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Périclès

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SCÈNE IV

Éphèse. – Appartement dans la maison de Cérimon
Entrent CÉRIMON ET THAISA

CÉRIMON. – Madame, cette lettre et ces bijoux étaient avec vous dans le cercueil: les voici. Connaissez-vous l'écriture?

THAISA. – C'est celle de mon époux. Je me rappelle fort bien encore m'être embarquée au moment de devenir mère; mais ai-je été délivrée ou non? par les dieux immortels! je l'ignore. Hélas! puisque je ne reverrai plus mon époux, le roi Périclès, je veux prendre des vêtements de vestale et renoncer à toute félicité.

CÉRIMON. – Madame, si c'est là votre intention, le temple de Diane n'est pas loin; vous pourrez y passer le reste de vos jours; et, si vous voulez, une nièce à moi vous y accompagnera.

THAISA. – Je ne puis que vous rendre grâces, voilà tout. Ma reconnaissance est grande, quoiqu'elle puisse peu de chose.

(Ils sortent.)
FIN DU TROISIÈME ACTE

ACTE QUATRIÈME

Entre GOWER

GOWER. – Figurez-vous Périclès arrivé à Tyr et accueilli selon ses désirs; laissez à Éphèse sa malheureuse épouse qui s'y consacre au culte de Diane. Maintenant occupez-vous de Marina que notre scène rapide doit trouver à Tharse élevée par Cléon qui lui fait enseigner la musique et les lettres, et acquérant tant de grâces qu'elle attire sur elle l'admiration et la tendresse générale. Mais, hélas! le monstre de l'envie, qui est souvent la mort du mérite, cherche à abréger la vie de Marina par le poignard de la trahison. Telle est la fille de Cléon déjà mûre pour le mariage. Cette fille se nomme Philoten; et l'on assure dans notre histoire qu'elle voulait toujours être avec Marina, soit quand elle formait des tissus de soie avec ses doigts délicats, minces et blancs comme le lait, soit quand avec une aiguille elle piquait la mousseline que ces blessures rendaient plus solides, soit quand elle chantait en s'accompagnant de son luth et rendait muet l'oiseau qui fait résonner la nuit de ses accents plaintifs, ou quand elle offrait son hommage à Diane, sa divinité: toujours Philoten rivalisait d'adresse avec la parfaite Marina. C'est comme si le corbeau prétendait le disputer en blancheur à la colombe de Paphos. Marina reçoit tous les éloges, non comme un don, mais comme une dette. Les grâces de Philoten sont tellement éclipsées, que l'épouse de Cléon, inspirée par une insigne jalousie, suscite un meurtrier contre la vertueuse Marina, afin que sa fille reste sans égale après ce meurtre; la mort de Lychorida, notre nourrice, favorise ses pensées; et la maudite Dionysa a déjà l'instrument de colère prêt à frapper. Je recommande à votre attention cet événement qui se prépare. Je transporte seulement le temps et ses ailes sur le pied boiteux de mon poëme. Je ne pourrais y parvenir si vos pensées ne voyagent avec moi. – Dionysa va paraître avec Léonin, un meurtrier.

(Gower sort.)

SCÈNE I

Tharse. – Plaine près du rivage de la mer
DIONYSA entre avec LÉONIN

DIONYSA. – Souviens-toi de ton serment, tu as juré de l'exécuter; ce n'est qu'un coup qui ne sera jamais connu. Tu ne pourrais rien faire dans ce monde en aussi peu de temps, qui te rapportât davantage. Que la conscience, qui n'est qu'une froide conseillère, n'allume pas la sympathie dans ton coeur trop scrupuleux; que la pitié, que les femmes même ont abjurée, ne t'attendrisse pas; sois un soldat résolu dans ton dessein.

LÉONIN. – Je te tiendrai parole; mais c'est une céleste créature.

DIONYSA. – Elle n'en est que plus propre à être admise chez les dieux; la voici qui vient pleurant la mort de sa nourrice; es-tu résolu?

LÉONIN. – Je le suis.

(Entre Marina avec une corbeille de fleurs.)

MARINA. – Non, non: je déroberai les fleurs de la terre pour les semer sur le gazon qui te recouvre; les genêts, les bluets, les violettes purpurines et les soucis seront suspendus en guirlandes, tant que durera l'été. Hélas! pauvre fille que je suis, née dans une tempête où mourut ma mère, le monde est pour moi comme une tempête continuelle, m'éloignant de mes amis.

