Buch lesen: «Si elle courait »
Si elle courait
(un mystère kate wise—volume 3)
b l a k e p i e r c e
Blake Pierce
Blake Pierce est l’auteur de la série à succès mystère RILEY PAIGE, qui comprend quinze volumes (pour l’instant). Black Pierce est également l’auteur de la série mystère MACKENZIE WHITE, comprenant neuf volumes (pour l’instant) ; de la série mystère AVERY BLACK, comprenant six volumes ; de la série mystère KERI LOCKE, comprenant cinq volumes ; de la série mystère MAKING OF RILEY PAIGE, comprenant trois volumes (pour l’instant) ; de la série mystère KATE WISE, comprenant quatre volumes (pour l’instant) ; de la série mystère suspense psychologique CHLOE FINE, comprenant trois volumes (pour l’instant) ; et de la série thriller suspense psychologique JESSE HUNT, comprenant trois volumes (pour l’instant).
Lecteur avide et admirateur de longue date des genres mystère et thriller, Blake aimerait connaître votre avis. N’hésitez pas à consulter son site www.blakepierceauthor.com afin d’en apprendre davantage et rester en contact.
Copyright © 2018 par Blake Pierce. Tous droits réservés. Sous réserve de la loi américaine sur les droits d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, distribuée ou transmise sous quelque forme ou par quelque procédé que ce soit, ni enregistrée dans une base de données ou un système de récupération, sans l'accord préalable de l'auteur. Ce livre électronique est sous licence pour usage personnel uniquement. Ce livre électronique ne peut être ni revendu, ni donné à d'autres personnes. Si vous désirez partager ce livre avec quelqu'un, veuillez acheter une copie supplémentaire pour chaque bénéficiaire. Si vous lisez ce livre et que vous ne l'avez pas acheté, ou qu'il n'a pas été acheté pour votre usage personnel uniquement, veuillez le rendre et acheter votre propre copie. Merci de respecter le travail de cet auteur. Il s'agit d'une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les endroits, les événements et les incidents sont soit le produit de l'imagination de l'auteur, soit utilisés de manière fictive. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite. Image de couverture Copyright Tom Tom, utilisé sous licence de Shutterstock.com.
LIVRES PAR BLAKE PIERCE
SÉRIE SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE JESSIE HUNT
LA FEMME PARFAITE (Volume 1)
LE QUARTIER PARFAIT (Volume 2)
LA MAISON PARFAITE (Volume 3)
SÉRIE SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE CHLOE FINE
LA MAISON D’À CÔTÉ (Volume 1)
LE MENSONGE D’UN VOISIN (Volume 2)
VOIE SANS ISSUE (Volume 3)
SÉRIE MYSTÈRE KATE WISE
SI ELLE SAVAIT (Volume 1)
SI ELLE VOYAIT (Volume 2)
SI ELLE COURAIT (Volume 3)
SI ELLE SE CACHAIT (Volume 4)
LES ORIGINES DE RILEY PAIGE
SOUS SURVEILLANCE (Tome 1)
ATTENDRE (Tome 2)
PIEGE MORTEL (Tome 3)
LES ENQUÊTES DE RILEY PAIGE
SANS LAISSER DE TRACES (Tome 1)
RÉACTION EN CHAÎNE (Tome 2)
LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (Tome 3)
LES PENDULES À L’HEURE (Tome 4)
QUI VA À LA CHASSE (Tome 5)
À VOTRE SANTÉ (Tome 6)
DE SAC ET DE CORDE (Tome 7)
UN PLAT QUI SE MANGE FROID (Tome 8)
SANS COUP FÉRIR (Tome 9)
À TOUT JAMAIS (Tome 10)
LE GRAIN DE SABLE (Tome 11)
LE TRAIN EN MARCHE (Tome 12)
PIÉGÉE (Tome 13)
LE RÉVEIL (Tome 14)
