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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 11

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Note 40: (retour) «Le vent (dit le compagnon de voyage de lord Byron) augmenta graduellement de violence jusqu'à ce qu'il devînt furieux; et comme il venait de l'autre extrémité du lac, il soulevait les vagues à une hauteur effrayante, et en couvrait toute la surface d'écume. Un de nos bateliers, qui était terriblement stupide, persistait à tenir la voile dans un moment où la barque était prête à être ensevelie sous les flots par l'ouragan. En reconnaissant son erreur, il la laissa entièrement aller, et le bateau refusa un instant d'obéir au gouvernail; en outre le gouvernail était si brisé, qu'il était très-difficile de le diriger; une vague entrant dans la barque, était immédiatement suivie d'une autre.»

Note 41: (retour) «J'éprouvais, avec cette perspective prochaine de mort devant les yeux, dit M. Shelley, un mélange de sensation dont la terreur faisait partie, mais où elle ne dominait pas. Ma situation eût été bien moins pénible si j'eusse été seul; mais je savais que mon compagnon ferait tous ses efforts pour me sauver, et j'étais accablé d'humiliation en songeant qu'il pouvait risquer sa vie en sauvant la mienne. Lorsque nous arrivâmes à Saint-Gingoux, les habitans qui nous regardaient du rivage, peu habitués à voir une aussi frêle embarcation que la nôtre, et qui auraient craint de se hasarder n'importe comment sur une telle mer, échangèrent des regards de surprise et de félicitation avec nos rameurs, qui, ainsi que nous, n'étaient pas fâchés d'être à terre.»

Shelley a joint à l'intéressant petit ouvrage intitulé: Un voyage de six semaines, une lettre écrite par lui-même, dans laquelle il rend compte de leur voyage autour du lac avec tout l'enthousiasme que des scènes semblables sont faites pour inspirer. En parlant d'un bel enfant qu'ils virent dans le village de Nerni, il dit: «Mon compagnon lui donna une pièce d'argent qu'il prit sans parler, avec un doux et franc sourire de remerciement; puis, sans témoigner le moindre embarras, il retourna jouer.» En effet, il n'y avait rien qui enchantât davantage Lord Byron que de voir de beaux enfans se livrer à leurs jeux; «et nombre de jolis enfans suisses, ajoute une personne qui le voyait alors tous les jours, ont reçu de lui des écus pour prix de leur grâce et de leur beauté.»

M. Shelley dit encore, en parlant de leurs logemens à Nerni, qui étaient sales et obscurs: «En rentrant à l'auberge, nous nous aperçûmes que le domestique avait arrangé nos chambres, et leur avait ôté en grande partie leur aspect triste et misérable. Cette maison avait rappelé la Grèce à mon compagnon; il y avait cinq ans, me dit-il, qu'il n'avait couché dans de tels lits.»

Le hasard voulut que M. Shelley n'eût pas encore lu l'Héloïse, et la lecture de cet ouvrage le fit jouir encore bien mieux de la vue de ces beaux lieux. Quant à son compagnon, quoique ce roman lui fût dès long-tems familier, à l'aspect de cette contrée qui avait vu naître une si profonde passion, et dont l'empreinte se retrouvait à chaque pas, tout lui sembla réellement animé d'une existence nouvelle. Tous deux étaient sous le charme du génie du lieu, tous deux pleins des plus vives émotions; et tandis qu'ils marchaient en silence dans la vigne qui était autrefois le bosquet de Julie, Lord Byron s'écria soudain: «Grâce à Dieu, Polidori n'est point ici.»

Il paraît presque certain qu'il écrivit dans ces lieux mêmes les stances brûlantes qu'ils lui inspirèrent, du moins d'après une lettre adressée à M. Murray, pendant son retour à Diodati, et dans laquelle il lui annonce qu'il vient de terminer le troisième chant composé de cent dix-sept stances. Cette lettre est datée d'Ouchy, près Lausanne, où son ami et lui furent arrêtés deux jours dans une petite auberge par le mauvais tems; et ce fut là, et pendant ce court intervalle, qu'il composa le Prisonnier de Chillon, ajoutant ainsi un autre souvenir impérissable à ces bords du lac déjà immortalisés.

