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Récits d'une tante (Vol. 3 de 4)

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APPENDICES
QUELQUES CORRESPONDANTS DE MADAME DE BOIGNE

I
La reine Marie-Amélie

Twickenham, ce 16 janvier 1817.

Ma chère Adèle, Vous avez été bien aimable de Vous rappeller de moi en m'envoyant un échantillon de votre charmant ouvrage. Nous avons tous admiré le gout, la patience et l'excellence de l'aimable ouvrière, je n'espère pas de pouvoir Vous imiter, mais, avec un si bon modèle sous les yeux, je travailleré avec plus d'ardeur, et mon ouvrage me deviendra doublement agréable en pensant à Vous. Vos dignes Parens ont donné une charmante petite soirée à mes enfans et ceux-ci n'appellent plus Mme d'Osque notre amie. J'espère que Vous serez entièrement quitte du rhûme que vous avez souffert; nous parlons bien souvent de vous avec vos Parens, car je vois bien que c'est la conversation qui leur fait plus de plaisir, et à moi de même. Ma sœur et mon mari me chargent de tous leurs complimens pour Vous et, en Vous embrassant avec toute l'amitié, je suis

Votre bien affectionnée

Marie-Amélie.
Samedi 20 mars 1819.

Ma chère Adèle, Vous avez rendu bien justice à mon cœur en m'apprenant que votre pauvre mère est arrivée heureusement à Paris; j'espère que le repos, la tranquillité et le bonheur de se voir entourée de ses enfans la remettront aussi parfaitement que je le lui souhaite. Dès que ma sœur sera rentrée, je lui donnerai votre billet et je suis sûre d'avance du plaisir qu'elle et mon mari éprouveront en apprenant l'arivée de vos dignes parens, car nous partagions vivement vos inquiétudes à ce sujet. Remerciez bien votre mère du paquet dont elle a bien voulû se charger pour moi, exprimez-lui bien tout l'intérêt que je prends à sa santé et dites-lui mille amitiés tant à Elle qu'à Mr d'Osmond de la part du trio qui est toujours le même. Je partage sincèrement votre joie, ma chère Adèle, et je suis de tout mon cœur en vous embrassant tendrement.

Votre bien affectionnée

Marie Amélie.
Thuileries, ce 29 juillet 1833.

J'étois bien sûre, ma chère amie, que vous prendriez une part bien vive à mes joies de Grand-Mère; vous avez toujours si bien compris et partagé tous mes sentimens. J'ai trouvé votre si aimable lettre ici en sortant de voiture, j'aurois voulu pouvoir vous en remercier tout de suite, mais la fatigue que j'éprouvois avant hier au soir et l'emploi de toute la journée d'hier ne m'en ont pas laissé le temps. J'ai laissé Louise à merveille assise dans son lit, et ayant à ses côtés son joli enfant qu'elle aime déjà beaucoup, et pour lequel j'éprouve tous les sentiments de Grand-Mère; la santé de Louise ne me donnant aucune inquiétude, je tenois beaucoup à me trouver dans ces journées au poste où mon cœur et mon devoir m'appelloient; je suis arrivée avec Clémentine, Marie ayant préféré de rester auprès de sa sœur; je compte partir après demain soir pour aller l'y rejoindre et rester encore quelques jours à soigner Louise. Les journées ici se sont très bien passées, celle de hier a été des plus brillantes; les plaisirs se sont succédés sans discontinuer pendant plus de douze heures, le calme et la tranquillité ont été parfaits et si, pendant la Revue, quelque cri inconvénant s'est fait entendre, il a été étouffé par les acclamations avec lesquelles on a salué le Roi; ces acclamations se sont rénouvellées encore avec plus d'ardeur et d'affection dans la tournée qu'il vient de faire ce matin et aucun autre cri s'y est mêlé. Je suis bien peiné des inquiétudes que vous éprouvés pour la santé de votre père et je sais combien vos tendres soins lui sont nécessaires. Veuillez bien lui dire mille choses de ma part et recevoir Vous même l'assurance de toute mon ancienne et constante amitié.

Votre bien affectionnée

Marie Amélie.
Laeken, ce 5 août 1833.