BANNI (Tome 15)
SÉRIE MYSTÈRE MACKENZIE WHITE
AVANT QU’IL NE TUE (Volume 1)
AVANT QU’IL NE VOIE (Volume 2)
AVANT QU’IL NE CONVOITE (Volume 3)
AVANT QU’IL NE PRENNE (Volume 4)
AVANT QU’IL N’AIT BESOIN (Volume 5)
AVANT QU’IL NE RESSENTE (Volume 6)
AVANT QU’IL NE PÈCHE (Volume 7)
AVANT QU’IL NE CHASSE (Volume 8)
AVANT QU’IL NE TRAQUE (Volume 9)
AVANT QU’IL NE LANGUISSE (Volume 10)
LES ENQUÊTES D’AVERY BLACK
RAISON DE TUER (Tome 1)
RAISON DE COURIR (Tome2)
RAISON DE SE CACHER (Tome 3)
RAISON DE CRAINDRE (Tome 4)
RAISON DE SAUVER (Tome 5)
RAISON DE REDOUTER (Tome 6)
LES ENQUETES DE KERI LOCKE
UN MAUVAIS PRESSENTIMENT (Tome 1)
DE MAUVAIS AUGURE (Tome 2)
L’OMBRE DU MAL (Tome 3)
JEUX MACABRES (Tome 4)
LUEUR D’ESPOIR (Tome 5)
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE UN
CHAPITRE DEUX
CHAPITRE TROIS
CHAPITRE QUATRE
CHAPITRE CINQ
CHAPITRE SIX
CHAPITRE SEPT
CHAPITRE HUIT
CHAPITRE NEUF
CHAPITRE DIX
CHAPITRE ONZE
CHAPITRE DOUZE
CHAPITRE TREIZE
CHAPITRE QUATORZE
CHAPITRE QUINZE
CHAPITRE SEIZE
CHAPITRE DIX-SEPT
CHAPITRE DIX-HUIT
CHAPITRE DIX-NEUF
CHAPITRE VINGT
CHAPITRE VINGT ET UN
CHAPITRE VINGT-DEUX
CHAPITRE VINGT-TROIS
CHAPITRE VINGT-QUATRE
CHAPITRE VINGT-CINQ
CHAPITRE VINGT-SIX
CHAPITRE VINGT-SEPT
CHAPITRE VINGT-HUIT
CHAPITRE VINGT-NEUF
CHAPITRE UN
Elle avait les nerfs à vif et l’estomac légèrement retourné. Les gants de boxe lui semblaient étrangers à son corps et le casque l’étouffait un peu. Mais aucun de ces éléments n’étaient vraiment nouveaux pour Kate Wise – ça faisait maintenant deux mois qu’elle s’entraînait, mais c’était la toute première fois qu’elle affrontait un véritable partenaire. Bien qu’elle sache que ce n’était que pour le fun et que ça faisait partie du programme d’entraînement, ça la rendait néanmoins nerveuse. Elle allait assener de vrais coups à quelqu’un et ce n’était pas quelque chose qu’elle prenait à la légère.
Elle regarda son partenaire qui se trouvait de l’autre côté du ring, une jeune femme qu’elle essayait de ne pas considérer comme son adversaire. Elle était également membre de la petite salle de gym qui organisait le programme d’entraînement à la boxe. Elle s’appelait Margo Dunn et elle suivait ce cours pour la même raison que Kate ; c’était un entraînement idéal pour tonifier l’ensemble du corps et qui finalement n’impliquait pas trop d’endurance ni d’exercices de musculation.
Margo sourit à Kate au moment où son entraîneur lui glissa un protège-dents en bouche. Kate lui fit un petit signe de la tête en guise de réponse, pendant que son propre entraîneur faisait de même. Quand elle sentit la protection bien en place, elle eut l’impression d’être une nouvelle personne. Elle était maintenant en mode boxe. Oui bien sûr, elle était encore nerveuse et elle était un peu mal à l’aise avec la situation, mais c’était le moment d’y aller. C’était le moment de s’entraîner. Il n’y avait que sept personnes qui assistaient à leur confrontation – les entraîneurs et deux autres membres du gymnase, curieux de voir le match.
Elle entendit le gong retentir sur le côté du ring, signalant le début du premier round. Kate s’avança vers le milieu du ring, où elle retrouva Margo. Elles choquèrent gants contre gants en signe de salut, avant de faire deux pas en arrière.
