Pour L’éternité, et un Jour

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Aus der Reihe: L’Hôtel de Sunset Harbor #5
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Pour L’éternité, et un Jour
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Pour L’éternité, et un Jour
Pour L’éternité, et un Jour
Hörbuch
Wird gelesen Muriel Redoute Blondeau
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Roy pleurait amèrement entre ses mains. « Oui. J’étais déboussolé à l'époque. Je le suis resté très longtemps. Quand j'ai réalisé les dégâts que j'avais causés, trop de temps s'était écoulé. Je ne savais pas comment revenir là où les choses s’étaient arrêtées, comment défaire la blessure. »

« Tu n'as même pas essayé », l’accusa Emily.

« J'ai essayé », dit Roy, l’imploration dans son ton irritant encore plus Emily. « Tellement de fois. Je suis retourné à la maison à plusieurs reprises, mais chaque fois la culpabilité de ce que j'avais fait me submergeait. Il y avait trop de souvenirs. Trop de fantômes. »

« Ne dis pas ça », dit sèchement Emily, et immédiatement des images de Charlotte hantant la maison lui vinrent à l’esprit. « Ne t’avises pas. »

« Je suis désolé », répéta Roy, le souffle coupé par l’angoisse.

Il baissa les yeux sur ses genoux où ses vieilles mains tremblaient.

Sur la table devant eux, les tasses de café refroidissaient.

Emily prit une longue et profonde respiration. Elle savait que son père avait été déprimé – elle avait trouvé l’ordonnance parmi ses possessions – et qu'il n'était pas lui-même, que le chagrin le poussait à se comporter de manière impardonnable. Elle ne devrait pas le blâmer pour cela, et pourtant elle ne pouvait pas s’en empêcher. Il l’avait énormément déçue. L’avait laissée avec son chagrin. Avec sa mère. Il y avait tellement de colère bouillonnant dans le cœur d'Emily, même si elle savait que la culpabilité n’y avait pas sa place.

« Qu'est-ce que je peux faire pour me faire pardonner, Emily Jane ? », dit Roy, ses mains jointes en prière. « Comment puis-je même commencer à guérir les dommages que j'ai causés ? »

« Pourquoi ne commences-tu pas en remplissant les blancs », répondit Emily. « Dis-moi ce qui s'est passé. Où tu es allé. Ce que tu as fait pendant toutes ces années. »

Roy cligna des yeux, comme surpris par la suite de questions d'Emily.

« C'était le questionnement qui m'a tué », expliqua tristement Emily. « Si j’avais seulement su que tu étais en sécurité quelque part, j'aurais pu faire avec. Tu ne sais pas combien de scénarios j'ai échafaudés dans mon esprit, combien de vies différentes j'ai imaginé que tu vivais. J'ai passé des années à ne pas pouvoir dormir à cause de ça. C'était comme si mon esprit n'arrêtait pas d’inventer les options jusqu'à ce qu'il trouve la bonne, même s'il n'y avait aucun moyen d’y parvenir. C'était une tâche impossible et futile, mais je ne pouvais pas m'arrêter. Donc voilà comment tu peux aider. Commence par me donner la vérité, en me disant ce que j’ignorais pendant toutes ces années. Où étais-tu ? »

Les larmes de Roy se tarirent finalement. Il renifla, tamponna ses yeux avec sa manche. Puis il s’éclaircit la gorge.

« J'ai partagé mon temps entre la Grèce et l'Angleterre. J’ai trouvé une maison pour moi à Falmouth, en Cornouailles, sur la côte de l’Angleterre. C'est un bel endroit. Des falaises et des paysages merveilleux. Il y a une scène artistique fantastique là-bas. »

Comme c’est approprié, pensa-t-elle en se remémorant son obsession pour les œuvres de Toni, la façon dont il avait accroché une de ses peintures du phare dans la maison de New York qu’il avait partagé avec Patricia, et combien elle avait été en colère quand elle s’était rendu compte d’à quel point il avait été éhonté et irrespectueux.

