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Périclès

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SCÈNE IV

Tharse. – Appartement dans le palais de Cléon
Entre CLÉON avec DIONYSA

DIONYSA. – Quoi? êtes-vous insensé; n'est-ce pas une chose faite?

CLÉON. – Dionysa, jamais les astres n'ont été témoins d'un meurtre semblable.

DIONYSA. – Allez-vous retomber dans l'enfance?

CLÉON. – Je serais le souverain de tout l'univers que je le donnerais pour que ce crime n'eût pas été commis. O jeune princesse, moins grande par la naissance que par la vertu, il n'était pas de couronne qui ne fût digne de toi! O lâche Léonin, que tu as aussi empoisonné! Si tu avais avalé pour lui le poison, c'eût été un exploit comparable aux autres. Que diras-tu quand le noble Périclès réclamera sa fille?

DIONYSA. – Qu'elle est morte. Les destins n'avaient pas juré de la conserver: elle est morte la nuit. Je le dirai; qui me contredira? à moins que vous n'ayez la simplicité de me trahir, et, pour mériter un titre de vertu, de crier: Elle a été égorgée.

CLÉON. – O malheureuse! de tous les crimes, c'est celui que les dieux abhorrent le plus.

DIONYSA. – Croyez-vous que les petits oiseaux de Tharse vont voler ici et tout découvrir à Périclès? J'ai honte de penser à la noblesse de votre race et à la timidité de votre coeur.

CLÉON. – Celui qui approuva jamais de telles actions, même sans y avoir consenti, ne fut jamais d'un noble sang.

DIONYSA. – Ah! bien, soit. – Mais personne, excepté vous, ne sait comment elle est morte; personne ne le saura, Léonin ayant cessé de vivre. Elle dédaignait ma fille; elle était un obstacle à son bonheur. Nul ne la regardait; tous les yeux étaient fixés sur Marina, tandis que notre enfant était négligée comme une pauvre fille qui ne valait pas la peine d'un bonjour. Cela me perçait le coeur; et quoique vous traitiez mon action de dénaturée, vous qui n'aimez pas votre enfant, moi je la crois bonne et généreuse, et un sacrifice fait à notre fille unique.

CLÉON. – Que les dieux vous pardonnent!

DIONYSA. – Et quant à Périclès, que pourra-t-il dire? nous avons pleuré à ses funérailles, et nous portons encore le deuil. Son monument est presque fini, et ses épitaphes en lettres d'or attestent son grand mérite, et notre douleur à nous, qui l'avons fait ensevelir, à nos frais.

CLÉON. – Tu es comme la Harpie qui, pour trahir, porte un visage d'ange, et saisit sa proie avec des serres de faucon.

DIONYSA. – Vous êtes un de ces hommes superstitieux qui jurent aux dieux que l'hiver tue les mouches; mais je sais que vous suivrez mes conseils.

(Ils sortent.)
(Entre Gower. Il est devant le monument de Marina, à Tharse.)

GOWER. – C'est ainsi que nous abrégeons le temps et les distances; n'ayant qu'à désirer pour vouloir, traversant les mers, et voyageant avec l'aide de votre imagination de contrée en contrée et d'un bout du monde à l'autre. Grâce à votre indulgence, on ne nous blâme point de nous servir d'un seul langage dans les divers climats où nous transportent nos scènes. Je vous supplie de m'écouter pour que je supplée aux lacunes de notre histoire. Périclès est maintenant sur les flots inconstants (suivi de maints seigneurs et chevaliers). Il va voir sa fille, charme de sa vie. Le vieil Escanès, qu'Hélicanus a fait monter dernièrement à un poste éminent, est resté à Tyr pour gouverner. Souvenez-vous qu'Hélicanus suit son prince. D'agiles vaisseaux et des vents favorables ont amené le roi Périclès à Tharse. Imaginez-vous que la pensée est son pilote, et son voyage sera aussi rapide qu'elle. Périclès va chercher sa fille qu'il a laissée aux soins de Cléon. Voyez-les se mouvoir comme des ombres. Je vais satisfaire en même temps vos oreilles et vos yeux. -(Scène muette.) -Périclès entre par une porte avec sa suite; Cléon et Dionysa par une autre. Cléon montre à Périclès le tombeau de Marina, tandis que Périclès se lamente, se revêt d'une haire et part dans la plus grande colère. Cléon et Dionysa se retirent.) – Voyez comme la crédulité souffre d'une lugubre apparence! cette colère empruntée remplace les pleurs qu'on eût versés dans le bon vieux temps6; et Périclès, dévoré de chagrin, sanglotant et baigné de larmes, quitte Tharse et s'embarque. Il jure de ne plus laver son visage, ni couper ses cheveux; il se revêt d'une haire et se confie à la mer. Il brave une tempête qui brise à demi son vaisseau mortel7, et cependant il poursuit sa route. – Maintenant voulez-vous connaître cette épitaphe, c'est celle de Marina faite par la perfide Dionysa:

(Gower lit l'inscription gravée sur le tombeau de Marina.)