Et le combat commença. Kate se déplaça en arc-de-cercle, le temps que ses jambes trouvent leur rythme. On lui avait appris qu’elle devait se déplacer comme si elle dansait. Elle fit un pas en avant et donna son premier coup. Margo le bloqua facilement mais c’était plus de l’échauffement qu’autre chose. Kate frappa à nouveau, un petit coup direct du gauche. Margo le bloqua à nouveau et riposta avec un direct de la gauche qui atteignit Kate sur le côté de la tête. Le coup avait été porté en douceur – car après tout, ce n’était qu’un match d’entraînement – et atteignit le côté rembourré de son casque. Mais ce fut néanmoins suffisant pour la faire légèrement tituber.
Tu as cinquante-six ans, pensa-t-elle. Il ne faut pas que tu l’oublies.
C’est le moment que choisit Margo pour attaquer avec un crochet du droit. Kate l’esquiva et le fait d’éviter aussi facilement le coup lui donna plus confiance en elle. Et quand elle parvint aisément à bloquer l’attaque suivante de Margo, elle eut d’autant plus envie de se surpasser.
Tu sais parfaitement pourquoi tu fais ça, pensa-t-elle. Ça fait neuf semaines que tu t’entraînes, tu as déjà perdu huit kilos et tu n’as jamais eu un corps aussi ferme de ta vie. Tu as l’impression d’avoir vingt ans de moins et pour être tout à fait honnête… c’est la première fois que tu te sens aussi forte.
Et c’était vrai. Et bien qu’elle soit encore loin de maîtriser l’art de la boxe, elle savait qu’elle en avait maintenant assimilé les bases.
C’est dans cet état d’esprit qu’elle fit un pas en avant et feinta un coup du gauche avant de lui décocher un crochet du droit. Quand le coup atteignit le menton de Margo, Kate suivit avec une attaque du gauche… puis une autre. Les deux coups atteignirent leur cible et Margo tituba légèrement. Elle eut l’air légèrement surprise en reculant vers les cordes. Mais ça ne l’empêcha pas de lui sourire. Tout comme Kate, elle savait qu’il ne s’agissait que d’un entraînement et qu’elle venait juste d’apprendre une leçon : de rester en permanence vigilante et de ne pas se laisser avoir par les feintes de l’adversaire.
Margo riposta avec deux coups, dont l’un atteignit Kate dans les côtes. Elle fut un instant à court de souffle et le temps qu’elle reprenne ses esprits, elle eut juste le temps de voir arriver un crochet de la droite. Elle essaya de l’esquiver mais il était déjà trop tard. Le coup l’atteignit sur le côté rembourré de son casque et la fit tituber en arrière.
Elle fut légèrement étourdie, sa vue se brouilla et ses genoux flanchèrent un peu. Elle envisagea de se laisser tomber au sol, juste pour reprendre son souffle.
Oui… je suis trop vieille pour ça.
Mais en même temps, elle se dit : Tu connais d’autres femmes de plus de cinquante ans qui pourraient recevoir un tel coup et être toujours debout ?
Kate riposta avec deux crochets et un coup porté en direction de Margo. Deux de ses attaques atteignirent leur cible et Margo tituba à nouveau dans les cordes. Mais elle se ressaisit tout de suite et s’élança vers Kate en lui décochant un uppercut, qui était plus destiné à forcer Kate à lever les bras pour bloquer le coup et ainsi, laisser le champ libre à Margo pour l’attaquer là où son corps serait à découvert. Mais Kate remarqua la légère hésitation dans son approche et comprit quelle était son intention. Au lieu de bloquer l’uppercut, elle fit un pas sur le côté, puis lui décocha un crochet de la droite qui atteignit Margo sur le côté du crâne.
Margo alla directement au tapis. Elle tomba sur le ventre et roula rapidement sur elle-même. Elle retourna vers le coin de son ring et sortit le protège-dents de sa bouche. Elle sourit à Kate et secoua la tête d’un air incrédule.