« Comment as-tu pu te le permettre ? », le défia Emily. « La police a déclaré qu'il n'y avait eu aucune activité sur tes comptes bancaires. C'était l'une des raisons pour lesquelles je pensais que tu étais mort.

Roy grimaça à ce mot. Emily pouvait voir à quel point il se sentait mal d’être mis face à la douleur qu'il lui avait infligée. Mais il devait entendre cela. Et elle avait besoin de le dire. C'était la seule façon pour eux d'avancer.

« Je n'ai vendu aucune de mes antiquités, si c'est ce que tu veux dire », commença-t-il. « J'ai laissé tout ça pour toi. »

« Est-ce que je suis censée te remercier ? », demanda amèrement Emily. « Ce n'est pas comme si un diamant pouvait compenser des années de négligence. »

Roy acquiesça tristement, encaissant ses mots pleins de colère. Emily commençait à accepter qu'il reconnaissait, qu'il n'essayait plus d'expliquer ses actes, mais d'écouter plutôt le mal qu'ils lui avaient causé à elle.

« Tu as raison », dit-il doucement. « Je ne voulais pas dire que ça aurait pu. »

Emily serra la mâchoire. « Bien, continue alors », dit-elle. « Dis-moi ce qui s'est passé après ton départ. Comment tu as gagné ta vie. »

« Au début, je vivais au jour le jour », expliqua Roy. « Je gagnais de l'argent en faisant ce que je pouvais. Des petits boulots. Des réparations de voiture et de vélo. Du bricolage. Je suis retombé sur mes pieds en fabriquant et réparant des horloges. Je fais encore ça maintenant. Je suis horloger. Je crée des horloges décorées avec des clefs cachées et des compartiments secrets. »

« Bien sûr que tu fais ça », dit Emily avec amertume.

L’expression de honte réapparut sur le visage de Roy.

« Et pour les amours ? », demanda Emily. « Tu t’es réinstallé un jour ? »

« Je vis seul », répondit tristement Roy. « C’est le cas depuis que je suis parti. Je ne voulais pas causer plus de peine à quelqu’un d’autre. Je ne pouvais pas supporter d'être avec des gens. »

Pour la première fois, Emily commença à ressentir de la sympathie pour son père, l'imaginant seul, vivant comme un ermite. Elle commençait à avoir le sentiment d’avoir déversé autant de douleur qu’elle en avait besoin, qu'elle l’avait assez blâmé pour pouvoir enfin entendre son histoire. Une onde cathartique la parcourut.

« C'est pourquoi je n'utilise pas vraiment de technologie moderne », poursuivit Roy. « Il y a une cabine téléphonique en ville que j'utilise pour passer mes appels, qui sont rares. Le bureau de poste local me fait savoir si quelqu'un a répondu à mon annonce pour les pendules. Quand je me sens assez fort, je vais à la bibliothèque locale et je regarde mes mails pour voir si tu as pris contact. »

Emily marqua une pause, fronça les sourcils. C’était surprenant pour elle. « Tu faisais ça ? »

Roy acquiesça. « Je t’ai laissé des indices, Emily Jane. Chaque fois que je suis revenu à la maison, j'ai laissé une autre miette pour que tu la trouves. L'adresse mail a été la plus grande étape que j'ai franchie parce que je savais dès que tu l’aurais trouvée, cela te fournirait une ligne directe. Mais l'attente, l’anticipation, c'était insupportable. Donc je me suis limité à quelques passages par an. Quand j'ai eu ton mail, j'ai pris un vol directement jusqu’ici. »

Emily prit alors conscience que c'était la raison de ces mois d'angoisse supplémentaires qu'il lui avait fait traverser, après qu’elle ait appris qu'il était encore en vie et l’ait ensuite contacté. Il ne l’avait pas ignorée ou évitée, il n'avait tout simplement pas vu son mail.

