique m’envahit et je me redresse à la hâte, je scrute la chambre dans la lumière chiche, je cherche mon mari, j’ai peur qu’il ait changé d’avis, qu’il soit reparti sur Trion sans moi. Il est vraiment là ? Je n’ai pas rêvé ? Je suis éreintée, mes muscles sont endoloris, ma chatte me fait mal. Je sens son sperme, j’ai pas rêvé.

Je sais que c’est complètement stupide. Vu sa façon de me faire l’amour, la façon dont il m’a consolée quand j’ai pleuré, je n’ai aucune raison de douter de son dévouement envers moi ou notre fils.

Mais les mauvaises habitudes ont la vie dure, je me suis réveillée tellement souvent en pleurant la nuit cette année, revivant l’agression dans mes cauchemars. Je l’imaginais mort, ainsi que les gardes qui m’ont sauvé la vie dans le sas de téléportation. Comme la doctoresse.

Le cœur battant, je m’efforce de tendre l’oreille. D’entendre Noah. Ou cette saleté d’horloge de grand-mère au premier étage. Le silence froid est ma seule réponse.

Le silence est mon seul compagnon dans ce lieu inoccupé. La porte de Noah est suffisamment entrebâillée pour l’entendre pleurer, juste assez pour entendre son adorable petit corps respirer et s’agiter.

Pendant les deux à trois semaines après sa naissance, j’allais le voir toutes les trente minutes, j’avais peur qu’il cesse de respirer. Mais là, j’ai dormi d’un sommeil de plomb, sans me réveiller. Quatre heures du mat’. C’est un gros dormeur mais en général, à cette heure-ci, Noah se réveille pour manger, grognon et trempé.

Où est Roark ?

Je me glisse hors du lit, nue, puisque j’ai fait l’amour avec Roark. Il m’a posée là et m’a prise sans relâche, par derrière, son sexe me dilatait tandis qu’il me caressait, ses mains jouaient avec mes bagues de tétons et mon clitoris, il m’a fait jouir, je me suis contorsionnée comme une possédée. Quand il a terminé, je me suis endormie dans ses bras protecteurs, mon dos contre sa poitrine, sa bite profondément enfoncée en moi.

Je veux m’endormir comme ça tous les soirs de ma vie.

J’enfile une nuisette en soie m’arrivant aux genoux et me dirige sur la pointe des pieds vers la chambre de Noah. J’ouvre la porte le plus doucement possible, je fixe le berceau du regard.

Vide.

J’ouvre la porte en grand et fais irruption dans la chambre, prête à appeler Miranda. Elle m’aide avec Noah pendant la journée, quand je suis trop fatiguée pour m’occuper de lui. Mais la nuit, cet adorable bébé m’appartient.

Je me rue vers le berceau, le cœur au bord des lèvres.

« Qu’est-ce que tu fais, femme ? » Je m’arrête net en entendant la voix grave de Roark.

Je pivote sur mes talons et le trouve assis dans le rocking-chair près de la fenêtre, notre fils confortablement installé dans ses bras, en train de boire son biberon. « Roark ? Qu’est-ce que tu fais ?

— Je donne le biberon à mon fils. » Il est détendu, serein. Je n’ai jamais vu pareille expression sur son visage. Il me regarde, un doux sourire aux lèvres. « Tu ferais mieux de dormir, femme. Tu as besoin de repos, je t’en ai trop demandé. Va te coucher. Noah est content, moi aussi. On fait connaissance. »

Je regarde, médusée, Noah lever ses petites mains vers le menton de son père. Roark baisse la tête afin que Noah puisse attraper son nez, sa bouche, sa barbe. Noah ouvre de grands yeux curieux en buvant son biberon. Un deuxième biberon se trouve dans le chauffe-biberon près du berceau, c’est un bébé glouton.

« Il boit deux biberons en général.

—T’es un glouton, toi ? » Roark ne quitte pas son fils des yeux. Ils se regardent avec un tel amour que mon cœur se serre, je pose ma main sur ma poitrine. Les larmes me montent aux yeux malgré moi, elles coulent silencieusement sur mes joues, dans le noir.

