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Le livre de Jade

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Je rentre et je me couche dans mon lit treillagé; la fraîcheur de la nuit m'a saisie; je tremble dans ma chambre solitaire.

Et voici que j'entends tomber la pluie dans le lac! Demain mon petit bateau sera mouillé; comment ferai-je pour aller cueillir les fleurs de nénuphar?

LES VOYAGEURS

L'EXILÉ
Selon Sou-Tong-Po.

Les jeunes gens portent volontiers des costumes aux couleurs joyeuses; les uns ont des robes roses, d'autres ont des robes vertes,

De même qu'au retour du jeune printemps les jardins resplendissent d'herbes nouvelles et de pêchers en fleurs;

Mais celui qui voyage loin de son pays, bien qu'il soit jeune encore, est toujours vêtu d'une robe noire.

L'AUBERGE
Selon Li-Taï-Pé.

Je me suis couché dans ce lit d'auberge; la lune, sur le parquet, jetait une lueur blanche,

Et j'ai d'abord cru qu'il avait neigé sur le parquet.

J'ai levé la tête vers la lune claire, et j'ai songé aux pays que, je vais parcourir et aux étrangers qu'il me faudra voir.

Puis j'ai baissé la tête vers le parquet, et j'ai songé à mon pays et aux amis que je ne verrai plus.

LE GROS RAT
Selon Sao-Nan.

Gros rat! énorme rat! ne ronge pas tout mon grain, rat cruel et dévorateur!

Depuis trois ans je subis la férocité de tes dents aiguës, et j'ai vainement tenté de t'adoucir par des supplications.

Mais enfin je partirai, et je te fuirai, et j'irai me bâtir une maison dans un pays lointain,

Dans un pays lointain et heureux, où les remords ne sont pas éternels!

UN NAVIRE A L'ABRI DU VENT CONTRAIRE
Selon Sou-Tong-Po.

Les voiles tombent lourdement le long du mât, le vent joue de la flûte avec fureur.

De tous côtés, en écumant, les vagues battent le navire; on dirait qu'il est posé au milieu d'une grande fleur blanche.

L'ancre, au bout de sa chaîne, descend dans l'eau et s'accroche aux rochers; de mille et mille lieues le vent se lance contre elle, et ils luttent ensemble.

On dirait que la mer veut escalader la montagne pour atteindre le ciel; par moments le ciel et la mer paraissent se rejoindre.

Les marins oisifs dorment dans le navire, calmes sur l'océan furieux. Cependant le cœur aussi a ses vents contraires et ses orages.

Lorsque le temps nous permettra de repartir, j'écrirai ma pensée sur le flanc de la montagne.

LA FLÛTE D'AUTOMNE
Selon Thou-Fou.

Pauvre voyageur, loin de la patrie, sans argent et sans amis, tu n'entends plus la douce musique de la langue maternelle.

Cependant l'été est si brillant, la nature étale tant de richesse, que tu n'es pas pauvre; et le chant des oiseaux n'est pas pour toi une langue étrangère.

Mais lorsque tu entendras le cri de la cigale, cette flûte de l'automne, quand tu verras les nuages roulés par le vent dans le ciel, ta douleur n'aura plus de bornes,

Et, mettant la main sur tes yeux, tu laisseras ton âme s'enfuir vers la patrie.

EN ALLANT A TCHI-LI
Selon Tse-Tié.

Je me suis assis au bord de la route, sur un arbre renversé, et j'ai regardé la route qui continuait à s'en aller vers Tchi-Li.

Ce matin le satin bleu de mes souliers brillait comme de l'acier, et l'on pouvait suivre le dessin des broderies noires.

Maintenant mes souliers sont cachés sous la poussière.

Quand je suis parti, le soleil riait dans le ciel, les papillons voltigeaient autour de moi, et je comptais les marguerites blanches répandues dans l'herbe comme des poignées de perles.

Maintenant c'est le soir, et il n'y a plus de marguerites.

Les hirondelles glissent rapidement à mes pieds, les corbeaux s'appellent pour se coucher, et je vois des laboureurs, leur natte roulée autour de la tête, regagner les prochains villages.

Mais moi j'ai encore une longue route à parcourir.

