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L'étourdi

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Scène VI

Lélie, Anselme.

Lélie (sans voir Anselme.)

 
Maintenant, avec ce passe-port,
Je puis à Trufaldin rendre aisément visite.
 

Anselme

 
A ce que je puis voir, votre douleur vous quitte ?
 

Lélie

 
Que dites-vous ? Jamais elle ne quittera
Un coeur qui chèrement toujours la gardera.
 

Anselme

 
Je reviens sur mes pas vous dire avec franchise
Que tantôt avec vous j’ai fait une méprise ;
Que parmi ces louis, quoiqu’ils semblent très beaux,
J’en ai, sans y penser, mêlé que je tiens faux ;
Et j’apporte sur moi de quoi mettre en leur place.
De nos faux monnayeurs l’insupportable audace
Pullule en cet Etat d’une telle façon,
Qu’on ne reçoit plus rien qui soit hors de soupçon.
Mon Dieu ! qu’on ferait bien de les faire tous pendre !
 

Lélie

 
Vous me faites plaisir de les vouloir reprendre ;
Mais je n’en ai point vu de faux, comme je croi.
 

Anselme

 
Je les connaîtrai bien : montrez, montrez-les moi.
Est-ce tout ?
 

Lélie

 
Oui.
 

Anselme

 
Tant mieux. Enfin je vous raccroche,
Mon argent bien-aimé ; rentrez dedans ma poche ;
Et vous, mon brave escroc, vous ne tenez plus rien.
Vous tuez donc des gens qui se portent fort bien ?
Et qu’auriez-vous donc fait sur moi, chétif beau-père ?
Ma foi, je m’engendrais d’une belle manière,
Et j’allais prendre en vous un beau-fils fort discret !
Allez, allez mourir de honte et de regret.
 

Lélie (seul.)

 
Il faut dire : J’en tiens. Quelle surprise extrême !
D’où peut-il avoir su sitôt le stratagème ?
 

Scène VII

Lélie, Mascarille.

Mascarille

 
Quoi ! vous étiez sorti ? Je vous cherchais partout.
Eh bien ! en sommes-nous enfin venus à bout ?
Je le donne en six coups au fourbe le plus brave.
Cà, donnez-moi que j’aille acheter notre esclave :
Votre rival après sera bien étonné.
 

Lélie

 
Ah ! mon pauvre garçon, la chance a bien tourné !
Pourrais-tu de mon sort deviner l’injustice ?
 

Mascarille

 
Quoi ! que serait-ce ?
 

Lélie

 
Anselme, instruit de l’artifice,
M’a repris maintenant tout ce qu’il nous prêtait,
Sous couleur de changer de l’or que l’on doutait.
 

Mascarille

 
Vous vous moquez peut-être ?
 

Lélie

 
Il est trop véritable.
 

Mascarille

 
Tout de bon ?
 

Lélie

 
Tout de bon : j’en suis inconsolable.
Tu te vas emporter d’un courroux sans égal.
 

Mascarille

 
Moi, Monsieur ! Quelque sot[10] : la colère fait mal,
Et je veux me choyer, quoi qu’enfin il arrive.
Que Célie, après tout, soit ou libre ou captive,
Que Léandre l’achète, ou qu’elle reste là,
Pour moi, je m’en soucie autant que de cela.
 

Lélie

 
Ah ! n’aye point pour moi si grande indifférence,
Et sois plus indulgent à ce peu d’imprudence !
Sans ce dernier malheur, ne m’avoueras-tu pas
Que j’avais fait merveille, et qu’en ce feint trépas
J’éludais un chacun d’un deuil si vraisemblable,
Que les plus clairvoyants l’auraient cru véritable ?
 

Mascarille

 
Vous avez en effet sujet de vous louer.
 

Lélie

 
Et bien ! je suis coupable, et je veux l’avouer.
Mais si jamais mon bien te fut considérable[11],
Répare ce malheur, et me sois secourable.
 

Mascarille

 
Je vous baise les mains ; je n’ai pas le loisir.
 

Lélie

 
Mascarille ! mon fils !
 

Mascarille

 
Point.
 

Lélie

 
Fais-moi ce plaisir.
 

Mascarille

 
Non, je n’en ferai rien.
 