« Je suis désolée, » dit Kate, en s’approchant de Margo. ´
« Ne le sois pas, » dit Margo. « Je ne comprends pas comment tu arrives à être aussi rapide. C’est moi qui devrais m’excuser. Parce qu’avec ton âge, j’avais pensé que tu serais… plus lente. »
L’entraîneur de Kate – un type grisonnant d’une soixantaine d’années avec une longue barbe blanche – grimpa entre les cordes, en rigolant. « J’ai fait la même erreur, » dit-il. « J’ai eu un œil au beurre noir pendant une semaine à cause de ça. Je me suis ramassé exactement le même coup qui vient juste de te mettre au tapis. »
« Ne sois pas aussi désolée, » dit Kate. « Le coup que j’ai reçu à la tête m’a vraiment bien sonnée. Ça a failli me mettre au tapis. »
« Ça aurait dû être le cas d’ailleurs, » dit l’entraîneur. « Franchement, c’était un peu violent pour un simple match d’entraînement. » Il regarda ensuite en direction de Margo. « C’est toi qui vois. Tu veux continuer le match ? »
Margo hocha la tête et se mit debout. Son entraîneur lui remit le protège-dents en bouche. Les deux femmes retournèrent à leur coin de ring et attendirent le signal.
Mais Kate n’eut pas le temps d’attendre le gong. Elle entendit la sonnerie de son téléphone. Et c’était la sonnerie qu’elle avait spécifiquement attribuée aux appels venant du FBI.
Elle sortit le protège-dents de sa bouche et tendit ses poignets gantés vers son entraîneur. « Désolée, » dit-elle. « Il faut que je réponde. »
Son entraîneur était au courant de son travail à temps partiel en tant qu’agent. Il trouvait que c’était plutôt impressionnant (c’était ses mots à lui, pas à elle) qu’elle refuse de prendre totalement sa retraite d’un boulot comme celui-là. Alors quand il lui dénoua les gants, il le fit aussi vite que possible.
Kate passa à travers les cordes et se précipita vers son sac de sport, qui se trouvait contre le mur. Elle ne le laissait jamais au vestiaire, pour le cas où elle recevrait ce genre d’appel. Elle attrapa son téléphone et fut à la fois excitée et anxieuse quand elle vit qu’il s’agissait du directeur adjoint Duran.
« Agent Wise, » dit-elle, en décrochant.
« Wise, c’est Duran. Vous avez une minute ? »
« Oui, » dit-elle, en regardant le ring d’un air un peu déçu. L’entraîneur de Margo était occupé à la briefer sur la manière d’éviter les feintes. « Qu’est-ce que je peux faire pour vous ? »
« J’ai besoin de vous sur une enquête, avec effet immédiat. Je veux que vous et DeMarco preniez l’avion dès ce soir. »
« Je ne sais pas, » dit-elle. Et c’était la vérité. C’était très soudain comme demande et au cours de ces dernières semaines, elle avait plusieurs fois abordé ce thème avec Mélissa, sa fille, et le fait de ne plus vouloir être aussi facilement disponible pour des missions de dernière minute. Elle avait passé beaucoup de temps avec Mélissa et Michelle, sa petite-fille, au cours de ce dernier mois, et leur entente était finalement au beau fixe – une certaine routine s’était même installée entre elles. Elles étaient enfin parvenues à ressembler à une véritable famille.
« J’apprécie que vous ayez pensé à moi, » dit Kate. « Mais je ne suis pas sûre de pouvoir accepter. C’est vraiment très dernière minute. Et prendre un avion… ça veut dire que ce n’est pas tout près. Je ne suis pas sûre d’être prête pour un long voyage. Où a lieu l’enquête ? »
« À New York. Kate… Je suis presque sûr que ça a un lien avec l’affaire Nobilini. »
En entendant ce nom, elle fut parcourue d’un frisson. Ses oreilles se mirent à bourdonner et ce n’était pas lié au coup qu’elle avait reçu de Margo. Elle revit mentalement des images datant de près de huit ans et qui semblaient venir la narguer.
« Kate ? »
« Je suis là, » dit-elle. Elle regarda à nouveau en direction du ring. Elle vit Margo occupée à s’étirer et à sauter sur place, prête pour le round suivant.