À son retour à Diodati, il trouva une occasion de se livrer à son penchant pour la plaisanterie, dans l'aveu que lui fit le jeune médecin qu'il était devenu amoureux. Le soir même, après avoir reçu cette tendre confession, ils allèrent tous deux voir M. Shelley. Lord Byron, dans un accès de gaîté presque enfantine, se frottait les mains en parcourant l'appartement; et avec cette incapacité de rien cacher, qui était un de ses faibles, il faisait, en plaisantant, de fréquentes allusions au secret qu'il venait d'apprendre. Le front du docteur se rembrunissait en proportion de la durée de ces plaisanteries; et à la fin, d'un air irrité, il accusa Lord Byron de dureté de cœur. «Je n'ai jamais vu, dit-il, d'être plus insensible.» Cette sortie, que le poète s'était évidemment attirée, le mortifia cependant profondément. «Moi dur? s'écria-t-il avec une émotion manifeste; moi insensible? vous pourriez aussi bien dire que la glace ne se casse pas, après l'avoir vue tomber du haut d'un précipice et se briser en éclats au pied!»

Ce fut au mois de juillet qu'il alla faire une visite à Coppet. Il y fut reçu par la femme distinguée qui en était propriétaire, avec une cordialité à laquelle il fut d'autant plus sensible, que, sachant à quel point il était mal jugé à cette époque, il n'avait presque pas osé y compter 42. Avec sa franchise ordinaire, elle le sermonna sur sa conduite matrimoniale, mais d'une manière qui le toucha et le disposa à suivre ses conseils. Elle lui dit qu'il devait chercher à en venir à une réconciliation avec sa femme, et devait se résigner à ne pas lutter plus long-tems contre les opinions de la société. Ce fut en vain qu'il lui cita sa propre épigraphe de Delphine: «Un homme doit savoir braver l'opinion, une femme s'y soumettre.» Sa réponse fut que tout cela pouvait être fort bon à dire, mais que, dans la vie réelle, le devoir et la nécessité de céder appartenaient aussi à l'homme. Enfin, son éloquence eut tant de succès, qu'elle décida le poète à adresser une lettre à un de ses amis en Angleterre, dans laquelle il se déclarait encore disposé à se réconcilier avec lady Byron, concession qui n'étonna pas médiocrement ceux qui lui avaient entendu répéter si souvent et si dernièrement, qu'ayant fait tous ses efforts pour persuader à lady Byron de revenir avec lui, et ayant, dans cette vue, différé autant que possible de signer l'acte de séparation, maintenant que cette démarche avait été faite, ils étaient séparés pour jamais.

Note 42: (retour) Dans le récit qu'il fait de sa visite à Coppet dans son Memoranda, il parle dans les termes les plus flatteurs de la fille de son hôtesse, la duchesse actuelle de Broglie, et en disant combien elle paraît attachée à son mari, il remarque que rien n'est plus intéressant que d'observer le développement des affections domestiques dans une très-jeune femme. Quant à Mme de Staël, il en parle ainsi: «Mme de Staël était réellement une bonne femme, et la plus spirituelle de son sexe, mais elle était gâtée par le désir d'être… quoi? elle ne le savait pas elle-même. Chez elle, elle était aimable; dans toute autre maison, vous souhaitiez de la voir partie, ou de retour dans la sienne.» (Note de Moore.)