DIONYSA. – Quoi donc, Marina! pourquoi êtes-vous seule? Comment se fait-il que ma fille ne soit pas avec vous? Ne vous consumez pas dans la tristesse, vous avez en moi une autre nourrice. Seigneur! combien votre visage est changé par ce malheur. Venez, venez, donnez-moi votre guirlande de fleurs avant que la mer la flétrisse; promenez-vous avec Léonin; l'air est vif ici et aiguise l'appétit. Venez, Léonin, prenez Marina par le bras et promenez-vous avec elle.

MARINA. – Non, je vous en prie, je ne veux point vous priver de votre serviteur.

DIONYSA. – Venez, venez, j'aime le roi votre père et vous, comme si je n'étais pas une étrangère pour vous. Nous l'attendons tous les jours ici. Quand il viendra, il trouvera flétrie celle que la renommée vante comme un chef-d'oeuvre; il regrettera un si long voyage, et il nous blâmera, mon époux et moi, d'avoir négligé sa fille. Allez, je vous prie, vous promener et soyez moins triste. Conservez ce teint charmant qui a désolé tant de coeurs de tous les âges. Ne vous inquiétez pas de moi, je retourne seule au palais.

MARINA. – Eh bien! j'irai, mais je ne m'en soucie guère.

DIONYSA. – Venez, venez, je sais que cela vous sera salutaire: promenez-vous une demi-heure au moins. – Léonin, souviens-toi de ce que j'ai dit.

LÉONIN. – Je vous le promets, madame.

DIONYSA. – Je vous laisse pour un moment, ma chère Marina: promenez-vous doucement, ne vous échauffez pas le sang. Je dois avoir soin de vous.

MARINA. – Je vous remercie; ma chère dame. -(Dionysa sort.) Est-ce le vent d'ouest qui souffle?

LÉONIN. – C'est le sud-ouest.

MARINA. – Quand je naquis, le vent était au nord.

LÉONIN. – Était-ce le nord?

MARINA. – Mon père, comme disait ma nourrice, ne montrait aucune crainte, mais il criait: Bons matelots! et déchirait ses mains royales en maniant les cordages, et en embrassant le mât; il bravait une mer qui faisait presque éclater le tillac; elle fit tomber des hunes un matelot monté pour plier les voiles. Eh! dit un autre, veux-tu sortir? et ils roulent tous les deux de l'éperon à la poupe, le contre-maître siffle, le pilote appelle et triple leur confusion.

LÉONIN. – Et quand cela eut-il lieu?

MARINA. – Quand je vins au monde; jamais les vents ni les vagues ne furent plus violents.

LÉONIN. – Allons, dites promptement vos prières.

MARINA. – Que voulez-vous dire?

LÉONIN. – Si vous demandez quelques moments pour prier, je vous les accorde: je vous en prie, mais hâtez-vous, car les dieux ont l'oreille fine, et j'ai juré d'exécuter promptement.

MARINA. – Quoi! voulez-vous me tuer?

LÉONIN. – Pour obéir à ma maîtresse.

MARINA. – Pourquoi veut-elle ma mort? – Autant que je puis me le rappeler, je jure que je ne l'ai jamais offensée de ma vie; je n'ai jamais dit un mot méchant ni fait mal à aucune créature vivante. Croyez-moi, je n'ai jamais tué une souris ni blessé une mouche. J'ai marché un jour sur un ver contre ma volonté, mais j'en ai pleuré. Quel est mon crime? En quoi ma mort peut-elle lui être utile, ou ma vie être dangereuse pour elle?

LÉONIN. – Ma commission n'est pas de raisonner, mais d'exécuter.

MARINA. – Vous ne le feriez pas pour tout au monde, je l'espère; vous avez un visage où respire la douceur, et qui annonce que vous avez un coeur généreux. Je vous vis dernièrement vous faire blesser pour séparer deux hommes qui se battaient: en vérité cela prouvait en votre faveur; faites encore de même. Votre maîtresse en veut à ma vie: mettez-vous entre nous et sauvez-moi; je suis la plus faible.

LÉONIN. – J'ai juré de vous immoler.

(Surviennent des pirates pendant que Marina se débat.)

PREMIER PIRATE. – Arrête, coquin!

(Léonin s'enfuit.)

SECOND PIRATE. – Une prise, une prise!

TROISIÈME PIRATE. – Chacun sa part, camarades; partageons. Portons-la à bord sans tarder.

(Les pirates emmènent Marina.)

SCÈNE II

Même lieu
LÉONIN rentre

LÉONIN. – Ces bandits servent sous le grand pirate Valdès, et ils se sont emparés de Marina. Laissons-la aller. Il n'y a pas d'apparence qu'elle revienne. Je jurerai qu'elle est tuée et précipitée dans la mer. – Mais voyons encore un peu: peut-être ils se contenteront de satisfaire leur brutalité sur elle, sans l'emmener. S'ils la laissent après l'avoir outragée, il faut que je la tue.

