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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 12

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LETTRE CCCXCIX

A M. MURRAY

Ravenne, 18 novembre 1820.

«La mort de Waite est un coup funeste pour les dents comme pour le coeur de tous ceux qui le connaissaient. Bon Dieu! lui et Blake84 défunts tous deux! Je les laissai dans la plus parfaite santé, et ne pensai guère à la possibilité de cette perte nationale dans le court espace de cinq ans. Ils étaient, en fait de véritable grandeur, autant supérieurs à Wellington, que celui qui conserve la chevelure et les dents est préférable au sanglant et impétueux guerrier qui obtient un nom en cassant les têtes et en brisant les molaires? Qui lui succède? Où trouver maintenant la poudre dentifrice, douce et cependant efficace? – la teinture? – les brosses à nettoyer? Obtenez, je vous prie, tous les renseignemens que vous pourrez sur ces questions tusculanes: Cette pensée me fait mal à la machoire. Pauvres diables! je me flattais de l'espérance de les revoir tous deux; et cependant ils sont allés dans ce lieu où les dents et les cheveux durent plus long-tems que dans la vie. J'ai vu ouvrir un millier de tombeaux, et me suis toujours aperçu que, quoi qu'il fût arrivé, les dents et les cheveux restaient à ceux qui ne les avaient pas perdus à l'époque de leur mort. N'est-ce pas ridicule? Ce sont les choses qui se perdent les premières dans la jeunesse, et qui durent le plus long-tems dans la poussière, si les gens veulent mourir pour les conserver. C'est une singulière vie, et une singulière mort, que la mort et la vie des humains.

Note 84: (retour) Célèbre coiffeur (Note de Moore.)

»Je savais que Waite était marié; mais je ne songeais guère que les autres funérailles viendraient sitôt le surprendre. C'était un tel élégant, un tel petit-maître, un tel bijou d'homme! Il y a à Bologne un tailleur qui lui ressemble beaucoup et qui est aussi au pinacle de sa profession. Ne négligez pas ma commission. Par qui ou par quoi peut-il être remplacé? Que dit le public?

»Je vous renvoie la préface. N'oubliez pas que l'extrait de la chronique italienne doit être traduit. Quant à ce que vous dites pour m'engager à retoucher les chants de Don Juan et les Imitations d'Horace, c'est fort bien; mais je ne puis fourbir. Je suis comme le tigre (en poésie); si je manque mon coup au premier bond, je retourne en grondant dans mon antre. Je n'ai point de second élan; je ne puis corriger; je ne le puis ni ne le veux. Personne ne réussit dans cette tâche, grands ou petits. Le Tasse refit toute sa Jérusalem; mais qui lit jamais cette version? tout le monde va à la première. Pope ajouta au Vol de la boucle de cheveux, mais ne réduisit pas son poème. Il faut que vous preniez mes productions comme elles sont; si elles ne sont pas propres au succès, réduisez-en le prix d'estimation en conséquence. Je les jetterais plutôt que de les tailler et les rogner. Je ne dis pas que vous m'ayez pas raison; je répète seulement que je ne puis perfectionner…

«Votre, etc.»

»P. S. Quant aux éloges de ce petit *** Keats, je ferai la même observation que Johnson, quand Sheridan, l'acteur, obtint une pension. «Quoi! il a obtenu une pension? Alors il est tems que je résigne la mienne.» Personne n'a pu être plus fier des éloges de la Revue d'Édimbourg que je ne le fus, ou plus sensible à sa censure, comme je l'ai montré dans les Poètes Anglais et les Réviseurs Écossais. À présent, tous les hommes qu'elle a jamais loués sont dégradés par cet absurde article. Pourquoi n'examine-t-elle et ne loue-t-elle pas le Guide de la Santé de Salomon? Il y a plus de bon sens et autant de poésie que dans Johnny Keats.........

LETTRE CCCC

A M. MURRAY

Ravenne, 23 novembre 1820.