Il m'a été impossible, ma chère Amie, de trouver un moment avant celui-ci pour Vous remercier de votre lettre du 31 et des intéressants détails que vous m'avez donnés et que j'ai communiqués seulement au Roi. J'espère qu'à votre retour à Châtenay Vous aurés trouvé M. d'Osmond bien, je vous prie de lui dire bien des choses de ma part. J'ai trouvé mon accouchée et son joli enfant à merveille; il sera baptisé solennellement jeudi prochain, et je repartirai samedi pour retrouver mes pénates où je me retrouve toujours avec tant de plaisir; en attendant, je Vous embrasse avec toute l'amitié qui est d'ancienne date.

Brusselles, ce 21 avril 1835.

Ma sœur m'a appris le cruel malheur que Vous avez éprouvé, ma chère amie, et je ne veux pas tarder un moment à Vous exprimer toute la part que j'y prends. Perdre l'objet de tant de soins et d'affections et le perdre d'une manière si affreuse c'est bien déchirant pour un cœur comme le votre, et le mien, qui Vous est bien attaché, s'associe à vos peines. Je ne Vous en dirai pas davantage; je vous plains avec tout le sentiment de la plus sincère amitié.

Votre bien affectionnée

Marie-Amélie.
Thuileries, ce 25 7bre 1835.

Je m'empresse, ma Chère Comtesse, de rectifier une erreur involontaire que j'ai commise hier. Il n'est que trop vrai que M. Cholet, chef d'escadron du 6me dragons, brave officier, a péri aux journées de juin 1832, et qu'alors j'ai vû sa veuve et que je me suis intéressée à son sort, il n'y a que le Cousin que je ne puis vérifier. J'ai encore parlé au Roi des deux protégés du Gl Pozzo et il m'a chargée de lui remettre de nouveau des petites notes à leur sujet pour pouvoir les rappeler à ses Ministres; si cela n'a pas encore été fait, ce n'est pas faute de bonne volonté du Roi qui serait charmé de faire quelque chose d'agréable au Général. Adieu, ma Chère, Vous conoissez mon ancienne et bien sincère amitié pour Vous.

Lausanne, ce 10 8bre 1852.

Ma chère Amie, en arrivant ici j'apprends l'affreux malheur qui est arrivé à votre neveu, je sens combien cela doit être douloureux pour Vous et c'est un besoin pour mon cœur de vous exprimer combien je partage votre peine, combien je plains ses pauvres parens. J'ai trouvé Hélène en pleine voie de convalescence et remise de son accident. Je n'ai que le temps de Vous renouveller l'assurance de toute mon amitié.

Ramsgate, ce 7 août 1853.

Ma Chère Comtesse, j'apprends à l'instant le malheur qui vient de Vous frapper et je m'empresse de Vous exprimer la part que j'y prends, je m'associe à votre douleur; il est si cruel de perdre une sœur et une Amie; combien je vous plains; combien je plains votre pauvre frère, ses Enfans, et les pauvres que votre Belle sœur secourait avec tant de zèle et de charité. Elle en retrouvera la récompense dans le ciel. Je me suis fiée à l'aimable complaisance de notre commune Amie, la bonne Mme Mollien, pour vous donner de mes nouvelles et de celles de tout ce qui m'est si cher, mais je n'ai pas voulu lui céder la plume dans un moment ou Vous étiés malheureuse et ou je tenois à Vous exprimer moi même tout ce que mon cœur sentoit pour Vous; je forme des vœux pour que cette secousse n'aie pas causé un nouvel ébranlement à votre chère santé. Je veux, en même temps, Vous remercier de vos deux chères lettres du 21 avril et 5 juin; si je ne réponds pas aussi tôt que je le voudrois, je vous assure pourtant qu'elles me font bien plaisir, prenant le plus vif intérêt à ce qui vous concerne et rien ne pouvant altérer mon ancienne amitié pour Vous. J'espère que la santé du respectable Chancelier se conserve bien, parlez lui de moi, il connait mes sentimens pour lui; j'ai été bien peinée du malheur que ses Enfans ont encore éprouvé. Je suis venue passer quelques jours ici avec Aumale et sa famille qui y sont depuis six semaines; Hélène et ses Enfans sont venus me rejoindre; j'ai de bonnes nouvelles de tous mes chers Absens, et je me dispose à aller passer l'hiver à Seville, si les circonstances le permettent; je vous remercie de tout ce que vous me dites au sujet du mariage de mon petit fils, tout me fait espérer qu'il sera heureux, quoique je le trouve trop jeune. Adieu, ma chère Amie, comptez toujours sur toute l'amitié de votre bien affectionnée