Je m’essuie sur ma manche, ce qui a pour effet d’attirer l’attention de Roark. « Tu te sens pas bien Natalie ?

— Non. Je vais très bien. » Je renifle, les larmes se tarissent, j’ai le nez qui coule.

Roark sourit. « Viens ici. »

Je vais vers mes hommes, quand Roark installe Noah en travers et me fait de la place sur ses genoux, j’ai l’impression d’être une gamine le jour de Noël. Je me blottis contre lui, pose ma tête contre sa poitrine et écoute battre son cœur.

Roark installe Noah entre lui et moi, on est bien au chaud, en sécurité dans ses bras vigoureux.

« Je t’aime Roark. » Les mots sortent sans prévenir. C’est le meilleur moment de toute ma vie. Grâce à l’homme qui me tient dans ses bras, mon homme idéal. Il faudra que je remercie la gardienne Egara à l’occasion.

« Je t’aime de tout mon cœur, Natalie. Toi et notre fils. Il y a quelques jours encore, j’étais un homme perdu, torturé. Tu es un vrai miracle. Grâce à toi je revis. »

Noah termine son biberon en un temps record, il rote comme un champion du monde, se love contre nous et se rendort. En général, il boit deux biberons, s’amuse un peu, et repart pour deux ou trois heures de sommeil.

Roark fredonne une étrange mélodie lancinante que je ne connais pas. Ça parle de poussière d’étoile et de lune, d’oiseaux qui pépient et de sommeil. Je présume qu’il s’agit d’une berceuse Trion, il faudra que je l’apprenne.

« On rentre quand ? »

Roark se fige et retient son souffle. « Tu te sens prête à rentrer sur Trion ? »

Je touche en souriant la joue toute douce de Noah, qui dort. « Bien sûr. Tu vas pas rester là. T’es bien le chef de tout un continent ? Ton peuple a besoin de toi.

— Ta maison est magnifique, Natalie. Je pensais pas que … »

A mon tour de me figer. « Tu pensais pas quoi ? Tu veux pas de nous ?

— Là n’est pas la question. »

Je ne réponds pas, Roark continue.

« Regarde-moi. »

La lueur de l’aube s’infiltre dans la chambre. La nuit est encore grise mais je vois assez bien pour savoir que son regard s’emplit d’une émotion inconnue.

« Je ne quitterai pas la Terre sans toi. Tu es ma femme. Tu comprends ?

— Oui. Je sais que je suis à lui. Mon corps, j’ai mal partout, le sait aussi.

— Mais on peut prendre notre temps si tu veux. J’ai calculé la différence temporelle pendant que tu dormais. On peut rester ici quelques semaines si ça peut te faire plaisir, ça équivaudrait à un jour ou deux sur Trion. Seton s’occupe de tout. Il est honnête et capable. Inutile de nous précipiter, ma chérie. Je veux que tu te sentes prête et que tu aies envie d’y aller.

— Je me sens prête. » Je regarde la chambre, je dis vrai. Cette maison ne m’intéresse pas. Ma maison, c’est les bras de Roark. Je caresse sa joue et le regarde amoureusement. « J’irai où tu iras, Roark. Ma maison, c’est toi. »

Il pousse un petit grognement, se penche et m’embrasse, notre fils, légèrement bousculé, s’agite et pousse un cri. On l’ignore, la chaleur du baiser est bien trop entêtante, trop enivrante, pour qu’on ait envie d’arrêter.

La porte grince et je recule, m’attendant à voir Miranda entrer dans la chambre pour surveiller Noah.

L’homme qui se tient sur le pas de la porte est tout de noir vêtu, il pointe son arme vers le berceau, là où devrait se trouver notre adorable Noah s’il n’était pas blotti contre Roark.

