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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 3

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«La terre fuyait, les cieux roulaient comme un cercle autour de moi, je croyais tomber; mais je me trompais, car j'étais étroitement lié sur mon cheval. Mon cœur tomba en défaillance, mon cerveau fut le centre d'une douleur aiguë; j'y éprouvai quelque tems des battemens violens; ils cessèrent ensuite; plus de battemens. Les cieux tournaient comme une immense roue; je voyais les arbres chanceler comme des hommes ivres, et un éclair rapide passa devant mes yeux; je ne vis plus rien! Celui qui meurt n'a pas une agonie plus longue et plus cruelle que celle que j'eus alors. Torturé par cette horrible course à cheval, les ténèbres couvrirent mes yeux à plusieurs reprises, et se dissipèrent ensuite; je m'efforçai de conserver le sentiment de mon existence, mais je ne pus soulever mes membres engourdis. Je me sentis comme porté en mer sur une planche, lorsque toutes les vagues se précipitent sur vous, soulevé et replongé en même tems dans l'abîme, et qu'elles vous poussent sur un rivage abandonné. Ma vie ondulante était comme ces clartés imaginaires qui passent sur nos yeux fermés, à l'heure de minuit, lorsque la fièvre commence à échauffer le cerveau; mais ce vertige s'évanouit bientôt. Je n'éprouvai plus qu'une légère douleur; mais je me perdis dans une confusion d'anéantissement plus pénible que cette douleur. J'avoue que je préférerais mourir que d'éprouver de nouveau cet anéantissement. Je suppose, cependant, que nous devons subir de bien plus fortes épreuves avant que nous retournions à la poussière. N'importe: j'ai affronté la mort en face – alors, – et maintenant je l'affronte encore.

14. «Le sentiment me revint. Où étais-je? Froid, engourdi, j'avais une sorte de vertige: battement par battement, la vie ranima un peu mes membres abattus, jusqu'à ce qu'une crise soudaine qui, un moment, paraissait être ma dernière convulsion, fit refluer mon sang, quoique épais et glacé. Mon oreille retentissait de bruits sauvages, mon cœur recommença encore une fois à battre; ma vue revint, quoique obscure, hélas! et épaissie comme si elle eût été rembrunie par des verres sombres. Je crus que le bruissement des vagues était près de moi; il y avait aussi des rayons lumineux dans le ciel parsemé d'étoiles. – Ce n'était point un songe. Le cheval sauvage traversait des flots plus sauvages encore! Les vagues écumeuses d'un large fleuve bondissent, tournent et roulent au loin; nous sommes luttant au milieu de ces vagues, et nous nous dirigeons vers un rivage inconnu et silencieux. Les eaux font cesser mes sourdes angoisses, et mes membres engourdis reçurent de ce nouveau baptême une force passagère. Le large poitrail de mon coursier bravait fièrement et repoussait les vagues soulevées contre lui. Nous avançons vers le bord; nous atteignons enfin le rivage glissant: je me réjouissais peu de ce bonheur, car tout derrière nous était noir et effrayant, et tout devant était ténébreux et redoutable. Combien ai-je passé d'heures de la nuit ou du jour dans ces angoisses suspendues? je ne puis le dire; je savais à peine si je respirais encore.

15. «La peau luisante, la crinière dégouttante, le corps frémissant, les flancs fumans, le cheval sauvage s'efforce, avec ses pieds nerveux, de s'élancer sur le bord qui le repousse. Nous gagnons le dessus: une plaine sans limite se déroule à travers les ombres moins épaisses de la nuit, et loin, loin, loin, semble comme les précipices dans nos rêves, s'étendre au-delà d'un horizon sans bornes. La lune, se levant large à ma droite, me découvrait çà et là des taches blanches, quelques touffes dispersées de noir gazon qui se détachaient en masse, du fond de l'immense plaine. Mais rien de distinct ne s'apercevait dans la sombre étendue, qui indiquât l'apparence d'une chaumière. Aucun flambeau dans le lointain, brillant comme une étoile hospitalière, ni même un feu follet ne s'élevait pour s'amuser de mes douleurs. Cette clarté trompeuse m'eût alors réjoui; au milieu de tous mes maux, elle m'eût au moins rappelé les habitations des hommes.