«Les Imitations, dit Hobhouse, demanderont bon nombre de taillades pour être adaptées aux tems, ce qui sera une longue affaire, car je ne me sens pas du tout laborieux à présent. L'effet quelconque qu'elles doivent avoir serait peut-être plus grand sous une forme séparée, et d'ailleurs elles doivent porter mon nom. Or, si vous les publiez dans le même volume que Don Juan, elles me déclarent auteur de Don Juan, et je ne juge pas à propos de risquer un procès en chancellerie sur la tutelle de ma fille, puisque dans votre Code actuel un poème facétieux est suffisant pour ôter à un homme ses droits sur sa famille.

»Quant à l'état des affaires en ce pays, il serait difficile et peu prudent d'en parler longuement, les Huns ouvrant toutes les lettres. S'ils les lisent, quand ils les ont ouvertes, ils peuvent voir en caractères lisibles tracés de ma main, que je les regarde comme de damnés bélitres et barbares, et leur empereur comme un sot, et eux-mêmes comme plus sots que lui; ce qu'ils peuvent envoyer à Vienne sans que je m'en soucie. Ils se sont rendus maîtres de la police papale, et font les fanfarons; mais un jour ou l'autre ils paieront tout cela; ce ne sera peut-être pas bientôt, parce que ces malheureux Italiens n'ont aucune consistance; mais je suppose que la Providence se fatiguera enfin des barbares.......

«Votre, etc.»

LETTRE CCCCI

A M. MOORE

Ravenne, 9 décembre 1820.

«Outre cette lettre, vous recevrez trois paquets contenant, somme toute, dix-huit autres feuilles de Memoranda, qui, je le crains, vous coûteront plus de frais de port que ne rapportera leur impression dans le siècle prochain. Au lieu d'attendre si long-tems, si vous pouviez en faire quelque chose maintenant en cas de survivance (c'est-à-dire après ma mort), je serais fort content, – attendu qu'avec tout le respect dû à votre progéniture, je vous préfère à vos petits-enfans. Croyez-vous que Longman ou Murray voulussent avancer une certaine somme à présent, en s'engageant à ne pas publier avant mon décès? – Qu'en dites-vous?

»Je vous laisse sur ces dernières feuilles un pouvoir discrétionnaire, parce qu'elles contiennent peut-être une ou deux choses d'une trop dure sincérité envers le public. Si je consens à ce que vous disposiez maintenant de ces Mémoires, où est le mal? Les goûts peuvent changer. Je voudrais, à votre place, essayer d'en disposer, non les publier; et si vous me survivez (comme cela est fort probable), ajoutez ce qu'il vous plaira de ce que vous savez vous-même; mais surtout contredisez-moi, si j'ai parlé à faux; car mon principal but est la vérité, même à mes propres dépens.

»J'ai quelques notions de votre compatriote Muley Moloch. Il m'a écrit plusieurs lettres sur le christianisme pour me convertir, et, en conséquence, si je n'avais pas été déjà chrétien, je le serais probablement à présent. Je pensai qu'il y avait en lui un talent sauvage, mêlé à un nécessaire levain d'absurdité, – comme cela doit être à l'égard de tout talent, lâché sur le monde sans martingale........

»J'ai d'énormes quantités de papiers en Angleterre, tant pièces originales que traductions, – une tragédie, etc., etc.; et je copie maintenant un cinquième chant de Don Juan, en cent quarante-neuf stances.......

...... ......................

»Dans ce pays-ci on court aux armes; mais je ne veux point parler politique. Parlons de la reine, de son bain et de sa bouteille, – ce sont les seules bigarrures du jour.

»Si vous rencontrez quelques-unes de mes connaissances, saluez-les de ma part. Les prêtres essaient ici de me persécuter, – mais je m'en moque.

»Votre, etc.»

LETTRE CCCCII

A M. MOORE

Ravenne, 9 décembre 1820.