M. A.
Nervi, ce 16 février 1856.

Ma Chère Comtesse, j'ai prié notre commune Amie, la bonne Mme Mollien, d'être mon interprète auprès de Vous, ma santé ne me permettant pas de Vous écrire comme je l'aurois désiré depuis longtemps; mais, à présent, que, graces à un retour de beau temps, mes forces reviennent journellement, je ne veux plus tarder à Vous remercier de votre lettre du 3 de ce mois, des bons vœux qu'elle contient, et à Vous offrir ceux que je forme pour votre conservation et pour votre bonheur. J'ai vû avec peine que la santé du Chancelier vous avoit donné des inquiétudes, heureusement j'ai appris depuis qu'il étoit parfaitement rétabli, j'espère qu'il ne doute pas du vif et constant intérêt que je lui porte. J'ai bien pensé au chagrin que vous avoit causé la mort de M. Molé, il est si triste de voir ainsi finir les uns après les autres des anciens amis qu'on ne retrouve plus. Nemours et sa femme me chargent de Vous remercier de votre bon souvenir et de Vous dire bien des choses de leur part, ils me soignent avec une constante tendresse. Quant à Clémentine; elle est retournée chez Elle depuis le mois de Xbre; et Elle a eu son fils ainé avec une fièvre typhoïde qui l'a fort inquiétée; il en est à présent entièrement rétabli. Adieu, ma Chère Amie, comptez sur tous les anciens et constants sentimens pour Vous de la vieille solitaire, de

 

Votre bien affectionnée

Marie Amélie.

II
Madame Adélaïde d'Orléans

Saint Cloud, jeudi 12 mai 1831.

C'est du fond de mon âme ma chère, que je vous plains et que je partage vos regrets, je sais que vous souffrez doublement et de votre douleur et de celle de votre malheureux père, dites lui combien nous sommes occupés de lui, soyez notre bonne interprète auprès de lui, je vous en prie; j'avais besoin de vous exprimer ce que mon cœur sent pour vous dans cette cruelle circonstance et combien il vous comprend; je vous embrasse tendrement

L. Adélaïde L. D'Orléans.

P. S. Faites moi donner de vos nouvelles et de celles de votre pauvre père. Le Roi, la Reine me chargent d'être leur interprète auprès de vous et de lui, c'est au nom de tous.

(Les lignes suivantes sont de la main de la reine Marie-Amélie.)

C'est de tout mon cœur que je m'unis à ma sœur pour vous dire combien je suis occupée de vous et de votre père, combien je vous plains et combien je partage tous vos regrets; vous connaissez mon ancienne amitié pour vous.

St Cloud, 15 juillet 1831.

Je suis bien fâchée de vous avoir manquée hier, ma chère comtesse, nous étions à Paris; je crois, et j'espère que la journée d'hier déconcertera un peu tous les mauvais sujets et les agitateurs de tous les partis par l'indignation que le peuple et les ouvriers ont manifestée aux acteurs de ces coupables tentatives. Je vous remercie beaucoup de votre intéressante lettre, et de l'extrait curieux qu'elle contenait; je regrette que ce soit encore votre projet de venir dimanche, car je ne pourai en profiter; nous allons passer la matinée à Paris, mais j'espère et je vous demande de m'en dédomager un autre jour. Bonjour, ma chère comtesse, vous connaissez tous mes sentimens pour vous, c'est de tout mon cœur que je vous en renouvelle l'expression; soyez, je vous en prie, ma bonne interprète auprès de votre excellent père.