16. «Nous avançons toujours; – mais plus lentement: la force sauvage du cheval s'épuise enfin; accablé de lassitude, il ne se traînait plus que faiblement couvert d'écume. Un enfant malade aurait pu le conduire partout alors; mais sa faiblesse m'était inutile. Je ne pouvais profiter de sa nouvelle lassitude: mes membres étaient étroitement liés; mes forces auraient défailli peut-être, si j'avais été libre. J'essayai, par quelques faibles efforts, de rompre les liens qui me serraient si fortement; – mais ce fut encore vainement. Mes membres n'en furent que plus gênés par ces efforts, qui, après une vaine et courte lutte, prolongèrent mes douleurs. Le mouvement vertigineux était épuisé, bien qu'aucun but encore ne parût devoir être bientôt atteint. Quelques rayons annonçaient le lever du soleil. – Hélas! qu'il parut lent à paraître! Il me semblait que le brouillard grisâtre de l'aurore ne laisserait jamais pénétrer ses nouveaux rayons. Combien la marche du jour était lourde et lente! – avant que la lumière orientale devînt d'une couleur pourprée, et qu'elle détrônât les étoiles, éclipsât les clartés resplendissantes de leurs chars et de son trône élevé, et inondât la terre de ses seuls rayons, à l'exclusion de tout autre.

17. «Le soleil se leva; les brouillards furent chassés, et me découvrirent le monde solitaire qui s'étendait autour de moi. Que me servait-il d'avoir traversé plaines, forêts, rivières? Ni hommes, ni animaux, ni traces ou empreintes de leur passage ne se distinguaient sur cette plaine désolée; aucun signe ou indice de travaux et de culture: l'air lui-même était muet; je n'entendais pas le plus petit bourdonnement de l'insecte, ni la voix matinale des oiseaux dans la verdure ou les broussailles. Le cheval harassé parcourut encore plusieurs verstes, palpitant comme s'il eût été sur le point d'expirer. Nous étions encore seuls, ou nous paraissions du moins tels; enfin, tandis que nous suivions faiblement notre route, je crus entendre le hennissement d'un coursier, qui sortait de touffes de noirs sapins. Est-ce le vent qui agite leurs branches? me disais-je; non, non! Une troupe bondissante s'élance de la forêt; je les vois accourir: ils forment un vaste escadron dans leur course. Je m'efforçai de pousser un cri. – Mes lèvres étaient engourdies. Les chevaux se précipitent vers nous dans une fierté superbe; mais où sont les cavaliers qui doivent guider les rênes? Un millier de chevaux, – et personne ne les monte! Leur guide est flottante ainsi que leur crinière; leurs larges naseaux n'ont pas été déchirés par le mors; les rênes n'ont jamais ensanglanté leur bouche; le fer n'a jamais chaussé leurs pieds; le fouet ni l'éperon n'ont jamais blessé leurs flancs.

«Ce sont mille chevaux sauvages, libres comme les vagues qui bondissent dans l'Océan. Leur marche épaisse vers nous est retentissante comme un tonnerre. Leur vue rend de la vigueur aux pieds nerveux, mais brisés, de celui qui me porte; il se traîne un moment en chancelant, et répond à leurs bruyans appels par un faible hennissement, et puis il tombe. Il frappe encore du pied la terre; mais ses yeux se ternissent, ses membres fumans restent immobiles; sa première et sa dernière course est finie!

«La troupe de chevaux sauvages arrive, – ils l'ont vu tomber; ils m'ont vu avec étonnement lié sur son dos avec des courroies ensanglantées: ils s'arrêtent tout-à-coup, – ils tressaillent, – ils repoussent l'air de leurs naseaux; – galopent un instant çà et là, s'approchent, s'éloignent, et tournent élancés autour de nous. Tout-à-coup, conduits par un puissant cheval noir qui semblait le chef de la troupe, et dont la peau velue ne portait aucune tache de blancheur, ils s'éloignent en bondissant, et se précipitent vers la forêt, redoutant, par instinct, la vue d'un homme. – Ils m'abandonnèrent à mon désespoir, attaché à un cadavre engourdi, glacé, dont les membres roidis et étendus sous moi ne sentaient plus ce poids inaccoutumé dont je ne pouvais pas même maintenant le délivrer. – Nous étions là étendus, le mourant sur le mort! Je ne pensais guère qu'un autre soleil me verrait, moi désormais sans espérance, sans appui qu'un cadavre pour reposer ma tête!

«Je restai là attaché depuis le matin jusqu'au crépuscule du soir; supportant péniblement la lenteur accablante des heures, avec tout juste assez de vie pour voir le dernier de mes soleils se coucher à mes regards dans cette certitude désespérée de l'ame qui nous donne à la fin cette résignation du malheur contre la plus terrible et la dernière des craintes que nous présentent nos longues années évanouies, et qui nous la font regarder, quoique inévitable, comme un bienfait, pas plus pénible, pour nous être accordé plus tôt; cependant ce bienfait est craint et repoussé avec autant de soin que si c'était un piége que la prudence pût faire éviter. Parfois nous le désirons et l'implorons; quelquefois nous le cherchons à la pointe de notre épée; et cependant la mort n'en est pas moins une triste et hideuse fin à d'intolérables douleurs; elle n'est jamais la bienvenue, sous quelques formes qu'elle nous apparaisse.