«J'ouvre ma lettre pour vous raconter un fait, qui vous montrera l'état de ce pays mieux que je ne puis le faire. Le commandant des troupes est à présent un cadavre gisant dans ma maison. Il a été tué d'un coup d'arme à feu, à huit heures passées, à deux cents pas environ de ma porte. J'endossais ma redingote pour rendre visite à madame la comtesse G***, quand j'entendis le coup. En arrivant dans la salle, je trouvai tous mes domestiques sur le balcon, s'écriant qu'un homme avait été assassiné. Sur-le-champ je courus en bas, en exhortant Tita (le plus brave de tous) à me suivre. Le reste voulait nous empêcher de sortir, parce que tout le monde ici a, ce me semble, la coutume de fuir loin du daim abattu. Toutefois, nous descendîmes, et trouvâmes l'individu gisant sur le dos, près de mourir, sinon tout-à-fait mort, avec cinq blessures, une au coeur, deux à l'estomac, une au doigt, et l'autre au bras. Quelques soldats voulurent m'empêcher de passer. Cependant nous passâmes, et je trouvai Diego, l'adjudant, se désolant comme un enfant, – un chirurgien qui ne s'occupait nullement de sa profession, – un prêtre qui saccadait une prière tremblante, et le commandant, pendant tout ce tems, sur son dos, sur le dur et froid pavé, sans lumière ni secours, ni rien autour de lui que la confusion et l'épouvante.

»Comme personne ne pouvait ou ne voulait rien faire que hurler et prier, et que nul n'aurait remué du doigt le malheureux dans la crainte des conséquences, je perdis patience, – fis prendre le corps à mon domestique et à une couple de personnes de la foule, – emmenai deux soldats pour la garde, – dépêchai Diego au cardinal pour lui annoncer la nouvelle, et fis monter le commandant dans mon appartement. Mais c'était trop tard, il était fini, – sans être défiguré; – il avait perdu tout son sang à l'intérieur: – on n'en obtint pas au-dehors plus d'une ou deux onces.

»Je le fis déshabiller en partie, – le fis examiner par le chirurgien, et l'examinai moi même. Il avait été tué par deux balles mâchées. Je sentis une de ces balles, qui avait traversé tout son corps, à l'exception de la peau. Tout le monde devine pourquoi il a été tué, mais on ne sait pas comment. L'arme a été trouvée près de lui, – un vieux fusil à moitié limé. Il n'a dit que ô Dio! et Gesù! deux ou trois fois, et il paraît avoir peu souffert. Pauvre diable! c'était un brave officier, mais il s'était fait détester par le peuple. Je le connaissais personnellement, et l'avais souvent rencontré dans les conversazioni et ailleurs. Ma maison est pleine de soldats, de dragons, de docteurs, de prêtres, et de toutes sortes de personnes, – quoique je l'aie maintenant débarrassée et que j'aie placé deux sentinelles à la porte. Demain on emportera le corps. La ville est dans la plus grande confusion, comme vous pouvez présumer.

 

»Vous saurez que si je n'avais pas fait enlever le corps, on l'aurait laissé dans la rue jusqu'au lendemain matin, par crainte des conséquences. Je n'aimerais pas à laisser même un chien mourir de cette façon, sans secours, – et quant aux conséquences, je ne m'en soucie pas dans l'accomplissement d'un devoir.

»Votre, etc.

»P. S. Le lieutenant de garde près du corps, fume sa pipe dans un grand calme. – Drôle de peuple que celui-ci!»

LETTRE CCCCIII

A M. MOORE

Ravenne, 25 décembre 1820.

«Vous recevrez ou devez avoir reçu le paquet et les lettres que j'ai envoyés à votre adresse il y a quinze jours (ou peut-être davantage), et je serai content d'avoir une réponse, parce que, dans ce tems et en ces lieux, les paquets de la poste courent risque de ne pas atteindre leur destination.