L. Adélaïde L. D'Orléans.
Neuilly, 24 juillet 1833.

Ma chère comtesse, nous sommes bienheureux, nous venons de recevoir la délicieuse nouvelle que notre chère Louise est heureusement accouchée ce matin après deux heures de souffrances d'un beau garçon, elle et son enfant sont aussi bien que possible. Je sais combien vous partagerez notre joie ainsi que votre excellent père. Je vous embrasse bien contente.

III
M. de Chateaubriand

Paris, 31 juillet 1830.

Sorti hier pour aller vous voir, j'ai été reconnu dans les rues, trainé et porté en triomphe, bien malgré moi, et ramené à la chambre des pairs où il y avoit réunion. Aujourd'hui, je suis si découragé par ma gloire que je n'ose plus sortir; je vais entrer dans une carrière périlleuse où je me trouverai presque seul, mais où je me ferai tuer, s'il le faut. Je veux rester fidèle à mes serments, même envers des parjures. Quel malheur d'être si loin de Vous! point de voiture, aucun moyen de communication.

Mille hommages, Madame, je tâcherai de saisir quelque occasion pour aller jusques dans la rue d'Anjou. La nuit seroit le bon moment, mais je ne puis à cause des frayeurs de Mde de Ch., des malades et des réfugiés qui m'ont demandé l'hospitalité. Mde R. n'est pas revenue, je m'attende à la voir arriver à chaque instant.

Paris, le 13 mai 1831.

Je me suis présenté à votre porte pour deux bien tristes raisons. Croyez, Madame, à toute la part que je prends à Votre douleur ainsi qu'à celle de Monsieur d'Osmond. Je vais quitter la France, je ne sais si je vous reverrai jamais. Si vous voulez bien me conserver, un souvenir, j'en serai plein de reconnoissance.

Recevez, Madame, je vous prie, avec mes adieux, l'hommage empressé de mon respect.

Chateaubriand.

IV
Le Baron Séguier, consul général de France à Londres

Londres, le 13 août 1830.

Madame,

Quoique très affairé et non moins souffrant, je ne veux pas laisser passer ce courrier sans vous accuser au moins réception de votre lettre du cinq du courant, et de l'incluse que je n'ai pu encore remettre, mais que je remettrai s'il y a lieu.

La manière dont vous parlez de notre nouvel état de choses m'a fait grand plaisir, car elle prouve qu'il se confirme, et c'est la confiance en nous même, avec l'union, qui peut achever de nous sauver. On est ici dans l'admiration de nous; les papiers anglais ne sont pleins que d'amendes honorables sur notre mauvaise réputation passée; nous ne sommes plus bons à faire seulement des danseurs et des perruquiers, nous sommes ce qu'il y a de mieux dans le monde après les Anglais. Tous ces nouveaux éloges semblent donnés de bonne foi, et, si nous continuons à les mériter, une noble estime peut se former entre les deux peuples; nous marcherions alors unis, hand in hand, et le bonheur avec la liberté de l'Europe seraient assurés.

Pouvez vous lire ce griffonage! ma main me refuse le service.

Adieu, Madame, présentez l'hommage de mon dévouement à votre famille et ne doutez jamais de mon aussi réel que respectueux attachement

bon Séguier.

V
Adrien de Montmorency, duc de Laval

Monsures, 5 Sepbre.

Ma vieille amitié se sent très touchée, très émue des expressions singulièrement tendres et pénétrantes que je viens de lire dans votre lettre du 2. Vous accordez beaucoup d'intérêt et de pitié, à mes nouvelles douleurs. Cet excès de malheur, qui comble la mesures de mes misère, a remué en vous les souvenirs de notre intimité passée. Vous m'adressez de doux reproches que je suis très loin de mal recevoir.

Mais pourquoi ai-je été blessé? c'est, pour ne rien dissimuler, que, depuis quelques années, notre amitié déjà si vieille, et si intime s'étoit encore resserrée par une confiance sans bornes de ma part. C'est que je vous aimois comme une sœur de mon choix; c'est que je trouvois en vous, ma chère Adèle, une amie douée de raison, de jugement, de dévouement avec un charme infini dans le commerce de la vie; il y avoit alors sympathie en toutes choses, en toutes circonstances, entre vous, et moi. Nous étions alors amis dans toute la perfection de ce sentiment.