C’était dommage, mais il n’y aurait pas d’autre round. Car dès que Kate avait entendu prononcer le nom de Nobilini, elle avait su qu’elle accepterait l’affaire. Elle n’avait pas le choix.
L’affaire Nobilini lui avait filé entre les doigts il y a huit ans – l’un des seuls véritables échecs qu’elle ait eu au cours de sa carrière.
C’était l’occasion pour elle de l’élucider – de clôturer la seule affaire qui l’avait véritablement dépassée.
« À quelle heure est le vol ? » demanda-t-elle à Duran. ´
« Dulles à JFK, il décolle dans quatre heures. »
Une vague de tristesse l’envahit en pensant à Mélissa et à Michelle. Mélissa ne comprendrait pas mais Kate ne pouvait pas laisser passer cette opportunité.
« J’y serai, » dit-elle.
CHAPITRE DEUX
Kate réussit à faire sa valise et à sortir de Richmond en moins d’une heure et demie. Quand elle retrouva sa coéquipière, Kristen DeMarco, devant l’un des nombreux Starbucks de l’aéroport international de Dulles, il ne leur restait plus que dix minutes avant le décollage. La plupart des passagers avaient déjà embarqué.
Quand elle la vit, DeMarco se dirigea à vive allure en direction de Kate, avec un café en main. Elle lui sourit et secoua la tête. « Si tu déménageais à Washington, tu ne serais pas toujours obligée de te dépêcher et tu arriverais plus souvent à l’heure. »
« Ce n’est même pas envisageable, » dit Kate, quand elle la rejoignit. « Déjà que ce boulot à temps partiel me tient plus souvent éloignée de ma famille que je le voudrais. Si j’étais obligée de déménager à Washington, je refuserais. »
« Comment vont Mélissa et Michelle ? » demanda DeMarco.
« Elles vont bien. J’ai parlé à Mélissa pendant le trajet vers l’aéroport. Elle m’a dit qu’elle comprenait et qu’elle me souhaitait bonne chance. Et pour une fois, j’ai même eu l’impression qu’elle le pensait vraiment. »
« Tant mieux. Je te l’avais dit qu’elle finirait par comprendre. J’imagine que ça doit être cool d’avoir une mère aussi dure à cuire que toi. »
« Je suis loin d’être une dure à cuire, » dit Kate, au moment où elles arrivèrent à la porte d’embarquement. Mais elle repensa à son match de boxe contre Margo et elle se dit que c’était peut-être un surnom qui ne lui allait pas si mal que ça… en tout cas, en partie.
« La dernière chose qu’on m’a dite à ton sujet, » dit Kate, « c’est que tu enquêtais sur un triple meurtre dans le Maine. »
« Oui, effectivement. On a clôturé l’enquête il y a une semaine – on était six agents à travailler dessus. Quand Duran m’a appelée concernant cette nouvelle affaire, il m’a dit qu’il pensait faire appel à toi et il m’a demandé si j’étais d’accord. J’ai bien entendu sauté sur l’occasion. Je lui ai dit que j’aimerais travailler avec toi aussi souvent que possible à l’avenir. »
« Merci, » dit Kate. Mais elle n’en dit pas plus. Ça lui allait droit au cœur mais elle ne voulait pas avoir l’air trop sentimentale.
Elles embarquèrent dans l’avion et prirent place l’une à côté de l’autre. Quand elles furent installées, DeMarco sortit un épais dossier de son sac.
« C’est le dossier complet concernant l’affaire Nobilini, » dit-elle. « Vu que tu as travaillé dessus, j’imagine que tu en connais tous les détails, non ? »
« Probablement, » dit Kate.
« C’est un vol assez court, » dit DeMarco. « Je préférerais que tu me racontes ce que tu sais, plutôt que de le lire dans un dossier. »
Kate aurait eu la même réaction. Mais elle avait aussi très envie de parler des détails de cette affaire avec DeMarco. Elle n’était jamais vraiment parvenue à oublier cette enquête au fil des ans, même si elle avait fait de son mieux pour ne pas se focaliser sur le seul véritable échec de sa carrière.