»J'ai songé d'un projet pour vous et pour moi, au cas que nous retournions tous deux à Londres, ce qui (si une guerre napolitaine ne s'allume pas) peut être réputé possible pour l'un de nous, au printems de 1821. Je présume que vous aussi, serez de retour à cette époque, ou jamais; mais vous me donnerez là-dessus quelque indication. Voici ce projet: c'est de fonder, vous et moi, conjointement un journal, – ni plus ni moins, – hebdomadaire ou autre, en apportant quelques améliorations ou modifications au plan des bélitres qui dégradent à présent ce département de la littérature, – mais un journal que nous publierons dans la forme voulue, et néanmoins avec attention.

»Il devra toujours y avoir une pièce de poésie de l'un ou l'autre de nous deux, en laissant place, toutefois, à tous les dilettanti rimeurs qui seraient jugés dignes de paraître dans la même colonne; mais ceci doit être un sine qua non, et de plus, autant de prose que nous pourrons. Nous prendrons un bureau, – sans annoncer nos noms, mais en les laissant soupçonner-et, avec la grâce de la Providence, nous donnerons au siècle quelques nouvelles lumières sur la politique, la poésie, la biographie, la critique, la morale et la théologie, et sur toute autre ique, ie et ologie quelconque.

»Ainsi, mon cher, si nous nous y mettions avec empressement, nos dettes seraient payées en une douzaine de mois, et à l'aide d'un peu de diligence et de pratique, je ne doute pas que nous ne missions derrière nous ces mauvais diseurs de lieux communs, qui ont si long-tems outragé le sens commun et le commun des lecteurs. Ils n'ont d'autre mérite que la pratique et l'impudence, deux qualités que nous pouvons acquérir, et quant au talent et à l'instruction, ce serait bien le diable si, après les preuves que nous en avons données, nous ne pouvions fournir rien de mieux que les tristes plats qui ont froidement servi au déjeûner de la Grande-Bretagne pendant tant d'années. Qu'en pensez-vous? dites-le moi, et songez que si nous fondons une telle entreprise, il faut que nous y mettions de l'empressement. Voilà une idée, – faites-en un plan. Vous y ferez telle modification qu'il vous plaira, seulement consacrons-y l'emploi de nos moyens, et le succès est très-probable. Mais il faut que vous viviez à Londres, et moi aussi, pour mener l'affaire à bien, et il faut que nous gardions le secret… ...............

»Votre affectionné,

B.

»P. S. Si vous songiez à un juste milieu entre un Spectateur et un journal; – pourquoi non? – Seulement pas le dimanche. Non que le dimanche ne soit un jour excellent, mais il est déjà pris. Nous prendrons le nom de Tenda Rossa, nom que Tassoni donna à une de ses réponses dans une controverse, par allusion à la menace délicate que Timour-Lam adressait à ses ennemis par un Tenda de cette couleur, avant de donner bataille. Ou bien Gli ou I Carbonari, si cela vous fait plaisir, – ou tout autre nom, – récréatif et amusant, – que vous pourrez préférer. Répondez. Je conclus poétiquement avec le crieur: «Je vous souhaite un joyeux Noël.»

L'année 1820 fut, comme on sait, une époque signalée par les nombreux efforts de l'esprit révolutionnaire qui éclata alors, comme un feu mal étouffé, dans la plus grande partie du sud de l'Europe. En Italie, Naples avait déjà levé l'étendard constitutionnel, et son exemple avait promptement agi sur toute cette contrée. Dans la Romagne, il s'était organisé, sous le nom de Carbonari, des sociétés secrètes qui n'attendaient qu'un mot de leurs chefs pour entrer en pleine insurrection. Nous avons vu, dans le journal de Lord Byron, en 1814, quel immense intérêt il prit aux dernières luttes de la France révolutionnaire sous Napoléon; et ses exclamations: «Oh! vive la république!» – Tu dors, Brutus!» montrent jusqu'à quel point, en théorie du moins, son ardeur politique s'étendait. Depuis lors, il n'avait que rarement tourné ses pensées sur la politique, la marche calme et ordinaire des affaires publiques n'ayant que peu intéressé un esprit comme le sien, dont rien moins qu'une crise ne semblait digne d'exciter les sympathies. L'état de l'Italie lui offrait la promesse d'une telle occasion; et en sus de ce grand intérêt national, qui pouvait remplir tous les désirs d'un ami de la liberté, encore tout échauffé par les pages de Dante et de Pétrarque, il avait aussi des liens et des considérations privées pour s'enrôler comme partie dans le débat. Le frère de madame Guiccioli, le comte Pietro Gamba, qui avait passé quelque tems à Rome et à Naples, était alors de retour de son voyage; et les dispositions amicales auxquelles, malgré une première et naturelle tendance à des sentimens opposés, il avait été enfin amené à l'égard du noble amant de sa soeur, ne peuvent être mieux dépeintes qu'avec les propres paroles de la belle comtesse.

