Kostenlos

Œuvres complètes de lord Byron, Tome 12

Text
iOSAndroidWindows Phone
Wohin soll der Link zur App geschickt werden?
Schließen Sie dieses Fenster erst, wenn Sie den Code auf Ihrem Mobilgerät eingegeben haben
Erneut versuchenLink gesendet

Auf Wunsch des Urheberrechtsinhabers steht dieses Buch nicht als Datei zum Download zur Verfügung.

Sie können es jedoch in unseren mobilen Anwendungen (auch ohne Verbindung zum Internet) und online auf der LitRes-Website lesen.

Als gelesen kennzeichnen
Schriftart:Kleiner AaGrößer Aa
 
«Aie confiance, et songe que demain acquittera sa dette.»
 

Note 100: (retour) The Vicar of Wakefield; roman de Goldsmith, que l'on fait presque toujours expliquer à ceux qui commencent l'étude de la langue anglaise. (Note du Trad.)

30 janvier 1821.

«Ce soir, le comte Pietro Gamba (de la part des carbonari) m'a transmis les nouveaux mots de passe pour le prochain semestre, *** et ***. Le nouveau mot sacramentel est ***; la réplique ***. L'ancien mot (aujourd'hui changé) était ***: – il y a aussi ***-***101. Les choses semblent marcher rapidement à une crise; -ça ira!

Note 101: (retour) Dans le manuscrit original, ces mots de passe sont raturés comme pour être rendus illisibles. (Note de Moore.)

»Nous avons parlé sur diverses affaires du moment et du mouvement. Je les omets; si elles aboutissent à quelque chose, elles parleront d'elles-mêmes. Ensuite, nous avons parlé de Kosciusko. Le comte Ruggiero Gamba m'a raconté qu'il a vu les officiers polonais, dans la campagne d'Italie, fondre en larmes en entendant le nom de ce héros.

»Il faut que le Piémont soit en mouvement: – toutes les lettres et tous les papiers sont arrêtés. On ne sait rien du tout, et les Allemands se concentrent près de Mantoue. On ne connaît rien de la décision de Laybach: cet état de choses ne peut durer long-tems. On ne peut concevoir la fermentation actuelle des esprits sans en être soi-même témoin.»

31 janvier 1821.

«Depuis plusieurs jours je n'ai rien écrit, sauf quelques lettres de réponse. Quand on attend à chaque moment une explosion quelconque, il n'est pas aisé de se mettre à son pupitre pour des sujets de haute composition. Je pus le faire, sans doute; car, l'été dernier, je composai mon drame dans le tumulte du divorce de Mme la comtesse Guiccioli, et au milieu des embarras qui en furent l'accompagnement nécessaire. En même tems, je reçus la nouvelle de la perte d'un procès important en Angleterre. Mais ce n'étaient que des affaires privées et personnelles; l'affaire présente est d'une différente nature.

»Je suppose que c'est là le motif qui m'empêche d'écrire; mais j'ai quelque soupçon que ce pourrait être la paresse, surtout puisque La Rochefoucauld dit que «la paresse domine souvent toutes les passions.» Si cela était vrai, on ne pourrait guère dire que «la fainéantise est la source de tous les maux,» puisqu'on suppose que les passions seules en sont l'origine: ergo, ce qui domine toutes les passions (c'est à savoir, la paresse) serait par cela même un bien. Qui sait?»

Minuit.

«J'ai lu la Correspondance de Grimm. Il répète fréquemment, en parlant d'un poète, ou d'un homme de génie en un genre quelconque, même en musique (Grétry, par exemple), que cet homme a nécessairement «une ame qui se tourmente, un esprit violent.» Jusqu'à quel point cette remarque est-elle vraie? je n'en sais rien. Mais s'il en était ainsi; je serais un poète per eccellenza; car j'ai toujours eu une ame qui, non-seulement se tourmentait elle-même, mais tourmentait encore quiconque était en contact avec elle, et un esprit violent qui m'a presque laissé sans esprit du tout. Quant à définir ce qu'un poète doit être, cela ne vaut pas la peine; car qu'est-ce que les poètes valent? Qu'est-ce qu'ils ont fait?