Alors que l’avion se dirigeait vers la piste de décollage, Kate commença à résumer les détails de cette affaire. Elle dut s’interrompre lors des communications du personnel de bord mais au fur et à mesure qu’elle parlait, elle eut l’impression que cette affaire était de nouveau d’actualité. C’était peut-être parce que ça faisait longtemps qu’elle ne s’y était plus intéressée, ou peut-être que c’était le fait d’avoir en partie pris sa retraite, mais l’enquête lui semblait à nouveau ouverte.
Elle expliqua à DeMarco les détails de cette enquête dans un quartier de banlieue chic, près de New York. Il n’y avait eu qu’un seul mort, mais un membre du Congrès avait demandé une enquête du FBI, en raison de ses liens étroits avec la victime. Aucune empreinte, aucun indice. La victime, Frank Nobilini, avait été retrouvée dans une ruelle dans le quartier de Midtown. Apparemment, il se rendait au travail. Le meurtre avait eu lieu entre son parking et son bureau. Une seule balle tirée dans la nuque. Dans le genre exécution.
« Mais quelqu’un l’a visiblement forcé à se rendre dans cette ruelle ? » demanda DeMarco.
« Ça reste encore une énigme. Nous pensons que Nobilini a été un peu malmené, qu’on l’a forcé à se mettre à genoux avant de lui tirer une balle dans la nuque. Il y avait du sang et des bouts de cervelle sur le mur du bâtiment à côté de lui. Il tenait encore les clés de sa BMW en main. »
DeMarco hocha la tête et laissa Kate continuer son récit.
« La victime était originaire d’une petite ville chic de banlieue, du nom de Ashton, » dit Kate. « C’est le genre de ville qui attire les visiteurs pour ses magasins d’antiquités hors de prix, ses restaurants excessivement chers et ses maisons impeccables. »
« Et c’est ce que je ne comprends pas, » dit DeMarco. « Dans ce genre d’endroit, les gens ont tendance à jaser, non ? Il serait normal que quelqu’un sache quelque chose ou ait une idée de qui aurait pu faire ça. Mais il n’y a rien dans le dossier. » Elle prononça cette dernière phrase en tapotant le dossier des doigts.
« Ça m’a toujours décontenancée, » dit Kate. « Ashton est un endroit huppé. Mais c’est également une communauté soudée. Tout le monde se connaît et se montre aimable avec ses voisins. Il y a beaucoup d’entraide entre eux, ils participent tous aux fêtes d’école, ce genre de choses. C’est vraiment l’image de la banlieue parfaite. »
« Aucun mobile pour un tueur, alors ? » demanda DeMarco.
« Aucun dont j’ai pu avoir connaissance. Il y a environ trois mille habitants à Ashton. Et bien que l’endroit attire pas mal de monde de New York et de la région, son taux de criminalité est vraiment bas. C’est la raison pour laquelle l’affaire Nobilini a fait beaucoup parler d’elle il y a huit ans, même si le meurtre n’a pas eu lieu à Ashton. »
« Et il n’y a jamais eu d’autres meurtres dans le genre ? »
« Non, pas jusqu’à maintenant. Je pense que l’assassin a dû remarquer la présence du FBI et que ça l’a effrayé. Dans une ville de cette taille, il est très facile de remarquer des agents du FBI. » Kate s’interrompit et prit le dossier des mains de DeMarco. « Qu’est-ce que Duran t’a raconté ? »
« Pas grand-chose. Il a dit que c’était urgent et il m’a demandé de lire le dossier. »
« Est-ce que tu as vu le genre d’arme qui a été utilisée pour le meurtre ? » demanda Kate.
