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L'esquisse mystérieuse

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«M. Christian Vénius, le peintre?» dit-il.

«C’est moi, monsieur.»

Il s’inclina de nouveau, ajoutant:

«Le baron Frédéric Van Spreckdal.»

L’apparition, dans mon pauvre taudis, du riche amateur Van Spreckdal, juge au tribunal criminel, m’impressionna vivement. Je ne pus m’empêcher de jeter un coup d’œil dérobé sur mes vieux meubles vermoulus, sur mes tapisseries humides et sur mon plancher poudreux. Je me sentais humilié d’un tel délabrement… Mais Van Spreckdal ne parut pas faire attention à ces détails, et s’asseyant devant ma petite table:

«Maître Vénius, reprit-il, je viens…»

Mais, au même instant, ses yeux s’arrêtèrent sur l’esquisse inachevée… il ne termina point sa phrase. Je m’étais assis au bord du grabat, et l’attention subite que ce personnage accordait à l’une de mes productions, faisait battre mon cœur d’une appréhension indéfinissable.

Au bout d’une minute, Van Spreckdal levant la tête:

«Êtes-vous l’auteur de cette esquisse?» me dit-il le regard attentif.

«Oui, monsieur.»

«Quel en est le prix?»

«Je ne vends pas mes esquisses… C’est le projet d’un tableau.»

«Ah!» fit-il, en levant le papier du bout de ses longs doigts jaunes.

Il sortit une lentille de son gilet, et se mit à étudier le dessin en silence.

Le soleil arrivait alors obliquement dans la mansarde. Van Spreckdal ne murmurait pas un mot; son grand nez se recourbait en griffe, ses larges sourcils se contractaient, et son menton, se relevant en galoche, creusait mille petites rides dans ses longues joues maigres. Le silence était si profond que j’entendais distinctement le bourdonnement plaintif d’une mouche, prise dans une toile d’araignée.

«Et les dimensions de ce tableau, maître Vénius?» fit-il enfin sans me regarder.

«Trois pieds sur quatre.»

«Le prix?»

«Cinquante ducats.»

Van Spreckdal déposa le dessin sur la table, et tira de sa poche une longue bourse de soie verte, allongée en forme de poire; il en fit glisser les anneaux…

«Cinquante ducats! dit-il, les voilà.»

J’eus un éblouissement.

Le baron s’était levé, il me salua, et j’entendis sa grande canne à pomme d’ivoire résonner sur chaque marche jusqu’au bas de l’escalier. Alors, revenu de ma stupeur, je me rappelai tout à coup que je ne l’avais pas remercié, et je descendis les cinq étages comme la foudre; mais, arrivé sur le seuil, j’eus beau regarder à droite et à gauche, la rue était déserte.

«Tiens! me dis-je, c’est drôle!.. »

Et je remontai l’escalier tout haletant.

II

La manière surprenante dont Van Spreckdal venait de m’apparaître me jetait dans une profonde extase: «Hier, me disais-je en contemplant la pile de ducats étincelant au soleil, hier je formais le dessein coupable de me couper la gorge, pour quelques misérables florins, et voilà qu’aujourd’hui la fortune me tombe des nues… Décidément, j’ai bien fait de ne pas ouvrir mon rasoir, et si jamais la tentation d’en finir me reprend, j’aurai soin de remettre la chose au lendemain.»

Après ces réflexions judicieuses, je m’assis pour terminer l’esquisse; quatre coups de crayon, et c’était une affaire faite. Mais ici m’attendait une déception incompréhensible. Ces quatre coups de crayon, il me fut impossible de les donner; j’avais perdu le fil de mon inspiration, le personnage mystérieux ne se dégageait pas des limbes de mon cerveau. J’avais beau l’évoquer, l’ébaucher, le reprendre; il ne s’accordait pas plus avec l’ensemble qu’une figure de Raphaël dans une tabagie de Téniers… J’en suais à grosses gouttes.

Au plus beau moment, Rap ouvrit la porte sans frapper, suivant sa louable attitude, ses yeux se fixèrent sur ma pile de ducats, et d’une voix glapissante il s’écria:

«Eh! eh! je vous y prends. Direz-vous encore, monsieur le peintre, que l’argent vous manque…»

Et ses doigts crochus s’avancèrent avec ce tremblement nerveux que la vue de l’or produit toujours chez les avares.

Je restai stupéfait quelques secondes.

Le souvenir de toutes les avanies que m’avait infligées cet individu, son regard cupide, son sourire impudent, tout m’exaspérait. D’un seul bond je le saisis, et le repoussant des deux mains hors de la chambre, je lui aplatis le nez avec la porte.

Cela se fit avec le cric-crac et la rapidité d’une tabatière à surprises.

Mais dehors le vieil usurier poussa des cris d’aigle:

«Mon argent! voleur! mon argent!»

Les locataires sortaient de chez eux et demandaient:

«Qu’y a-t-il donc? Qu’est-ce qui se passe?»

Je rouvris brusquement la porte, et dépêchant, dans l’échine de maître Rap, un coup de pied qui le fit rouler plus de vingt marches:

«Voilà ce qui se passe!» m’écriai-je hors de moi. Puis je refermai la porte à double tour, tandis que les éclats de rire des voisins saluaient maître Rap au passage.

J’étais content de moi, je me frottais les mains…Cette aventure m’avait remis en verve, je repris l’ouvrage et j’allais terminer l’esquisse lorsqu’un bruit inusité frappa mes oreilles.

Des crosses de fusil se posaient sur le pavé de la rue… Je regardai par ma fenêtre et je vis trois gendarmes, la carabine au pied, le chapeau à claque de travers, en faction à la porte d’entrée.