«Il est étrange de dire que les enfans du plaisir, ceux qui ont joui outre mesure des voluptés, de la bonne chère, du vin et des richesses, sont ceux qui meurent avec le plus de calme, et avec moins de regret souvent que ceux qui n'ont eu que la misère pour héritage. Celui qui a connu tout ce qu'il y avait de beau et de nouveau dans la vie n'a plus rien à espérer, ni à regretter; et, excepté l'avenir (qui n'est pas envisagé par les hommes selon qu'ils sont bons ou méchans, mais selon que leurs nerfs sont plus ou moins irritables), ils n'ont rien à redouter: Le malheureux espère encore que ses maux finiront, et la mort, qu'il devrait regarder comme son amie, lui apparaît comme venant lui dérober les fruits du nouveau paradis qu'il avait sur la terre. Le lendemain allait le combler de tous les biens, il eût récompensé ses souffrances, et l'eût relevé de sa chute; le lendemain eût été le premier de ses jours où il n'eût plus soupiré ou maudit; mais de brillantes, de longues, de favorables années lui apparaissaient déjà à travers ses larmes: compensation de tant d'heures pénibles! le lendemain lui eût donné le pouvoir de gouverner, de briller, de frapper ou de sauver ses ennemis, – et cette prochaine aurore ne doit éclairer que sa tombe!

 

18. «Le soleil se couchait. – J'étais encore attaché au froid cadavre du cheval; je pensai que nous devions mêler ensemble nos restes poudreux: mes yeux obscurcis avaient besoin de la mort, je n'avais aucun espoir de délivrance; j'élevai mon dernier regard vers le ciel, et entre le soleil et moi je vis passer un corbeau aux aguets, qui pouvait à peine attendre que ses deux proies fussent mortes pour commencer à les dévorer. Il volait, se perchait, volait de nouveau, et chaque fois qu'il se déplaçait, il s'approchait plus près de nous. Je vis ses ailes battre à travers la lueur du crépuscule, et il s'approcha une fois si près de moi que j'aurais pu le frapper si j'en avais eu la force. Mais le faible mouvement de ma main, le léger remuement du sable et les soupirs mourans, à peine semblables à une voix, qui sortirent de ma poitrine, suffirent pour lui faire prendre son vol loin de nous. —

«Je n'en sais pas davantage: – mon dernier rêve est quelque chose d'une aimable étoile qui fixa de loin mes yeux appesantis, et vint à moi entourée de ses rayons voltigeans; c'est aussi quelque chose de froid, de lourd, de confus, de semblable aux mouvemens d'un nageur, d'une sensation obscure du retour de mes sens, et ensuite de leur nouvel anéantissement dans le calme de la mort, et puis une faible respiration, un léger tressaillement, une courte suspension de tout sentiment, une sensation de glace passant sur mon cœur, et des étincelles traversant mon cerveau, – une crispation des membres, un frémissement de souffrance, un soupir, et rien de plus.

19. «Je me réveillai. – Où étais-je? – Est-ce bien un visage humain qui me regarde? est-ce un toit qui me couvre? est-ce sur un lit que mes membres reposent? est-ce bien dans une chambre que je suis? est-ce bien un œil mortel qui veille sur moi avec tant de bienveillance? Je refermai les miens de nouveau, doutant que mes premières angoisses fussent passées et que cette apparition ne fût pas un songe. Une jeune fille, aux longs cheveux, et à la taille svelte, me veillait appuyée contre le mur de la chaumière. Je fus frappé du vif éclat de son regard au premier retour de ma pensée, car ses yeux noirs, sauvages et pleins de vivacité se fixaient sans cesse sur moi avec une expression de prière et de compassion. Je ne cessai de la contempler que lorsque je fus persuadé qu'elle n'était point une vision, – mais que je vivais et que je n'avais pas été laissé pour servir de pâture aux vautours. Et quand la jeune Cosaque me vit soulever enfin mes paupières appesanties, elle sourit. – J'essayai de parler, – mais ce fut vainement. Elle s'approcha de moi, et me fit signe du doigt et des lèvres que je ne devais pas m'efforcer de rompre le silence jusqu'à ce que j'eusse recouvré assez de force pour pouvoir articuler des paroles. Alors elle posa sa main dans la mienne, souleva le coussin qui supportait ma tête, s'éloigna sur la pointe des pieds, ouvrit doucement la porte, et murmura quelques paroles à voix basse. – Jamais voix ne fut si douce! le mouvement même de ses pieds était harmonieux! Mais ceux qu'elle avait appelés n'étaient pas encore réveillés: elle sortit tout-à-fait de ma chambre; mais, avant de me quitter, elle me jeta un autre regard, elle me fit un autre signe pour me dire que je n'avais rien à craindre; que tout, près de moi, était à mes ordres, et qu'elle ne serait pas long-tems sans revenir. – Pendant qu'elle fut absente, je fus affligé de me trouver seul.