Je n'ai pas un souvenir très-exact des détails de la courte négociation qui eut lieu par suite des conseils de Mme de Staël, mais il n'est guère possible de douter que ce fut son manque de succès, après avoir fait une si grande violence à son orgueil pour en venir à une ouverture, qui fut la première cause de ce mélange de ressentiment et d'amertume qu'on remarqua depuis dans les sensations que lui occasionnaient ces pénibles différends. En effet, dès le commencement de son séjour à Genève, il n'avait cessé de parler de sa femme avec affection et regret, imputant à d'autres bien plus qu'à elle le parti qu'elle avait pris de se séparer de lui, et attribuant la petite part de blâme qu'elle pouvait avoir eu dans cette affaire à un motif tout simple et qu'il regardait comme le seul véritable, c'est qu'elle ne le comprenait pas du tout. «Je ne doute nullement, disait-il quelquefois, qu'elle ne m'ait cru réellement fou.»

Une autre résolution relative à ses affaires conjugales, et dans laquelle il déclarait alors souvent qu'il avait la ferme intention de persister, était de ne jamais se permettre de toucher à la fortune de sa femme. Un tel sacrifice sans doute dans sa situation eût été noble et délicat, mais quoique le penchant naturel de son caractère le portât à en prendre la résolution, il lui manqua, ce que peu d'hommes peut-être auraient eu à sa place, – le courage de la tenir.

On aperçoit le résultat des efforts qu'il fit intérieurement pour recueillir toutes ses ressources et toute son énergie dans la grande activité de son génie à cette époque ainsi que dans la riche variété de caractère et de coloris répandue dans ses ouvrages. Outre le troisième chant de Childe Harold, et le Prisonnier de Chillon, il composa aussi deux poèmes, les Ténèbres et le Rêve, dont le dernier lui coûta plus d'une larme, étant l'histoire d'une vie errante la plus mélancolique, la plus pittoresque qui soit jamais sortie de la plume et du cœur d'un homme. Les vers intitulés l'Incantation, qu'il plaça ensuite dans Manfred sans aucune liaison avec le sujet, furent aussi une production de cette époque, du moins la partie où règne le moins d'amertume. Comme ils furent écrits peu de tems après la tentative inutile qu'il fit pour amener une réconciliation, il est inutile de dire quel était l'objet présent à sa pensée lorsqu'il composa quelques-unes des premières stances.

Ton sommeil peut être profond, mais ton ame ne reposera pas. Il est des ombres qui ne veulent pas disparaître, des pensées que l'on ne peut bannir. Soumise à une puissance inconnue, jamais tu ne peux être seule; captive au sein d'un nuage, tu es enveloppée de toutes parts comme dans des plis d'un drap mortuaire, et tu dois rester à jamais sous l'influence de ce charme.

 

Quoique tu ne me voies pas passer près de toi, tes yeux me devineront par un instinct secret, comme un objet qui fut long-tems à tes côtés, et qui, bien qu'inaperçu, doit y être encore; et, lorsque, secrètement agitée de cette crainte, tu retourneras la tête pour me voir, tu t'étonneras de ne me pas trouver attaché comme ton ombre au même lieu que toi. Et c'est alors que tu reconnaîtras en toi-même l'action d'une puissance que tu dois n'avouer jamais.

Outre le Vampire qu'il ne termina pas, il commença aussi à cette époque un autre roman en prose, dont le sujet était le Mariage de Belphégor, et qui était destiné à peindre le sort qu'avait eu le sien. Il règne à peu près le même esprit dans sa description du caractère de l'épouse du démon, que dans la peinture qu'il a faite de celui de Donna Inès dans le premier chant de Don Juan. Cependant, tandis qu'il s'occupait à écrire cet ouvrage, il apprit par des lettres d'Angleterre que lady Byron était malade, et son cœur s'attendrissant à cette nouvelle, il jeta le manuscrit au feu, – tant les principes du bien et du mal qui existaient dans son caractère, se faisaient constamment la guerre pour parvenir à le dominer 43!

Note 43: (retour) Il écrivit à la même occasion des vers qui ne sont pas dictés par un esprit tout-à-fait aussi généreux, et dont je ne rapporterai que quelques-unes des premières lignes.