« C’est vrai ? », demanda-t-elle, la gorge serrée tandis que ses yeux s’emplissaient de larmes. « Tu es vraiment venu ici dès que tu as vu que j’avais pris contact ? »

« Oui », répondit Roy, la voix à peine plus qu’un murmure. Ses propres larmes avaient recommencé à couler. « J'espérais et souhaitais et rêvais que tu prennes contact. Je pensais qu'un jour tu reviendrais dans cet endroit, quand tu serais prête. Mais je savais aussi que tu serais en colère contre moi. Je voulais que la balle soit dans ton camp. Je voulais que tu sois celle qui prendrait contact avec moi parce que je ne voulais pas m’immiscer dans ta vie. Si étais passée à autre chose sans moi, je pensais qu'il serait préférable que la situation reste ainsi. »

« Oh, papa », s’exclama Emily.

Quelque chose, finalement, fut libéré d'Emily. Quelque chose dans ce dernier, ultime aveu déchirant de son père était ce qu'elle avait eu besoin de savoir tout le long. Qu'il attendait qu’elle fasse le premier pas. Il ne l'avait pas évitée, n’était pas resté caché, il lui avait laissé des indices, ayant foi qu’une fois qu'elle aurait rassemblé toutes les pièces, elle prendrait sa propre décision de savoir si elle pouvait ou non lui pardonner et lui permettre de revenir dans sa vie.

Elle se leva et se précipita vers le canapé opposé, jetant ses bras autour de son cou. Elle sanglotait contre son épaule, des sanglots profonds qui secouaient son corps. Roy s'accrocha à elle, tremblant aussi de l'effusion de chagrin.

« Je suis tellement désolé », dit-il en s’étranglant, la voix assourdie par ses cheveux. « Je suis tellement, tellement désolé. »

Ils demeurèrent ainsi pendant un long moment, se tenant l’un à l’autre, versant chaque larme qui leur était nécessaire, faisant sortir jusqu’à la dernière goutte de douleur. Enfin, les pleurs cessèrent. Tout devint silencieux.

« As-tu d'autres questions ? », dit finalement Roy avec calme. « Je ne vais plus te cacher de secrets. Je ne cacherai rien. »

Emily se sentait épuisée, exténuée par l’émotion. La poitrine de son père se soulevait et retombait à chaque profonde respiration qu'il prenait. Elle était si fatiguée qu'elle avait l’impression de pouvoir s'endormir sur place dans ses bras. Mais en même temps, elle avait encore un million de questions qui brûlaient dans son esprit, mais une plus que les autres.

« La nuit où Charlotte est morte… », commença-t-elle. « Maman m'a donné quelques informations, mais seulement une version de l'histoire. Qu'est-il arrivé ? »

Les bras de Roy se raidirent autour d'elle. Emily savait qu'il était difficile pour lui de se souvenir de cette nuit-là, mais elle voulait désespérément connaître la vérité, ou au moins sa version. Peut-être pourrait-elle réunir les trois parties – celle de Patricia, de Roy, la sienne – et créer quelque chose qui ait un sens.

 

« Je vous avais prises pour Thanksgiving et Noël », commença Roy. « Les choses n’allaient pas bien avec votre mère, alors elle était restée à la maison. Mais ensuite, vous avez toutes les deux attrapé la grippe. »

« Je pense que je m’en souviens », dit Emily. Elle eut quelques souvenirs d'enfance de fièvres. « Le chien de Toni, Perséphone, était là. Je me suis effondré dans le couloir. »

Roy hocha de la tête, mais il avait l'air embarrassé. Emily savait pourquoi ; cela avait été un tournant dans sa liaison avec Toni, le moment où il avait été assez hardi pour laisser se croiser sa maîtresse et la vie de ses enfants.

« Tu te souviens de ta mère qui est arrivée à l’improviste ? », dit Roy.

Emily secoua la tête.

« Elle avait voulu être là pour s'occuper de vous deux puisque vous étiez si malade. »

« Cela ne ressemble pas à maman », dit Emily.

Roy rit. « Non, en effet. Peut-être était-ce une excuse. Elle soupçonnait une liaison et c'était sa façon d’agir que surgir à l’improviste et me surprendre en pleine action. »

Emily laissa échapper un acquiescement silencieux. C'était plus le style de sa mère.