(Il sort.)

SCÈNE III

Mitylène. – Appartement dans un mauvais lieu
Entrent le MAITRE DE LA MAISON4, sa FEMME et BOULT

LE MAITRE DE LA MAISON. – Boult!

BOULT. – Monsieur.

LE MAITRE. – Cherche avec soin dans le marché; Mitylène est plein de galants: nous avons perdu trop d'argent, l'autre foire, pour avoir manqué de filles.

LA FEMME. – Nous n'avons jamais été aussi mal montés: nous n'avons que trois pauvres diablesses, elles ne peuvent que ce qu'elles peuvent; et, à force de servir, elles tombent en pourriture, ou peu s'en faut.

LE MAITRE. – Il nous en faut donc de fraîches, coûte que coûte. Il faut avoir de la conscience dans tous les états, sans quoi on ne prospère pas.

 

LA FEMME. – Tu dis vrai: il ne suffit pas d'élever de pauvres bâtardes; et j'en ai élevé, je crois, jusqu'à onze…

BOULT. – Oui, jusqu'à onze ans, et pour les abaisser après; mais j'irai chercher au marché.

LA FEMME. – Sans doute, mon garçon; la cochonnerie que nous avons tombera en pièces au premier coup de vent; elles sont trop cuites que cela fait pitié.

LE MAITRE. – Tu dis vrai; en conscience elles sont trop malsaines. Le pauvre Transylvanien est mort pour avoir couché avec la petite drôlesse.

BOULT. – Comme elle l'a vite expédié; elle en a fait du rôti pour les vers! – Mais je vais au marché.

(Boult sort.)

LE MAITRE. – Trois ou quatre mille sequins seraient un assez joli fonds pour vivre tranquilles et abandonner le commerce.

LA FEMME. – Pourquoi abandonner le commerce, je vous prie? Est-il honteux de gagner de l'argent quand on se fait vieux?

LE MAITRE. – Oh! le renom ne va pas de pair avec les profits, ni les profits avec le danger. Ainsi donc, si dans notre jeunesse nous avons pu nous acquérir une jolie petite fortune, il ne serait pas mal de fermer notre porte. D'ailleurs, nous sommes dans de tristes termes avec les dieux, et cela devrait être une raison pour nous d'abandonner le commerce.

LA FEMME. – Allons, dans d'autres métiers on les offense aussi bien que dans le nôtre.

LE MAITRE. – Aussi bien que dans le nôtre, oui, et mieux encore: mais la nature de nos offenses est pire; et notre profession n'est pas un métier ni un état. Mais voici Boult.

(Les pirates entrent avec Boult et entraînent Marina.)

BOULT, à Marina. – Ici. – (A Marina.) Venez par ici. – Messieurs, vous dites qu'elle est vierge?

PREMIER PIRATE. – Nous n'en doutons pas.

BOULT. – Maître, j'ai avancé un haut prix pour ce morceau; voyez: si elle vous convient, cela va bien. – Sinon, j'ai perdu mes arrhes.

LA FEMME. – Boult, a-t-elle quelques qualités?

BOULT. – Elle a une jolie figure; elle parle bien, a de belles robes: quelles qualités voulez-vous de plus?

LA FEMME. – Quel prix en veut-on?

BOULT. – Je n'ai pas pu l'avoir à moins de mille pièces d'or.

LE MAÎTRE. – Très-bien. Suivez-moi, mes maîtres; vous allez avoir votre argent sur l'heure. Femme, reçois-la; instruis-la de ce qu'elle a à faire, afin qu'elle ne soit pas trop novice.

(Le maître sort avec les pirates.)

LA FEMME. – Boult, prends son signalement, la couleur de ses cheveux, son teint, sa taille, son âge et l'attestation de sa virginité; puis crie: Celui qui en donnera le plus l'aura le premier. Un tel pucelage ne serait pas bon marché, si les hommes étaient encore ce qu'ils furent. Allons, obéis à mes ordres.

BOULT. – Je vais m'en acquitter. (Boult sort.)

MARINA. – Hélas! pourquoi Léonin a-t-il été si mou, si lent? Il aurait dû frapper et non parler. Pourquoi ces pirates n'ont-ils pas été assez barbares pour me réunir à ma mère, en me précipitant sous les flots?

LA FEMME. – Pourquoi vous lamentez-vous, ma belle?

MARINA. – Parce que je suis belle.

LA FEMME. – Allons, les dieux se sont occupés de vous.

MARINA. – Je ne les accuse point.

