L'Enfer C'Est Lui

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CHAPITRE II

Kamikaze

« Je suis l’homme le plus sage au monde, je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien. »

Socrate

Il y a quelques années, alors que je marchais dans une rue encombrée et déprimante d’Addis Abeba en Ethiopie, la vue d’une jeune mère frêle et d’un enfant crasseux assoupi, enroulé dans un petit morceau de tissu sur son dos m’a rappelé le souvenir de ma défaite, mon « Waterloo » intellectuel à l’aéroport international Jomo Kenyatta de Nairobi. C’est à ce moment précis que je me suis écrié : eurêka ! Pourtant, ce jour-là, j’étais encore très loin des aventures tumultueuses de mon enquête dont l'objectif est de détailler clairement un remède face à la décomposition des classes sociales qui gangrène chaque société.

Après ça, j’ai investi du temps, de l’argent et de l’énergie pour analyser concrètement les problèmes des individus de par le monde. Dans ce but, Tara et moi avons voyagé autant que nous le pouvions, avons lu abondamment et sommes restés scotchés des heures à la télévision pour regarder des documentaires. L’une de mes croisades nous a conduits à travers les pays d’Afrique subsaharienne et nous avons été surpris par les nombreux défis qu'ils affrontent et qui dépassent largement leurs frontières. La principale caractéristique des pays de cette région est un mamba exotique à deux têtes : la corruption et la répression. On pourrait tenir les gouvernements de ces pays pour responsables des difficultés qu’ils rencontrent. En réalité, ils sont utilisés par quelques familles dirigeantes afin de consolider leur pouvoir et leurs richesses. Pour faire court, les services publics de cette région du monde sont dans un état catastrophique.

De nombreux doigts pointent le chaos qui règne dans le coin ; de très mauvaises pratiques de gestion sont décidées par les pays eux-mêmes, mais aussi par d’autres pays, avec je le pense, l’objectif de ralentir le développement interne et régional. Alors que je visitais d’autres villes de l’hémisphère Ouest, j’ai remarqué que la même gangrène ronge l’Afrique et des pays d’Amérique latine. On aurait pu croire que l’Illinois était une province du Nigeria lorsque l’ancien gouverneur Rod Blagojevich a été envoyé derrière les barreaux pour avoir essayé de vendre le siège de sénateur du 44ème président des États-Unis, Barack Obama. D’autres scandales rapportés dans les pays du BRIC (Acronyme désignant Brésil, Russie, Inde et la Chine) prennent des proportions énormes. Je ne suis pas un grand fan de football, mais je m’attends à ce que les entrepreneurs brésiliens tournent en ridicule la coupe du monde de football 2014, avec des stades et des ouvrages d’art hors de prix qui s’effondreront avant et pendant les festivités. Et je ne sais pas quoi dire du scandale de la ville de Hengyang au sud de la Chine qui a entraîné la démission de la quasi-totalité des dirigeants de l’assemblée populaire de la ville. La prédominance d’une mauvaise gestion des ressources et la décadence des dirigeants ont engendré un gaspillage financier sans précédent.

« Une promenade décontractée dans un asile d'aliénés montre que la foi ne prouve rien. »

Wilhelm Nietzsche

Lors de mon road trip au cœur de la pauvreté, j’ai rencontré des étudiants occidentaux dévoués qui étaient partis, ou étaient sur le point de partir, pour une mission humanitaire en vue d’améliorer leurs CV ou pour augmenter leurs chances d’être admis dans des établissements universitaires prestigieux. Je me suis surpris à être complètement ailleurs, les yeux dans le vide, devant de belles photos des célébrités les plus en vue du cinéma américain, ou devant celle d’un porte-parole d’une œuvre caritative qui souhaitaient tous, profondément, « sauver le peuple » (même si parfois les animaux étaient plus importants que les hommes). Pourtant, la folie n’est rien, comparée aux cours sur la démocratie participative ou le développement économique que j’ai suivis dans la meilleure partie du globe où j’ai rencontré des personnes qui pensaient être des faiseurs de miracles et des bienfaiteurs des pays du tiers-monde. Pour aussi talentueux qu’ils puissent être, il y a une faille dans leur approche théorique, laquelle correspond à leur vision sectaire des défis et challenges des pays peu développés. Ils ont pensé leurs modèles de développement à travers leur passion tenace pour le capitalisme. Cet état d’esprit me fait penser à cet aphorisme « si le seul outil que vous avez est un marteau, alors tout commence à ressembler à un clou. »