Avant d'arriver à Tchi-Li, je veux composer une pièce de vers, une pièce de vers triste comme mon esprit sans compagnon,

Et dans un rhythme difficile, dans un rhythme très-difficile, afin que la route d'ici à Tchi-Li me paraisse trop courte.

LE VIN

AU MILIEU DU FLEUVE
Selon Tchan-Oui.

Dans mon bateau, que le fleuve balance sans brusquerie, je me promène tant que le jour dure,

Et je regarde l'ombre des montagnes dans l'eau.

Je n'ai plus d'autre amour que l'amour du vin, et ma tasse pleine est en face de moi. Aussi mon cœur est rempli de gaîté.

Autrefois il y avait dans mon cœur plus de mille chagrins; mais, à présent,

Je regarde l'ombre des montagnes dans l'eau.

POUR OUBLIER SES PENSÉES
Selon Ouan-Oui.

Réjouissons-nous ensemble et remplissons de vin tiède nos tasses de porcelaine.

Le frais printemps s'éloigne, mais il reviendra; buvons tant que nos lèvres auront soif,

Et peut-être oublierons-nous que nous sommes à l'hiver de notre âge,

Et que les fleurs se fanent.

PENSÉES DU SEPTIÈME MOIS
Selon Li-Taï-Pé.

Au milieu des fleurs de mon jardin, je songe en buvant un vin frais et transparent comme le jade.

Le vent me caresse doucement les joues et rafraîchit l'air brûlant; mais, quand l'hiver viendra, comme je ramènerai mon manteau!

La femme, dans la splendeur de sa beauté, est pareille au vent tiède d'aout: elle rafraîchit et parfume notre vie;

Mais, lorsque la soie blanche de l'âge couvre sa tête, nous la fuyons comme le vent d'hiver.

CHANSON SUR LE FLEUVE
Selon Li-Taï-Pé.

Mon bateau est d'ébène; ma flûte de jade est percée de trous d'or.

Comme la plante qui enlève une tache sur une étoffe de soie, le vin efface la dispute dans le cœur.

Quand on possède de bon vin, un bateau gracieux et l'amour d'une jeune femme, on est semblable aux Génies immortels.

LE PAVILLON DE PORCELAINE
Selon Li-Taï-Pé.

Au milieu du petit lac artificiel s'élève un pavillon de porcelaine verte et blanche; on y arrive par un pont de jade qui se voûte comme le dos d'un tigre.

Dans ce pavillon quelques amis vêtus de robes claires boivent ensemble des tasses de vin tiède.

Ils causent gaiement ou tracent des vers en repoussant leurs chapeaux en arrière, en relevant un peu leurs manches,

Et, dans le lac où le petit pont renversé semble un croissant de jade, quelques amis vêtus de robes claires boivent, la tête en bas, dans un pavillon de porcelaine.

LES TROIS FEMMES DU MANDARIN
Selon Sao-Nan.
L'Épouse légitime

Il y a du vin dans la tasse, et dans le plat il y a des nids d'hirondelles. Depuis les temps les plus reculés, un mandarin a toujours respecté son épouse légitime.

La Concubine

Il y a du vin dans la tasse, et dans le plat il y a une oie bien grasse. Quand la femme d'un mandarin ne lui donne pas d'enfants, le mandarin choisit une concubine.

La Servante

Il y a du vin dans la tasse, et dans le plat il y a des confitures variées. Il importe peu à un mandarin qu'une femme soit épouse ou concubine, mais il veut chaque nuit une femme nouvelle.

Le Mandarin

Il n'y a plus de vin dans la tasse, et dans le plat il n'y a qu'un poireau sec. Allons, allons, femmes bavardes, ne vous moquez pas d'un pauvre vieux.

EN BUVANT DANS LA MAISON
DE THOU-FOU
Selon Tsoui-Tchou-Tchi.

J'ai rempli ma tasse jusqu'au bord d'un vin bien fabriqué, mais, quand j'ai voulu boire, ma tasse était vide, parce que le souffle de la fenêtre l'avait jetée à terre.