LA FEMME. – Vous êtes tombée entre mes mains, et vous avez chance d'y vivre.

MARINA. – J'ai eu d'autant plus tort d'échapper à celles qui m'auraient tuée!

LA FEMME. – Et vous vivrez dans le plaisir.

MARINA. – Non.

LA FEMME. – Oui, vous vivrez dans le plaisir, et vous goûterez toutes sortes de messieurs; vous ferez bonne chère; vous apprendrez la différence de tous les tempéraments. Quoi! vous vous bouchez les oreilles!

MARINA. – Êtes-vous une femme?

LA FEMME. – Que voulez-vous que je sois, si je ne suis une femme?

MARINA. – Une femme honnête, ou pas une femme.

LA FEMME. – Malepeste! ma petite chatte, j'aurai à faire avec vous, je pense. Allons, vous êtes une petite folle; il faut vous parler avec des révérences.

MARINA. – Que les dieux me défendent!

LA FEMME. – S'il plaît aux dieux de vous défendre par les hommes, – ils vous consoleront, ils vous entretiendront, ils vous réveilleront. – Voilà Boult de retour. (Entre Boult.) Eh bien! l'as-tu criée dans le marché?

BOULT. – Je l'ai criée sans oublier un de ses cheveux; j'ai fait son portrait avec ma voix.

LA FEMME. – Et dis-moi, comment as-tu trouvé les gens disposés, surtout la jeunesse?

BOULT. – Ma foi, ils m'ont écouté comme ils écouteraient le testament de leur père. Il y a eu un Espagnol à qui l'eau en est tellement venue à la bouche, qu'il a été se mettre au lit rien que pour avoir entendu faire son portrait.

LA FEMME. – Nous l'aurons demain ici avec sa plus belle manchette.

BOULT. – Cette nuit, cette nuit! Mais, notre maîtresse, connaissez-vous le chevalier français qui fait de si profondes révérences?

LA FEMME. – Qui! monsieur Véroles?

BOULT. – Oui, il voulait faire un salut à la proclamation; mais il a poussé un soupir et juré qu'il viendrait demain.

LA FEMME. – Bien, bien: quant à lui il a apporté sa maladie avec lui; il ne fait ici que l'entretenir. Je sais qu'il viendra à l'ombre de la maison pour étaler ses couronnes au soleil.

BOULT. – Si nous avions un voyageur de chaque nation, nous les logerions tous avec une telle enseigne.

LA FEMME. – Je vous prie, venez un peu ici. Vous êtes dans le chemin de la fortune; écoutez-moi. Il faut avoir l'air de faire à regret ce que vous ferez avec plaisir, et de mépriser le profit quand vous gagnerez le plus. Pleurez votre genre de vie, cela inspire de la pitié à vos amants: cette pitié vous vaut leur bonne opinion, et cette bonne opinion est un profit tout clair.

MARINA. – Je ne vous comprends pas.

BOULT. – Emmenez-la, maîtresse, emmenez-la; cette pudeur s'en ira avec l'usage.

LA FEMME. – Tu dis vrai, ma foi, cela viendra; la fiancée elle-même ne se prête qu'avec honte à ce qu'il est de son devoir de faire.

BOULT. – Oui, les unes sont d'une façon et les autres d'une autre. Mais dites donc, maîtresse, puisque j'ai procuré le morceau…

LA FEMME. – Tu voudrais en couper ta part sur la broche.

BOULT. – Peut-être bien.

LA FEMME. – Et qui donc te le refuserait? Allons, jeunesse, j'aime la forme de vos vêtements.

BOULT. – Oui, ma foi, il n'y a pas encore besoin de les changer.

LA FEMME. – Boult, va courir la ville; raconte quelle nouvelle débarquée nous avons; tu n'y perdras rien. Quand la nature créa ce morceau, elle te voulut du bien. Va donc dire quelle merveille c'est, et tu auras le prix de tes avis.

BOULT. – Je vous garantis, maîtresse, que le tonnerre réveille moins les anguilles5 que ma description de cette beauté ne remuera les libertins. Je vous en amènerai quelques-uns cette nuit.

LA FEMME. – Venez par ici, suivez-moi.

MARINA. – Si le feu brûle, si les couteaux tuent, si les eaux sont profondes, ma ceinture virginale ne sera pas dénouée. Diane, à mon secours!

LA FEMME. – Qu'avons-nous à faire de Diane? Allons, venez-vous?

(Ils sortent.)
4Le maître de la maison, en anglais pander, et la femme bawd.
5On suppose que le tonnerre ne produit pas d'effet sur le poisson en général, mais sur les anguilles qu'il fait sortir de la bourbe et qu'on prend alors plus aisément.