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Venus et Adonis

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XXXIV. – «Es-tu donc si rebelle, es-tu de pierre ou dur comme l'acier? Ah! tu es plus dur que la pierre, car la pierre s'amollit sous la pluie. Es-tu fils d'une femme, et peux-tu ne pas sentir ce qu'est l'amour? combien l'absence d'amour fait souffrir? Ah! si ta mère avait eu un coeur si cruel, elle ne t'aurait pas enfanté, elle serait morte dans sa solitude.

XXXV. – «Qui suis-je pour être ainsi méprisée par toi, ou quel grand danger y a-t-il dans mon amour? quel mal ferait à tes lèvres un pauvre baiser? Parle, mon bien-aimé; mais ne dis rien que de tendre ou garde le silence. Donne-moi un baiser, je te le rendrai, et puis un autre pour les intérêts, si tu en veux deux.

XXXVI. – «Fi donc, portrait sans vie, marbre froid et insensible, idole bien enluminée, image sourde et inanimée, statue qui ne satisfait que les yeux, être semblable à l'homme, mais qui ne naquis point d'une femme: tu n'es pas un homme, quoique tu aies le teint d'un homme, car les hommes donnent des baisers par leur propre instinct.»

XXXVII. – Elle dit, l'impatience arrête sa langue suppliante, et la colère qui l'étouffe la contraint au silence; ses joues enflammées, ses yeux ardents disent assez ses outrages; étant juge et amante, elle ne peut se faire rendre justice. Tantôt elle pleure, tantôt elle veut parler, ses sanglots s'y opposent.

XXXVIII. – Parfois elle secoue la tête, puis elle lui prend la main; elle le regarde, et puis elle fixe ses yeux sur la terre. Quelquefois ses bras l'entourent comme une ceinture; elle voudrait l'enchaîner dans ses bras, mais il ne veut pas, et quand il s'efforce d'échapper à son étreinte, elle enlace ses doigts de lis.

XXXIX. – «Mon amour, dit-elle, puisque je t'ai enfermé dans ce cercle d'ivoire, je serai le parc, et tu seras mon daim; nourris-toi où tu voudras, sur les coteaux ou dans la vallée; rassasie-toi sur mes lèvres, et, si les montagnes sont desséchées, erre plus bas, tu y trouveras de douces fontaines.

XL. – «Dans ces limites tu as de quoi te satisfaire; une pelouse et une belle plaine délicieuse; des coteaux arrondis et des taillis épais et sombres pour te mettre à l'abri de la tempête et de la pluie. Sois donc mon daim puisque je suis un parc si charmant; aucun limier ne t'y poursuivra, quand même tu en entendrais aboyer mille.»

XLI. – A ces mots, Adonis sourit de dédain; sur chacune de ses joues se forme une jolie fossette; c'est l'amour qui les a creusées, et s'il périssait il pourrait être enseveli dans une tombe si simple, sachant bien qu'une fois qu'il y serait déposé il y vivrait et ne pourrait pas mourir.

XLII. – Ces aimables grottes, ces fossettes enchantées ouvrent leur bouche pour engloutir le caprice de Vénus. Elle était déjà folle, que va devenir sa raison? déjà frappée à mort, qu'a-t-elle besoin d'une autre blessure? Pauvre reine de l'amour, abandonnée dans ton propre empire, peux-tu bien aimer des joues que le mépris seul fait sourire?

XLIII. – Maintenant que fera-t-elle, que dira-t-elle? elle a tout dit et n'a fait qu'augmenter ses maux. Le temps a fui, son amant va s'éloigner; il cherche à s'échapper de ses bras enlacés. «Par pitié, s'écrie-t-elle, une grâce… un remords…» Il s'élance et se précipite vers son coursier.

XLIV. – Mais voici! D'un taillis voisin, une jeune cavale, robuste, belle et fière, aperçoit le coursier impatient d'Adonis; elle accourt, s'ébroue et hennit. Le coursier vigoureux, attaché à un arbre, brise ses rênes, et va droit à elle.

XLV. – Il s'élance, il hennit, le voilà qui bondit avec orgueil, de son dur sabot rompt la courroie de la sangle. Triomphant de ce qui le régissait, il frappe la terre dont les cavités résonnent comme le tonnerre du ciel. Il broie entre ses dents le fer de son mors tressé.

XLVI. – Ses oreilles se dressent, les flots de sa crinière se hérissent sur son cou recourbé, replié; ses naseaux aspirent l'air, et, comme une fournaise, rejettent d'épaisses vapeurs; son oeil superbe, qui étincelle comme le feu, montre son ardent courage et le transport qui l'agite.