Ainsi que nos parens nous avoient donné l'exemple de cette union inaltérable, cette seconde génération d'amis me sembloit réunir à la fois ce qu'il y avoit de plus solide, de plus doux et de plus honorable pour le cœur.

Qui donc a changé et bouleversé cet état de choses? qui a formé de nouvelles amitiés, de nouveaux liens, qui a repoussé nos vieux souvenirs? ce n'est pas moi. Vous avez raison lorsque vous dites qu'il ne faut pas rompre les vieilles liaisons pour en chercher de nouvelles; personne plus que moi n'est pénétré de ces puissantes admirables expressions de Shakespeare

 
«those friends thou hast, and their adoption tried
grapple them to thy soul with hooks of steel.»
 

Je veux répondre à votre procédé avec tendresse, et sans récrimination; j'irai vous voir incessament; s'il ne s'agissoit que de vous aimer comme une ancienne connoissance, de m'en tenir à l'agrément de votre esprit, à la distraction d'une des maisons les plus agréables qui existent encore à Paris, ce seroit déjà fait, ou plutôt, je ne vous aurois témoigné aucun dissentiment. Vous n'avez à vous plaindre de mes froideurs que parce que vous étiez placée beaucoup plus intimement dans mon affection, dans mon estime, dans ma confiance; encore une fois, je le répète, j'irai vous voir à ma 1re course au val, je vous serrerai la main comme autrefois, et nous essayerons tous deux de fermer cette playe et de guérir cette profonde blessure.

Je retourne demain pour quelques jours à la r. de l'université; et bien loyalement je vous déclare, ma chère adèle, que j'ai été bien sensible à la lettre [que] je réponds.

Je remets à Mad. Recamier ce mot pour vous, je pars pour Genève, et vous savez les consolations que j'y vais chercher: ne seroit-ce que ce secret, en commun avec moi, notre amitié seroit éternelle, et à l'abri des révolutions; la France, le pauvre pays pourroit être bouleversée dans ses entrailles que notre vieille amitié fraternelle n'en pourroit être altérée, n'importe la différence de nos couleurs.

Ainsi pardonnez moi ma solitude, et jurez moi amitié; c'est un serment qui ne sera changé, ni violé par moi.

Adrien.

Samedi 28.

Écrivez à M. Louis Bellanger, poste restante à Genève.

17 mars, Gênes [1831].

Avant hier soir à 11 h. 1/2 lorsque je lisois quelques pages angloises de Walter-Scott pour endormir mes chagrins sans y réussir, est entré dans ma chambre un ambassadeur poudré, de la meilleure compagnie, de doctrine pas si bonne à mon sens, mais si agréable dans les manières et si amical dans les souvenirs, que j'ai joui beaucoup de cette visite inattendue.

Vous pénétrez que c'est d'un de vos amis, ou au moins d'une de vos connoissances que je veux parler; il alloit en toute diligence là où je l'avois accueilli, il y a cinq ans, avec sa femme et sa famille.

Depuis mon départ de Paris, je n'avois rencontré si bonne, intéressante, instructive conversation; cet entretien a éclairci, a raffraichi toutes mes idées sur des sujets, des complications bien confuses pour ma pauvre ignorance.

Il est reparti immédiatement en toute diligence pour sa destination.

Il me parait évident que vous êtes trop loyal dans votre cabinet pour ne pas vouloir de guerre, pour en rejetter les horreurs et les chances, à quelque prix que ce soit, pourvû que vous soyez les Maîtres, ce qui peut n'arriver pas; il est permis de s'en inquiéter.

Vous étiez bien aimable, amical dans votre dniére lettre. Vous vouliez me consoler de choses inconsolables; ce qui n'est pas dans la puissance humaine. Vous reverrais-je dans quelques semaines, quelques mois? Je ne le sais. Toujours, et dès ma jeunesse, j'ai eu horreur des injures et des outrages qui ne peuvent se venger avec l'aide d'un seul bras; me garantirez vous le repos dans la dignité? dans toute l'Europe, je puis voyager. Mon nom, j'ose le dire, est un noble passeport, ma conduite une bonne lettre de recommandation; avec ces deux choses, je puis aller, séjourner dans toutes les monarchies de tous les tempéramens, comme dans les 22 républiques de la Suisse; je trouve ma place au 1er rang de la société, à Genève, comme à Londres, Vienne, Rome, etc. Chez nous, il n'y a rien de cela; ce nom et cette conduite, c'est un soupçon, c'est une surveillance, une perquisition.