Avant que je n’aie le temps de réaliser, Roark se lève du fauteuil tel un monstre surgi des ténèbres. Il tourne le dos à l’intrus, pousse Noah et moi à l’écart de la porte. Je trébuche et lui prends instinctivement Noah des bras.

J’entends le bruit d’une arme munie d’un silencieux, j’en ai entendu des centaines de fois dans des films d’action, c’est plus bruyant que ce à quoi je m’attendais, Roark se tord de douleur, on lui a tiré dans le dos.

Je blottis Noah contre moi et fais dos à la porte tandis que Roark nous relâche en poussant un rugissement de colère. Il pivote sur ses talons et se rue vers la porte.

Deux coups. Roark doit être touché, je l’entends grogner de douleur. L’autre coup finit sa course dans le mur sur ma droite, il éclate en morceaux sous l’impact, juste au-dessus du berceau de Noah.

Je tombe à genoux et rampe en direction de la porte ouverte de ma chambre. J’ai un revolver dans le tiroir de ma table de chevet, près de la dague que Roark m’a donnée, cette dague en or qui m’a sauvée la vie. Depuis l’attaque sur Trion, j’ai réussi à dormir seule la nuit me sachant armée.

Noah se réveille et se met à pleurer. Roark pousse un rugissement de colère, j’entends son corps massif foncer sur l’attaquant. Le bruit des coups de poings et des bruits étouffés m’envahissent.

Le berceau de Noah tombe en se fracassant lourdement.

Je me relève et cours me mettre à couvert. Arrivée de l’autre côté du lit, je pose mon fils en pleurs sur le sol et j’ouvre le tiroir. Le revolver est là, ainsi que la dague. Je m’empare des deux et me rue vers la porte juste au moment où Roark repousse l’intrus dans le couloir.

Je lève mon arme, les mains tremblantes mais j’arrive pas à viser correctement, Roark est en plein dans ma ligne de mire.

 

Roark a deux trous rouges dans le dos, il saigne abondamment, mais il reste campé sur ses deux pieds, tel un géant parmi les hommes.

L’agresseur a dû paniquer, il s’échappe dans le couloir, j’entends ses pas lourds marteler l’escalier en bois en colimaçon.

Je m’attendais à ce que Roark le poursuive mais il reste là, haletant, je reste plantée là dans la chambre. Je ne peux pas laisser Noah tout seul.

« Roark ? »

La porte du bas claque contre le mur, l’agresseur s’est échappé. Dans le couloir, Miranda ouvre sa porte et pousse un hurlement en voyant Roark.

Il titube, s’appuie contre le mur.

Miranda se précipite vers moi, voit le berceau détruit et pousse un cri. « Où est Noah ? Où est le bébé ? »

J’entends ses cris de colère, « Par terre, dans ma chambre.

—Je vais le chercher. » Miranda se précipite et je pousse un soupir de soulagement en voyant que les cris de Noah se calment immédiatement en entendant ses paroles rassurantes. Elle me rejoint près de la porte, Noah aux bras.

« Natalie. »

Je me rue vers lui et le soutient, je l’aide à se tenir droit. Il est lourd et je me mords la lèvre, il pèse sur moi de tout son poids. Punaise, il est énorme.

« Miranda, appelle le 112. Roark a besoin d’une ambulance.

— Non, femme. Hors de question de me laisser charcuter par vos toubibs. Vos balles terriennes, heureusement, n’ont fait que me traverser, inutile de les extraire. Prends la baguette ReGen dans mon sac. Elle me soulagera suffisamment le temps de rentrer sur Trion et de séjourner dans le caisson. » Je file dans l’autre pièce, m’empare de la petite sacoche qu’il a apportée et en extirpe une petite baguette métallique. Elle ressemble à celle dont il s’est servi lors de l’examen médical. La sonde. Ça s’apparentait plus à un orgasme avec un gode magique qu’à un examen. Je m’empresse de la donner à Roark, qui appuie sur un bouton. Une lumière bleue s’allume.