«Ainsi donc tu as connu la tristesse, et pourtant je n'étais pas près de toi; tu as été malade, quoique je ne fusse pas là. J'aurais cru que la joie et la santé devaient seules régner aux lieux où je ne suis pas, et que la maladie et le chagrin devaient rester près de moi. Mais il en est ainsi, et ce que j'avais prédit s'accomplit, et s'accomplira plus encore, etc.» (Note de Moore.)

Les deux poèmes suivans, si différens l'un de l'autre, le premier pénétrant avec un scepticisme effrayant au milieu des ténèbres de l'autre monde, et l'autre respirant les affections les plus tendres et les plus naturelles de celui-ci, furent aussi composés dans le même tems, mais n'ont jamais été publiés.

EXTRAIT D'UN POÈME INÉDIT

Si je pouvais remonter le fleuve de mes ans jusqu'à la première source de nos sourires et de nos larmes, je ne voudrais pas en redescendre le cours entre les deux rives couvertes de fleurs fanées, mais je lui dirais de continuer de couler comme à présent, jusqu'à ce qu'il allât se perdre dans le nombre des fleuves innombrables........... ...............................

Qu'est-ce que la mort? Le repos du cœur; un tout dont nous faisons tous partie; car la vie n'est qu'une vision. – De tout ce qui existe, il n'y a que ce que je vois qui existe pour moi; ainsi donc les absens sont les morts qui troublent notre tranquillité, et étendant à nos yeux un drap funèbre, envahissent nos heures de repos par de tristes souvenirs. Les absens sont les morts, car ils sont froids comme eux, et ne peuvent jamais redevenir ce que nous les avons vus. Ils sont changés et nous glacent, ou bien, si les êtres qu'on n'oublie pas ne nous ont pas non plus oubliés, qu'importe, puisqu'il faut en être ainsi séparés, que ce soit par la redoutable barrière de la terre ou de l'océan? tous deux peuvent se mettre entre nous, mais un jour doit amener la triste réunion d'une poussière insensible à une poussière insensible.

Les habitans des entrailles de la terre ne sont-ils que des millions d'individus réduits en poussière par la décomposition? les cendres de mille siècles, répandues sous les pieds de l'homme, en quelque lieu qu'il porte ses pas? ou habitent-ils chacun une cellule solitaire dans leurs silencieuses cités? ou ont-ils un langage qui leur est propre, et le sentiment d'une existence privée d'air, ténébreuse et funèbre comme la nuit dans sa solitude? – Ô terre! où sont les morts? et pourquoi reçurent-ils la naissance? Tu as fait d'eux tes héritiers; nous autres mortels ne sommes que des bulles d'air sur ta surface. La clef de tes profondeurs est dans la tombe, ainsi que la porte d'ébène de tes antres peuplés, que je voudrais parcourir en esprit pour voir ce que deviennent après leur dissolution les mystérieux élémens de notre être, approfondir des merveilles cachées, et examiner l'essence de ces grandes ames qui ne sont plus.

À AUGUSTA

I

Ma sœur! ma tendre sœur! s'il existait un nom plus cher et plus pur, il devrait t'appartenir. Quoique les montagnes et les mers nous séparent, je ne réclame de toi que de la tendresse et non des larmes en retour de celles que je répands. En quelque lieu que j'aille, tu seras à jamais pour moi l'objet chéri d'un regret auquel je ne voudrais pas renoncer. Il est deux choses que ma destinée me laisse encore, un monde à parcourir, et un asile auprès de toi.

II

Le premier, je le compterais pour rien: s'il m'était donné de jouir du second, ce serait pour moi le port de la félicité. Mais d'autres liens, d'autres affections te réclament, et ce n'est pas moi qui voudrais jamais les affaiblir. Ton frère est voué à un sort étrange, qui ne peut plus subir ni changement ni réforme. Il offre le revers de celui de notre aïeul, qui jadis ne put trouver plus de repos sur mer que je n'en goûte moi-même sur la terre.