Il convient de souligner qu’au fil des années, une société dominante s’est toujours faite l'étendard du prestigieux statut « d’exceptionnalisme ». J’applaudirais à cette audace et bravoure si leurs économistes assumaient la responsabilité de leurs leaders de disséquer avec précision le monde qui nous entoure et, en accord avec cela, de prescrire les interventions efficaces qui nous permettraient de nous en sortir. Qu’avons-nous actuellement ? Un furieux désordre global où la rentabilité et le Produit Intérieur Brut (un moyen dément de mesurer le développement) sont au centre d’initiatives principales. Je dois aussi mettre en évidence le prétexte trop souvent utilisé de la « mondialisation », qui a depuis ajouté des éléments d’envergure et accéléré sa vitesse de propagation. Que dire de l’humanité lorsque, encore et toujours, des nations dirigeantes ferment les yeux sur l'utilisation de pratiques inhumaines, que l’on appelait il y a quelques siècles esclavage, et aujourd’hui auto-esclavage ? A qui profite le crime ?

Je m’énerve lorsque les Occidentaux sont surpris que ces programmes, avec lesquels on submerge les pays rencontrant des problèmes, ne fournissent pas les résultats attendus et prophétisés. Je m’énerve un peu plus encore, lorsque des solutions aux besoins des citoyens sont traitées de manière intégrée, depuis les bureaux à Washington DC et quand des druides économiques font le ménage dans les données et développent des modèles simplifiés qui résument la complexité de la réalité observable. Des études critiques menées par rien de moins que le FMI et la Banque Mondiale ont dû s’épancher avec perplexité sur l’efficacité des programmes proposés par les principales institutions financières internationales. Ces consciences coupables dénoncent la façon dont l’évanouissement économique d’un pays est diagnostiqué comme coma, puis envoyé aux urgences d’une organisation internationale et enfermé dans des incubateurs financiers débranchés, shooté par une overdose d’aides financières, agressé et abusé par des nécrophiles frénétiques, et utilisé comme terrain d’essai pour des programmes expérimentaux de réformes irrationnels. Dieu nous en garde, si un pays diagnostiqué en état comateux montre quelques signes de retour à la vie après toutes ces opérations à cœur ouvert inutiles, comme l’Argentine par exemple, il sera alors à la merci de féroces vautours qui essayeront de lui manger les yeux et les intestins.

Quel est le remède habituel injecté à une nation une fois le diagnostic de « pays en échec » établi ? Par exemple, prenons le cas d’Haïti, après que l’ouragan Sandy ait dévasté cette nation vaudou qui chancelait déjà depuis un siècle. Dans un premier temps le pays a été mis en quarantaine et sous curatelle internationale. La deuxième étape revient aux puissantes nations, qui ont imposé en douceur (avec des élections démocratiques) à des millions d’illettrés, un bouffon charismatique dont la meilleure idée a été d’organiser un carnaval dans une petite bourgade de l’île d’Hispaniola, pendant qu’au même moment les décisions importantes étaient prises exclusivement par des émissaires de la Banque Mondiale et du Fond Monétaire International. Haïti est loin d’être un cas isolé. Les fonds apportés par l'aide internationale sont utilisés pour obtenir certaines concessions de la part de pays en ruine. De ces mêmes fonds, ils n’auraient pas disposé en période de bonne santé.

On a observé à Haïti, et dans d’autres trous noirs où les mêmes approches ont été utilisées, que ces solutions ont engendré des problèmes encore plus graves que l’état initial dans lequel le pays se trouvait. Principalement parce que les cleptomanes et « partenaires » techniques de ces nations mettent souvent en œuvre des dogmes et des réformes contradictoires, ce qui a pour effet, pour les pays pauvres, de s’enfoncer encore un peu plus. Je ne dois pas être le premier à vous dire que les descendants de John Maynard Keynes et Harry Dexter White, et d’autres institutions financières internationales, agissent au gré des bailleurs financiers et des bailleurs d'intérêts. Ce qui entraîne la reprise du gaspillage et la mauvaise gestion. Et si vous voulez connaître l’ampleur du désastre, n’hésitez pas à visiter Cité Jalousie, à Port-au-Prince en Haïti et comparez-le aux villas louées aux pacificateurs, les agents des Nations Unies.