»Grimm, toutefois, est un excellent critique et historien littéraire. Sa Correspondance forme les annales littéraires de la France dans le tems où il a vécu, et comprend en sus beaucoup de la politique et encore plus du genre de vie de la nation française. Il est aussi précieux et bien plus amusant que Muratori ou Tiraboschi, – j'ai presque dit que Ginguené, – mais nous devons en rester là. Toutefois, c'est un grand homme dans son genre.» ...............

2 février 1821.

«J'ai considéré quelle peut être la raison pourquoi je m'éveille toujours à une certaine heure de la matinée, et toujours dans un état d'abattement, et je puis dire dans le découragement et dans le désespoir, sous tous les rapports, – même sous le rapport de ce qui me plaisait la soirée précédente. En une heure ou deux environ, cet état se passe, et je me calme assez pour dormir encore, ou du moins pour reposer. En Angleterre, il y a cinq ans, j'eus la même espèce d'hypocondrie, mais accompagnée d'une soif si vive, que je bus près de quinze bouteilles de soda-water en une nuit, après m'être couché, sans cesser néanmoins d'être altéré; – il faut toutefois tenir compte de la perte due à l'explosion, à l'effervescence et au débordement du liquide, lorsque je débouchais les bouteilles ou que j'en cassais le goulot dans mon impatiente envie de boire. À présent, je n'ai pas cette soif, mais l'abattement de mes esprits n'est pas moins fort.

»Je lis dans les Mémoires d'Edgeworth quelque chose de semblable (hormis que la soif s'assouvissait sur la petite bière), dans le cas de sir F. B. Delaval; – mais celui-ci était alors plus vieux que moi d'au moins vingt ans. Qu'est-ce? – le foie? En Angleterre, Le Man (l'apothicaire) me guérit en trois jours de cette soif, qui m'avait duré tant d'années. Je présume que tout cela n'est que de l'hypocondrie.

»Ce que je sens de plus en plus prendre empire sur moi, c'est la paresse, et un dégoût beaucoup plus fort que l'indifférence. Si je m'irrite, c'est jusqu'à la fureur. Je présume que je finirai (si je ne meurs pas plus tôt, par accident ou quelque autre terminaison semblable) comme Swift, – en mourant comblé de vie. J'avoue que je ne contemple pas cette fin avec autant d'horreur que Swift paraît l'avoir fait quelques années avant qu'elle ne survînt; mais Swift avait à peine commencé la vie à l'âge même (de trente-trois ans) où je me sens tout-à-fait vieux de sentimens.

»Oh! il y a un orgue qui joue dans la rue; – c'est une valse: il faut que j'écoute. L'on joue une valse que j'ai entendue dix mille fois dans les bals à Londres, de 1812 à 1815. La musique est une étrange chose.»

5 février 1821.

«Enfin, «le sort en est jeté.» Les Allemands ont reçu l'ordre de marcher, et l'Italie est devenue, pour la dix-millième fois, un champ de bataille. La nouvelle est arrivée hier soir.

»Cet après-midi, le comte Pietro Gamba est venu me consulter sur divers points. Nous avons été nous promener à cheval ensemble. On a envoyé chercher des ordres. Demain la décision doit arriver, et alors on fera quelque chose. Rentré, – dîné, – lu, – sorti, – conversé. Fait un achat d'armes pour les nouvelles recrues des Américains qui sont tous prêts à marcher. Donné des ordres pour avoir des harnais et des porte-manteaux nécessaires pour les chevaux.

»Lu quelque chose de la controverse de Bowles sur Pope, avec toutes les réponses et répliques. Je m'aperçois que mon nom a été fourré dans la discussion, mais je n'ai pas le tems d'établir ce que je sais là-dessus. «Au premier jour de paix,» il est probable que je reprendrai l'affaire.»

9 février 1821.