«A cette époque, dit Mme Guiccioli,85 vint à Ravenne, de retour de Rome et de Naples, mon bien-aimé frère Pietro. Il avait conçu contre le caractère de Lord Byron des préventions que lui avaient inspirées les ennemis du noble poète; il était fort affligé de mon intimité avec lui, et mes lettres n'avaient pas réussi à détruire tout-à-fait la défavorable impression qu'avaient produite les détracteurs de Lord Byron. Mais à peine l'eût-il vu et connu, qu'il reçut cette impression qui ne peut être causée par de simples qualités extérieures, mais seulement par la réunion de tout ce qu'il y a de plus beau et de plus grand dans le coeur et dans l'esprit de l'homme. Toutes ses préventions s'évanouirent, et la conformité d'idées et d'études contribua à nouer entre mon frère et Lord Byron une amitié qui ne devait finir qu'avec leur vie.»

Note 85: (retour) In quest' epoca venne a Ravenna di ritorno da Roma a Napoli mio diletto fratello Pietro. Egli era stato prevenuto da dei nemici di Lord Byron contro il di lui carattere; molto lo affliggeva la mia intimità con lui, e le mie lettere non avevano riuscito à bene distruggere la cattiva impressione ricevuta dai detrattori di Lord Byron. Ma appena lo vide e lo conobbe, egli pure ricevette quella impressione che non può essere prodotta da dei pregi esteriori, ma solamente dall' unione di tutto ciò che viè di più bello e di più grande nel cuore e nella mente dell' uomo. Svani ogni sua anteriore prevenzione contro di Lord Byron, e la conformità delle loro idee e degli studii loro contribuì a stringerli in quella amicizia che non doveva avere fine che colla loro vita.

Le jeune Gamba, qui n'avait alors que vingt ans, le coeur plein de tous ces rêves de régénération italienne, que lui avait inspirés, non-seulement l'exemple de Naples, mais l'esprit général de tout ce qui l'entourait, s'était, en même tems que son père, qui était encore dans la force de l'âge, enrôlé dans les bandes secrètes qui étaient en train de s'organiser par toute la Romagne, et Lord Byron, par leur intervention, avait été aussi admis dans la confrérie. Cette héroïque adresse au gouvernement napolitain (écrite en italien86 par le noble poète, et, suivant toute probabilité, envoyée par lui à Naples, mais interceptée en route) montrera combien était profond, ardent, expansif, son zèle pour cette grande et universelle cause de la liberté politique, pour laquelle il perdit la vie bientôt après au milieu des marais de Missolonghi.

Note 86: (retour) On a trouvé dans les papiers de Byron cette adresse, écrite de sa propre main. On présume qu'il la confia à un agent prétendu du gouvernement constitutionnel de Naples, qui était venu secrètement le voir à Ravenne, et qui, sous prétexte d'avoir été arrêté et volé, obtint de sa seigneurie de l'argent pour son retour. On sut ensuite que cet homme était un espion, et la pièce ci-dessus, si elle lui a été confiée, est tombée entre les mains du gouvernement pontifical. (Note de Moore.)