« Tu as dû refouler la dispute parce que je suis sûr que nous crions assez fort pour qu’on entende jusqu’au port. » Il haussa les épaules. « Je ne sais pas si c'est ce qui a réveillé Charlotte. Elle était sous médicaments, qui l’avaient rendue vaseuse. Vous l’étiez toutes les deux. Mais elle s'est réveillée et je suppose qu'elle s'est perdue en nous cherchant, ou dans l’ensemble se sentait juste mal et sous médicaments. Elle a terminé dans la dépendance avec la piscine. Je suppose que tu connais le reste. »

Emily le savait. Mais ce qu'elle ne réalisait pas, c’était combien le rôle qu’elle avait à jouer dans tout cela était infime. Ce n'était pas sa faute si elle ne s’était pas réveillée quand Charlotte l'avait fait et n’avait pas empêché sa sœur de partir errer. Ce n’était pas non plus sa faute pour avoir parlé avec enthousiasme de la nouvelle piscine et d’avoir susciter l'excitation dans l'esprit de sa sœur pour aller la voir. Elle avait été malade, confuse, peut-être même terrifiée par la dispute de ses parents. Rien de tout cela n'avait été sa faute. Rien du tout.

Emily ressentit une soudaine libération. Un poids, dont elle n'avait même pas réalisé qu'elle le portait sur ses épaules, s’envola. Elle s'était accrochée à sa culpabilité pour la mort de Charlotte, même après que sa mère lui ait eu précisé que ce n'était pas sa faute. Maintenant, elle avait l'impression que son père lui avait donnée la permission de laisser partir cette culpabilité.

Elle se blottit contre lui, éprouvant un nouveau sentiment de paix qui s'installait en elle.

À cet instant-là, le silence fut brisé par le bruit de quelqu’un toquant doucement à la porte. Daniel passa la tête et jeta un coup d’œil.

« Daniel, entrez », dit Emily en lui faisant signe. Elle voulait qu’il soit là maintenant qu'elle et son père avaient mis cartes sur table. Elle avait besoin de son soutien.

Il approcha et se percha sur le bord du canapé en face d’eux. Emily essuya les larmes de ses cils, mais resta collée à son père, roulée en boule comme un enfant à côté de lui sur le canapé.

« Est-ce que quelqu'un a besoin de quelque chose ? », demanda doucement Daniel. « Un mouchoir ? Un petit remontant ? »

C'était juste ce qui était nécessaire à cet instant pour couper court à la tristesse. Emily hoqueta de rire. Elle sentit celui de Roy gronder dans son ventre.

« Je prendrais bien un verre », dit-elle.

« Moi aussi », répondit Roy. « Est-ce que le bar est approvisionné ? »

Daniel prit l'initiative. « Il l’est. Allons-y. C'est tellement génial là-dedans. Je vais nous préparer des boissons. »

Emily hésita. « Papa, c'est une bonne idée ? », dit-elle.

« Pourquoi ça ne le serait-il pas ? », répondit Roy, l'air confus.

Emily baissa la voix. « À cause de ton problème d'alcool. »

Roy parut stupéfait. « Quel problème d'alcool ? » Puis son visage pâlit. « Est-ce que Patricia t’as dit que j'étais alcoolique ? »

« Tu étais un alcoolique », répondit Emily. « Je me souviens de toi en train de boire. Tout le temps. »

« Je buvais beaucoup », admit Roy. « Tous les deux, ta mère et moi. C'est l'une des raisons pour lesquelles notre relation était si instable. Mais je n'étais pas un alcoolique. »

« Et les laits de poule au petit-déjeuner pour Noël ? », demanda-t-elle en se rappelant à quel point son père avait été irrité quand elle avait renversé son verre.

« C'était juste Noël ! », s’exclama Roy.

Une autre partie du passé d'Emily prit un nouveau sens. Elle avait cru en la version des évènements amère et biaisée de Patricia, lui avait permis de remplacer ses propres souvenirs de son père. Elle éprouva une vague de fureur envers sa mère pour avoir fait de Roy le méchant dans leur expérience la plus traumatisante.