20. «Elle revint avec sa mère et son père. – Qu'ai-je besoin de vous en dire davantage? – Je ne veux point vous fatiguer par le long récit de ce qui m'est arrivé depuis que je devins l'hôte des Cosaques. Ils m'avaient trouvé sans connaissance sur la plaine, – ils m'avaient rapporté à la hutte prochaine, – ils m'avaient rappelé à la vie, – moi, – qui devais un jour régner sur eux! Ainsi le vieil insensé qui s'efforça d'assouvir sa rage en raffinant sur mon supplice, m'envoya dans le désert, lié, nu, sanglant, seul, pour passer de là sur un trône. – Quel mortel peut deviner sa propre destinée? – Qu'aucun de nous ne se décourage; qu'aucun de nous ne désespère! Demain le Borysthène pourra voir nos coursiers paître en sûreté sur sa rive ottomane; – et jamais je n'aurai donné un salut de si bon cœur à un fleuve que lorsque nous serons retranchés derrière ses flots. Camarades, bonne nuit!» —

L'hetman s'étendit à l'abri du vieux chêne, sur le lit de feuillage qu'il s'était préparé d'avance, lit ni dur ni nouveau pour lui, qui prenait son repos partout où l'heure du sommeil venait à le surprendre; que lui importait le lieu? – ses yeux se fermaient aussitôt dans le sommeil.

Si vous vous étonnez que Charles ait oublié de le remercier de son histoire, lui ne s'en étonna pas: – il y avait déjà bien une heure que le roi dormait.

LE PRISONNIER DE CHILLON.
SONNET SUR CHILLON

Éternel génie de l'ame sur laquelle les chaînes n'ont point d'empire! Liberté! C'est dans les donjons que brille le plus ta lumière, parce que c'est dans le cœur que tu fais ta demeure, dans le cœur que ton amour seul peut enchaîner; et lorsque tes enfans sont jetés dans les fers, au milieu de l'enceinte ténébreuse de l'humide cachot, leur patrie triomphe par leur martyre et la gloire de l'indépendance trouve des ailes dans tous les vents. Ô Chillon! ta prison est un lieu saint, et son triste pavé un autel, – car il a été foulé par Bonnivard218, et chacun de ses pas y a laissé une trace comme si ton froid pavé eût été sensible à leur empreinte! Qu'aucune de ces traces ne s'efface! car elles en appellent à Dieu de la tyrannie de l'homme!

LE PRISONNIER
DE CHILLON

1. Mes cheveux sont gris, mais ce n'est point l'effet des années; ils n'ont pas blanchi dans une seule nuit, comme ceux de quelques hommes, frappés par de soudaines terreurs219; mes membres sont courbés, non par le travail, mais rouillés et engourdis par un vil repos, car ils ont été la proie d'un cachot, et j'ai eu le sort de ceux à qui la terre et l'air sont refusés – comme un fruit défendu. Mais c'est pour la foi de mon père que j'ai subi les fers et courtisé la mort. Ce père reçut le martyre sur un chevalet, parce qu'il ne voulut pas abandonner ses croyances; ses enfans et ses parens, par la même cause, ont trouvé leur demeure dans l'obscurité de la mort. Nous étions sept; maintenant nous ne sommes plus qu'un: six étaient jeunes, et le septième était avancé en âge; ils sont morts comme ils avaient vécu, fiers de la furieuse persécution dont ils étaient l'objet: l'un expira dans le feu, et deux sur le champ de bataille; leur croyance a été scellée avec leur sang; mourant, comme leur père était mort, pour le Dieu que reniaient leurs ennemis. Trois furent jetés dans un cachot; de ces trois je suis le seul et dernier débris.

2. Il y a sept piliers de forme gothique dans les vieux et profonds cachots de Chillon; il y a sept colonnes épaisses et grisâtres, à peine éclairées par un rayon lourd et emprisonné du jour, par un rayon qui s'est égaré de sa route, et qui est venu tomber à travers les crevasses et les ouvertures de cette voûte épaisse, rampant sur le pavé humide comme la flamme météorique d'un marais. Il y a un anneau à chaque pilier, et à chaque anneau il y a une chaîne; cette chaîne est un fer qui ronge, qui dévore; car ses empreintes sont restées sur mes membres, comme des morsures qui ne s'effaceront pas avant que j'en aie fini avec ce nouveau jour, trop pénible pour mes yeux qui n'ont pas vu se lever le soleil depuis tant d'années, – je ne puis compter leur nombre; je l'oubliai le jour où mon dernier frère s'affaissa, et mourut en me laissant vivant à ses côtés.