«Écrit un peu avant le dîner. Avant que je sortisse pour ma promenade à cheval, le comte Pietro Gamba est venu me voir, pour me faire savoir le résultat de la réunion des carbonari à F*** et à B****102. **** est revenu tard la nuit dernière. Tout avait été combiné dans l'idée que les barbares passeraient le Pô le 15 courant. Mais, d'après quelques informations ou autrement, ils ont hâté leur marche, et ont passé il y a déjà deux jours, en sorte que tout ce que l'on peut faire à présent en Romagne est de se tenir en alerte et d'attendre l'approche des Napolitains. Tout était prêt, et les Napolitains avaient envoyé leurs instructions et intentions, le tout rapporté au 10 et au 11 de ce mois, jours où un soulèvement général devait avoir lieu, dans la supposition que les barbares n'avanceraient pas avant le 15.

Note 102: (retour) Probablement à Forli et à Bologne. (Note du Trad.)

»Les Autrichiens n'ont que cinquante ou soixante mille hommes, armée qui pourrait tout aussi bien entreprendre de conquérir le monde que de pacifier l'Italie dans l'état actuel. L'artillerie marche en arrière, et seule; et on a l'idée d'entreprendre de la couper. Tout cela dépendra beaucoup des premiers pas des Napolitains. Ici, l'esprit public est excellent; il faut seulement le maintenir: on verra par l'événement.

»Il est probable que l'Italie sera délivrée des barbares, pourvu que les Napolitains tiennent ferme et soient unis entre eux. À Ravenne, on les juge ainsi.

10 février 1821.

»La journée s'est passée comme d'ordinaire, – rien de nouveau. Les barbares sont toujours en marche; – mal équipés, et, sans doute, mal accueillis sur leur route. On parle d'un mouvement à Paris.

»Promené à cheval entre quatre et six, – fini ma lettre à Murray sur les pamphlets de Bowles, – ajouté un postscriptum. Passé la soirée comme d'ordinaire, – resté dehors jusqu'à onze heures, – puis rentré chez moi.»

11 février 1821.

«Écrit, – fait prendre copie d'un extrait des lettres de Pétrarque, relatif à la conspiration du doge Marino Faliero, et contenant l'opinion du poète sur la matière. Entendu un grand coup de canon dans la direction de Comacchio; – les barbares célèbrent la veille du jour anniversaire de la naissance de leur principal cochon-ou du jour de sa fête: – je ne sais plus lequel des deux. Reçu un billet d'invitation pour le premier bal, pour demain. Je n'irai pas au premier, mais j'ai l'intention d'aller au second, comme aussi chez les Veglioni.»

13 février 1821.

«Aujourd'hui, un peu lu de la Hollande de Louis B***; mais je n'ai rien écrit depuis que j'ai terminé ma lettre sur la controverse relative à Pope. La politique est tout-à-fait entourée de brouillards à présent. Les barbares continuent leur marche. Il n'est pas aisé de deviner ce que les Italiens vont faire.

 

»J'ai été hier élu socio103 de la société des bals du carnaval. C'est le cinquième carnaval que je passe. Les quatre premiers, j'ai fait beaucoup de tintamarre; mais dans celui-ci, j'ai été aussi sage que lady Grace elle-même.»

Note 103: (retour) Membre, associé.

14 février 1821.

«Journée très-ordinaire. Écrit, avant de sortir à cheval, partie d'une scène de Sardanapale. Le premier acte est presque fini. Le reste du jour et de la soirée comme précédemment, – partie hors de chez moi, en conversazione, – partie à la maison.

»Appris les détails de la dernière querelle à Russi, ville non loin d'ici: c'est exactement l'histoire de Roméo et Juliette. Deux familles de contadini sont en inimitié. Dans un bal, les plus jeunes membres de l'une et l'autre famille oublient leur querelle, et dansent ensemble. Un vieillard de l'une des familles entre, et reproche aux jeunes gens de danser avec des femmes ennemies. Les parens mâles de celles-ci s'offensent d'un tel reproche. Les deux partis courent dans leurs foyers et s'arment. Ils en viennent aux mains sur la voie publique, au clair de la lune, et se battent. Trois sont tués et six blessés, la plupart dangereusement; – c'est un fait de la semaine dernière. Un autre assassinat a eu lieu à Césenne, – en tout, environ quarante en Romagne depuis trois mois. Ce peuple tient encore beaucoup du moyen-âge.»