Lélie

 
Si tu m’es inflexible,
Je m’en vais me tuer.
 

Mascarille

 
Soit ; il vous est loisible.
 

Lélie

 
Je ne te puis fléchir ?
 

Mascarille

 
Non.
 

Lélie

 
Vois-tu le fer prêt ?
 

Mascarille

 
Oui.
 

Lélie

 
Je vais le pousser.
 

Mascarille

 
Faites ce qu’il vous plaît.
 

Lélie

 
Tu n’auras pas regret de m’arracher la vie ?
 

Mascarille

 
Non.
 

Lélie

 
Adieu Mascarille.
 

Mascarille

 
Adieu Monsieur Lélie.
 

Lélie

 
Quoi !…
 

Mascarille

 
Tuez-vous donc vite. Ah ! que de longs devis[12].
 

Lélie

 
Tu voudrais bien, ma foi, pour avoir mes habits,
Que je fisse le sot, et que je me tuasse.
 

Mascarille

 
Savais-je pas qu’enfin ce n’était que grimace ;
Et, quoi que ces esprits jurent d’effectuer,
Qu’on n’est point aujourd’hui si prompt à se tuer ?
 

Scène VIII

Trufaldin, Léandre, Lélie, Mascarille. (Trufaldin parle bas à Léandre dans le fond du théâtre.)

Lélie

 
Que vois-je ? mon rival et Trufaldin ensemble !
Il achète Célie ; ah ! de frayeur je tremble.
 

Mascarille

 
Il ne faut point douter qu’il fera ce qu’il peut,
Et s’il a de l’argent, qu’il pourra ce qu’il veut.
Pour moi, j’en suis ravi. Voilà la récompense
De vos brusques erreurs, de votre impatience.
 

Lélie

 
Que dois-je faire ? dis ; veuille me conseiller.
 

Mascarille

 
Je ne sais.
 

Lélie

 
Laisse-moi, je vais le quereller.
 

Mascarille

 
Qu’en arrivera-t-il ?
 

Lélie

 
Que veux-tu que je fasse
Pour empêcher ce coup ?
 

Mascarille

 
Allez, je vous fais grâce ;
Je jette encore un oeil pitoyable sur vous.
Laissez-moi l’observer ; par des moyens plus doux
Je vais, comme je le crois, savoir ce qu’il projette.
 

(Lélie sort.)

Trufaldin (à Léandre.)

 
Quand on viendra tantôt, c’est une affaire faite.
 

(Trufaldin sort.)

Mascarille (à part, en s’en allant.)

 
Il faut que je l’attrape, et que de ses desseins
Je sois le confident, pour mieux les rendre vains.
 

Léandre (seul.)

 
Grâces au ciel, voilà mon bonheur hors d’atteinte ;
J’ai su me l’assurer, et je n’ai plus de crainte.
Quoi que désormais puisse entreprendre un rival,
Il n’est plus en pouvoir de me faire du mal.
 

Scène IX

Léandre, Mascarille.

Mascarille (dit ces deux vers dans la maison, et entre sur le théâtre.)

 
Ahi ! à l’aide ! au meurtre ! au secours ! on m’assomme !
Ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! O traître ! ô bourreau d’homme !
 

Léandre

 
D’où procède cela ? Qu’est-ce ? que te fait-on ?
 

Mascarille

 
On vient de me donner deux cents coups de bâton.
 

Léandre

 
Qui ?
 

Mascarille

 
Lélie.
 

Léandre

 
 
Et pourquoi ?
 

Mascarille

 
Pour une bagatelle
Il me chasse, et me bat d’une façon cruelle.
 

Léandre

 
Ah ! vraiment il a tort.
 

Mascarille

 
Mais, ou je ne pourrai,
Ou je jure bien fort que je m’en vengerai.
Oui, je te ferai voir, batteur que Dieu confonde,
Que ce n’est pas pour rien qu’il faut rouer le monde ;
Que je suis un valet, mais fort homme d’honneur,
Et qu’après m’avoir eu quatre ans pour serviteur,
Il ne me fallait pas payer en coups de gaules,
Et me faire un affront si sensible aux épaules.
Je te le dis encor, je saurai m’en venger :
Une esclave te plaît, tu voulais m’engager
A la mettre en tes mains, et je veux faire en sorte
Qu’un autre te l’enlève, ou le diable m’emporte.
 

