EDGAR. – Il perd connaissance… Seigneur, seigneur!
KENT. – Brise-toi, mon coeur; je t'en prie, brise-toi.
EDGAR. – Seigneur, ouvrez les yeux.
KENT. – Ne tourmentez pas son âme; laissez-le s'en aller. C'est le haïr que de vouloir l'étendre plus longtemps sur le chevalet de cette rude vie.
EDGAR. – Oh! il est mort en effet.
KENT. – Ce qui m'étonne, c'est qu'il ait pu souffrir si longtemps: il usurpait la vie.
ALBANIE. – Emportez ces corps: le malheur commun est l'objet qui réclame nos soins. (A Kent et à Edgar.) – Vous, amis de mon coeur, commandez tous deux dans ce royaume, et rendez des forces à l'État ensanglanté.
KENT. – J'ai bientôt un voyage à faire, seigneur: mon maître m'appelle, et je ne puis lui dire non.
ALBANIE. – Il faut subir le poids de ces temps d'affliction, dire ce que nous sentons, et non tout ce qu'il y aurait à dire. Le plus vieux est celui qui a le plus souffert. Nous qui sommes jeunes, nous ne verrons jamais ni tant de maux, ni tant de jours.