Ils allèrent dans le bar clandestin et prirent place au comptoir. Daniel se mit à l’œuvre pour les cocktails.

« Nous avons un barman le soir pour s’en charger », expliqua-t-il à Roy. « Alec. Il est fantastique. Meilleur que moi en, tout cas. »

Il leur versa à chacun une Margarita. Roy prit une gorgée.

« C’est excellent », dit-il. Alors, avec un air faussement timide, il ajouta: « Je dois dire, quel beau gentleman tu t’es avéré être. »

Emily sentit son cœur bondir. Elle sourit, enfin ravie, en ayant l’impression que tout était comme il devait l’être.

« Je dois vous remercier pour ça », répondit Daniel, timidement, sans vraiment regarder Roy dans les yeux. « Pour m'avoir fait découvrir des choses qui m’importent. La pêche. La navigation. »

« Tu navigues encore ? », demanda Roy.

« J'ai un bateau au port. Rénové grâce à Emily. Nous sortons en famille. Chantelle adore ça aussi. Elle est excellente à la pêche. »

« Je navigue encore beaucoup », dit Roy. « Quand je ne travaille pas sur une horloge, je passe mon temps sur un bateau. Ou dans le jardin. »

« Vous vous souvenez de ce jour où vous m'avez appris comment cultiver des légumes ? », demanda Daniel.

« Bien sûr », répondit Roy. Il sourit en se le remémorant. « Je n'avais jamais vu un tel petit voyou dépenaillé travailler aussi dur avec un déplantoir. »

Daniel rit. « J'étais avide d'apprendre », dit-il. « De saisir l’opportunité. Même si, vu de l'extérieur, on aurait dit que je détestais le monde. »

Emily trouva étrange de les voir plaisanter et rire. Il y avait tellement moins de peine entre eux. C'était plus comme de la camaraderie. Daniel était pour toujours reconnaissant envers l'homme qui lui avait donné une chance quand il en avait eu besoin, même si cet homme avait disparu pour lui aussi. Peut-être était-ce juste une surprise pour Emily de réaliser à quel point ils avaient été proches autrefois, en sachant aussi que l'été que tous deux avaient passé ensemble avait été un été qu’elle et son père avaient passé séparés.

Son téléphone vibra et elle vit un message d’Amy concernant leur arrivée prévue dans l'après-midi. Elle et Jayne devaient s’occuper d’affaires urgentes et faire un arrêt, donc elles arriveraient plus tard que prévu. Emily se rendit compte, coupablement, qu’elle avait complètement oublié qu’elles étaient en route. Elle avait été tellement accaparée par son père que tout le reste lui était sorti de l’esprit.

Elle renvoya rapidement un message et reporta ensuite son attention sur son père et Daniel. Ils riaient encore jovialement.

« Je suis tellement content que le bateau ait réussi à tenir », s’exclama Daniel. « Qui aurait pensé que le temps tournerait ainsi ? Une tempête au milieu de l'été. »

« C'était un timing malencontreux », répondit Roy. « Étant donné que c'était ta première sortie en bateau. »

« Eh bien, j’avais le meilleur professeur, donc je n'étais pas si effrayé que ça. » Il sourit, le regard dans le vide, perdu dans le souvenir. « Merci de m'avoir fait découvrir les bateaux, l'eau, et la navigation. Je ne peux pas imaginer ma vie sans eux maintenant. »

Emily observa pendant que Roy souriait, ainsi que Daniel. Maintenant qu'elle avait libéré sa colère, elle éprouvait un sentiment de paix, de justesse. Cela aurait toujours dû être ainsi. Son père passant du temps avec son fiancé, tous deux jouissant de la compagnie de l'autre, impatients de bientôt appartenir à la même famille.

C’était peut-être un peu en tard, mais elle allait faire tout ce qui était en son pouvoir maintenant pour en profiter.

*

Alors que la soirée s’écoulait lentement, Daniel prépara une autre tournée de cocktails. Il posa un verre devant Emily juste au moment où son téléphone vibrait en raison d'un appel entrant.