Léandre

 
Ecoute, Mascarille, et quitte ce transport.
Tu m’as plu de tout temps, et je souhaitais fort
Qu’un garçon comme toi, plein d’esprit et fidèle,
A mon service un jour pût attacher son zèle :
Enfin, si le parti te semble bon pour toi,
Si tu veux me servir, je t’arrête avec moi.
 

Mascarille

 
Oui, Monsieur, d’autant mieux que le destin propice
M’offre à me bien venger, en vous rendant service ;
Et que, dans mes efforts pour vos contentements,
Je puis à mon brutal trouver des châtiments :
De Célie, en un mot, par mon adresse extrême…
 

Léandre

 
Mon amour s’est rendu cet office lui-même.
Enflammé d’un objet qui n’a point de défaut,
Je viens de l’acheter moins encor qu’il ne vaut.
 

Mascarille

 
Quoi ! Célie est à vous.
 

Léandre

 
Tu la verrais paraître,
Si de mes actions j’étais tout à fait maître :
Mais quoi ! mon père l’est : comme il a volonté,
Ainsi que je l’apprends d’un paquet apporté,
De me déterminer à l’hymen d’Hippolyte,
J’empêche qu’un rapport de tout ceci l’irrite.
Donc avec Trufaldin (car je sors de chez lui)
J’ai voulu tout exprès agir au nom d’autrui ;
Et l’achat fait, ma bague est la marque choisie
Sur laquelle au premier il doit livrer Célie.
Je songe auparavant à chercher les moyens
D’ôter aux yeux de tous ce qui charme les miens ;
A trouver promptement un endroit favorable
Où puisse être en secret cette captive aimable.
 

Mascarille

 
Hors de la ville un peu, je puis avec raison
D’un vieux parent que j’ai vous offrir la maison ;
Là vous pourrez la mettre avec toute assurance,
Et de cette action nul n’aura connaissance.
 

Léandre

 
Oui, ma foi, tu me fais un plaisir souhaité.
Tiens donc, et va pour moi prendre cette beauté.
Dès que par Trufaldin ma bague sera vue,
Aussitôt en tes mains elle sera rendue,
Et dans cette maison tu me la conduiras,
Quand… Mais chut, Hippolyte est ici sur nos pas.
 

Scène X

Hippolyte, Léandre, Mascarille.

Hippolyte

 
Je dois vous annoncer, Léandre, une nouvelle ;
Mais la trouverez-vous agréable ou cruelle ?
 

Léandre

 
Pour en pouvoir juger et répondre soudain,
Il faudrait la savoir.
 

Hippolyte

 
Donnez-moi donc la main
Jusqu’au temple ; en marchant je pourrai vous l’apprendre.
 

Léandre (à Mascarille.)

 
Va, va-t’en me servir sans davantage attendre.
 

Scène XI

Mascarille.

Mascarille

 
Oui, je vais te servir d’un plat de ma façon.
Fut-il jamais au monde un plus heureux garçon ?
Oh ! que dans un moment Lélie aura de joie !
Sa maîtresse en nos mains tomber par cette voie !
Recevoir tout son bien d’où l’on attend son mal !
Et devenir heureux par la main d’un rival !
Après ce rare exploit, je veux que l’on s’apprête
A me peindre en héros, un laurier sur la tête,
Et qu’au bas du portrait on mette en lettres d’or :
«Vivat Mascarillus, fourbum imperator» !
 

Scène XII

Trufaldin, Mascarille.

Mascarille

 
Holà !
 

Trufaldin

 
Que voulez-vous ?
 

Mascarille

 
Cette bague connue
Vous dira le sujet qui cause ma venue.
 

Trufaldin

 
Oui, je reconnais bien la bague que voilà.
Je vais quérir l’esclave ; arrêtez un peu là.
 

Scène XIII

Trufaldin, Un Courrier, Mascarille.

Le Courrier (à Trufaldin.)

 
Seigneur, obligez-moi de m’enseigner un homme…
 

Trufaldin

 
Et qui ?
 

Le Courrier

 
Je crois que c’est Trufaldin qu’il se nomme.
 

Trufaldin

 
Et que lui voulez-vous ? Vous le voyez ici.
 