XLVII. – Tantôt il trotte, comme s'il comptait ses pas, avec une majesté calme et une modeste fierté; puis il se cabre, fait des courbettes et s'élance comme s'il disait: Voyez! telle est ma force; c'est ainsi que je cherche à captiver le regard de la belle cavale.

XLVIII. – Que lui importe maintenant son cavalier irrité qui l'appelle, ses flatteurs «holà» ou ses cris «arrête-toi, entends-tu?» Que lui importent les rênes et la pointe aiguë de l'éperon, son riche harnais et son caparaçon brillant? Il voit celle qu'il aime et ne voit qu'elle; seule elle plaît à ses orgueilleux regards.

XLIX. – Voyez le tableau où un peintre aurait voulu surpasser son modèle, en peignant un coursier bien proportionné; son art lutte contre l'oeuvre de la nature, comme si les morts pouvaient l'emporter sur les vivants. Ce même coursier était au-dessus d'un coursier ordinaire par ses formes, son courage, sa couleur, son allure et sa vigueur.

L. – Sabot arrondi, articulations courtes, fanons velus et longs, large poitrail, oeil grand, tête petite, naseaux bien ouverts, encolure haute, oreilles courtes, jambes fortes et déliées, crinière claire, queue épaisse, croupe arrondie, peau fine, il avait tout ce qu'un cheval doit avoir, excepté un fier cavalier sur son dos orgueilleux.

LI. – Quelquefois il s'éloigne et de là il regarde avec surprise, puis il bondit au mouvement d'une plume. Bientôt il se prépare à défier le vent: et on ne sait plus s'il court, où s'il vole. Le vent siffle entre sa crinière et sa queue, soulevant les crins qui se déploient comme des ailes emplumées.

LII. – Il regarde celle qu'il aime et lui adresse ses hennissements; elle lui répond comme si elle devinait sa pensée. Fière, comme le sont les femmes, de se voir recherchée, elle feint le caprice, fait la cruelle, repousse son amour, dédaigne l'ardeur qu'il éprouve, et répond par des ruades à ses amoureuses caresses.

LIII. – Alors, triste et mécontent, il baisse sa queue qui, telle qu'un panache flottant, prêtait une ombre bienfaisante à sa croupe en sueur. Il frappe du pied et mord dans sa rage les pauvres mouches. La cavale, voyant sa fureur, se rend plus complaisante, et sa colère est apaisée.

LIV. – Son maître impatienté va pour le ressaisir, lorsque soudain la cavale indomptée, pleine de terreur et craignant de se voir saisie s'enfuit rapidement; le cheval la suit et laisse Adonis. Tous deux, comme égarés, se dirigent vers le bois, et dépassent les corbeaux qui cherchent à voler plus vite qu'eux.

LV. – Essoufflé de sa course, Adonis s'assied, maudissant son coursier impétueux et indomptable. Voici de nouveau une bonne occasion qui s'offre à l'amour malheureux d'obtenir le bonheur qu'il implore: car les amants disent que le coeur a trois fois tort quand il est privé du secours de la langue.

LVI. – Un four que l'on ferme n'en est que plus brûlant; une digue ne fait qu'augmenter la fureur d'un fleuve: on en peut dire autant d'une douleur cachée: la liberté de la parole calme le feu de l'amour; mais, quand l'avocat du coeur est muet, le client se meurt, son affaire est désespérée.

LVII. – Il la voit venir, et recommence à rougir, de même qu'un charbon mourant que le vent rallume. Il cache son front irrité avec sa toque, et se tourne vers la terre d'un air chagrin, sans prendre garde à elle, bien qu'elle soit tout près: car il ne saurait la regarder avec des yeux favorables.

LVIII. – Oh! quel spectacle c'était de la voir s'avancer en cachette vers le fantasque jeune homme, et d'observer les couleurs changeantes de ses joues, comme le rouge et le blanc se détruisaient l'un l'autre! la pâleur enfin y domine; mais de temps en temps ses yeux lancent des flammes comme s'il passait un éclair dans le ciel.

LIX. – Le voilà devant lui, et il est assis, comme le ferait une amante timide, elle s'agenouille; avec une de ses belles mains elle relève sa toque; l'autre douce main caresse ses joues vermeilles. Ces joues délicates reçoivent l'impression de cette tendre main comme la neige fraîchement tombée garde toute empreinte.