« Passe-la sur mon dos. »

J’obéis, son dos cicatrise, heureusement qu’il n’a pas atteint ses parties intimes. Roark sue à grosses gouttes, le souffle court, finalement ses épaules se détendent. La douleur faiblit. Miranda et moi-même le regardons pendant de longues minutes, les blessures cicatrisent presque entièrement, le sang s’arrête de couler.

« C’est bon. Ça suffit, dit-il en reprenant la baguette. Si ça empire, on s’en servira de nouveau pour endiguer l’hémorragie. On doit filer au centre de Recrutement des Epouses. On nous en veut sur Terre. »

Je secoue la tête. « Mais c’est à Miami !

— L’avion de vos parents se trouve à l’aéroport, me rappelle Miranda. Je vais les appeler, ils nous emmèneront sur Miami. »

J’avais pas pensé au jet privé de mes parents. Ils sont à l’étranger et leur jet ne peut pas aller si loin, ils voyagent en première sur des longs courriers. Leur jet n’attend plus que nous.

« Merci, dis-je à Miranda. Dis-leur qu’on arrive dans vingt minutes. »

13


Roark

Il est l’heure de foutre le camp de cette putain de planète primitive. La baguette ReGen est la seule chose qui me permette de protéger ma famille, ainsi que le centre de téléportation. L’argent est le nerf de la guerre sur Terre, comme sur Trion. Natalie ne m’avait pas dit qu’elle était issue d’un milieu aisé. On n’a passé qu’une nuit ensemble, on n’a pas vraiment eu le temps de discuter.

La superficie de sa demeure, le fait qu’elle ait des domestiques pour l’aider, les meubles extravagants et les œuvres d’art qui trônent chez elle, tout me porte à croire qu’elle est fortunée. Mais le jet, là, c’est autre chose.

Le jet de Natalie est tout petit, lent, rien à voir avec les vaisseaux de la Flotte de la Coalition, mais y’a rien de mieux sur Terre. Je suppose que leurs soldats ont des vaisseaux plus rapides mais je n’ai aucun moyen de le savoir. Et je m’en tape. Ma priorité est de mettre ma femme et mon fils en lieu sûr sur Xalia, des gardes les protègeront, ils seront en sécurité, ils monteront la garde devant leur chambre toute la nuit. Le jet est lent mais je suis content qu’il existe, —c’est le moyen le plus rapide pour rejoindre le terminal de téléportation du Programme des Epouses.

Miranda s’est efficacement occupée d’organiser le transport en deux temps trois mouvements. Elle se met au volant d’une grosse cylindrée tandis que Natalie et moi prenons place à l’arrière, Noah est sanglé dans sa coque, on dirait un guerrier en armure. Natalie me dit que ça s’appelle un siège-auto, on est assis sur des sièges, je ne comprends pas ce qu’elle veut dire. Miranda effectue le court trajet nous conduisant à la piste d’aéroport tandis que Natalie passe la baguette ReGen sur mes blessures, qui se referment les unes après les autres. Elle passe de l’une à l’autre dès que ça s’arrête de saigner. Les blessures se s’ouvrent à nouveau au moindre de mes mouvements, le sang coule.

Un passage dans le caisson ReGen s’avèrera nécessaire. Je doute que la gardienne Egara dispose de la technologie nécessaire au centre de recrutement. Il est hors de question que ces docteurs humains primitifs posent leurs mains sur moi. Ils se servent toujours d’agrafes métalliques vieilles comme Hérode pour effectuer leurs sutures, ils viennent à peine d’intégrer la Coalition et n’ont pas encore accès aux instruments plus avancés d’un point de vue technologique. J’ai pas besoin d’être charcuté plus. J’ai pas non plus besoin d’une transfusion de sang humain, comme l’a suggéré Natalie. Je sais que mon organisme réduirait immédiatement à néant les tentatives des médecins humains.

Non. Je dois emmener ma famille loin de cette planète. Et vite. Sans caisson ReGen, je risque de mourir d’ici quelques heures.