« J’ai prêché comme si c’était la dernière fois, et comme un mourant à des mourants. »

Richard Baxter

Aujourd'hui, les économistes affirment qu’une théorie ne peut être développée sauf de manière géométrique ; tout phénomène qui ne peut être expliqué par un modèle mathématique est considéré comme illogique. Autrement dit, si rien n’est expliqué sans que tout soit exprimé par une équation hallucinante, ce livre peut être lu alors comme une lettre précédant un suicide. Pourtant, je ne suis assez déprimé ni pour plonger sous une rame de métro, ni pour faire une retraite dans un temple bouddhiste. Je dois remercier les économistes classiques prodigues qui ne se sont pas enclins à cette contrainte, et qui ont donné naissance, avec esthétique, à des principes remarquables et, malheureusement, des traités diaboliques.

 

Le contraste entre la misère et le désespoir de la multitude et le niveau d’opulence et de gâchis d’une minorité n’est pas un résumé complexe, mais plutôt une réalité observable à une échelle globale qui revient alors à une abomination morale. Les révisionnistes occidentaux sont en train de suggérer que les cauchemars des pays du tiers-monde n’ont rien à voir avec la colonisation, lorsque l’on considère la couche sociale postcoloniale qui reflète le système de castes hérité des méthodes d’exploitation impitoyable de la colonisation. Et peu de choses ont été faites, mis à part imposer un chef d’état délirant pour aider les marginalisés à échapper à un avenir sombre. Tout ceci pour dire que le cannibalisme socio-politico-économique (le capitalisme) n’est pas adapté au développement, aux réalités et aux potentialités de ces pays.

Dans l’arène globale du capitalisme, la capacité d’une nation à concourir avec d’autres qui font au moins la même taille, prédétermine ses perspectives de croissance et de développement. La République du Burundi et le Royaume de Belgique, sont deux pays qui ont à peu près la même superficie et le même nombre d’habitants et qui ne pourraient pas être plus éloignés l’un de l’autre du point de vue économique. En effet, Le PIB du Burundi est deux cents fois moins élevé que celui de la Belgique. En dehors d’une dette exagérément plus élevée que le PIB du petit Royaume, comment la Belgique a-t-elle réussi cette prouesse ? Eh bien, nous devons nous orienter sur des faits historiques afin d’expliquer l’avantage comparatif de la Belgique sur le Burundi. Le Royaume a adopté une méthode cruelle pour amasser sa richesse nationale. Pendant que les Allemands décimaient les structures socioculturelles du Burundi, entre 1887 et 1965, le roi Léopold II de Belgique, et ensuite la Belgique en tant que nation, ont sadiquement pillé les richesses d’un pays qui faisait huit fois sa taille, connu aujourd’hui sous le nom de République « démocratique » du Congo. Et après la Seconde Guerre mondiale, le Burundi fut arraché aux mains des Allemands et donné à la Belgique par la Société des Nations pour avoir subi une légère forme de colonialisme de la part de leur grand voisin. L’ironie du sort, allez comparer la dette nationale de la Belgique à celle du Burundi ; je vous assure que vous allez baver !!!

Il est cependant intéressant de noter, que les pays en voie de développement ne sont pas ma seule source de preuves du désordre global. D’une part, les économies centralisées ont échoué en souhaitant imposer un panier uniforme de besoins aux populations et en laissant s’enliser 99 % de la population au bas de l’échelle. L’Union Soviétique défunte avait parfaitement installé le communisme jusqu’à ce qu’elle se retrouve face à un mur, littéralement. En revanche, le marché libre nous laisse tomber avec une règle contraire à celle de la survie des plus forts, pour satisfaire un petit groupe de 1 % situé au sommet. Une seule fois, dans un passé récent, le Congrès des États-Unis d’Amérique s’est uni en mode bipartite afin de renflouer de nombreuses banques nord-américaines qui étaient soi-disant « too big to fail » (trop grandes pour faire faillite), ainsi que des compagnies d’assurances. En revanche, en 2013, le même Congrès a réduit de plusieurs milliards de dollars le programme de bons alimentaires qui avait permis à une partie de la population américaine de se retrouver à peine au-dessus du seuil de pauvreté.