«Un Anglais, ami de la liberté, ayant vu que les Napolitains permettent aux étrangers de contribuer aussi à la bonne cause, désirerait l'honneur de voir accepter mille louis qu'il se hasarde d'offrir. Depuis quelque tems, témoin oculaire de la tyrannie des barbares dans les états qu'ils occupent en Italie, il voit avec tout l'enthousiasme d'un homme bien né, la généreuse détermination des Napolitains à consolider une indépendance si bien conquise. Membre de la chambre des pairs de la nation anglaise, il serait traître aux principes qui ont placé sur le trône la famille régnante d'Angleterre, s'il ne reconnaissait la belle leçon récemment donnée aux peuples et aux rois. L'offre qu'il fait est peu de chose en elle-même, comme toutes celles que peut faire un individu à une nation, mais il espère qu'elle ne sera pas la dernière de la part de ses compatriotes. Son éloignement des frontières, et la conscience de son peu de capacité à contribuer efficacement de sa personne à servir la nation, l'empêchent de se proposer comme digne de la plus petite commission qui demande de l'expérience et du talent. Mais si sa présence en qualité de simple volontaire n'était pas un inconvénient pour ceux qui l'accepteraient, il se rendrait à tel lieu que le gouvernement napolitain indiquerait, pour obéir aux ordres et participer aux périls de son chef, sans autre motif que celui de partager le destin d'une brave nation, en résistant à la soi-disant Sainte-Alliance, qui n'allie que l'hypocrisie au despotisme87.»

Note 87: (retour) Un Inglese amico della libertà avendo sentito che i Napolitani permettono anche agli stranieri di contribuire alla buona causa, bramerebbe l'onore di vedere accettata la sua offerta di mille luigi, la quale egli azzarda di fare. Già testimonio oculare non molto fa della tirannia dei barbari negli stati da loro occupati nell' Italia, egli vede con tutto l'entusiasmo di un uomo ben nato la generosa determinazione dei Napolitani per confermare la loro bene acquistata indipendenza. Membro della Camera dei Pari della nazione inglese, egli sarebbe un traditore ai principii che hanno posto sul trono la famiglia regnante d'Inghilterra se non riconoscesse la bella lezione di bel nuovo data ai popoli ed ai re. L'offerta che egli brama di presentare è poca in se stessa, come bisogna che sia sempre quella di un individuo ad una nazione, ma egli spera che non sarà l'ultima dalla parte dei suoi compatrioti. La sua lontananza dalle frontiere, e il sentimento della sua poca capacità personale di contribuire efficacemente a servire la nazione, gl'impedisce di proporsi come degno della più piccola commissione che domanda dell' esperienza e del talento. Ma, se, come semplice volontario, la sua presenza non fosse un incomodo a quello che l'accettasse, egli riparebbe a qualunque luogo indicato dal governo napolitano per ubbidire agli ordini e partecipare ai pericoli dei suo superiore, senza avere altri motivi che quello di dividere il destino di una brava nazione resistendo alla se dicente Santa Alleanza, la quale aggiunge l'ipocrizia al dispotismo.

Ce fut durant l'agitation de cette crise, au milieu de la rumeur et de l'alarme, et dans l'attente continuelle d'être appelé au champ de bataille, que Lord Byron commença le journal que je donne maintenant au public, et qu'il est impossible de lire, avec le souvenir de son premier journal écrit en 1814, sans songer combien étaient différentes, dans toutes leurs circonstances, les deux époques où ce noble auteur traçait ces procès-verbaux de ses pensées actuelles. Il écrivit le premier à l'époque qui peut être considérée, pour user de ses propres expressions, comme «la période la plus poétique de toute sa vie» – non pas certainement, en ce qui regardait les forces de son génie, auquel chaque année de plus ajoutait une nouvelle vigueur, et un nouveau lustre, mais en tout ce qui constitue la poésie du caractère, – savoir, les sentimens purs de la contagion mondaine, dont en dépit de son expérience prématurée de la vie il conserva toujours l'empreinte, et ce noble flambeau de l'imagination dont, malgré son mépris systématique du genre humain, il projeta toujours l'embellissante lumière sur les objets de ses affections. Il y eut alors, dans sa misanthropie comme dans ses chagrins, autant d'imagination que de réalité; et jusqu'à ses galanteries et intrigues amoureuses de cette même époque partagèrent également, comme j'ai essayé de le montrer, le même caractère d'idéalité. Quoique tombé de bonne heure sous l'empire des sens, il avait été de bonne heure aussi délivré de cet esclavage, d'abord par la satiété que les excès ne manquent jamais de produire, et peu de tems après, par cette série d'attachemens où l'imagination est pour moitié, lesquels tout en ayant même des conséquences morales plus funestes à la société, avaient au moins un vernis de décence à la surface et par leur nouveauté et l'apparente difficulté qui les entourait servaient à entretenir cette illusion poétique, d'où de telles poursuites dérivent leur unique charme.

