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Correspondance, 1812-1876 — Tome 5

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DCCXXXIII
A MADAME EDMOND ADAM, A PARIS

Nohant, 8 juin 1870.

Chers amis, Nous sommes bien heureux de l'affirmation que nous donne Lina! vous viendrez donc, ce mois-ci, revoir le vieux Nohant, tout grillé, tout desséché par la plus effroyable sécheresse qu'il ait jamais subie! En revanche, vous verrez nos fillettes fraîches et fleuries; le beau Plauchut rosé comme une citrouille, et le Sargent encore un peu changé, mais en possession de toute sa gaieté. Nous sommes contents, enchantés et joyeux de compter sur vous trois. Lina nous dit que vous êtes bien portants et que Toto est superbe. Ou va donc rire de bon coeur et oublier tous les chagrins et inquiétudes de cette triste année! Vive la joie, alors! Lina vous demande (elle a oublié de le faire à Paris) si vous voulez des rideaux de lit dans votre chambre. Il y en a; on les met ou on ne les met pas en été, au goût des personnes. Réponse à cet important chapitre de ménage.

On promet à Adam qu'on ne lui fera pas de farces, on n'en fera qu'à Plauchut; mais cela devient difficile, il a passé par toutes les épreuves. Je crois qu'on le laissera dormir. Il est bien heureux en ce moment-ci, on lui permet de chanter. Ça fait pleuvoir et on en a si grand besoin, qu'il a toute permission de nous assommer. Le fait est qu'il pleut depuis qu'il est ici.

À bientôt donc, le plus tôt qu'il vous sera possible, chers et bons amis. On vous embrasse tendrement. Lolo et Titite, toutes fières de leurs beaux chapeaux, se joignent à nous. Aurore se souvient très bien de sa Toto.

DCCXXXIV
A GUSTAVE FLAUBERT, A CROISSET

Nohant, 29 juin 1870.

Nos lettres se croisent toujours et j'ai maintenant la superstition qu'en l'écrivant le soir, je recevrai une lettre de toi le lendemain matin; nous pourrions nous dire:

Vous m'êtes, en dormant, un peu triste apparu.

Ce qui me préoccupe dans la mort de ce pauvre Jules de Goncourt, c'est le survivant. Je suis sûre que les morts sont bien, qu'ils se reposent peut-être avant de revivre, et que, dans tous les cas, ils retombent dans le creuset pour en ressortir avec ce qu'ils ont eu de bon, et du progrès en plus. Barbès n'a fait que souffrir toute sa vie. Le voilà qui dort profondément. Bientôt il se réveillera; mais nous, pauvres bêtes de survivants, nous ne les voyons plus. Peu de temps avant sa mort, Duveyrier, qui paraissait guéri, me disait: «Lequel de nous partira le premier?» Nous étions juste du même âge. Il se plaignait de ce que les premiers envolés ne pouvaient pas faire savoir à ceux qui restaient s'ils étaient heureux et s'ils se souvenaient de leurs amis. Je disais: Qui sait? Alors nous nous étions juré de nous apparaître l'un à l'autre, de tâcher du moins de nous parler, le premier mort au survivant.

Il n'est pas venu, je l'attendais, il ne m'a rien dit. C'était un coeur des plus tendres et une sincère volonté. Il n'a pas pu; cela n'est pas permis, ou bien, moi, je n'ai ni entendu ni compris.

C'est, dis-je, ce pauvre Edmond qui m'inquiète. Cette vie à deux, finie, je ne comprends pas le lien rompu, à moins qu'il ne croie aussi qu'on ne meurt pas.

Je voudrais bien aller te voir; apparemment, tu as du frais à Croisset, puisque tu voudrais dormir sur une plage chaude. Viens ici, tu n'auras pas de plage, mais 36 degrés à l'ombre et une rivière froide comme glace, ce qui n'est pas à dédaigner. J'y vais tous les jours barboter après mes heures de travail; car il faut travailler, Buloz m'avance trop d'argent. Me voilà faisant mon état, comme dit Aurore, et ne pouvant pas bouger avant l'automne. J'ai trop flâné après mes fatigues de garde-malade. Le petit Buloz est venu ces jours-ci me relancer. Me voilà dans la pioche.

Puisque tu vas à Paris en août, il faut venir passer quelques jours avec nous. Tu y as ri quand même; nous tâcherons de te distraire et de te secouer un peu. Tu verras les fillettes grandies et embellies; la petiote commence à parler. Aurore bavarde et argumente. Elle appelle Plauchut vieux célibataire. Et, à propos, avec toutes les tendresses de la famille, reçois les meilleures amitiés de ce bon et brave garçon.

Moi, je t'embrasse tendrement et te supplie de te bien porter.

DCCXXXV
A M. EMILE DE GIRARDIN, A PARIS

Nohant, 3 juillet 1870.

Cher ami, Voici ce que je lis dans le New-York Evening Post, à la suite d'une critique de mon dernier roman. Je traduis en supprimant les noms propres:

«Quant à la question relative au caractère qui a servi à l'auteur de Malgré tout, elle est de celles qui ne souffrent pas de discussion pour quiconque sait sur quels principes repose la construction d'une oeuvre d'art. George Sand est un artiste: or il n'est point artiste, il est un vulgaire écrivain de lieux communs, celui qui photographie les personnages vivants dans une fiction. Que la prodigieuse carrière de telle ou telle individualité historique ait pu frapper l'esprit de George Sand, au moment où elle peignait les aspirations d'une aventurière ambitieuse, cela ne prouve pas qu'elle ait voulu peindre aucune figure de la vie réelle, ni qu'elle ait songé à jeter aucune lumière sur les faits qui la concernent.»

