Kostenlos

Venus et Adonis

Text
iOSAndroidWindows Phone
Wohin soll der Link zur App geschickt werden?
Schließen Sie dieses Fenster erst, wenn Sie den Code auf Ihrem Mobilgerät eingegeben haben
Erneut versuchenLink gesendet

Auf Wunsch des Urheberrechtsinhabers steht dieses Buch nicht als Datei zum Download zur Verfügung.

Sie können es jedoch in unseren mobilen Anwendungen (auch ohne Verbindung zum Internet) und online auf der LitRes-Website lesen.

Als gelesen kennzeichnen
Schriftart:Kleiner AaGrößer Aa

CIX. – «Car là où règne l'amour, une jalouse inquiétude s'établit d'elle-même sa sentinelle, donne de fausses alarmes, dénonce la rébellion, et dans un temps de paix crie: Tue, tue! Elle trouble le paisible amour par ses caprices, comme l'air et l'eau éteignent le feu.

CX. – «Ce délateur chagrin, cet espion qui fomente les querelles, cette chenille qui dévore les tendres bourgeons de l'amour, cette jalousie rapporteuse, querelleuse, qui tantôt apporte des nouvelles vraies et tantôt des fausses, elle frappe à la porte de mon coeur et me dit à l'oreille que si je t'aime, je dois craindre ta mort.

CXI. – «Bien plus, elle offre à mes regards le tableau d'un sanglier furieux; sous ses défenses aiguës, je vois étendu sur le dos quelqu'un qui te ressemble, couvert de blessures, et dont le sang répandu sur les fleurs nouvelles les fait pencher de douleur et baisser la tête.

CXII. – «Que ferais-je en te voyant dans cet état, puisque je tremble à cette image? Cette pensée fait saigner mon faible coeur, et la crainte m'enseigne l'avenir! Oui, je prédis ta mort et mon éternelle douleur, si demain tu rencontres le sanglier.

CXIII. – «Mais si tu veux absolument chasser, laisse-toi guider par moi, lance tes chiens contre le lièvre peureux, le renard qui vit de ruse ou le chevreuil qui n'ose rien affronter; poursuis ces timides animaux sur les collines, et tiens tête à ton lévrier sur ton coursier agile.

CXIV. – «Et lorsque tu es sur la trace du lièvre à la vue courte, observe comme le pauvre fugitif devance le vent pour échapper à son danger, et avec quel soin il tourne et traverse et multiplie ses détours; les différents sentiers qu'il suit sont comme un labyrinthe pour dérouter ses ennemis.

CXV. – «Quelquefois il court au milieu d'un troupeau de moutons pour tromper l'odorat subtil des chiens; quelquefois il traverse des lieux souterrains où les lapins habitent, pour arrêter les hurlements sonores de ceux qui le poursuivent; quelquefois encore, c'est dans une troupe de daims qu'il se cache: le danger invente des ruses, la crainte donne de l'esprit.

CXVI. – «Car une fois là, son odeur se mêle à celle d'autres animaux, les lévriers excités reniflent l'air, ils hésitent et ils cessent leurs clameurs jusqu'à ce qu'ils soient parvenus avec peine à reconnaître la piste refroidie. Alors les aboiements recommencent, l'écho répond comme si une autre chasse avait lieu dans les airs.

CXVII. – «Cependant le pauvre lièvre, au sommet d'un coteau lointain, se tient accroupi; il écoute pour entendre si les ennemis le poursuivent encore; il entend de nouveau leurs voix bruyantes, et son désespoir peut bien se comparer à celui d'un malade qui entend retentir le glas.

CXVIII. – «Tu verras ce malheureux, inondé de sueur, tourner et retourner, revenir sur ses pas: chaque broussaille jalouse écorche ses jambes fatiguées; chaque ombre le fait arrêter; le moindre bruit le fait hésiter, car l'infortune est foulée aux pieds par tous, et dans son abaissement elle ne trouve aucun ami.

CXIX. – «Reste tranquille; écoute-moi encore un peu: non, ne me résiste pas, car tu ne te relèveras pas. Si, contre mon habitude, tu m'entends faire de la morale, c'est pour te faire haïr la chasse du sanglier. J'ajoute ceci à cela et une raison à une autre, car l'amour peut faire un commentaire sur tous les maux.

CXX. – «Où en étais-je? – Peu m'importe, dit-il; laissez-moi, et l'histoire finira fort à propos: la nuit se passe. – Eh bien! qu'importe! dit-elle. – Je suis attendu par mes amis, répond-il; voilà qu'il fait obscur, et je tomberai en m'en allant. – Ah! lui dit-elle, le désir ne voit jamais mieux que la nuit.