En observant scrupuleusement la situation du commerce mondial, vous devriez être capable de remarquer comment le modèle du Capitalisme a confiné les principaux flux commerciaux internationaux lucratifs au sein de mêmes économies. Les autres pays sont réduits à être de simples fournisseurs de matières premières et de main d’œuvre bon marché. Mais la grasse et grosse dame est sur le point d’arrêter de siffloter nonchalamment, elle est devenue bien trop dodue pour se tenir sur ses pieds. En 2010, General Motors a fermé son usine à Anvers en Belgique, en raison d’une capacité excédentaire de l’industrie automobile européenne. Par la suite, d’autres usines appartenant à d’autres secteurs d’activité en Europe et Amérique du Nord ont fermé leurs portes.

« Koketsu ni irazunba koji wo ezu. »

Sagesse Japonaise

Considérant leur doctrine économique respective, Cuba et l'Angleterre sont en train d’avancer de manière imprudente. Lorsque l’on évalue les deux plans d’attaque économiques (Pauvreté, pollution, guerre, etc…), notre bon sens humain nous suggère qu’aucune de ces deux approches n’est la bonne. J’avais une pointe d’espoir lorsque j’ai appris que l’ex Union Soviétique et la Chine avaient décidé en un sevrage brutal, de mettre un terme à l’institution pénitentiaire communiste jusqu’à ce qu’ils plongent tête baissée dans les facilités du Capitalisme psychiatrique, ce qui est une authentique forme de folie !

Actuellement, le monde manque d’alternatives complètes et solides. Après de multiples crises financières frénétiques, reconnaître le barbarisme et les failles du capitalisme n’est pas profane. A la lumière de cataclysmes financiers récurrents, que ce soit par l'austérité ou par la dépense, aucune des méthodes ne s’est avérée être une solution viable, mais plutôt une satire de la classe en difficulté. Je me permets ici d’affirmer de la façon la plus simple possible, que de nouveaux marchés doivent être encouragés pour rajeunir le système économique mondial. Mais pour cela, de nouvelles tendances doivent être développées pour éviter le cataclysme final. Ce changement nécessite d’appliquer des formules socio-politico-économiques appropriées qui non seulement vont intégrer les pays « pauvres » au système économique international, autrement dit il s’agit pour ces pays de passer du statut de témoins exploités à producteurs et consommateurs actifs, mais également briser les ententes de marchés actuelles héritées de l’ancien ordre mondial.

Aussi ingénieuse que soit l'humanité, j’avais pris l'habitude d'attendre sur le perron de ma porte que superwoman vienne nous sauver tous. Puis, j’ai appris qu’en 1945, lorsque les navires et les porte-avions américains et britanniques s’approchèrent des côtes japonaises, on a demandé à des jeunes gens ordinaires de faire le sacrifice ultime de leur vie pour sauver l’Empire du Soleil Levant. Le nombre des victimes des attaques nucléaires d’Hiroshima et Nagasaki a permis d’idéaliser le courage de ces jeunes hommes. Je me suis offensé lorsque l’on m’a traité de kamikaze pour mes attaques sur le capitalisme seulement après avoir pris connaissance du massacre de Nanjing, et du drame des femmes contraintes à l'esclavage sexuel par l'armée japonaise.

Fatigué d’attendre le coup de sifflet qui sonnerait la fin de notre autodestruction imposée, je ne vais pas vous ennuyer avec le même cri pleurnicheur que vous avez fini par associer avec notre Capitalisme ou avec les injustices socio-politico-économiques. Pour vous faire tomber de votre nuage, la solution n’est ni une augmentation du salaire minimum, ni la constitution d’un bouclier fiscal qui ne sont rien que des remèdes socio-politico-économiques palliatifs.

Pour votre plaisir ou votre indignation, je vais exposer quelques-uns de vos neurones restants à une nouvelle forme social, politique, and économique qui pourrait potentiellement transposer des notions générales en propulsant 99 % de la population vers le haut, et en prenant soin du 1 % des moins fortunés au bas l’échelle. Et César, euh, je veux dire vous, lecteur, allez devoir décider de mon destin !