Le Courrier

 
Lui rendre seulement la lettre que voici.
 

Trufaldin (lit.)

 
« Le ciel, dont la bonté prend souci de ma vie, «
« Vient de me faire ouïr, par un bruit assez doux, «
« Que ma fille, à quatre ans par des voleurs ravie, «
« Sous le nom de Célie est esclave chez vous. «
« Si vous sûtes jamais ce que c’est qu’être père, «
« Et vous trouvez sensible aux tendresses du sang, «
« Conservez-moi chez vous cette fille si chère, «
« Comme si de la vôtre elle tenait le rang. «
« Pour l’aller retirer je pars d’ici moi-même, «
« Et vous vais de vos soins récompenser si bien, «
« Que par votre bonheur, que je veux rendre extrême, «
« Vous bénirez le jour où vous causez le mien. «
« De Madrid. «
« Don Pedro De Gusman, «
« Marquis de Montalcane. «
 

(il continue.)

 
Quoiqu’à leur nation bien peu de foi soit due,
Ils me l’avaient bien dit, ceux qui me l’ont vendue,
Que je verrais dans peu quelqu’un la retirer,
Et que je n’aurais pas sujet d’en murmurer ;
Et cependant j’allais, par mon impatience,
Perdre aujourd’hui les fruits d’une haute espérance.
 

(au courrier.)

 
Un seul moment plus tard, tous vos pas étaient vains,
J’allais mettre à l’instant cette fille en ses mains.
Mais suffit ; j’en aurai tout le soin qu’on désire.
 

(Le courrier sort.)

(à Mascarille.)

 
Vous-même vous voyez ce que je viens de lire.
Vous direz à celui qui vous a fait venir
Que je ne lui saurais ma parole tenir ;
Qu’il vienne retirer son argent.
 

Mascarille

 
Mais l’outrage
Que vous lui faites…
 

Trufaldin

 
Va, sans causer davantage.
 

Mascarille (seul.)

 
Ah ! le fâcheux paquet que nous venons d’avoir !
Le sort a bien donné la baie[13] à mon espoir ;
Et bien à la malheure[14] est-il venu d’Espagne,
Ce courrier que la foudre ou la grêle accompagne.
Jamais, certes, jamais plus beau commencement
N’eut en si peu de temps plus triste événement.
 

Scène XIV

Lélie, riant ; Mascarille.

Mascarille

 
Quel beau transport de joie à présent vous inspire ?
 

Lélie

 
Laisse-m’en rire encore avant que te le dire.
 

Mascarille

 
Cà, rions donc bien fort, nous en avons sujet.
 

Lélie

 
Ah ! je ne serai plus de tes plaintes l’objet.
Tu ne me diras plus, toi qui toujours me cries,
Que je gâte en brouillon toutes tes fourberies :
J’ai bien joué moi-même un tour des plus adroits.
Il est vrai, je suis prompt, et m’emporte parfois ;
Mais pourtant, quand je veux, j’ai l’imaginative
Aussi bonne, en effet, que personne qui vive ;
Et toi-même avoueras que ce que j’ai fait, part
D’une pointe d’esprit où peu de monde a part.
 

Mascarille

 
Sachons donc ce qu’a fait cette imaginative.
 

Lélie

 
Tantôt, l’esprit ému d’une frayeur bien vive,
D’avoir vu Trufaldin avecque mon rival,
Je songeais à trouver un remède à ce mal,
Lorsque, me ramassant tout entier en moi-même,
J’ai conçu, digéré, produit un stratagème
Devant qui tous les tiens, dont tu fais tant de cas,
Doivent, sans contredit, mettre pavillon bas.
 

Mascarille

 
Mais qu’est-ce ?
 

Lélie

 
Ah ! s’il te plaît, donne-toi patience.
J’ai donc feint une lettre avecque diligence,
Comme d’un grand seigneur écrite à Trufaldin,
Qui mande qu’ayant su, par un heureux destin,
Qu’une esclave qu’il tient sous le nom de Célie
Est sa fille, autrefois par des voleurs ravie,
Il veut la venir prendre, et le conjure au moins
De la garder toujours, de lui rendre ses soins ;
Qu’à ce sujet il part d’Espagne, et doit pour elle
Par de si grands présents reconnaître son zèle,
Qu’il n’aura point regret de causer son bonheur.
 