« Oui. Un Ruger Hunter Mark IV. Ça m’a semblé bizarre, presque professionnel. Ce n’est pas une arme banale pour un simple meurtre sans mobile apparent. »
« Je trouve aussi. La balle et la douille que nous avons retrouvées nous ont facilement permis d’identifier l’arme. Mais malgré le fait que ce soit une arme particulière et assez rare, le fait qu’elle ait été utilisée nous donne une autre indication : que l’assassin est quelqu’un qui ne doit pas être habitué à tuer des gens. »´
« Pourquoi ? »
« Si c’était quelqu’un qui savait ce qu’il faisait, il saurait que le Ruger Hunter Mark IV laisserait une douille. Ce qui en fait un très mauvais choix d’arme pour un meurtre. »
« J’imagine que le meurtre qui nous intéresse aujourd’hui a été commis avec le même genre d’arme ? » demanda DeMarco.
« Selon Duran, il s’agit exactement de la même arme. »
« Alors l’assassin a décidé de frapper à nouveau huit ans plus tard. C’est bizarre. »
« Eh bien, c’est quelque chose que nous allons devoir vérifier, » dit Kate. « Tout ce que Duran m’a dit, c’était que le meurtre avait été mis en scène. Et que l’arme utilisée pour l’assassinat était du même genre que celle qui avait tué Frank Nobilini. »
« Oui, et que ça s’est passé dans le quartier de Midtown. Je me demande si cette dernière victime a aussi un lien avec Ashton. »
Kate se contenta de hausser les épaules. L’avion tressaillit sous l’effet de turbulences. Ça lui avait fait du bien de résumer les détails de cette affaire. Ça lui avait permis de rafraîchir ses souvenirs et d’avoir l’impression que l’enquête était à nouveau ouverte. Peut-être qu’après huit ans, elle verrait les choses d’un autre œil.
***
Ça faisait longtemps que Kate n’était plus venue à New York. La dernière fois, c’était pour une escapade d’un weekend avec Michael, son mari, peu avant qu’il ne meure. Les embouteillages et le trafic étaient toujours aussi impressionnants. En comparaison, Washington semblait être une ville de province. Le fait qu’il soit presque vingt et une heures un vendredi soir n’aidait pas non plus.
Elles arrivèrent à la scène de crime à 20h42. Kate gara leur voiture de location aussi près que possible du ruban délimitant la scène. Le crime avait eu lieu dans une petite ruelle située sur la 43e rue, à quelques pâtés de maisons de Grand Central. Deux voiture de police étaient garées face à face devant la ruelle, sans vraiment en bloquer l’accès, mais pour clairement indiquer que les lieux n’étaient pas ouverts aux badauds.
Quand Kate et DeMarco arrivèrent à la ruelle, un policier de taille imposante les arrêta. Mais quand Kate lui montra son badge, il haussa les épaules et souleva le ruban pour les laisser passer. Elle vit qu’il regardait DeMarco au moment où elle se baissa pour passer en-dessous du ruban. Elle se demanda si DeMarco, qui ne cachait pas son homosexualité, était dérangée par le fait qu’un homme la regarde ou si elle trouvait ça plutôt flatteur.
« Le FBI, » dit le policier, en soupirant. « On m’a dit que vous alliez venir. Je trouve que c’est un peu exagéré, car c’est une affaire qui n’a pas trop l’air compliquée. »
« On vient juste vérifier l’un ou l’autre détail, » dit Kate, en s’enfonçant dans la ruelle sombre en compagnie de DeMarco.
Les voitures de police à l’entrée de la ruelle avaient été garées de manière à éclairer un peu la ruelle de leurs phares. Les ombres étirées de Kate et de DeMarco ajoutaient une touche sinistre à la scène.
Au fond de la ruelle – qui se terminait en cul-de-sac sur un mur en briques – deux policiers et un détective en civil formaient un demi-cercle. Contre le mur devant eux, Kate discerna une forme sombre. Il s’agissait sûrement de la victime. Elles s’approchèrent des trois hommes et elles se présentèrent, tout en leur montrant leur badge.
« Enchanté de vous rencontrer, » dit l’un des policiers. « Mais pour être tout à fait franc, je ne comprends pas pourquoi le FBI a autant insisté pour nous envoyer quelqu’un. »
« On en a déjà parlé, » dit le détective en civil. Il devait avoir la quarantaine et il avait une allure un peu grunge. De longs cheveux foncés, il était mal rasé, et il portait des lunettes qui faisaient penser à celles de Buddy Holly.