« C'est Amy », expliqua-t-elle. « Je ferais mieux de décrocher. »

« Amy ? Du lycée ? », demanda Roy en levant un sourcil.

Emily acquiesça. « Nous sommes toujours amies », l’informa-t-elle. « Elle est une des demoiselles d'honneur. Elle aide beaucoup pour les préparatifs du mariage. »

Emily fila du bar et répondit à l’appel.

« Em, nous sommes tellement désolées », dit Amy. « L'appel a pris une éternité et maintenant nous sommes toutes les deux trop épuisées pour conduire. Nous allons devoir nous arrêter ici pour la nuit. Ne nous déteste pas. »

« Non », lui dit Emily, secrètement soulagée que ses amies n'interrompent pas la réunion avec son père.

« Nous partirons à la première heure demain matin », ajouta Amy.

« Honnêtement, Amy, ça va », dit Emily. Il s’est passé quelque chose ici de toute façon. »

« Quel truc ? Pour le mariage ? Daniel ? Sheila ? » Elle semblait inquiète.

« Rien de tel », expliqua Emily. Puis elle prit une profonde inspiration. « Amy, mon père est là. »

Il y eut un long silence. « Quoi ? Comment ? Tu vas bien ? »

Emily ne savait pas comment répondre à cela, et elle ne voulait vraiment s’y engager maintenant. Elle ne l'avait pas encore complètement intégré. Elle avait besoin de temps pour démêler ses émotions et donner un sens à tout cela.

« Je vais bien. Parlons-en quand vous arriverez ici. »

Amy ne semblait pas convaincue. « D'accord. Mais si tu as besoin de quelqu'un à qui parler, appelle-moi tout de suite. À demain. »

Emily raccrocha et retourna au bar, aux rires joyeux de Roy et Daniel. Les vieux amis de nouveau réunis.

« Eh bien », dit Roy, en vidant le reste d’alcool dans son verre. « Je pense qu'il est probablement temps pour moi de me faire tout petit. On dirait que vous avez à vous occuper de clients. »

Emily se sentit paniquée à l'idée que Roy s'en aille. « J'ai du personnel, ils s’occupent de tout. Il n’y a pas d’inconvénients à ce que nous passions du temps ensemble. Tu n’es pas obligé de partir. »

Roy remarqua son air paniqué. « Je voulais juste dire qu'il serait peut-être temps de se retirer. De dormir. »

« Tu veux dire que tu restes ? », dit Emily, surprise. « Ici ? »

« Si tu as de la place ? », dit humblement Roy. « Je ne voulais pas être présomptueux. »

« Bien sûr que tu peux rester ! », s’écria Emily. « Combien de temps prévois-tu d'être ici ? »

« Jusqu'au mariage, si ça ne pose pas de problème. Je pourrais vous aider un peu avec les préparatifs si nécessaire. »

Emily était abasourdie. Non seulement son père était là, mais il prévoyait d'être présent plus d'une semaine ! C'était vraiment un rêve devenu réalité.

« Ce serait merveilleux », dit-elle.

Ils allèrent à l’étage et installèrent Roy dans la pièce à côté de son bureau. Emily savait qu'il voudrait y aller à un moment ou un autre, probablement seul.

« Est-ce que cette chambre conviendra ? », demanda-t-elle.

« Oh oui. Elle est adorable », répondit Roy. « Et juste à côté de mon escalier secret. »

Emily fronça les sourcils. « Ton quoi ? »

« Ne me dis pas que vous ne l'avez jamais trouvé », dit Roy. Il y avait une étincelle de malice dans ses yeux, qui révélait qu’il avait autrefois frôlé la folie, le cercle vicieux qui avait transformé son attrait espiègle pour les cartes du trésor en discrétion et coffres forts verrouillés par des combinaisons cachées.

« Tu veux dire l'escalier du belvédère ? », demanda Emily. « Je l'ai trouvé. Mais il est au troisième étage. »

 

Roy applaudit alors bruyamment, comme soudainement ravi. « Vous ne l’avez jamais trouvé ! L'escalier des serviteurs. »

Emily secoua la tête. « Mais j'ai vu les plans de toute la maison. Le bar clandestin était le dernier endroit caché dessus. »

« Quelque chose n'est pas caché si c’est sur des plans ! », s’exclama Roy.