15 février 1821.

«Hier soir, j'ai fini le premier acte de Sardanapale. Ce soir ou demain, je répondrai aux lettres que j'ai reçues.»

16 février 1821.

«Hier soir, il conte Pietro Gamba a envoyé chez moi un homme avec un sac plein de bayonnettes, de mousquets, et de cartouches au nombre de quelques centaines, sans m'en avoir donné avis, quoique je l'eusse vu tout au plus une demi heure auparavant. Il y a environ dix jours, quand il devait y avoir ici un soulèvement, les libéraux et mes frères carbonari me dirent d'acheter des armes pour quelques-uns de nos braves. J'en achetai immédiatement, et je commandai des munitions, etc., et conséquemment les hommes furent armés. Eh bien! – le soulèvement est contremandé, parce que les barbares se mettent en marche une semaine plus tôt que l'on ne comptait; et un ordre exprès est rendu par le gouvernement, que toutes personnes ayant des armes cachées, etc., seront passibles de, etc., etc.» – Et que font mes amis, les patriotes, deux jours après? Ils rejettent entre mes mains, et dans ma maison (sans un mot d'avertissement préalable) ces mêmes armes que je leur avais fournies sur leur requête, et à mes propres périls et dépens.

»Ç'a été un heureux hasard que Lega ait été à la maison pour recevoir ces armes, car (excepté Lega, Tita et F***) tous mes autres domestiques auraient trahi le secret sur-le-champ. D'ailleurs, si l'on dénonce ou découvre ces armes, je serai dans l'embarras.

»Sorti à neuf heures, – rentré à onze. Battu la corneille qui avait volé la nourriture du faucon. Lu les Contes de mon Hôte, – écrit une lettre, – et mêlé une tasse médiocre d'eau avec d'autres ingrédiens.»

18 février 1821.

«La nouvelle du jour est que les Napolitains ont coupé un pont, et tué quatre carabiniers pontificaux qui voulaient s'y opposer. Outre la violation de la neutralité, c'est pitié que le premier sang versé dans cette querelle allemande ait été du sang italien. Toutefois, la guerre semble commencée tout de bon; car si les Napolitains tuent les carabiniers du pape, ils ne seront pas plus délicats envers les barbares.......

»En parcourant aujourd'hui la Correspondance de Grimm, j'ai trouvée une pensée de Tom Moore dans une chanson de Maupertuis à une femme laponaise:

 
Et tous les lieux
Où sont ses yeux
Font la zone brûlante.
 

»Voici la phrase de Moore:

Ces yeux font mon climat, partout où je porte mes pas104

Note 104: (retour) And those eyes make my climate, wherever I roam.

»Mais je suis sûr que Moore ne vit jamais les vers de Maupertuis; car ils ne furent publiés dans la Correspondance de Grimm qu'en 1813, et j'appris Moore par coeur en 1812. Il y a aussi une autre coïncidence, mais de pensées opposées:

 
Le soleil luit,
Des jours sans nuit
Bientôt il nous destine;
Mais ces longs jours
Seront trop courts,
Passés près de Christine.
 

»C'est la pensée retournée de la dernière stance de la jolie ballade sur Charlotte Lynes, ballade rapportée dans les Mémoires de miss Seward de Darwin: – je cite de mémoire pour avoir appris les vers il y a quinze ans:

 
Pour ma première nuit j'irai
Dans ces contrées de neige,
Où le soleil reste six mois sans luire;
Et je crois, même alors,
Qu'il reviendra trop tôt
Me troubler dans les bras de la belle Charlotte Lynes105.
 