«Ci-gît la plus belle, la plus douce et la meilleure des femmes, qui se flétrit dans le printemps de ses jours; elle était la fille du roi de Tyr, celle que la mort a si cruellement immolée; elle portait le nom de Marina. Fière de sa naissance, Thétis engloutit une partie de la terre; voilà pourquoi la terre, craignant d'être submergée, a donné aux cieux celle qui naquit dans le sein de Thétis; voilà pourquoi (et elle ne cessera jamais) Thétis fait la guerre aux rivages de la terre.»

Aucun masque ne convient à la noire scélératesse comme la douce et tendre flatterie. Laissez Périclès, voyant que sa fille n'est plus, poursuivre ses voyages au gré de la fortune, pendant que notre théâtre vous représente le malheur de sa fille dans le séjour profane où elle est renfermée. Patience donc, et figurez-vous tous maintenant que vous êtes à Mitylène.

(Il sort.)

SCÈNE V

Mitylène. – Une rue devant le mauvais lieu
DEUX JEUNES GENS de Mitylène sortent de la maison

PREMIER JEUNE HOMME. – Avez-vous jamais entendu pareille chose?

SECOND JEUNE HOMME. – Non, et jamais on n'entendra pareille chose en pareil lieu, quand elle n'y sera plus.

PREMIER JEUNE HOMME. – Mais se voir prêcher là! Avez-vous jamais rêvé une telle chose?

SECOND JEUNE HOMME. – Non, non. Viens, je renonce aux mauvais lieux. Irons-nous entendre les vestales?

PREMIER JEUNE HOMME. – Je ferai toute chose louable; je suis sorti pour toujours du chemin du vice.

(Ils sortent.)

SCÈNE VI

Mitylène. – Un appartement dans le mauvais lieu
Entrent le MAITRE DE LA MAISON, sa FEMME et BOULT

LE MAITRE. – Ma foi, je donnerais deux fois ce qu'elle m'a coûté pour qu'elle n'eût jamais mis les pieds ici.

LA FEMME. – Fi d'elle! elle est capable de glacer le dieu Priape, et de perdre toute une génération; il nous faut la faire violer ou nous en défaire. Quand le moment vient de rendre ses devoirs aux clients et de faire les honneurs de la maison, elle a ses caprices, ses raisons, ses maîtresses raisons, ses prières, ses génuflexions, si bien qu'elle rendrait le diable puritain s'il lui marchandait un baiser.

BOULT. – Il faut que je m'en charge, ou elle dégarnira la maison de tous nos cavaliers et fera des prêtres de tous nos amateurs de juron.

LE MAITRE. – Que la maladie emporte ses scrupules!

LA FEMME. – Ma foi, il n'y a que la maladie qui puisse nous tirer de là. Voici le seigneur Lysimaque déguisé.

BOULT. – Nous aurions le maître et le valet, si la hargneuse petite voulait seulement faire bonne mine aux pratiques.

(Entre Lysimaque.)

LYSIMAQUE. – Comment donc? Combien la douzaine de virginités?

LA FEMME. – Que les dieux bénissent Votre Seigneurie!

BOULT. – Je suis charmé de voir Votre Seigneurie en bonne santé.

LYSIMAQUE. – Allons, il est heureux pour vous que vos pratiques se tiennent bien sur leurs jambes. Eh bien! sac d'iniquités, avez-vous quelque chose que l'on puisse manier à la barbe du chirurgien?

LA FEMME. – Nous en avons une ici, seigneur, si elle voulait… Mais il n'est jamais venu sa pareille à Mitylène.

LYSIMAQUE. – Si elle voulait faire l'oeuvre des ténèbres, voulez-vous dire?..

LA FEMME. – Votre Seigneurie comprend ce que je veux dire.

LYSIMAQUE. – Fort bien; appelez, appelez.

BOULT. – Vous allez voir une rose. – Ce serait une rose, en effet, si elle avait seulement…

LYSIMAQUE. – Quoi, je te prie?

BOULT. – O seigneur! je sais être modeste.