CXXI. – «Mais si tu tombes, figure-toi que c'est la terre qui, amoureuse de toi, te fait trébucher rien que pour te dérober un baiser. De riches dépouilles rendent les honnêtes gens voleurs; c'est ainsi que tes lèvres rendent la modeste Diane dédaigneuse et solitaire; elle a peur d'être tentée de te voler un baiser et de mourir parjure.

CXXII. – «Maintenant je devine la raison de cette nuit si sombre. Cynthie honteuse obscurcit son diadème d'argent, jusqu'à ce que la nature soit condamnée comme traître et faussaire pour avoir volé au ciel les moules divins dans lesquels elle t'a formé, en dépit des cieux, pour éclipser le soleil pendant le jour et Cynthie pendant la nuit.

CXXIII. – «C'est pourquoi elle a séduit les Destinées pour détruire le rare chef-d'oeuvre de la nature, en mêlant des infirmités à la beauté, et d'impurs défauts à la perfection pure, qu'elle a soumise à la tyrannie des cruels accidents et de toutes sortes de maux.

CXXIV. – «Tels que la fièvre brûlante et ses pâles accès; la peste qui empoisonne la vie; la folie et son délire; la maladie qui ronge la moelle des os, et qui corrompt le sang en l'échauffant; enfin le dégoût, la douleur et le funeste désespoir ont juré la mort de la nature pour la punir de t'avoir fait si beau.

CXXV. – «Et ce qui charme n'est pas la moindre de toutes ces maladies, c'est qu'un combat d'une minute détruise la beauté, le charme, le goût, le teint, la grâce: tout ce qu'admirait tout à l'heure un spectateur impartial est tout à coup perdu, fondu, anéanti, comme la neige disparaît sous le soleil de midi.

CXXVI. – «Ainsi donc, en dépit de la stérile chasteté, des vestales sans amour et des nonnes égoïstes qui voudraient réduire la population de la terre et produire une disette de fils et de filles… sois prodigue. La lampe qui brûle pendant la nuit épuise son huile pour donner sa lumière au monde.

CXXVII. – «Ton corps sera-t-il autre chose qu'un tombeau dévorant, s'il engloutit toute la postérité que d'après les droits du temps tu dois avoir, à moins que tu ne la détruises dans une sombre obscurité? S'il en est ainsi, le monde te tiendra en mépris puisque par ton orgueil tu le prives d'une si belle espérance.

CXXVIII. – «Par là, tu t'anéantis toi-même, crime plus grand que la guerre civile, ou que celui des hommes qui portent sur eux-mêmes des mains furieuses, ou bien des pères meurtriers qui arrachent la vie à leurs fils. Une hideuse rouille s'attache au trésor caché, mais l'or qui est mis en usage se multiplie toujours.»

CXXIX. – «Allons, répondit Adonis; vous allez retomber dans vos vains discours tant de fois rebattus? Le baiser que je vous ai donné vous a été accordé en vain: c'est en vain que vous luttez contre un torrent; car je vous proteste, par cette ténébreuse nuit, sombre nourrice du désir, que je vous aime de moins en moins depuis votre dissertation.

CXXX. – «Si l'Amour vous prêtait vingt mille langues, dont chacune serait plus touchante que la vôtre, et aussi séduisante que les chants des sirènes amoureuses, ses accents pénétrants seraient vains pour mon oreille; car sachez que mon coeur s'y tient armé en sentinelle, et n'y laisserait pas en entrer un son perfide.

CXXXI. – «De peur que la mélodie trompeuse ne pénétrât jusque dans la paisible enceinte de mon sein: et là mon petit coeur lui-même serait entièrement perdu, s'il était privé de sommeil dans sa chambre à coucher. Non, madame, non; mon coeur ne désire point de gémir; il dort profondément tant qu'il dort seul.

CXXXII. – «Qu'avez-vous dit que je ne puisse réfuter? le sentier qui conduit au péril est doux. Je ne hais pas l'amour, mais votre manière d'aimer qui prête des embrassements à tous les étrangers, vous en agissez ainsi pour la multiplication de l'espèce: bizarre excuse de prendre la raison pour servir les excès de la volupté.

CXXXIII. – «Ne l'appelez pas l'amour; l'Amour s'est envolé au ciel depuis que la honteuse débauche usurpe son nom sur la terre, et s'est couverte de sa ressemblance pour séduire la beauté vermeille et la déshonorer; car ce tyran la souille de ses brûlantes caresses, et la flétrit bientôt comme la chenille flétrit les jeunes feuilles.