Mascarille

 
Fort bien.
 

Lélie

 
Ecoute donc, voici le meilleur.
La lettre que je dis a donc été remise ;
Mais sais-tu bien comment ? En saison si bien prise,
Que le porteur m’a dit que, sans ce trait falot,
Un homme l’emmenait, qui s’est trouvé fort sot.
 

Mascarille

 
Vous avez fait ce coup sans vous donner au diable ?
 

Lélie

 
Oui. D’un tour si subtil m’aurais-tu cru capable ?
Loue au moins mon adresse, et la dextérité
Dont je romps d’un rival le dessein concerté.
 

Mascarille

 
A vous pouvoir louer selon votre mérite,
Je manque d’éloquence, et ma force est petite.
Oui, pour bien étaler set effort relevé,
Ce bel exploit de guerre à nos yeux achevé,
Ce grand et rare effet d’une imaginative
Qui ne cède en vigueur à personne qui vive,
ma langue est impuissante, et je voudrais avoir
Celles de tous les gens du plus exquis savoir,
Pour vous dire en beaux vers, ou bien en docte prose,
Que vous serez toujours, quoi que l’on se propose,
Tout ce que vous avez été durant vos jours ;
C’est-à-dire, un esprit chaussé tout à rebours,
Une raison malade et toujours en débauche,
Un envers du bon sens, un jugement à gauche,
Un brouillon, une bête, un brusque, un étourdi,
Que sais-je ? un… cent fois plus encor que je ne di.
C’est faire en abrégé votre panégyrique.
 

Lélie

 
Apprends-moi le sujet qui contre moi te pique ;
Ai-je fait quelque chose ? Eclaircis-moi ce point.
 

Mascarille

 
Non, vous n’avez rien fait ; mais ne me suivez point.
 

Lélie

 
 
Je te suivrai partout pour savoir ce mystère.
 

Mascarille

 
Oui ? Sus donc, préparez vos jambes à bien faire,
Car je vais vous fournir de quoi les exercer.
 

Lélie (seul.)

 
Il m’échappe. O malheur qui ne se peut forcer !
Aux discours qu’il m’a faits que saurais-je comprendre ?
Et quel mauvais office aurais-je pu me rendre ?
 

ACTE III

Scène première

Mascarille.

Mascarille

 
Taisez-vous, ma bonté, cessez votre entretien ;
Vous êtes une sotte, et je n’en ferai rien.
Oui, vous avez raison, mon courroux, je l’avoue ;
Relier tant de fois ce qu’un brouillon dénoue,
C’est trop de patience ; et je dois en sortir,
Après de si beaux coups qu’il a su divertir.
Mais aussi raisonnons un peu sans violence.
Si je suis maintenant ma juste impatience,
On dira que je cède à la difficulté ;
Que je me trouve à bout de ma subtilité :
Et que deviendra lors cette publique estime
Qui te vante partout pour un fourbe sublime,
Et que tu t’es acquise en tant d’occasions,
A ne t’être jamais vu court d’inventions ?
L’honneur, ô Mascarille, est une belle chose !
A tes nobles travaux ne fait aucune pause ;
Et quoi qu’un maître ait fait pour te faire enrager,
Achève pour ta gloire, et non pour l’obliger.
Mais quoi ! Que ferais-tu, que de l’eau toute claire ?
Traversé sans repos par ce démon contraire,
Tu vois qu’à chaque instant il te fait déchanter,
Et que c’est battre l’eau de prétendre arrêter
Ce torrent effréné, qui de tes artifices
Renverse en un moment les plus beaux édifices.
Eh bien ! pour toute grâce, encore un coup du moins,
Au hasard du succès sacrifions des soins ;
Et s’il poursuit encore à rompre notre chance,
J’y consens, ôtons-lui toute notre assistance.
Cependant notre affaire encor n’irait pas mal,
Si par là nous pouvions perdre notre rival,
Et que Léandre enfin, lassé de sa poursuite,
Nous laissât jour entier pour ce que je médite.
Oui, je roule en ma tête un trait ingénieux,
Dont je promettrais bien un succès glorieux,
Si je puis n’avoir plus cet obstacle à combattre.
Bon, voyons si son feu se rend opiniâtre.