J’ai dormi pendant presque toute la durée du vol sur Miami. A mon réveil, la gardienne Egara est devant moi. Deux brutes de militaires humains l’accompagnent, prêts à me porter hors de l’avion.

Ils m’aident à me tenir debout, pestent parce que je pèse une tonne mais me soutiennent et me portent jusqu’à un véhicule. La gardienne Egara a pris place au volant. La voiture est plus grande que celle de Natalie, on s’entasse tous dans le long véhicule noir. Elle comporte quatre rangées de sièges supplémentaires. Natalie s’assoit et l’un des hommes m’allonge sur elle, ma tête repose sur ses genoux. Elle passe ses mains dans mes cheveux, les hommes effectuent des points de compression sur mes blessures.

« Vous êtes du SAMU ? » demande Natalie à l’homme a la peau mate, il est penché sur sa poitrine. Il est plus brun que moi, ses cheveux sont d’un noir plus profond que l’espace. Sa peau est marron foncé, ses yeux sont comme un puit insondable. Il appuie sur mon épaule et ma poitrine, la douleur me fait l’effet d’un coup de poignard.

« Urgentiste, » répond-il en indiquant son ami penché sur le siège arrière. Le deuxième homme fait un point de compression sur les blessures dans mon dos. « Médecin militaire. »

Natalie hoche la tête. « Vous êtes des Marines ? »

L’homme situé derrière moi a la peau claire, comme du papier mâché, des cheveux auburn flamboyant. Ce sont des humains totalement différents, je suis stupéfait de voir leurs couleurs de peaux si différentes. Natalie a la peau claire et les cheveux blonds, la gardienne a les cheveux bruns et la peau mate. Quant à ces deux hommes, leurs couleurs de peau et de cheveux sont aux antipodes. Jadis, le peuple de Trion comptait des ethnies et des couleurs de peau différentes. Mais à travers les âges, nous sommes devenus une race unique. Notre race unique est le fruit de nos métissages avec des extraterrestres, comme Natalie. Des peuples provenant d’autres planètes.

L’homme à la peau claire secoue la tête et effectue un mouvement de torsion avec sa main. « Non. Armée de Terre. Avant. Il grogne. Désolé mec mais tu saignes comme un goret. »

J’ignore ce qu’il veut dire par là mais ça sent mauvais.

« Comment ça avant ? » demande Natalie.

L’homme à la peau claire hoche la tête. « Ouais. Avant. On fait désormais partie de la Coalition Interstellaire. »

L’homme à la peau mate sourit. « Si on veut. Normalement, on est affectés au transport de biens et de personnes entre la Terre et la Colonie. Ça change un peu aujourd’hui.

— Quelle colonie ? » demande Miranda à l’arrière, Noah fait des bulles et des bruits avec sa bouche. J’imagine ses petites mains potelées posées sur sa bouche, en train de baver.

« Les contaminés, » je réponds. Dans la Flotte de la Coalition, tout le monde connaît cette planète colonisée par Prillon Prime. Ils envoient leurs guerriers finir leurs jours là-bas, s’ils sont capturés ou contaminés par la technologie de la Ruche durant la bataille. Les installations étaient à l’origine destinées aux guerriers Prillon, mais de plus en plus de guerriers ont du mal à réintégrer la vie civile à cause de leurs nouveaux implants cyborgs, la population de la colonie a dû accepter d’autres races.

« Doucement, mec. » L’homme aux yeux sombres me fixe du regard, j’ouvre les yeux et remarque son iris cerclé d’argent si caractéristique. Il a été humain jadis, il se comporte comme tel à l’heure actuelle.

« Je voulais pas t’offenser.

— T’as combattu ces bâtards ?

— Oui. Quatre ans dans le Secteur 843. J’abhorre la Ruche. » Je me suis engagé volontairement pour servir la Flotte de la Coalition à l’aube de mon vingtième anniversaire. Quatre ans sur un vaisseau de guerre à combattre le fléau de l’univers m’ont suffi. J’ai fait mon temps, j’ai trouvé mon épouse. »

Il me fixe, me jauge, jusqu’à ce que son alter ego brise la tension ambiante. « On obéit aux ordres de la Gardienne Egara. »

Natalie est perplexe mais j’ai pas la force de lui expliquer. Je répondrai à ses questions en temps utile.