III

Si, dans un autre élément, j'ai hérité des orages dont il fut le jouet; si, me jetant contre des écueils ignorés ou imprévus, j'ai supporté ma part des chocs auxquels on est exposé dans ce monde, la faute en est à moi, et je ne chercherai pas, par de vains paradoxes, à justifier mes erreurs, ingénieux à travailler à ma ruine, si ma barque a fait naufrage, c'est moi-même qui lui ai servi de pilote.

IV

A moi les fautes, à moi seul la récompense! Ma vie entière n'a été qu'une lutte depuis le jour qui, en me donnant l'être, me donna aussi ce qui devait empoisonner ce don: une destinée ou une volonté qui devait sans cesse m'égarer. Souvent, trouvant cette lutte trop pénible, j'ai songé à me débarrasser de mes liens d'argile, et maintenant je veux vivre quelque tems de plus, ne fût-ce que pour voir ce qui peut m'arriver encore.

V

Dans le peu de jours que j'ai passés sur la terre, j'ai survécu à des royaumes et à des empires, et cependant je ne suis pas vieux; et quand je songe à cela, j'oublie mes propres chagrins, qui se sont succédé d'année en année comme les vagues furieuses dans une baie bordée de brisans. Quelque chose que je ne puis définir soutient encore en moi un reste de patience; – ce n'est donc pas en vain, dans son intérêt même, que nous achetons la douleur.

VI

Peut-être le désir de braver le sort agit-il sur moi; peut-être est-ce ce froid désespoir qui succède à l'accumulation des peines; peut-être, encore, le dois-je à un climat plus doux, à un air plus pur (car ces circonstances ont aussi de l'influence sur l'ame, et lui apprennent à supporter plus légèrement le poids de ses maux); mais j'éprouve une tranquillité qui m'étonne, et qui ne fut pas mon partage quand je jouissais d'un sort plus doux.

VII

Je retrouve parfois les sensations de l'heureuse enfance; les arbres, les fleurs, les ruisseaux, qui me rappellent les lieux que j'habitais avant que ma jeunesse fût sacrifiée à l'étude, se retracent à moi comme par le passé, et mon cœur s'attendrit à leur souvenir. Quelquefois même vient m'apparaître quelqu'objet vivant à chérir, mais aucun autant que toi.

VIII

Ici sont ces paysages des Alpes qui offrent un fond si riche à la méditation; l'admiration est une sensation rapide, et qui dure à peine, mais l'aspect de ces beaux sites inspire quelque chose de mieux. Ici on n'est point isolé dans la solitude; je suis entouré des objets dont j'avais le plus désiré la vue; j'ai surtout celle d'un lac plus beau, mais non pas plus cher que le nôtre d'autrefois.

IX

Oh! si tu étais près de moi! Mais, hélas! je deviens la dupe de mes propres désirs, et j'oublie que ce seul motif de regret vient détruire toutes les louanges que j'ai données à ma solitude tant vantée! Je puis avoir d'autres sujets de peine, mais, quoique je ne sois pas de ceux qui aiment à se plaindre, je sens décliner ma philosophie, et des larmes se glisser dans mes yeux.

X

Je t'ai rappelé le souvenir de notre lac chéri auprès de ce vieux château qui, peut-être, maintenant, ne m'appartient plus. Celui de Léman est bien beau, mais ne crois pas que j'oublie la douce image d'une rive plus chère encore. A l'exception des ravages que le tems peut faire dans ma mémoire, mes yeux s'éteindront avant ton souvenir et le sien, quoique, ainsi que d'autres objets que j'ai aimés, nous soyons perdus l'un pour l'autre, ou du moins séparés par une grande distance.