CHAPITRE III

Je vois des gens qui sont pauvres

« Dans un pays bien gouverné, la pauvreté est une chose honteuse. Dans un pays mal gouverné, la fortune est une chose honteuse. »

Confucius

À mes yeux, le site internet le plus déprimant est celui consacré à M. Night Shyamalan par l'un de ses fanatiques. Il est assez impressionnant de voir un Indo-Américain devenir un géant du cinéma à grand spectacle et obtenir un tel succès en tant que scénariste, producteur et réalisateur, sans donner dans les clichés attendus (chant et danse...) du cinéma de Bollywood. Je suis moi-même un grand admirateur de son premier film Sixième Sens (1999). Ses recettes au box-office laissent à penser que la plupart des membres de l'espèce homo sapiens l'ont vu. Pour ceux qui vivent dans une grotte, voici le synopsis : Cole est un jeune garçon qui À la capacité de communiquer avec les esprits de ceux qui ne savent pas qu'ils sont morts. Il est suivi par un pédopsychiatre dépressif joué par l'une des plus grandes stars d'Hollywood pendant les années 1990 : Bruce Willis. L'un des plans les plus célèbres du film est un zoom lent sur le visage du jeune, et alors inconnu, Haley Joel Osment, interprète de Cole, qui murmure avec effroi : « Je vois des gens qui sont morts ». La réplique est instantanément devenue culte.

J'ai l'impression d'être dans une situation similaire à celle du jeune Cole. Le combat qui est le mien a totalement changé mon approche de la vie. Je n'ai certes jamais envié les moines et les ermites, mais j'ai l'impression d'être en permanence sur le fil du rasoir, de devoir scanner mon environnement avec tous mes sens et d'élever mon état de conscience. Avec les nouvelles priorités qui occupent mon quotidien, j'ai du mal à dormir et mon esprit s'égare, au travail ou quand je discute avec les gens. Quand votre tête est pleine de voix qui se plaignent et blâment ceci et cela, la vie se transforme en montagnes russes. J'en suis venu à me demander quel esprit démoniaque pouvait bien me posséder ?! Je n'ai pas les moyens de me payer un psy démoralisé, et encore moins Bruce Willis (j'ai essayé). Afin d'exorciser mes démons, je vais tenter de retracer ces événements majeurs de mon parcours qui ont généré mon obsession pour les déshérités. Je ne peux pas ne pas voir les gens qui sont pauvres !!!

Les parents de Tara, des immigrés haïtiens, ont fui New-York et sa vie difficile à la naissance de leur fille, afin de l'élever dans le sud de la Floride (soit le royaume des retraités américains). Quand nous nous sommes rencontrés, elle n'avait qu'une idée en tête : inverser le cycle migratoire de ses parents, et aller vivre dans la ville qui ne dort jamais. Ajoutée à sa campagne de pub permanente, la foule de New-yorkais chauvins que je rencontrais en Floride, m’ont fait envisager cette ville comme la terre promise, un nirvana permanent d’opportunités et d’enthousiasme. Vous imaginez la déception de ma femme quand nous avons déménagé dans une petite ville pittoresque du Massachusetts plutôt que dans celle de ses rêves. Je me rendais cependant régulièrement à New-York pour mes études. Les cours du Master dans lequel j'étais inscrit se tenaient au cœur de Manhattan, entre les gratte-ciels et ce Times Square infesté de touristes tous les jours de l'année. J'ai passé suffisamment de temps dans la « Big Apple » pour prévenir ceux qui rêvent de mordre dedans qu'il vaut mieux examiner consciencieusement la folie de cette ville, que les vieux et les riches fuient comme la peste, avant de s'y installer.