« Ce sont mes hommes. Vous pouvez leur faire confiance » lance la Gardienne Egara par-dessus son épaule. Je les ignore tous, je me concentre sur Natalie qui passe ses doigts dans mes cheveux. Miranda s’extasie sur mon fils dans le siège auto, j’essaie d’oublier l’espace, la guerre et la Ruche. Si je n’avais pas fait la guerre, je n’aurais pas eu le droit de me marier. Les caresses de Natalie m’apaisent, je ne regrette rien de cet enfer.

La Gardienne conduit calmement et efficacement, elle pénètre sur le parking fermé du centre de recrutement des Epouses, je me demande quel est son passé. Elle est très calme si on considère le remue-ménage ambiant. Natalie lui fait confiance, elle regarde Noah avec amour. Ça signifie donc que je peux lui faire confiance.

Les hommes de la gardienne m’aident à sortir de la voiture et me portent jusqu’à l’ascenseur. Une fois à l’intérieur, la gardienne appuie sur le bouton de fermeture des portes. Elle s’adresse à moi pour la première fois.

« Contente de vous revoir, Conseiller Roark, on dirait que vous avez eu des soucis sur Terre.

 Il y avait un assassin. »

Elle hausse un sourcil sans répondre, les portes s’ouvrent, elle nous conduit dans la salle de téléportation. Les hommes m’installent dans un fauteuil tandis que la gardienne se dirige vers le pupitre de commandes. « J’ai besoin des codes de transport. Ça ne prendra que quelques minutes. »

Je m’assois, m’affale sur ma droite, dans la position que je trouve la plus confortable. Natalie avance vers moi et agite de nouveau la baguette sur mon dos, la douleur s’apaise légèrement. Miranda berce Noah, il regarde autour de lui d’un air curieux. Il a mangé et fait des histoires dans l’avion, puis, il s’est endormi pendant toute la durée du vol. J’avais espéré qu’il dormirait durant le trajet. La lumière vive et les nouvelles sensations l’ont peut-être effrayé.

La gardienne Egara parle à l’homme roux qui l’a rejoint aux commandes. « Trion. Centre de téléportation de Xalia. Entrez les coordonnées.

—Bien m’dame. Ils viennent de nous envoyer les codes. Cinq minutes.

— Dites-leur de préparer le caisson. Il devra y séjourner dès son arrivée, ordonne Natalie.

—Un caisson de RéGénération ? La gardienne me regarde pour avoir confirmation de l’étendue de mes blessures. Je hoche la tête.

—Dites au Docteur Brax de tout installer pour mon arrivée, comme initialement prévu. »

Elle me regarde bizarrement mais transmet mot pour mot ce que je viens de dire. Ceci étant fait, elle me regarde et croise les bras sur sa poitrine, la femme calme et efficace cède la place à la femme en colère. « Parlez-moi de l’assassin.

 

—On m’a suivi chez Natalie. On savait que j’allais venir, que Natalie était sur Terre, ainsi que la raison de ma visite. »

Elle pivote sur ses talons et fait les cent pas. « Suivi ? D’ici ?

— Comment expliquez-vous qu’on ait attaqué ma famille ?

— Qui pourrait vouloir vous attaquer sur Terre ? »

Les mêmes que ceux qui m’ont capturé et torturé sur Trion.

« Vous pensez que c’est lié à l’embuscade dans laquelle vous êtes tombé sur Trion ? » La gardienne grimace, une ride se forme entre ses sourcils joliment arqués. Elle est vraiment belle. « C’est impossible. Ça voudrait dire qu’un espion Trion se cache ici-même. »

Je hausse les épaules et grimace, la douleur irradie dans ma poitrine au moindre mouvement. Y-a-t’il un autre terminal de transport dans le coin ?