LYSIMAQUE. – Cela ne relève pas moins le renom d'un homme de ton métier que cela ne donne à tant d'autres la bonne réputation d'être chastes.

(Entre Marina.)

LA FEMME. – Voici la rose sur sa tige, et pas encore cueillie, je vous assure; n'est-elle pas jolie?

LYSIMAQUE. – Ma foi, elle servirait après un long voyage sur mer. – Fort bien. Voilà pour vous. Laissez-nous.

LA FEMME. – Permettez-moi, seigneur, de lui dire un seul mot, et j'ai fait.

LYSIMAQUE. – Allons, dites.

LA FEMME, à Marina qu'elle prend à part. – D'abord je vous prie de remarquer que c'est un homme honorable.

MARINA. – Je désire le trouver tel, pour pouvoir en faire cas.

 

LA FEMME. – Ensuite c'est le gouverneur de la province, et un homme à qui je dois beaucoup.

MARINA. – S'il est gouverneur de la province, vous lui devez beaucoup en effet; mais en quoi cela le rend honorable, c'est ce que je ne sais pas.

LA FEMME. – Dites-moi, je vous prie, le traiterez-vous bien sans faire aucune de vos grimaces virginales? Il remplira d'or votre tablier.

MARINA. – S'il est généreux, je serai reconnaissante.

LYSIMAQUE. – Avez-vous fini?

LA FEMME. – Seigneur, elle n'est pas encore au pas; vous aurez de la peine à la dresser à votre goût. – Allons, laissons-la seule avec Sa Seigneurie.

(Le maître de la maison, la femme et Boult sortent.)

LYSIMAQUE. – Allez. – Maintenant, ma petite, y a-t-il longtemps que vous faites cet état?

MARINA. – Quel état, seigneur?

LYSIMAQUE. – Un état que je ne puis nommer sans offense.

MARINA. – Je ne puis être offensée par le nom de mon état. Veuillez le nommer.

LYSIMAQUE. – Y a-t-il longtemps que vous exercez votre profession?

MARINA. – Depuis que je m'en souviens.

LYSIMAQUE. – L'avez-vous commencée si jeune? Êtes-vous devenue libertine à cinq ans ou à sept?

MARINA. – Plus jeune encore, si je le suis aujourd'hui.

LYSIMAQUE. – Quoi donc! la maison où je vous trouve annonce que vous êtes une créature.

MARINA. – Vous savez que cette maison est un lieu de ce genre et vous y venez? On me dit que vous êtes un homme d'honneur et le gouverneur de la ville.

LYSIMAQUE. – Quoi! votre principale vous a appris qui j'étais!

MARINA. – Qui est ma principale?

LYSIMAQUE. – C'est votre herbière, celle qui sème la honte et l'iniquité. Oh! vous avez entendu parler de ma puissance, et vous prétendez à un hommage plus sérieux? Mais je te proteste, ma petite, que mon autorité ne te verra pas, ou ne te regardera pas du moins favorablement. Allons, mène-moi quelque part. – Allons, allons.

MARINA. – Si vous êtes homme d'honneur, c'est à présent qu'il faut le montrer. Si ce n'est qu'une réputation qu'on vous a faite, méritez-la.

LYSIMAQUE. – Oui-dà! – Encore un peu; continuez votre morale.

MARINA. – Malheureuse que je suis!.. Quoique vertueuse, la fortune cruelle m'a jetée dans cet infâme lieu, où je vois vendre la maladie plus cher que la guérison. – Ah! si les dieux voulaient me délivrer de cette maison impie, je consentirais à être changée par eux en l'oiseau le plus humble de ceux qui fendent l'air pur.

LYSIMAQUE. – Je ne pensais pas que tu aurais parlé si bien, je ne t'en aurais jamais crue capable. Si j'avais porté ici une âme corrompue, ton discours m'eût converti. Voilà de l'or pour toi, persévère dans la bonne voie, et que les dieux te donnent la force.

MARINA. – Que les dieux vous protègent!

LYSIMAQUE. – Ne crois pas que je sois venu avec de mauvaises intentions. Les portes et les croisées de cette maison me sont odieuses. Adieu, tu es un modèle de vertu, et je ne doute pas que tu n'aies reçu une noble éducation. – Arrête, voici encore de l'or. – Qu'il soit maudit, qu'il meure comme un voleur celui qui te ravira ta vertu. Si tu entends parler de moi, ce sera pour ton bien.

(Au moment où Lysimaque tire sa bourse, Boult entre.)

BOULT. – Je vous prie, seigneur, de me donner la pièce.