Quand il pleut, c'est que le vent renverse les tasses pleines des Sages immortels qui s'enivrent dans les nuages, au-dessus des montagnes;

Mais la rosée des champs et l'humidité des fleuves, aspirées par le soleil, remplissent de nouveau les grandes tasses des Génies;

Et il reste assez de vin dans la maison de Thou-Fou pour que je puisse boire encore en composant des vers à la louange des poëtes et de l'empereur Ta-Ming.

A HUIT GRANDS POËTES
Qui buvaient ensemble
Selon Thou-Fou.
A Tchi-Tchan.

Tchi-Tchan, ton cheval est parti plus vite qu'un navire sous un bon vent, et ses mouvements onduleux imitaient le balancement des vagues.

Quand ton regard tombait à terre, tu reconnaissais à peine les objets, comme si tu avais ouvert les yeux au fond de l'eau;

 

Et tu es arrivé promptement pour boire avec tes amis.

A Ouan-Tié.

Ouan-Tié, je te conseille de rester toujours dans la ville de Ju-Ian;

C'est là que se trouve le meilleur vin en si grande abondance qu'on croirait qu'il y en a un lac naturel;

Et c'est là seulement que tu trouves assez de vin pour apaiser ta grande soif.

A Tso-Sian.

Tso-Sian, le vin tombe toujours de ta tasse dans ta bouche comme un torrent dans un lac.

Ton gosier est pareil au lit d'un fleuve qui coulerait entre deux montagnes, et ton ventre est l'océan où se jette le fleuve.

Tu bois le vin comme les poissons respirent l'eau: jamais les poissons n'ont trop d'eau, et ton grand esprit n'a jamais trop de vin.

A Tsoui-Tchou-Tchi.

Tsoui-Tchou-Tchi, ta tasse est beaucoup plus grande que celle des autres.

Lorsque tu renverses la tête pour boire en montrant le blanc de tes yeux, tu as le temps de voir s'il y a des nuages sur le ciel.

Ton visage est blanc comme la mousse des vagues, et tu as l'air d'un arbre de jade que le vent traverse,

Quand le vin parfumé passe entre tes lèvres.

A Li-Taï-Pé.

Li-Taï-Pé, tu soulèves ta tasse, et avant de la reposer sur la table tu as fait cent poëmes.

Tu demandes d'autre vin, mais le marchand est couché, et il n'y a plus de vin chez lui.

Le Fils du Ciel, qui passe dans son navire, te prie de venir près de lui; mais toi: «Je n'aime pas les nobles, et nous sommes là huit amis.»

Je sais que tu trouves dans le vin la félicité des Sages immortels; mais je ne le dirai pas.

A Tsou-Tié.

Tsou-Tié, tu loges dans la grande pagode; jamais tu ne manges de viande, et tu ne bois de vin qu'avec modération;

Mais tu aimes la société des poëtes, quoique tu ne fasses pas de vers, et chacune de tes paroles est une poésie.

A Tan-Jo-Su.

Tan-Jo-Su, après que tu as bu trois tasses tu commences à méditer;

Contre les rites, tu retires ton chapeau et tu te mets à écrire;

Et les caractères apparaissent si rapidement sur le papier que l'on dirait voir de la fumée s'échapper de ton pinceau.

A Tio-Soui.

Tio-Soui, déjà tu as bu cinq tasses, et tu n'écris pas de vers.

Tes paroles bruyantes réveillent tes amis de leur rêverie comme le vent écarte un nuage.

Déjà ils se lèvent de leurs sièges. Cesse de boire, toi qui bois depuis si longtemps; car il faut décidément partir d'ici.

LA GUERRE

L'ÉPOUX D'UNE JEUNE FEMME
S'arme pour le combat
Selon Thou-Fou.

Allons, femme, pique ta longue aiguille dans la soie rouge du métier, et apporte ici mes armes guerrières.

Croise toi-même sur mes reins les deux larges sabres, et qu'on voie leurs poignées tranquilles dépasser mes épaules.

Et pendant que, tenant fièrement ma lance, ma lance dont la pointe claire fait de si souriantes blessures aux vaincus,

Pendant que, ma lance à la main, je te regarde agenouillée près de moi,

Accroche à ma ceinture l'arc souple d'où s'élanceront bientôt mille flèches sifflantes qui, décrivant dans l'air une courbe gracieuse, iront se fixer en frémissant dans la chair sanglante.