 

Avec un tel mélange ou plutôt une telle prédominance de l'idéal dans ses amitiés, dans ses haines et dans ses chagrins, son existence à cette époque, animée comme elle était, et maintenue en état de tourbillon par un tel cours de succès, doit être reconnue, même déduction faite de toutes les adjonctions peu pittoresques d'une vie de Londres, comme poétique à un haut degré, et environnée d'une sorte de halo88 romanesque que les événemens subséquens n'étaient que trop propres à dissiper. Par son mariage, et les résultats qui s'en suivirent, il fut amené de nouveau à quelques-unes de ces amères réalités dont sa jeunesse avait eu un avant-goût. Une gêne pécuniaire, – épreuve la plus terrible de toutes pour l'ame délicate et haute, – le soumirent à toutes les indignités qu'elle entraîne ordinairement après soi, et il fut ainsi cruellement instruit des avantages de posséder de l'argent, quand il n'avait pensé jusque-là qu'au généreux plaisir d'en dépenser. Certes, on ne peut demander une plus forte preuve du pouvoir de pareilles difficultés pour abaisser l'orgueil le plus chevaleresque, que la nécessité où Byron se trouva réduit en 1816, non-seulement de se désister de la résolution de ne tirer jamais aucun profit de la vente de ses ouvrages, mais encore d'accepter de son éditeur, pour droit d'auteur, une somme d'argent, qu'il avait quelque tems persisté à refuser pour lui-même, et que, dans la pleine sincérité de son coeur généreux, il avait destinée à d'autres. L'injustice et la méchanceté, dont il devint bientôt victime, eurent un pouvoir également fatal pour désenchanter le rêve de son existence. Ces chagrins d'imagination, ou du moins de retour sur le passé, auxquels il avait autrefois aimé à s'abandonner, et qui tendaient, par l'intermède de ses illusions idéales, à adoucir et polir son coeur, firent alors place à un cortége ennemi de vexations présentes et ignobles, plus humiliantes que pénibles à subir. Sa misanthropie, au lieu d'être comme auparavant un sentiment vague et abstrait qui ne s'arrêtât sur aucun objet particulier, et dont la diffusion corrigeât l'âcreté, fut alors condensée, par l'hostilité qu'il rencontra, en inimitiés individuelles, et ramassée en ressentimens personnels; et du haut de ce luxe de haine, qu'il croyait philosophique, contre les hommes en général, il fut alors obligé de descendre à l'humiliante nécessité de les mépriser en détail.

Note 88: (retour) On désigne ainsi, en physique, une couronne lumineuse que l'on voit quelquefois autour des astres, et principalement du soleil et de la lune. Le lecteur s'imagine bien que nous ne tirons pas de notre propre cru cette métaphore étrange; nous l'importons littéralement de l'anglais, où elle est assez usitée, comme toutes les figures relatives aux phénomènes que les marins ont intérêt à observer. (Note du Trad.)