Note 105: (retour)

 
For my first night I'll go
To those regions of snow,
Where the sun for six months never shines;
And think, even then,
He too soon came
To disturb me with fair Charlotta Lynes.
 

»Aujourd'hui, je n'ai eu aucune communication avec mes vieux amis les carbonari; mais cependant mes bas-appartemens sont pleins de leurs bayonnettes, fusils, cartouches, et je ne sais quoi encore. Je suppose que l'on me considère comme un dépôt à sacrifier en cas d'accidens. Peu importe, dans la supposition de la délivrance de l'Italie, qui ou quoi soit sacrifié; c'est un grand objet: – c'est la poésie même de la politique. Rêver seulement-une Italie libre!!! Eh quoi! il n'y a rien eu de pareil depuis les jours d'Auguste. Je regarde les tems de Jules-César comme libres, parce que les commotions politiques permirent à chacun de choisir son côté, et que les partis furent à-peu-près égaux en force dans le principe. Mais ensuite ce ne fut plus qu'une affaire de troupes prétoriennes et légionnaires; – et depuis! – nous verrons, ou du moins quelqu'un verra quelle carte tournera. Mieux vaut espérer, lors même qu'il n'y a pas d'espoir. Les Hollandais firent plus dans la guerre de soixante-dix ans que les Italiens n'ont à faire aujourd'hui.»

19 février 1821.

«Rentré chez moi tout seul; – vent très-fort, – éclairs, – clair de lune, – traînards solitaires, emmitouflés dans leurs manteaux, – femmes en masque, – maisons blanches, nuage s'amoncelant dans le ciel: – c'est une scène tout-à-fait poétique. Il vente toujours avec force, – les tuiles volent et le maison branle, – la pluie éclabousse, – l'éclair éclate106: – c'est une belle soirée de Suisse dans les Alpes, et la mer rugit dans le lointain.

Note 106: (retour) Nous avons cherché à rendre l'harmonie imitative du texte, qui s'élève ici au style de la poésie:

 
Rain splashing-lightning flashing. (Note du Trad.)
 

»Fait une visite, -conversazione. Toutes les femmes sont effrayées par le vacarme; elles ne veulent point aller à la mascarade parce qu'il fait des éclairs, – la pieuse raison!

»A*** m'a envoyé des nouvelles aujourd'hui. La guerre approche de plus en plus. Ô les gueux de souverains! Puissions-nous les voir battus! Puissent les Napolitains avoir la force des Hollandais d'autrefois, ou des Espagnols d'aujourd'hui, ou des protestans allemands, ou des presbytériens écossais, ou de la suisse sous Guillaume Tell, ou des Grecs sous Thémistocle, – toutes nations petites et isolées (excepté les Espagnols et les luthériens allemands), – et il y a une résurrection pour l'Italie, et une espérance pour le monde!»

20 février 1821.

«La nouvelle du jour est que les Napolitains sont pleins d'énergie. L'esprit public ici s'est certainement bien maintenu. Les Américains (société patriotique d'ici, ramification subordonnée aux carbonari) donnent dans quelques jours un dîner au milieu de la forêt, et ils m'ont invité, comme associé des carbonari. C'est dans la forêt de l'Esprit du chasseur de Boccace et de Dryden; et si je n'avais pas les mêmes sentimens politiques (pour ne rien dire de mon ancienne inclination conviviale107, qui revient de tems en tems), j'irais comme poète, ou du moins comme amateur de poésie. Je m'attendrai à voir le spectre d'Ostasio Degli Onesti (Dryden a mis à la place Guido Cavalcanti, – personnage essentiellement différent, comme on peut s'en convaincre dans Dante); à le voir, dis-je, «tomber comme la foudre sur sa proie» au milieu du festin. En tout cas, vienne ou non le spectre, je m'enivrerai de vin et de patriotisme autant que possible.

»Depuis ces derniers jours, j'ai lu, mais je n'ai pas écrit.»