— Non. Le plus proche est situé en Europe Centrale. »

Natalie pousse un cri. « Il a pas pu te traquer depuis l’Europe. Il lui aurait fallu des jours pour te retrouver.

— Ils viennent de Miami, Gardienne. C’est la seule explication plausible. Ça fait un an que Natalie est revenue sur Terre, mais dix jours à peine pour moi. On m’en veut, ou on veut obtenir quelque chose de moi. Pourquoi suis-je le seul à être en vie alors que tout l’Avant-poste Deux a été décimé ? On m’a suivi. »

La gardienne Egara effectue les vérifications nécessaires tandis que l’homme s’occupe de la téléportation. Ses mains volent littéralement sur l’écran. « Laissez-moi consulter les livres de bord. »

Elle plisse les yeux. « Je retrouve la trace de votre téléportation et les communications d’hier, une épouse a été téléporté sur Atlan aujourd’hui. Y’a rien … attendez. »

Sa main s’immobilise, elle écarquille les yeux. Ses doigts s’agitent nerveusement. « Un message crypté a été envoyé une heure avant votre transport. Le centre était fermé lorsqu’il est arrivé. La communication a dû basculer sur le centre de recrutement de Paris. Ils étaient de garde hier soir. »

Elle nous contemple, moi et Natalie, elle agite toujours la baguette dans mon dos.

« Il y a un message. Attendez un moment que je le déchiffre. »

Sa dextérité m’impressionne. Elle tient plus du combattant de la Coalition que d’une Terrienne, mon cerveau embrumé se remémore la teneur de notre conversation avant-hier. Elle était mariée à deux guerriers Prillon qui sont morts. Son corps se fige tandis qu’elle scrute l’écran. « Le message émane du terminal de téléportation de Xalia : Le médaillon du Conseiller Roark a tinté sur Terre. Roark est sur Terre. Trouvez les coordonnées de la Terre et de cette épouse humaine, Natalie Montgomery. Boston. Eliminez-les tous les deux. Rapportez-moi le médaillon. »

La main de Natalie se fige. La douleur cesse comme par magie, la baguette se focalise sur une zone bien spécifique.

« Quelqu’un veut le médaillon ? » demande-t-elle.

Je me tourne pour la regarder. Ses joues sont pâles, ses yeux écarquillés. Je préfère voir son visage rouge de passion et de désir que ce visage hagard, inquiet, stupéfait. Dès que je serai de retour sur Trion, une fois guéri, et après avoir tué celui qui essaie de me voler le médaillon, je la baiserai pendant une semaine non-stop.

« Pourquoi voudraient-ils le médaillon ? demande la gardienne Egara.

— C’est la clé de la salle des coffres souterrains du Continent Sud de Trion. Chaque Conseiller détient la clé de la salle des coffres de son territoire.

— Que contient cette salle des coffres ? Tu m’en as parlé mais sans détailler, ajoute Natalie.

— Des armes. De la technologie. Des richesses. Nous menons une vie simple, mais ça ne veut pas dire pour autant qu’on ne se prépare pas à une attaque de la Ruche. »

La Gardienne Egara s’offusque. « Apparemment, quelqu’un veut s’emparer des armes pour envahir Trion.

— C’est mon problème. L’espion qui se terre au sein de votre programme, c’est le vôtre, Gardienne.

— Une taupe, » ajoute Natalie, un terme terrien que je n’avais jamais entendu.

La gardienne me regarde d’un air sombre. « Vous gérez votre problème, Conseiller, et je gèrerai le mien. Ses jours sont comptés. Surtout depuis que je sais que je dois le traquer.

— Le transport est prêt, Gardienne. Le soldat à la peau mate interrompt notre conversation. Conseiller, ils nous disent de vous dire que le Docteur Brax vous attend avec Seton et une équipe médiale.

 Excellent. » Il est temps de rentrer. Je fais mine de me lever mais Natalie m’aide.

Miranda lui tend le bébé, les larmes aux yeux. On va traverser la galaxie, on ne reviendra plus jamais.