LYSIMAQUE. – Loin d'ici, misérable geôlier! Votre maison, sans cette vierge qui la soutient, tomberait et vous écraserait tous. Va-t'en!

(Lysimaque sort.)

BOULT. – Qu'est-ce que ceci? Il faut changer de méthode avec vous. Si votre prude chasteté, qui ne vaut pas le déjeuner d'un pauvre, ruine tout un ménage, je veux qu'on fasse de moi un épagneul. Venez.

MARINA. – Que voulez-vous de moi?

BOULT. – Faire de vous une femme, ou en charger le bourreau. Venez, nous ne voulons plus qu'on renvoie d'autres seigneurs; venez, vous dis-je.

(La femme rentre.)

LA FEMME. – Comment? de quoi s'agit-il?

BOULT. – De pire en pire, notre maîtresse: elle a fait un sermon au seigneur Lysimaque.

LA FEMME. – O abomination!

BOULT. – Elle fait cas de notre profession comme d'un fumier.

LA FEMME. – Malepeste! qu'elle aille se faire pendre.

BOULT. – Le gouverneur en aurait agi avec elle comme un gouverneur; elle l'a renvoyé aussi froid qu'une boule de neige et disant ses prières.

LA FEMME. – Boult, emmène-la; fais-en ce qu'il te plaira; brise le cristal de sa virginité, et rends le reste malléable.

BOULT. – Elle serait un terrain plus épineux qu'elle n'est, qu'elle serait labourée je vous le promets.

MARINA. – Dieux, à mon secours!

LA FEMME. – Elle conjure, emmène-la. Plût à Dieu qu'elle n'eût jamais mis le pied dans ma maison. Au diable! elle est née pour être notre ruine. Ne voulez-vous pas faire comme les femmes? Malepeste! madame la précieuse!

(La femme sort.)

BOULT. – Venez, madame, venez avec moi.

MARINA. – Que me voulez-vous?

BOULT. – Vous prendre le bijou qui vous est si précieux.

MARINA. – Je t'en prie, dis-moi une chose d'abord.

BOULT. – Allons, voyons, je vous écoute.

MARINA. – Que désirerais-tu que fût ton ennemi?

BOULT. – Je désirerais qu'il fût mon maître, ou plutôt ma maîtresse.

MARINA. – Ni l'un ni l'autre ne sont aussi méchants que toi, car leur supériorité les rend meilleurs que tu n'es. Tu remplis une place si honteuse, que le démon le plus tourmenté de l'enfer ne la changerait pas pour la sienne. Tu es le portier maudit de chaque ivrogne qui vient ici chercher une créature. Ton visage est soumis au poing de chaque coquin de mauvaise humeur. La nourriture qu'on te sert est le reste de bouches infectées.

BOULT. – Que voudriez-vous que je fisse? – Que j'aille à la guerre où un homme servira sept ans, perdra une jambe et n'aura pas assez d'argent pour en acheter une de bois!

MARINA. – Fais tout autre chose que ce que tu fais. Va vider les égouts, servir de second au bourreau; tous les métiers valent mieux que le tien. Un singe, s'il pouvait parler, refuserait de le faire. Ah! si les dieux daignaient me délivrer de cette maison! – Tiens, voilà de l'or, si ta maîtresse veut en gagner par moi, publie que je sais chanter et danser, broder, coudre, sans parler d'autres talents dont je ne veux pas tirer vanité. Je donnerai des leçons de toutes ces choses; je ne doute pas que cette ville populeuse ne me fournisse des écolières.

BOULT. – Mais pouvez-vous enseigner tout ce que vous dites?

MARINA. – Si je ne le puis, ramène-moi ici et prostitue-moi au dernier valet qui fréquente cette maison.

BOULT. – Fort bien, je verrai ce que je puis pour toi; si je puis te placer, je le ferai.

MARINA. – Mais sera-ce chez d'honnêtes femmes?

BOULT. – Ma foi, j'ai peu de connaissances parmi celles-là! mais puisque mon maître et ma maîtresse vous ont achetée, il ne faut pas songer à s'en aller sans leur consentement: je les informerai donc de votre projet, et je ne doute pas de les trouver assez traitables. Venez, je ferai pour vous ce que je pourrai. – Venez.

(Ils sortent.)
FIN DU QUATRIÈME ACTE
6Dans l'enfance du monde, la dissimulation n'existait pas; les poëtes ont tous cru à un âge d'or.
7Son corps, que dans une autre pièce Shakspeare appelle aussi la maison mortelle (de l'âme).