 

3. Nous fûmes enchaînés chacun à une colonne de pierre; nous étions trois, – cependant chacun de nous était seul; nous ne pouvions nous mouvoir pour faire un seul pas, ou pour nous voir l'un l'autre. Une pâle et livide lumière nous rendait étrangers à nos regards. Ainsi nous étions réunis, – quoique séparés, les fers aux mains; mais l'angoisse dans le cœur. C'était pour nous une consolation dans la privation des purs élémens de la terre, d'entendre les paroles l'un de l'autre, et les encouragemens que nous nous adressions, soit par quelque nouvelle espérance, soit en récitant une vieille légende, ou en murmurant un chant héroïque; mais ces choses n'eurent bientôt pour nous plus d'attraits! Nos voix prirent un accent sinistre, comme un écho des sombres voûtes des cachots, un son aigre, – non plein et libre comme il était auparavant: c'était peut-être une illusion, – mais, pour moi, ces sons de voix ne semblaient plus être les nôtres.

4. J'étais le plus âgé des trois; et soutenir et consoler mes frères était un devoir pour moi: – je fis tout ce que je pus; – et chacun de nous en agissait de même. Le plus jeune, que mon père chérissait le plus, parce qu'il avait les traits de notre mère, avec des yeux bleus comme le ciel, attristait fortement mon ame. Et vraiment ne devait-elle pas être affligée de voir un si jeune homme dans une telle prison220? car il était beau comme le jour (quand le jour était beau pour moi, ainsi que pour les jeunes aigles, libres sous les cieux), comme un des jours polaires, enfans du soleil, parés de neiges, qui ne voient son coucher qu'après la lumière d'un été, d'un long été sans sommeil. Ce jeune homme était aussi brillant et aussi pur; et dans sa gaîté d'esprit naturelle, il n'avait de larmes que pour les peines des autres; alors elles coulaient de ses yeux comme les torrens des montagnes, à moins qu'il ne pût soulager les maux qu'il souffrait de voir ici bas.

5. L'autre avait une ame aussi pure, mais il était né pour combattre avec son espèce. Fortement constitué et d'une trempe à faire la guerre au monde entier, il eût succombé avec joie au premier rang d'une armée en bataille; – mais il n'était point formé pour languir dans les fers. Son esprit indigné se flétrissait à leur retentissement. Je vis son courage décliner en silence, et peut-être le mien déclinait aussi insensiblement; cependant je m'efforçai de ranimer ces restes d'une famille si chère. Il était un chasseur des montagnes, et il avait souvent poursuivi le loup et le daim. Ce cachot était pour lui un gouffre; et ses pieds enchaînés, la suprême torture.

6. Le lac Léman baigne les murs de Chillon. Ses vagues épaisses y sont profondes de mille pieds; c'est ce qu'a fait connaître la sonde jetée du haut des blanches murailles de Chillon221, autour desquelles les vagues viennent se briser. Les murailles et les flots y forment une double prison, – et comme un tombeau vivant. Au-dessous du niveau de la surface du lac est creusé le cachot où nous étions détenus. Nous entendions nuit et jour le bruissement de ses vagues qui venaient frapper au-dessus de nos têtes. Et quand les vents d'hiver étaient soulevés et se jouaient avec délices dans l'immensité libre des cieux, j'ai senti l'écume des vagues qui se brisait à travers les barreaux. Alors le rocher paraissait ébranlé de leur choc; mais je sentais sans frayeur cet ébranlement, parce que j'aurais souri de voir la mort venant me délivrer de mes chaînes.

7. J'ai dit que mon frère puîné languissait; j'ai dit que son grand cœur était abattu. Il se dégoûta de cette vie de ténèbres et refusa sa nourriture, non pas à cause qu'elle était grossière, car nous étions accoutumés à la vie des chasseurs, et cela nous inquiétait peu. Le lait, que nous recevions autrefois de la chèvre des montagnes, était changé en une eau croupie des fossés; notre pain ressemblait à celui que les larmes des captifs ont mouillé pendant des milliers d'années, depuis que l'homme enferma pour la première fois ses semblables comme des brutes dans une prison de fer, Mais que nous faisaient ces privations? Elles n'avaient point abattu le cœur, ou les forces de mon frère. Son ame était tellement formée, qu'elle se serait rongée et engourdie dans un palais, si on lui avait refusé l'air libre, et la faculté de parcourir les pentes escarpées des montagnes. Mais pourquoi différer la vérité? – Il mourut. Je le vis expirer, et je ne pus soutenir sa tête, ni presser sa main mourante – ou glacée, quoique je fisse mille efforts pour m'approcher de lui, mais ils furent vains; je ne pus rompre ni dégager mes fers. – Il mourut. – Les geôliers lui ôtèrent ses chaînes et creusèrent pour lui une étroite fosse dans la froide terre de notre cachot. Je leur demandai comme une grâce d'enterrer son corps dans un endroit où la lumière du jour pût briller sur sa poussière. – C'était une folle pensée; mais je m'imaginai que même après sa mort l'ame née libre de mon frère ne pourrait reposer dans une telle prison. J'aurais pu m'épargner mon inutile prière. – Ils sourirent froidement – et l'enterrèrent là. Une terre aride et sans gazon recouvrait celui que nous avions tant aimé! Sa chaîne vide resta suspendue sur ses restes, monument digne d'un tel meurtre!