« Viens avec nous, dit Natalie à Miranda, en prenant sa main. Elle regarde la Gardienne Egara. Elle nous accompagne.

— Hein ? sort Miranda les yeux écarquillés, en secouant la tête. « Je peux pas. Je ne suis pas mariée. Je ne peux pas aller sur Trion ! C’est pas un simple voyage en Floride.

— On ne reviendra pas. Je t’en prie, viens avec nous. J’agis par pur égoïsme, j’ai besoin de toi.

— Elle n’est pas mariée, dit la gardienne Egara. Mais en tant que Conseiller Trion, Roark pourrait accorder sa permission. Mais vous— elle me montre du doigt, —ne pouvez pas rester plus longtemps sans passer dans le caisson. »

Les effets de la baguette ReGen s’amenuisent. Je dois à tout prix séjourner dans le caisson.

« Roark, je t’en prie.

— La décision ne m’appartient pas. Je ferai tout pour te rendre heureuse, gara, mais Miranda doit prendre sa décision elle-même.

— Viens avec nous, supplie Natalie. C’est magnifique là-bas. On te trouvera un mari. T’as personne ici. Pas de famille. Saisis ta chance. C’est ce que j’ai fait, regarde le résultat. »

Miranda est terrorisée.

La gardienne Egara s’adresse à elle. « On n’a pas le temps. Vous devez vous décider. Je ne peux pas tolérer qu’un Conseiller Trion meure dans mon sas de téléportation. »

Miranda acquiesce avec ferveur. « D’accord. Je viens. »

Natalie lui prend la main et la guide vers le sas de téléportation. Je m’assure qu’on soit tous bien ensemble, le bébé est dans les bras de ma femme. Je remercie la gardienne, les dents serrées.

Elle hoche la tête. « Bonne chance. Puissiez-vous trouver le bonheur dans l’univers. Votre voyage débutera dans trois … deux … un. »


Natalie

Le transport génère une lumière bleue, comme la dernière fois, mais cette fois-ci, je n’ai pas un taré d’assassin aux trousses. Cette fois-ci, je ne pleure pas la mort de mon mari. Je ne hurle pas parce que la doctoresse et les gardes qui me protégeaient sont morts. Mon mari et mon fils sont avec moi. J’ai Miranda. La petite dague que Roark m’a donnée quand on était dans l’oasis est fourrée dans ma botte. Hors de question que j’approche d’un terminal de transport désarmée. Roark n’a pas besoin de connaître mes angoisses vu qu’il a été blessé, mais je me sens mieux sachant que je peux veiller sur nous si nécessaire.

On rentre sur Trion, on va retrouver les docteurs, les gardes et le peuple de Roark. Mais nous ne sommes pas encore en sûreté.

Mon esprit divague entre conscience et inconscience pendant plusieurs heures, je serre étroitement Noah dans mes bras. J’ignore combien de temps s’écoule avant que les lumières ne s’atténuent. Je me réveille allongée par terre, Noah toujours contre ma poitrine. Miranda dort non loin, la plateforme est imbibée du sang de Roark.

J’ouvre la bouche pour appeler à l’aide mais l’équipe médicale encercle Roark sur le champ. Je les regarde tous, une taupe se cache parmi eux. Ce n’est pas lui qu’ils veulent. Non, pas maintenant qu’ils me savent en possession du médaillon. C’est moi qu’ils veulent.

« Conseiller. » Un homme de l’âge de Roark s’approche de lui. Il est grand, brun et séduisant. Il porte un pantalon et une chemise noirs, avec une sorte d’insigne coloré sur la poitrine, les hommes qui l’entourent obéissent à ses ordres. « Roark, mon ami, faut toujours que tu te pointes en sang et à moitié mort. Ça commence à devenir lassant.

— Arrête tes jérémiades Seton, et occupe-toi de ma femme. Un traître est parmi nous. »

Noah choisit ce moment pour s’agiter et pousse un cri à vriller les tympans.