Dieu m'est témoin que les nobles inconvéniens, les dangers, je ne les appréhende pas.

En vérité, je ne sais si ce n'est pas une inconvenance, un mal-à-propos de causer ainsi tout haut, et de vous importuner de mes irrésolutions; quoiqu'il en soit, c'est la franchise de l'amitié; et la mienne est de si vieille date et de si bonne trempe que vous n'avez jamais pû recueillir un plus sincère hommage.

Je m'étonne que notre amie Juliette ne m'envoie jamais un souvenir; je m'en sens plus humilié que blessé, puisqu'enfin j'étois le plus ancien de ses amis; j'ai souvenance d'une petite lettre sans réponse au commencement de l'année.

Mille complimens à Poz…; j'avais vû son neveu à Florence, aimé et goûté dans la meilleure compagnie.

 
25 mai, Milan [1831]

Une lettre du 17 que je reçois à l'instant de Caroline m'informe de l'objet d'une course qu'elle fesoit à Paris pour donner à votre pauvre père un témoignage de son intérêt à sa profonde douleur. Cette douleur, ma chère amie, est également la vôtre; et qui sait mieux que moi en mesurer l'étendue, et apprécier tout ce qu'elle renferme d'amertume! une mère dont jamais vous ne vous étiez séparée; la famille la plus unie, la plus dévouée, la plus intimement dévouée les uns envers les autres qui exista jamais! je connois donc tout ce que vous devez souffrir, tout le poids de cette insupportable douleur, tout ce que le ciel a réservé de chagrins pour les vieux jours de votre si bon et si vénérable père. Veuillez lui offrir les intimes hommages de ma vieille amitié héréditaire; je sens pour lui ce que sentiroit mon angélique Mère, si elle étoit encore sur cette terre; dans toutes les circonstances qui nous brisent le cœur, nous devons les partager; nous aimer beaucoup enfin, par la raison que les sentimens prennent une double force lorsqu'ils sont transmis de génération en génération.

Voilà, ma très chère Adèle, l'expression des 1ers mouvements que produit dans mon âme si ouverte à toutes les émotions douloureuses la lettre de Caroline. Veuillez, je vous en conjure, vous en pénétrer, et offrir aussi à votre frère les assurances de toute ma sensibilité.

Le 4 de ce mois, je vous répondois, et je vous disois les alarmes que me causoit la poitrine de mon petit compagnon. C'est cette cruelle maladie qui nous retient ici depuis 5 semaines; il est en convalescence à présent; le médecin très habile se flatte que la playe au poumon est cicatrisée; nous espérons pouvoir nous mettre en route dans une 12aine de jours. Nous voyagerons lentement avec les plus excessives précautions; nous irons d'abord séjourner à Lausanne; c'est là que je vous demande une réponse; vous ne la refuserez pas à une vieille amitié qui sympathise si étroitement avec vos chagrins. À Lausanne, je prendrai mes dernières résolutions, c. à. d. des résolutions pour quelques semaines, quelques mois; ce n'est pas la moindre des peines que de vivre toujours dans le doute, et d'user sa vie dans l'incertitude du lendemain.

Les papiers fois annoncent que leur héros est parti pour Genève. Je n'apprends pas que Juliette ait encore prit ce parti. Mais quel est l'établissement que va former son ami? et de qui le compose-t-il? son génie et sa femme ne lui suffisent pas. C'est sans doute à la campagne qu'il va le poser, on m'avoit parlé de Coppet; cela n'appartient-il pas à la veuve d'Auguste?

J'ai vu des arrivans de Vienne qui disent des merveilles de votre ami Marm., de ses habitudes avec un jeune homme de 20 ans, et de ses intimités avec un ministre de Po. Il y a là dedans plus de diplomatie que d'affection.

Adieu, chère et malheureuse amie; quelque soit votre sort et le mien, je ne cesserai de vous aimer de la tendresse la plus fraternelle.