CXXXIV. – «L'amour réjouit comme le soleil après l'orage, l'effet de la débauche est comme celui de la tempête après le soleil; l'aimable printemps de l'amour demeure toujours frais, l'hiver de la débauche arrive avant que son été soit à demi fini; l'amour ne rassasie jamais, la débauche meurt comme un glouton; l'amour est tout vérité, la débauche est pleine de tromperies et de mensonges.

CXXXV. – «J'en pourrais dire davantage, mais je n'ose; ce texte est vieux et l'orateur trop jeune. Je me retire donc avec tristesse; mon visage est rouge de honte et mon coeur plein de douleur: mes oreilles, qui ont écouté votre langage indécent, se brûlent elles-mêmes pour s'être ainsi rendues coupables.»

CXXXVI. – Il dit, s'arrache du doux lien de ces beaux bras qui l'enchaînaient sur le sein de Vénus; et il retourne chez lui en courant à travers les sombres prairies, la laissant étendue par terre et désolée. Avez-vous jamais vu une brillante étoile filer dans le ciel? tel fuit Adonis pendant la nuit loin des yeux de Vénus.

CXXXVII. – Ses regards le suivent comme ceux d'un homme, sur le rivage, contemplent un ami qui vient de s'embarquer, jusqu'à ce que les vagues furieuses ne lui permettent plus de l'apercevoir, en soulevant leurs crêtes jusqu'aux nuages: de même la nuit impitoyable et sombre enveloppe de ses ténèbres l'objet qui charmait l'oeil de Vénus.

CXXXVIII. – Étourdie comme celui qui vient de laisser tomber par mégarde un précieux bijou dans les ondes, ou étonnée comme l'homme errant dans les ténèbres, lorsque son fanal s'éteint au milieu d'un bois dangereux, telle Vénus reste confondue après avoir perdu dans l'obscurité celui qu'elle avait découvert sur son chemin.

CXXXIX. – Elle frappe son sein qui gémit, et les cavernes voisines répètent ses plaintes comme si elles en étaient troublées; sa passion s'augmente. Hélas! s'écrie-t-elle; et vingt fois elle ajoute: malheur, malheur! Vingt échos répètent vingt fois le même cri.

CXL. – Elle les écoute, commence une douloureuse lamentation, et improvise un chant mélancolique; elle dit comment l'amour rend la jeunesse esclave et fait radoter les vieillards; comment l'amour est sage dans la folie et fou dans la sagesse. Son triste chant finit toujours par malheur; et le choeur des échos répond à sa voix.

 

CXLI. – Son chant dura longtemps, plus longtemps que la nuit; car les heures de ceux qui aiment sont longues, quoiqu'elles paraissent courtes. S'ils sont contents eux-mêmes, ils s'imaginent que les autres jouissent de la même satisfaction et partagent leur plaisir; leurs longues histoires souvent recommencées finissent sans auditeurs, et ne finissent jamais.

CXLII. – Car avec qui Vénus passerait-elle la nuit, si ce n'est avec de vains sons, comparables à des parasites, répondant à toutes les voix, comme des cabaretiers à la langue acérée, et adoucissant l'humeur des esprits fantasques? Elle disait oui, l'écho répondait oui; et il eût dit non si elle eût voulu.

CXLIII. – Voyez la gentille alouette, qui, fatiguée du repos, s'élance dans les airs au sortir de son nid humide, elle réveille l'aube matinale, et le soleil, dans toute sa majesté, sort de son sein argenté: ses rayons jettent tant d'éclat sur le monde, que les monts couronnés de cèdres semblent de l'or bruni.

CXLIV. – Vénus le salue en lui adressant ce bonjour flatteur: «O toi, dieu brillant, père de toute lumière, toi de qui chaque étoile et chaque astre empruntent le don magnifique qui lui permet de briller, il est ici-bas un fils allaité par une mère mortelle, qui pourrait te prêter de la lumière comme tu en prêtes aux autres!»

CXLV. – Elle dit, et s'enfuit vers un bosquet de myrtes, réfléchissant que la matinée est bien avancée et qu'elle n'a pas reçu de nouvelles de son amant: elle écoute pour distinguer la voix de sa meute et le son de son cor; elle les entend résonner gaiement, et elle s'avance à la hâte dans la direction du bruit.

CXLVI. – Elle court; sur son chemin les broussailles s'attachent à son cou, d'autres caressent son front; d'autres encore s'entrelacent autour de ses jambes pour l'arrêter: elle s'arrache violemment à leurs étroits embrassements, telle qu'une biche aux mamelles pendantes qui s'empresse d'aller allaiter son faon caché dans un taillis.