Note 107: (retour) Si le mot déplaît, malgré sa propriété, aux ennemis du néologisme, ils y substitueront la périphrase pour les grands repas. (Note du Trad.)

21 février 1821.

«Comme d'ordinaire, j'ai fait ma promenade à cheval, – ma visite, etc., etc. L'affaire commence à s'embrouiller. Le pape a fait imprimer une déclaration contre les patriotes, qui, dit-il, méditent un soulèvement. La conséquence de ceci sera que, dans une quinzaine, tout le pays sera en insurrection. La proclamation n'est pas encore publiée, mais imprimée, et prête pour la distribution. *** m'en a envoyé une copie en secret, – signe qu'il ne sait que penser. Quand il croit avoir besoin d'être bien avec les patriotes, il m'envoie quelque message de politesse ou autre.

»Pour ma part, il me semble que rien, hors le succès le plus décisif des barbares, ne peut prévenir un soulèvement général et immédiat de toute la nation.»

23 février 1821.

«Presque comme hier; – promenade à cheval; – visite; – rien écrit; – lu l'Histoire romaine.

»J'ai reçu une lettre curieuse d'un particulier (c'est probablement un espion ou un imposteur) qui m'informe que les barbares sont indisposés contre moi; mais ainsi soit-il. Les coquins ne peuvent accorder leur hostilité à personne qui les haïsse et les exècre plus que je ne fais, ou qui s'oppose avec plus de zèle à leurs vues quand l'occasion s'en offrira.»

24 février 1821.

«Promenade à cheval, etc., comme à l'ordinaire. L'avis secret qui, ce matin, est arrivé de la frontière aux carbonari, est aussi mauvais que possible. Le plan a manqué, – les chefs militaires et civils sont trahis, – et les Napolitains non-seulement n'ont pas bougé, mais ont déclaré au gouvernement papal et aux barbares qu'ils ne savent rien de l'affaire!!!

»Ainsi va le monde; ainsi les Italiens sont toujours perdus par défaut d'union entre eux. On n'a point décidé ce qu'on doit faire ici, entre deux feux, et coupés que nous sommes de la frontière nord. Mon opinion a été-qu'il vaut mieux se soulever que d'être pris en détail; mais comment sera-t-elle prise à présent? c'est ce que je ne puis dire. Des messagers sont dépêchés aux délégués des autres cités pour apprendre leurs résolutions.

»J'ai toujours eu idée que ça irait à la diable; mais j'aimais à espérer, et j'espère encore. Mon argent, mon bien, ma personne, enfin tout ce que je puis aventurer, je l'aventurerai hardiment pour la liberté italienne; c'est ce que j'ai dit, il y a une demi-heure, à quelques-uns des chefs. J'ai chez moi deux mille cinq cents scudi (plus de cinq cents livres sterling) que je leur ai offerts pour commencer.»

25 février 1821.

«Rentré chez moi, – la tête me fait mal, – surabondance de nouvelles, mais trop accablantes pour être enregistrées. Je n'ai ni lu, ni écrit, ni pensé, mais mené une vie purement animale pendant toute la journée. Je veux essayer d'écrire une page ou deux avant de me coucher; mais, comme dit Squire Sullen, «j'ai un mal de tête terrible; Scrub, verse-moi un petit coup.» Bu du vin d'Imola et du punch.»

CONTINUATION DU JOURNAL108

27 février 1821.

«J'ai été un jour sans continuer le journal, parce que je ne pouvais trouver un cahier blanc. Enfin, je rassemble ces souvenirs.

 

»Promené à cheval, etc., – dîné, – écrit une stance additionnelle pour le cinquième chant de Don Juan; je l'avais composée dans mon lit ce matin. Visité l'amica109. Nous sommes invités à la soirée du Veglione (dimanche prochain), avec la marchesa Clelia Cavalli et la comtesse Spinelli Rusponi: j'ai promis d'y aller. Hier soir, il y eut une émeute au bal, dont je suis un socio. Le vice-légat a eu l'insolence imprudente d'introduire trois de ses domestiques en masque, – sans billets, et en dépit de toutes remontrances. Il s'ensuivit que les jeunes gens du bal se fâchèrent et furent sur le point de jeter le vice-légat par la fenêtre. Ses domestiques, voyant la scène, se retirèrent, et lui après eux. Sa révérence monsignore devrait savoir que nous ne vivons pas dans le tems de la prédominance des prêtres sur le décorum. Deux minutes de plus, deux pas en avant, et toute la ville aurait été en armes, et le gouvernement expulsé.