XI

Le monde est tout entier devant moi. Je ne demande à la nature que ce qu'elle peut m'accorder, de jouir des rayons de son soleil d'été, et de la sérénité de son ciel; de voir son doux aspect sans masque, et de ne jamais le contempler avec indifférence. Elle fut ma première amie, et elle continuera de l'être, ma sœur, jusqu'à ce que je te revoie encore.

XII

Je puis triompher de tous mes penchans, à l'exception de celui qui m'entraîne vers elle, et je le pourrais que je ne le voudrais pas; car je reconnais enfin que des scènes de ce genre, semblables à celles où je passai mon enfance, et qui furent les premières que je connus, étaient aussi les seules qui fussent faites pour moi. Si j'avais appris plus tôt à éviter la foule, j'aurais été meilleur qu'il ne m'est possible de l'être à présent. Les passions qui m'ont déchiré sommeilleraient encore; je n'aurais pas souffert, et tu n'aurais pas pleuré!

XIII

Qu'avais-je affaire de l'ambition trompeuse? Ne pouvais-je me passer de l'amour, et surtout de la célébrité? Et cependant ces passions vinrent sans que je les eusse cherchées, elles s'emparèrent de moi, et en firent tout ce qu'elles peuvent faire, c'est-à-dire qu'elles ne me laissèrent plus qu'un nom. Était-ce donc là le but que je me proposais d'atteindre? Oh, non; celui auquel j'aspirais autrefois était plus noble et plus beau; mais il est trop tard, et je vais ajouter encore un mortel à la masse de ceux qui furent avant moi la dupe de leurs illusions.

XIV

Et quant à l'avenir, à l'avenir de ce monde, il ne demande pas de ma part un grand souci. Je me suis survécu à moi-même plus d'un jour, après avoir survécu à tant d'objets qui avaient eu l'être avant moi. Mon existence n'a pas connu le repos, elle a été la proie de veilles continuelles; j'avais assez vécu pour remplir un siècle, avant d'avoir atteint le quart des ans qui le composent.

XV

Quant aux années qui peuvent me rester encore, j'y suis résigné, – et, relativement au passé, je ne suis pas ingrat; car, en faisant la somme totale de mes maux, je reconnais que des momens de bonheur se sont quelquefois glissés au milieu de mes sombres chagrins, et pour ce qui est du présent, je ne voudrais pas que mon ame s'engourdît davantage, car je ne cacherai pas que, malgré le changement qui s'est fait en elle, je puis encore contempler et adorer la nature avec une émotion profonde.

XVI

Quant à toi, ma tendre sœur, je me sens assuré de ton cœur autant que tu l'es du mien: nous fûmes et nous sommes deux êtres dont l'un ne peut jamais renoncer à l'autre, – ensemble ou séparés, depuis le commencement de la vie jusqu'à son dernier déclin, nous sommes unis. – Que la mort vienne lentement ou qu'elle nous frappe vite, le lien qui nous attachait l'un à l'autre continuera d'être porté par le dernier des deux qui survivra.

Au mois d'août M. M. – G. Lewis vint passer quelque tems avec lui, et bientôt après il eut la visite de M. Richard Sharpe, dont il fait une mention si honorable dans le journal que nous avons déjà donné, et avec lequel, d'après ce que j'ai entendu dire à cette même personne, il parut prendre le plus grand plaisir à parler des amis communs qu'ils avaient en Angleterre. Parmi ces derniers celui qui semblait avoir produit sur lui l'impression la plus profonde d'intérêt et d'admiration était, comme le croiront aisément ceux qui connaissent cet homme distingué, sir James Mackintosh.

Peu de tems après l'arrivée de ses amis, MM. Hobhouse et S. Davies, il partit avec le premier, comme nous l'avons déjà vu, pour faire une excursion dans les Alpes Bernoises. Après avoir terminé ce voyage, et vers le commencement d'octobre, il se mit en route pour l'Italie accompagné du même ami.

 

La première des lettres suivantes fut, comme on le verra, écrite de Diodati quelques jours avant son départ.