Je trouve ces réflexions justes et de bon goût, et je suis très étonnée de lire dans la Liberté une interprétation arbitraire des intentions que j'ai pu avoir.

Je vis si loin du mouvement quotidien, que je ne sais pas quel nom propre couvre le pseudonyme de Panoplès. C'est un homme ou une femme de talent; comment peut-il ou peut-elle faire cet affront à la littérature: assimiler la tâche de l'artiste à celle du pamphlétaire honteux? Si j'avais voulu peindre une figure historique, je l'aurais nommée. Ne la nommant pas, je n'ai pas voulu la désigner; ne la connaissant pas, je n'aurais pu la peindre. S'il y a ressemblance fortuite, je l'ignore, mais je ne le crois pas. Tout personnage d'invention est plus fort et plus logique que nature, dans le bien ou dans le mal. On peut tracer la figure d'une classe d'ambitieuses qui ont échoué et qui ont réussi dans leurs projets, sans avoir aucune figure en vue, et je crois qu'il vaut beaucoup mieux pour l'artiste qu'il en soit ainsi. Vous savez tout cela aussi bien que moi. Vous êtes du bâtiment. Panoplès trahit donc la fraternité maçonnique littéraire, en parlant comme il le fait.

A vous de coeur,

G. SAND.

J'ai eu envie de répondre; mais je crois qu'il vaut mieux laisser tomber cela que d'en occuper le public.

DCCXXXVI
A M. LE DOCTEUR HENRI FAVRE, A PARIS

Nohant, 3 juillet 1870.

Cher ami, Je suis bien contente que l'occasion nous apporte votre souvenir. Je n'ai pas besoin de vous dire que je trouve de mauvais goût l'interprétation donnée aux intentions d'un romancier. S'il a besoin de ce genre d'intentions pour composer un personnage, c'est un pauvre artiste. Je ne prétends pas être une bien riche imagination. J'en ai pourtant assez pour me passer de modèles posant devant moi, et, comme celui qu'on prétend reconnaître ne m'a jamais fait cet honneur-là, je n'ai pu, en aucune façon, le copier et le présenter au public comme un portrait d'après nature.

Tous vos malades sont des gens brillants de santé. Maurice engraisse visiblement, il prétend que vous l'avez trop guéri. Mais il mène une vie de cultivateur et de géologue si active, qu'il se défendra de l'alourdissement. On parle de vous sans cesse, et, si les oreilles ne vous tintent pas, c'est qu'il y a trop de gens partout qui vous louent et vous remercient.

G. SAND.

DCCXXXVII
A MADEMOISELLE LEROYER DE CHANTEPIE, A ANGERS

Nohant, 14 juillet 1870.

Je suis embarrassée pour vous conseiller, chère âme tourmentée. Vous êtes dans une de ces situations d'esprit où le pour et le contre se balancent sans solution. Vous éprouvez le besoin de changer de milieu, et, dès que vous quittez le vôtre, tout vous manque; vous regrettez, comme vous le dites, très bien, jusqu'aux herbes de votre jardin. J'ai traversé ces souffrances; mais je suis toujours revenue à mon nid avec bonheur, et, à présent, je crois que le mieux n'est pas dans le changement. Toute situation a ses amertumes ou ses langueurs, et je ne puis croire que les gens qui vous aiment vous laissent tourmenter à l'âge où vous ne pourriez plus vous défendre vous-même. Cet âge est loin encore, Dieu merci! et qui sait s'il viendra? La vieillesse n'est pas forcément la décadence intellectuelle. C'est quelquefois tout le contraire. Vous êtes une âme généreuse et forte de droiture. Si les fantômes vous tourmentent et vous terrassent par moments, vous vous retrouvez toujours sur vos pieds, toujours la même, vous en convenez vous-même. Vous n'êtes donc pas en danger de devenir la proie des inquisiteurs du corps et de l'âme. N'ayez pas cette crainte: la crainte est un vertige qui nous attire dans le péril imaginaire. Supprimez ce vertige, il n'y a plus de péril.

Quant à l'emploi de votre fortune, c'est une question d'examen autour de vous. Il y a tant de misères intéressantes et dignes! A votre place, je ne serais pas embarrassée, vous avez su faire le bien toute votre vie, vous le saurez jusqu'à la dernière heure.

Mais vous souffrez, vous êtes dans une crise d'étouffement. Tout le monde a de ces crises où tout froisse et déplaît, vous les ressentez plus vives, parce que votre intelligence s'en rend compte et que votre vie est peut-être un peu monotone. Est-ce que les voyages vous fatiguent? Il me semble qu'une excursion de temps en temps, dans un beau pays quelconque, vous ferait grand bien. Avec les chemins de fer, on peut maintenant voyager sans fatigue en s'arrêtant souvent. Le voyage à petites journées est encore très agréable et très sain. L'ami artiste que vous avez près de vous doit être très capable de vous piloter et de vous accompagner.

 

J'ai reçu votre volume, et je vous en remercie bien. J'ai peu de temps pour lire; mais j'ai commencé et je suis charmée des premières nouvelles. J'y retrouve votre bonté et votre grand sentiment de justice.

Croyez que je vous suis dévouée et même attachée de coeur; car il y a déjà longtemps que je vous connais par vos lettres et je vous vois toujours aussi digne de respect et d'affection qu'au commencement.

GEORGE SAND.

FIN DU TOME CINQUIÈME