Note 108: (retour) Dans un autre cahier. (Note de Moore.)

Note 109: (retour) L'amie, la maîtresse. (Note du Trad.)

»Tel est l'esprit du jour, et ces gens-là ne paraissent pas s'en apercevoir. Le fait simplement considéré, les jeunes gens avaient raison, les domestiques ayant toujours été exclus des fêtes.

»Hier, j'ai écrit deux notes sur la controverse de Bowles et Pope, et les ai envoyées à Murray par la poste. La vieille femme que j'assistai dans la forêt (elle a quatre-vingt-quatorze ans) m'a apporté deux bouquets de violettes. Nam vita gaudet mortua floribus. Le cadeau m'a plu beaucoup. Une femme anglaise m'aurait offert une paire de bas de laine tricotés, au moins, dans le mois de février. Les bouquets et les bas sont d'excellentes choses; mais les premiers sont plus élégans. Le cadeau, dans cette saison, me rappelle une stance de Gray omise dans son élégie:

 
Ici sont souvent répandues les violettes printanières,
Que des mains inconnues font pleuvoir;
Le rouge-gorge aime à nicher et à gazouiller ici,
Et la trace légère d'un petit pas s'imprime sur le sol.
 

»C'est une stance aussi belle qu'aucune autre de son élégie; je m'étonne qu'il ait eu le courage de l'omettre.

»Cette nuit, j'ai horriblement souffert-d'une indigestion, je crois. Je ne soupe jamais, – c'est-à-dire, jamais chez moi; mais hier soir, je me laissai entraîner, par le cousin de la comtesse Gamba, et par l'énergique exemple de son frère, à avaler au souper quantité de moules bouillies, et à les délayer sans répugnance avec du vin d'Imola. Quand je fus rentré chez moi, dans l'appréhension des conséquences, j'avalai trois ou quatre verres de liqueurs spiritueuses, que les hommes (les marchands) nomment eau-de-vie, rum ou curaçao, mais que les dieux intituleraient esprit-de-vin coloré ou sucré. Tout alla bien jusqu'à ce que je me fusse mis au lit; alors je devins un peu enflé, et fus pris d'un fort vertige. Je sortis du lit, et, faisant dissoudre du soda-powder, j'en bus. Cette boisson me procura un soulagement momentané. Je rentrai dans le lit; mais je redevins malade et triste. Je repris encore du soda-water. Enfin, je tombai dans un affreux sommeil. Je m'éveillai et fus souffrant tout le jour, jusqu'à ce que j'eusse galopé quelques milles. Question: – Est-ce à cause des moules, ou de ce que je pris pour les corriger, que j'éprouvai cette secousse? Je crois à l'une et l'autre cause. J'observai durant mon indisposition la complète inertie, inaction et destruction de mes principales facultés mentales. J'essayai de les ranimer, – mais je ne le pus; – et voilà ce que c'est que l'ame! Je croirais qu'elle est mariée au corps, si elle ne sympathisait pas si étroitement avec lui. Si elle s'exaltait quand le corps s'affaisse, et vice versa, ce serait un signe que le corps et l'ame soupirent pour un état naturel de divorce; mais au contraire corps et ame semblent aller ensemble comme des chevaux de poste.

»Espérons ce qui vaut le mieux; – c'est le grand point.»

Durant les deux mois que comprend ce journal, Byron écrivit quelques-unes des lettres de la série suivante. Le lecteur doit donc s'attendre à y trouver des détails relatifs aux mêmes événemens.