LX. – O quelle guerre de regards se déclara alors entre eux! Les yeux de Vénus implorent ceux d'Adonis, qui la regardent comme s'ils ne la voyaient pas. Ses yeux le conjurent encore, mais ses regards dédaignent ses prières. Toute cette pantomime est expliquée par les larmes que les yeux de Vénus répandent comme ceux d'un choeur de tragédie.

LXI. – Elle le prend doucement par la main: c'est un lis enfermé dans une prison de neige, ou une main d'ivoire dans un cercle d'albâtre tant l'amie est blanche qui presse sa blanche ennemie. Cette lutte charmante entre celle qui veut et celui qui ne veut point ressemblait aux ébats de deux colombes argentées qui se becquètent.

LXII. – Bientôt l'interprète des pensées de Vénus reprend: «O toi, le plus beau de tous ceux qui se meuvent sur le globe de la terre! que n'es-tu ce que je suis, et moi un homme; mon coeur intact comme le tien, et ton coeur atteint de ma blessure! Pour le prix d'un doux regard, je t'assurerais mon secours lorsque la pâte de mon corps pourrait seule te sauver.

LXIII. – «Rendez-moi ma main, dit Adonis: pourquoi la pressez-vous?» – «Demande-moi mon coeur, dit-elle, et tu l'auras, ou rends-le-moi de peur que ton coeur inflexible ne l'endurcisse; une fois endurci, de tendres soupirs ne pourraient plus le pénétrer; les sanglots de l'amour me trouveraient insensible, parce que le coeur d'Adonis aurait endurci le mien!»

LXIV. – «Fi donc! s'écrie-t-il; laissez-moi et laissez-moi aller. Le plaisir de ma journée est perdu: mon cheval a fui, et c'est par votre faute que j'en suis privé. Je vous en prie, quittez-moi, et laissez-moi seul ici: car tout mon souci, toute ma préoccupation, toute mon idée, c'est de reprendre mon cheval à cette jument.»

LXV. – Vénus lui répond: «Ton palefroi t'abandonne comme il le doit aux douces ardeurs du désir. L'amour est un charbon qu'il faut refroidir, sinon il met tout le coeur en feu. La mer a des bornes, mais le profond désir n'en a point: ne sois donc pas surpris si ton coursier est parti.

 

LXVI. – «Comme il avait l'air d'une rosse, attaché à un arbre, esclave soumis à des rênes de cuir! Mais, dès qu'il a vu la cavale, noble prix de sa jeunesse, il a dédaigné sa honteuse servitude, secoué de son col arqué ses misérables liens, et il a affranchi sa bouche, sa croupe et son poitrail.

LXVII. – «Après avoir vu sa bien-aimée nue dans sa couche, montrant à ses draps une nuance plus blanche que le blanc, quel est celui dont les yeux avides n'inspirent pas à ses autres sens le désir d'une égale jouissance? quel est l'homme assez lâche pour ne pas avoir le courage de s'approcher du feu quand il fait froid?

LXVIII. – «Laisse-moi donc excuser ton coursier, aimable enfant, et apprends de lui, je t'en conjure, à profiter de la félicité qui s'offre à toi. Quand je resterais muette, sa conduite suffirait à t'instruire. Oh! apprends à aimer; la leçon en est facile; une fois qu'on la sait, on ne l'oublie jamais.

LXIX. – «Je ne connais pas l'amour, dit-il, je ne veux pas le connaître, à moins que ce ne soit un sanglier: alors je lui ferai la chasse. C'est un gros emprunt, je ne veux pas faire de dettes. Je n'ai d'autre amour que l'amour d'en mal parler, car j'ai entendu dire que c'était une vie dans la mort, et qu'on riait et qu'on pleurait de la même haleine.

LXX. – «Qui porte un habit mal fait et non fini? qui cueille le bouton avant que les feuilles soient poussées? Si les choses qui croissent sont mutilées elles se flétrissent dans leur fleur, et n'ont plus aucune valeur. Le poulain qui est monté et chargé dans sa jeunesse perd sa fierté et jamais ne devient fort.

LXXI. – «Vous me faites mal à la main en la pressant. Séparons-nous, et laissons ce vain sujet et ces frivoles discours. Levez le siége que vous avez mis devant mon coeur inflexible; il n'ouvrira point ses portes aux alarmes de l'amour: renoncez à vos voeux, à vos larmes feintes, à vos flatteries; car elles n'ont point d'effet lorsque le coeur est jeune.