Sous toutes ces influences si fatales à l'enthousiasme du caractère, et formant, pour la plupart, une partie des épreuves ordinaires qui glacent et endurcissent les coeurs dans le monde, il était impossible qu'un changement matériel ne s'effectuât pas dans un esprit si susceptible d'impressions tout à-la-fois rapides et durables. En contraignant Byron à se concentrer dans ses seules ressources et dans sa seule énergie, comme dans l'unique position à lui laissée contre l'injustice du monde, ses ennemis ne réussirent qu'à donner à un principe intérieur d'indépendance une nouvelle force et un nouveau ressort, qui tout en ajoutant à la vigueur de son caractère, ne pouvaient manquer, par un si grand déploiement de cette activité propre, à en diminuer un peu l'amabilité. Parmi les changemens de disposition principalement imputables à cette source, on doit mentionner la moindre déférence qu'il montra aux opinions et aux sentimens d'autrui après ce ralliement forcé de tous ses moyens de résistance. Sans doute, une portion de cette opiniâtreté doit être mise sur le compte de l'absence de tous ceux dont la plus légère parole, le plus léger regard auraient eu plus d'effet sur lui que des volumes entiers de correspondance, mais nulle cause moins puissante et moins révulsive que la lutte dans laquelle il avait été engagé, n'aurait pu porter un esprit qui tel que le sien se défiait naturellement de lui-même, et s'en défiait encore au milieu de cette excitation, à s'arroger un ton de bravade universelle, plein sinon d'orgueil dans la prééminence de ses moyens, du moins d'un tel mépris pour quelques-uns de ses contemporains les plus capables, qu'il impliquait presque cet orgueil. Ce fut, en effet, comme je l'ai déjà remarqué plus d'une fois dans ces pages, un soulèvement général de tous les élémens, bons et mauvais, qui constituaient la nature du noble poète, soulèvement semblable à celui que, jeune encore, il avait opposé une première fois à l'injustice, – avec une différence, néanmoins, presque aussi grande, sous le point de vue de la force et de la grandeur, entre les deux explosions, qu'entre un incendie et une éruption volcanique.

Une autre conséquence de l'esprit de bravade qui dès-lors anima Lord Byron, peut-être encore plus propre que toute autre à souiller et à ramener quelque tems au niveau terrestre la poésie de son caractère, fut le genre de vie auquel il s'abandonna à Venise, outrepassant même la licence de sa jeunesse. Il en fut bientôt retiré, comme de ses premiers excès, par l'avertissement opportun du dégoût. Sa liaison avec Mme Guiccioli, liaison qui, toute répréhensible qu'elle était, avait du mariage tout ce qui manquait au mariage réel du poète, – sembla enfin donner à son ame affectueuse cette union et cette sympathie après lesquelles il avait toute sa vie si ardemment soupiré. Mais le trésor vint trop tard; – la pure poésie du sentiment s'était évanouie; et ces larmes qu'il répandait avec tant de passion dans le jardin de Bologne, venaient moins peut-être de l'amour qu'il sentait en ce moment, que de la triste conscience des sentimens si différens qu'il avait auparavant éprouvés. Certes, il était impossible à une imagination même telle que la sienne, de conserver un voile de gloires idéales à une passion que, – plus par défi et par vanité que par tout autre motif, – il avait pris tant de peine à ternir et à dégrader à ses propres yeux. Par conséquent, au lieu d'être capable, comme autrefois, d'élever et d'embellir tout ce qui l'intéressait, de se faire une idole de la moindre création de son imagination, et de prendre pour l'amour même qu'il conjura si souvent, la simple forme de l'amour, il tomba dès-lors dans l'erreur opposée, dans la perverse habitude de déprécier et rabaisser ce qu'il estimait intérieurement, et de verser, comme le lecteur, l'a vu, le mépris et l'ironie sur un lien où les meilleurs sentimens de son ame étaient évidemment engagés. Cet ennemi de l'enthousiasme et de l'idéal, le ridicule, avait, au fur et à mesure qu'il avait échangé les illusions contre les réalités de la vie, pris de plus en plus d'empire sur lui, et avait alors envahi les régions les plus hautes et les plus belles de son esprit, comme on le voit par Don Juan, – cette arène variée où les deux génies; l'un bon et l'autre mauvais, qui gouvernaient ses pensées, se livrent avec des triomphes alternatifs leur puissant et éternel combat.