8. Mais lui, le favori et la fleur de notre famille, le plus chéri depuis sa naissance, qui portait dans ses beaux traits l'image de notre mère; l'enfant bien-aimé de toute sa famille; la plus chère pensée de son père martyr, mon dernier souci, pour lequel je cherchais à soutenir ma vie, afin de rendre la sienne moins malheureuse, et peut-être libre un jour; lui, aussi, qui avait conservé jusque-là un esprit naturel ou inspiré, – lui aussi fut frappé, et de jour en jour je le vis se flétrir et s'éteindre. O Dieu! c'est une chose effrayante de voir l'ame humaine déployer ses ailes sous quelque forme, de quelque mode que ce soit. – Je l'ai vue s'échapper par des flots de sang; je l'ai vue sur l'Océan irrité se débattre avec un mouvement puissant et convulsif; j'ai vu le lit effrayant du crime à l'agonie, délirant de ses terreurs: mais c'étaient là des scènes d'effroi; – L'agonie de mon frère n'eut rien de commun avec elles; – elle fut lente et sans remords. Il s'éteignit si calme, et si doucement, avec une langueur et une résignation si tranquilles, si pures, et sans verser de larmes, quoique plein de tendresse et de regret pour ceux qu'il laissait après lui! Avec tout cela cependant, il conserva une joue dont le coloris était comme une moquerie de la tombe, et dont les teintes disparurent doucement comme le rayon d'un arc-en-ciel; – ses yeux étaient si brillans qu'ils donnaient presque de la clarté au cachot. Pas un murmure, – pas une plainte sur sa mort prématurée; – quelques souvenirs de jours plus heureux, quelques espérances pour relever mon courage abattu, car j'étais absorbé dans un douloureux silence, – perdu dans cette dernière perte, la plus cruelle de toutes. Alors il voulut étouffer les soupirs de la nature affaiblie et défaillante; ces soupirs à peine exprimés devinrent de plus en plus rares. Je prêtai l'oreille; mais je ne pus rien entendre. – J'appelai, car j'étais délirant de terreur; je savais qu'il n'y avait plus d'espérance pour lui; mais mon effroi ne pouvait être maîtrisé. J'appelai, et je crus entendre un son. – Je brisai ma chaîne dans un violent transport, et me précipitai vers lui; – je ne le trouvai plus, je me débattais seul dans ce cachot ténébreux; je vivais seul, – seul je respirais encore l'air maudit de l'humide prison; le dernier, – le seul, le plus cher des anneaux de la chaîne qui me séparait de l'éternité, qui m'attachait encore à ma famille près de s'éteindre, était brisé dans ce lieu fatal! Un sur la terre, un dans la terre…; mes frères, – mes deux frères avaient cessé de vivre: je pris cette main qui reposait si tranquille, hélas! la mienne était déjà aussi froide! – Je n'avais pas la force de m'éloigner, mais je sentis que je vivais encore: – sentiment de délire quand nous apprenons que ce que nous aimions tant n'est plus! ne sera plus, jamais! – Je ne sais pourquoi je ne pus mourir, – je n'avais plus d'espérances terrestres. – Mais la foi me défendait de me donner une mort volontaire.

9. J'ignore ce qui m'arriva ensuite; – je ne l'ai jamais su. – La première chose fut la perte de la sensation de la lumière, de l'air, et ensuite de l'obscurité même. Je n'avais point de pensée, point de sentiment, point d'émotion; – j'étais comme une pierre parmi les pierres du cachot, et j'avais à peine la conscience de mon existence; j'étais comme un rocher de glace au milieu du brouillard; car tout était confus, noir, gris; – ce n'était pas la nuit, – ce n'était pas le jour; ce n'était pas même la lumière accoutumée du cachot si odieux à ma vue appesantie, mais un vide étouffant l'espace, une fixité – sans place, où il n'y avait ni astre, – ni terre, – ni tems, – ni contrainte, – ni changement, – ni vertu, – ni crime, – mais le silence! et un souffle imperceptible qui n'appartenait ni à la vie ni à la mort; un océan d'oisiveté stagnante, ténébreux, immense, silencieux et immobile!