« C’est toujours pareil, » dit le détective. Il regarda Kate, leva les yeux au ciel, et dit : « Lorsqu’un crime date de plus d’une semaine, la police de New York ne veut plus s’en occuper. Ils n’arrivent pas à comprendre comment on peut s’intéresser à un crime qui remonte à plus de huit ans. C’est moi qui ai appelé le FBI. Je me rappelle qu’ils étaient très impliqués sur l’affaire Nobilini à l’époque, en raison de liens avec quelqu’un du Congrès, c’est bien ça ? »
« C’est bien ça, » dit Kate. « Et c’est moi qui dirigeais l’enquête à l’époque. »
« Enchanté de faire votre connaissance. Je suis le détective Luke Pritchard. J’ai toujours été intéressé par les affaires non résolues. Et celle-ci a attiré mon attention en raison de l’arme qui a été utilisée et le fait que le meurtre ressemble à une exécution. Si vous regardez de plus près, vous verrez des éraflures sur le front de la victime. Apparemment, l’assassin l’a forcée à s’appuyer contre le mur en briques. » Il posa la main sur le côté de l’édifice qui se trouvait à leur droite, où des éclaboussures de sang avaient séché.
« On peut s’approcher ? » demanda Kate.
Les deux policiers haussèrent les épaules, avant de s’écarter. « Bien sûr, » dit l’un d’entre eux. « Avec un détective et le FBI sur l’affaire, nous vous laissons faire. »
« Amusez-vous bien, » dit l’autre policier. Sur ces mots, ils tournèrent les talons et se retournèrent vers l’entrée de la ruelle.
Kate et DeMarco s’approchèrent du corps. Pritchard resta légèrement en arrière pour leur laisser un peu d’espace.
« Eh bien, » dit DeMarco, « on peut déjà en conclure que la cause de la mort est assez claire. »
La victime avait en effet un seul impact de balle dans la nuque. La plaie était bien visible, avec un contour net et ensanglanté – exactement comme dans le cas de Frank Nobilini. Il s’agissait d’un homme qui devait avoir la quarantaine. Il portait des vêtements de sport haut de gamme, un fin sweatshirt à capuche et un pantalon de jogging. Les lacets de ses chaussures de sport étaient parfaitement noués et des écouteurs Apple étaient posés juste à côté de lui, comme si ça avait été fait délibérément.
« On connaît déjà son identité ? » demanda Kate.
« Oui, » dit Pritchard. « Jack Tucker. La carte d’identité qu’on a retrouvée dans son portefeuille indique qu’il vit à Ashton. Un lien de plus avec l’affaire Nobilini. »
« Vous connaissez Ashton, détective ? » demanda Kate.
« Pas vraiment. J’y suis passé à l’occasion mais ce n’est pas vraiment le genre d’endroit qui me plaît. Trop parfait, trop propre, dans le genre suranné. »
Elle voyait très bien ce qu’il voulait dire. Elle ne put s’empêcher de se demander ce que ça lui ferait de retourner à Ashton.
« Quand est-ce que le corps a été découvert ? » demanda DeMarco.
« Vers seize heures trente. Je suis arrivé sur les lieux à dix-sept heures quinze et j’ai tout de suite vu le lien avec l’affaire Nobilini. J’ai dû insister pour qu’ils ne bougent pas le corps avant votre arrivée. Je me suis dit que vous auriez besoin de voir la scène. »
« Vous n’avez pas dû vous faire que des amis, » dit Kate.
« Oh, j’ai l’habitude. Beaucoup de policiers me surnomment Vieux Dossier Pritchard. »
« En tout cas, vous avez bien fait, » dit Kate. « Même s’il s’avère qu’il n’y a aucun lien entre les deux affaires, la personne responsable de ce meurtre est toujours en liberté – et il vaudrait mieux qu’on l’épingle, au cas où il aurait l’intention de continuer. »
« Pour l’instant, je n’ai aucune piste, » dit Pritchard. « J’ai pris quelques notes, au cas où vous voudriez y jeter un œil. »
« Ça pourrait nous être utile. J’imagine que la police scientifique a déjà pris des photos ? »