New-York est le Hood des délinquants financiers les plus rapaces de la Terre (la Bourse et le NASDAQ), et c'est aussi là aussi que se trouve le siège de l'organisation internationale la moins bien gérée qui soit : l'ONU. New-York à PIB supérieur à celui de l'Arabie Saoudite et qui représente presque le double de celui de la Suisse, elle a eu un maire milliardaire (Michael Bloomberg), elle a aussi un maire multimillionnaire officieux pour tous ses nègres (Sean John Combs alias Puff Daddy), et tout ce que le monde compte de plus glamour est placardé sur les murs de Broadway et présenté dans les vitrines de magasins de luxe ridiculement chers comme Bergdorf Goodman. Sans même nous attarder pour l'instant sur la misère rampante et les bains de sang réguliers qui caractérisent un quartier comme Brownsville à Brooklyn, comment se fait-il que la ville soit à ce point incapable de s'occuper décemment de ses pauvres ? Impossible pour moi de ne pas voir leurs visages, à chaque coin de ces rues où transite par ailleurs une foule trop occupée pour s'arrêter un instant. Pourquoi, dans une ville saturée de milliardaires de la trempe d'un Donald Trump, est-il si difficile de trouver le moindre semblant de solution pour les miséreux ? La théorie du ruissellement en prend pour son grade...

 

La traversée de la gare centrale de New-York consiste le plus souvent à esquiver les malades mentaux qui y traînent et à essayer d'éviter tout contact visuel avec les gens couchés par terre. Ce triste spectacle a souvent eu pour conséquence de me transformer en prêtre distribuant l'Eucharistie (l'argent de mon déjeuner). Quand l'hiver venait, je voyais de moins en moins de mendiants sur ce qui constituait mon chemin de croix. Je pouvais enfin prendre un repas décent sans ressentir cet horrible sentiment de culpabilité me brûler les tripes. Mais je me demandais où la masse des sans-abris à laquelle je m'étais habitué pouvait bien se cacher ? Nul miracle en vérité, juste la météo. Quand le sinistre hiver fait son apparition, ils tentent de trouver un abri mieux chauffé et il devient beaucoup plus difficile de les voir.

En 2013, le nombre de SDF était tellement élevé que de nombreuses personnes, des enfants comme des adultes, ne pouvaient être hébergés dans des abris. Et ne parlons même pas des vétérans sans-abris... Si les États-Unis, le pays le plus riche du monde à l'heure actuelle, ne remuent pas ciel et terre pour porter aide à ceux qui ont répondu à l'appel de la défense nationale, et abandonnent à leur sort les nobles individus qui ont risqué leur vie pour protéger leur nation, je ne vois pas avec qui ils pourraient se montrer empathiques.

Sur le sujet de l'empathie, d'ailleurs, signalons qu’en 2014 la Banque Mondiale estimait qu’un peu plus de la moitié des habitants de Mumbai vivent dans ces bidonvilles que le film Slumdog Millionaire a révélé au public occidental. Mumbai est une ville pleine de paradoxes, puisqu'y vivent également certains des hommes d'affaires les plus fortunées d'Inde, ainsi que les stars de Bollywood. Je ne peux réprimer en moi l'idée que l'archaïque système de castes et la religiosité profonde de ce pays contribuent nettement à faire accepter à l'indien moyen l'inégalité de la société dans laquelle il vit, comme si elle était voulue par les dieux... Personne, sur place, ne s'est ému de l'augmentation graduelle du budget de l'ISRO, l'organisation de la recherche spatiale indienne, qui était de 1,3 milliards de dollars en 2013. Ces chiffres ont amené le « grand frère » britannique et le « grand copain » américain à couper leurs subventions pour l'Inde. La somme, bien que dérisoire si comparée au budget de l'ISRO, était très importante pour divers programmes d'aide aux 421 millions de pauvres que compte le pays, qui ont grandement souffert de cette coupe. En comparaison, en combinant les populations démunies des 26 pays africains les plus pauvres, on obtient « que » 410 millions de miséreux. Et qu'ont répondu les dirigeants indiens ? « Nous n'avons pas vraiment besoin de ces subventions » dixit le ministre de l'Économie Palaniappan Chidabaram.

En novembre 2013, mes amis indo-américains ont fait la fête pour célébrer le succès de l'ambitieux projet de l'ISRO : le lancement de la sonde Mars Orbiter. J'étais pour ma part dubitatif, car cette sonde a surtout commencé par orbiter autour de la Terre. Sans doute, les scientifiques indiens étaient-ils déprimés de regarder les bidonvilles de leur pays, alors ils ont décidé de tourner leurs télescopes dans la direction opposée... Quel est le but exact de cette mission, trouver une nouvelle cachette pour les élites indiennes, ou une décharge géante sur laquelle larguer les pauvres de Mumbai ? Si c'est la seconde option, le traité sur les programmes spatiaux ratifié entre le Nigeria et l'Inde devrait comporter quelques clauses au sujet des bidonvilles d'Abuja que j'ai vraiment hâte de lire !