10. Un rayon de lumière frappe mon esprit; c'était le chant joyeux d'un oiseau; il l'interrompait, puis le recommençait de nouveau; c'était le chant le plus doux que l'oreille eût jamais entendu, et la mienne en était reconnaissante, et mes yeux se portèrent de côté et d'autre avec une agréable surprise; ils ne s'aperçurent pas pour un moment que j'étais toujours le compagnon abandonné de la misère. Mes sens, par degrés confus, reçurent leurs impressions habituelles; je vis les murs et le pavé du cachot qui m'entouraient étroitement comme auparavant; je vis la lueur du soleil se glissant encore par les mêmes ouvertures; mais à travers ces crevasses s'était perché l'oiseau mélodieux, aussi vif, aussi confiant, et plus apprivoisé que s'il eût été sur un arbre; oiseau charmant aux ailes d'azur, au chant qui disait mille choses au cœur, et semblait les dire toutes pour moi! Je n'en avais jamais vu de son espèce, je ne verrai peut-être jamais son pareil: il semblait, comme moi, privé d'un compagnon; mais il n'était pas la moitié si désolé. Il était venu pour m'aimer lorsque personne ne vivait plus pour m'aimer ainsi, et ses chants de joie au bord de mon cachot m'avaient rappelé au sentiment et à la pensée. Je ne sais s'il était libre depuis peu, et s'il avait brisé les barreaux de sa prison pour venir se percher sur les miens; mais je connaissais trop bien les douleurs de la captivité, aimable oiseau! pour que j'aie pu désirer te ravir ta liberté; je ne sais si c'était un oiseau du paradis, venu pour me visiter; car, – que le ciel me pardonne cette pensée! elle me fit pleurer et sourire; j'imaginais quelquefois que ce pouvait être l'ame de mon frère descendue près de moi; mais enfin l'oiseau s'envola; alors c'était un être mortel, – me disais-je, car autrement il ne se serait pas ainsi envolé, et il ne m'eût pas laissé doublement seul; – seul comme le cadavre dans son linceul; – et seul, – comme un nuage solitaire, un nuage isolé dans un jour de soleil, tandis que tout le reste du ciel est serein; un brouillard dans l'atmosphère, qui ne devrait pas se montrer quand les cieux sont bleus, et que la terre est riante.

11. Une espèce de changement arriva dans ma destinée; mes geôliers prirent compassion de moi: je ne sais ce qui les avait faits ainsi; car ils étaient accoutumés aux soupirs de la douleur; mais ils étaient changés. – Ma chaîne brisée avec ses anneaux dispersés ne me fut pas imposée de nouveau; et j'eus la liberté de parcourir ma prison dans tous les sens; j'en usai largement, mais j'évitais, dans ma marche, de fouler les tombes de mes frères qui n'étaient couvertes que d'un peu de terre sans végétation; car si je me figurais que d'un pas inattentif je profanais leur couche tranquille, ma respiration s'arrêtait et devenait difficile, et mon cœur brisé tombait en défaillance.

12. Je creusai des marches dans la muraille; ce n'était point avec l'intention de m'échapper, car j'avais enseveli tout ce qui m'était cher, tout ce qui m'avait aimé sous une forme humaine, et la terre entière n'eût été dès-lors qu'une prison plus vaste pour moi. Je n'avais ni enfant, – ni père, – ni parent, ni compagnon de ma misère. La pensée de cet abandon, de cet isolement, me consolait; car cette même pensée avait égaré ma raison; mais j'étais curieux de monter aux barreaux de ma fenêtre, et d'attacher encore une fois le regard d'un œil aimant sur les hauteurs des montagnes.