« Montrez-nous », dit Daniel. Il semblait excité, comme il l'avait été lorsque le bar avait été découvert.

Roy les conduisit dans son bureau. « Vous ne vous êtes pas demandé pourquoi il y avait un manteau de cheminée contre ce mur ? » Il le tapota, et il laissa échapper un bruit creux. « Tous les autres manteaux de cheminée se trouvent sur des murs extérieurs. Celui-ci est interne. »

« Cela ne m'a même pas traversé l’esprit », dit Emily.

« Eh bien, c'est derrière », Roy. « Si ça ne te dérange pas de me donner un coup de main, Daniel. »

Daniel obéit volontiers. Ils retirèrent ce qu’Emily vit maintenant comme étant un faux mur, couvert de papier peint pour être identique par rapport au reste de la pièce. Et le voilà. Un escalier. Quelconque, rien de particulièrement beau à regarder, mais c'était son existence même qui les excitait.

« Je n’arrive pas à y croire », dit Emily en entrant. « C’est la raison pour laquelle tu as choisi cette pièce comme bureau ? »

« Bien sûr », répondit Roy. « Les escaliers étaient un raccourci pour que les serviteurs aillent dans les chambres à coucher sans être vus par les personnes dans la maison. Il va juste d’ici au sous-sol, où les serviteurs dormaient à l’époque. »

« Et c'est la seule façon d’y entrer », dit Emily, qui se rendait à présent compte de la raison pour laquelle elle ne l'avait pas trouvé. Le sous-sol contenait encore des pièces inexplorées pour elle, et le bureau de son père était la pièce qu’elle avait le moins dérangée.

Roy acquiesça. « Surprise. »

Emily rit et secoua la tête. « Tant de secrets. »

Ils sortirent du bureau et Roy entra dans sa chambre. Emily allait fermer la porte derrière lui, mais il tendit la main vers elle et lui donna un baiser de bonne nuit.

Emily s'arrêta, hébétée. Son père ne l'avait pas embrassée depuis tant d'années, bien avant même qu'il ne sorte de sa vie.

« Bonne nuit, papa », dit-elle hâtivement.

Elle ferma la porte et se précipita dans sa chambre. Une fois à l'intérieur, Daniel la prit immédiatement dans ses bras pour un câlin bien nécessaire.

« Comment est-ce que tu t’en sors ? », demanda-t-il doucement, la berçant doucement dans ses bras.

« Je n’arrive pas à croire qu'il soit vraiment ici », balbutia-t-elle. « Je n’arrête pas de penser que c'est un rêve. »

« De quoi avez-vous parlé ? »

« De tout. Je veux dire, je sais que je suis encore en train de digérer tout ça, mais c'était cathartique. J’ai l’impression que nous pouvons mettre toute la douleur derrière nous maintenant et recommencer à zéro. »

« Donc ce sont des larmes de joie qui mouillent mon épaule ? », plaisanta Daniel.

Emily recula et se mit à rire face à la tache sombre sur le t-shirt de Daniel. « Oups, désolée, dit-elle. Elle n'avait même pas réalisé qu'elle avait pleuré.

Daniel l'embrassa légèrement. « Tu n’as à t’excuser de rien. Je comprends que ça va être difficile. Si tu as besoin de pleurer ou rire ou crier ou n'importe quoi, je suis là. D'accord ? »

Emily hocha de la tête, si reconnaissante d'avoir un si bel être humain dans sa vie. Et maintenant, avec son père ici, elle avait l’impression que tout était vraiment en place. Enfin, après tant d'années à vivre une vie inassouvie, elle avait le sentiment qu’elle allait enfin vivre la vie qu'elle méritait.

Son mariage n’était que dans une semaine. Et maintenant, pour la première fois, avec tous ceux qu’elle aimait autour d’elle, elle se sentait véritablement prête pour.

Il était maintenant temps de se marier.