Cherchez sur Google quelle est la maison la plus chère de l'histoire de l'humanité. Elle n'est ni à Manhattan, ni à Paris, mais à Mumbai, et elle est évaluée à plus d'un milliard de dollars ! Ce gratte-ciel de vingt-sept étages dispose de six parkings souterrains, un de ses étages est un spa, et l'entretien du lieu nécessite à peu près six cents personnes. Cette demeure gargantuesque appartient au milliardaire indien Mukesh Ambani, qui y vit avec sa femme, ses deux fils et sa fille. Dans un pays où beaucoup d'enfants souffrent de la faim et vivent dans les poubelles, cet homme a choisi de faire construire sa maison à un milliard de dollars sur un terrain occupé auparavant par un orphelinat. Sans doute désirait-il avoir une belle vue sur la ville et ses taudis.

Une belle vue, c'est aussi ce que proposent les plages du Golfe de Floride, parmi les plus magnifiques du monde. Pour qui désire à la fois vivre dans une grande ville et pouvoir bronzer sur le sable blanc en toutes circonstances, Tampa est une destination de choix, du fait de sa proximité avec la ville côtière de St. Petersburg. C'est le paradis des touristes, qui peuvent profiter du soleil, s'engraisser à l'Américaine en centre-ville, et déguster une glace sur la plage. Mais, comme j'ai pu en faire l'expérience moi-même, il vaut mieux ne pas sortir du centre-ville une fois que le soleil se couche. Pas à cause de la criminalité. Mais plutôt pour ne pas voir l'apparition désarmante des hordes de sans-abris qui se battent pour obtenir une place dans le centre d'accueil géré par l'Église catholique. Et si ce n'était pas déjà suffisant de les voir dans cette situation, la politique de tolérance-zéro pour les pauvres (comme je l'appelle) mise en place par la ville fait que ces malheureux sont constamment harcelés par la police. Quand ils se font arrêter, on ne les libère que pour leur « offrir » un aller simple loin de St. Petersburg. Ils vont à Tampa le plus souvent. Et grâce à ces mesures diaboliques et très pragmatiques, la ville peut maintenir son image idyllique pour les touristes.

Je pense toujours à la Birmanie (pardon, la République de l'Union du Myanmar) quand j'entends les mots « image idyllique ». J'ai longtemps cru que ce pays ressemblait à l'idée que je m'en faisais en regardant la vidéo du mariage de la fille du général Than Shwe, qui avait filtré sur Internet en 2006. Des diamants et du champagne partout. La mariée avait reçu l'équivalent de plusieurs dizaines de millions de dollars en cadeaux, dont plusieurs maisons et des voitures de luxe. J'étais tellement jaloux du marié, qu'on pouvait voir verser le champagne à quelques SMIC la bouteille dans les verres des invités et aider sa toute nouvelle épouse à découper le gâteau nuptial géant. Quand Aung San Su Kyi a été libérée en 2011, j'ai re-regardé la vidéo et effectué quelques recherches. Les invités, souriants et habillés comme pour les Oscars, étaient des membres de la dictature brutale et sanglante qui tient le pays d'une main de fer. Cette fête avait lieu dans un pays où la pauvreté et la répression militaire ne cessent d'augmenter. Depuis, la junte a fait des efforts pour modifier son image, et les prédateurs présents à ce mariage s'efforcent de s'habiller de façon plus discrète. Mais ce sont toujours les mêmes. Je ne les imagine pas abandonner leur contrôle sur les forces militaires birmanes de sitôt, car c'est par là que passe leur contrôle du pays et de ses ressources naturelles. Pourtant, l'offensive de charme semble faire effet. L'aéroport international de Yangon déploie le tapis rouge pour les grands manitous de la finance internationale et leurs armées de laquais. Les fêtes babyloniennes vont sans doute continuer, en secret.