218François de Bonnivard, fils de Louis de Bonnivard, originaire de Segnel et seigneur de Lunes, naquit en 1496; il fit ses études à Turin: en 1510, Jean-Aimé de Bonnivard, son oncle, lui résigna le prieuré de Saint-Victor, qui aboutissait aux murs de Genève, et qui formait un bénéfice considérable. Ce grand homme (Bonnivard mérite ce titre par la force de son ame, la droiture de son cœur, la noblesse de ses intentions, la sagesse de ses conseils, le courage de ses démarches, l'étendue de ses connaissances et la vivacité de son esprit); ce grand homme, qui excitera l'admiration de tous ceux qu'une vertu héroïque peut encore émouvoir, inspirera encore la plus vive reconnaissance dans le cœur des Génevois qui aiment Genève. Bonnivard en fut toujours un des plus fermes appuis: pour assurer la liberté de notre république, il ne craignit pas de perdre souvent la sienne, il oublia son repos, il méprisa ses richesses; il ne négligea rien pour affermir le bonheur d'une patrie qu'il honora de son choix: dès ce moment, il la chérit comme le plus zélé de ses citoyens. Il la servit avec l'intrépidité d'un héros, et il écrivit son histoire avec la naïveté d'un philosophe et la chaleur d'un patriote. Il dit, dans le commencement de son histoire de Genève, que, dès qu'il eut commencé de lire l'histoire des nations, il se sentit entraîné par son goût pour les républiques, dont il épousa toujours les intérêts; c'est ce goût pour la liberté qui lui fit sans doute adopter Genève pour patrie. Bonnivard, encore jeune, s'annonça hautement comme le défenseur de Genève, contre le duc de Savoie et l'évêque. En 1519, Bonnivard devint le martyr de sa patrie: le duc de Savoie étant entré dans Genève avec cinq cents hommes, Bonnivard craignit le ressentiment du duc; il voulut se retirer à Fribourg pour en éviter les suites; mais il fut trahi par deux hommes qui l'accompagnaient et conduit par ordre du prince à Groler, où il resta prisonnier pendant deux ans. Bonnivard était malheureux dans ses voyages: comme ses malheurs n'avaient point ralenti son zèle pour Genève, il était toujours un ennemi redoutable pour ceux qui la menaçaient; et par conséquent, il devait être exposé à leurs coups. Il fut rencontré en 1530, sur le Jura, par des voleurs qui le dépouillèrent, et qui le mirent entre les mains du duc de Savoie: ce prince le fit enfermer dans le château de Chillon, où il resta sans être interrogé jusqu'en 1536: il fut alors délivré par les Bernois, qui s'emparèrent du pays de Vaud. Bonnivard, en sortant de sa captivité, eut le plaisir de trouver Genève libre et réformée: la république s'empressa de lui témoigner sa reconnaissance, et de le dédommager des maux qu'il avait soufferts: elle le reçut bourgeois de la ville, au mois de juin 1536; elle lui donna la maison habitée autrefois par le vicaire général, et lui assigna une pension de deux cents écus d'or, tant qu'il séjournerait à Genève. Il fut admis dans le conseil des deux-cents, en 1537. Bonnivard n'avait pas fini d'être utile: après avoir travaillé à rendre Genève libre, il réussit à la rendre tolérante. Bonnivard engagea le conseil à accorder aux ecclésiastiques et aux paysans un tems suffisant pour examiner les propositions qu'on leur faisait: il réussit par sa douceur: on prêche toujours le christianisme avec succès quand on le prêche avec charité. Bonnivard fut savant: ses manuscrits qui sont dans la bibliothèque publique, prouvent qu'il avait bien lu les auteurs classiques latins, et qu'il avait approfondi la théologie et l'histoire. Ce grand homme aimait les sciences, et il croyait qu'elles pouvaient faire la gloire de Genève; aussi il ne négligea rien pour les fixer dans cette ville naissante; en 1551, il donna sa bibliothèque au public: elle fut le commencement de notre bibliothèque publique; et ces livres sont en partie les rares et belles éditions du quinzième siècle, qu'on voit dans notre collection. Enfin, pendant la même année, ce bon patriote institua la république son héritière, à condition qu'elle emploierait ses biens à entretenir le collége dont on projetait la fondation. Il paraît que Bonnivard mourut en 1570; mais on ne peut l'assurer, parce qu'il y a une lacune dans le nécrologue, depuis le mois de juillet 1570 jusqu'en 1571.
219Ludovico Sforza, et d'autres. On assure la même chose de Marie-Antoinette, femme de Louis XVI, mais non dans un aussi court espace de tems. Le chagrin, dit-on, a le même effet: c'est à celui-ci, et non pas à la crainte, que le changement de couleur des cheveux de la reine doit être attribué.
220To see such bird in such a nest.
221Le château de Chillon est situé entre Clarens et Villeneuve; celle-ci est à une extrémité du lac de Genève. Sur la gauche de Chillon sont les embouchures du Rhône, et sur le côté opposé sont les hauteurs de Meillerie et la chaîne des Alpes au-dessus de Boveret et Saint-Gingo. Près de là est une colline d'où se précipite un torrent. Le château est baigné par le lac, qui, dans cet endroit, a été sondé à la profondeur de 800 pieds. Le château renferme dans son intérieur un rang de donjons ou prisons dans lesquelles les premiers réformateurs, et postérieurement les prisonniers d'état, furent renfermés. À travers une des voûtes on voit encore une poutre noircie par le tems, sur laquelle on nous assura que les criminels étaient originairement exécutés. Dans les cellules ou cachots sont sept piliers, ou plutôt huit, l'un étant à moitié caché dans les murs. À quelques-uns de ces piliers sont fixés des anneaux auxquels étaient attachées des chaînes et les personnes enchaînées. On voit encore sur le pavé la trace des pas de Bonnivard; il y fut enfermé pendant un grand nombre d'années. C'est près de ce château que Rousseau a placé la catastrophe de son Héloïse. C'est la scène où Julie, voulant retirer du lac un de ses enfans, tomba elle-même dans les flots: le bouleversement causé par cet accident et la maladie qu'il fit naître furent la cause de sa mort. Le château est vaste, et on l'aperçoit sur le bord du lac, d'une grande distance. Ses murs sont blancs.