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Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours. Tome IV

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CHAPITRE III.
CRISE DE 1827.
1827-1828

Nouvelle crise. – Adresse de M. Papineau et d'une partie des membres de la chambre à leurs commettans en réponse au discours prononcé par le gouverneur en ajournant la session. – Assemblées publiques. – Destitutions dans la milice. – La presse. – Elections. – Réunion du parlement. – Le gouverneur désapprouve le choix de M. Papineau comme président de l'assemblée. – Le parlement est prorogé. – Adresses des partisans de lord Dalhousie au roi. – Assemblées publiques dans toutes les parties du pays. – Adresses au roi et aux deux chambres du parlement impérial. – M. Waller, rédacteur du Spectateur arrêté deux fois. – MM. Neilson, Viger et Cuvillier députés à Londres avec les adresses des Canadiens. – M. Gale avec celles du parti opposé. – Affaires du Canada devant le parlement impérial. Discours de MM. Huskisson, Labouchère, sir James Macintosh, Hume, Wilmot, Stanley dans les communes. – Les adresses sont renvoyées à un comité. – Rapport du comité. – M. Huskisson est remplacé dans le ministère des colonies par sir George Murray. – Le rapport du comité n'est ni rejeté ni adopté-Sir George Murray annonce aux députés canadiens qu'on va prendre des mesures pour faire cesser les difficultés. – Sir James Kempt remplace lord Dalhousie en Canada.

La violence des journaux et celle de lord Dalhousie dans son discours de prorogation annonçaient une nouvelle crise. La question des finances est celle qui fournit des armes ordinairement aux partis dans les grandes luttes politiques; c'est celle qui détermina les révolutions d'Angleterre, des Etats-Unis et de France. Elle n'en fut pas la cause seule; mais elle en fut le principal prétexte et c'est elle qui les commença.

Au milieu du débordement des esprits la Gazette de Québec rédigée par l'un des chefs du parti libéral, M. Neilson, conserva un ton de modération et de dignité calme qui désespéra les adversaires de la chambre. Les principaux membres du district de Montréal crurent devoir répondre aux raisonnemens du discours du gouverneur, par une adresse à leurs commettans. Cette adresse qui était écrite avec autant de mesure qu'en permettaient les circonstances, fut signée par MM. Papineau, Heney, Cuvillier, Quesnel et d'autres membres moins marquans, et avait pour but d'expliquer la conduite de la majorité, en faisant retomber la suspension des travaux législatifs sur le gouverneur lui-même et sur son entourage. Elle devait provoquer la réélection de tous les membres de la majorité, car une nouvelle élection était maintenant inévitable, et eut un grand retentissement. Elle détermina presqu'un mouvement populaire. Les habitans des campagnes commencèrent à s'assembler. Les résolutions d'abord fermes mais positives, devinrent bientôt violentes et accusatrices. Les discours subissaient la même influence. Une question nouvelle vint augmenter l'ardeur des esprits et le feu des discordes. L'expiration des lois de milices faisait revivre, suivant le procureur général, les anciennes ordonnances, qui furent remises en vigueur par un ordre du 14 mai.

Ces vieilles réminiscences d'un temps où la liberté était inconnue, n'étaient plus de mise avec les institutions nouvelles. Les journaux de l'opposition donnèrent l'éveil; ils firent craindre qu'elles ne fussent exécutées avec rigueur et ne servissent à influencer les élections qui allaient avoir lieu. On critiqua la mise à la retraite des officiers de milice et leurs remplacemens; il y eut en quelques endroits refus de commander et refus d'obéir. Grand nombre d'officiers furent destitués pour avoir refusé de paraître aux revues, induit les miliciens à désobéir, commis des actes d'indiscipline dignes ds châtiment, manqué de respect à leurs supérieurs, s'être servi d'un langage insultant en renvoyant leur commission, avoir convoqué des assemblées publiques, excité le mécontentement du peuple, enfin pour s'être montré les agens actifs d'un parti hostile au gouvernement. L'un écrivait: «Après avoir considéré la manière peu généreuse que vous employez pour poursuivre les miliciens de ma compagnie, qui ont manqué aux exercices, je crois devoir vous informer que je me suis refusé et que je me refuse à me conformer à vos instructions et à exécuter vos ordres à cet égard.» Un autre répondait: «En ce jour qu'on ne saurait être citoyen et officier de milice, que tant de personnes mille fois plus respectables que moi ont été déplacées, je me croirais souillé si je retenais une commission qui n'a plus rien que de dégradant à mes yeux. Je ne l'acceptai qu'après avoir su que mon devoir serait d'agir conformément à la loi; cette conformité ne pouvant plus être, ma commission cesse d'exister.»

Ces destitutions firent aux yeux du peuple des martyrs politiques, mais n'empêchèrent point la grande majorité des miliciens de se conformer à la loi en se rendant aux exercices. Dalhousie dont la conduite aurait pu être blâmée en Angleterre si la désobéissance eût été générale, s'empressa d'en exprimer toute sa satisfaction, et de déclarer qu'il espérait que malgré les artifices des gens mal intentionnés pour répandre les doutes et les soupçons dans l'esprit du peuple, les officiers et les miliciens continueraient à montrer le zèle, l'obéissance et la subordination qui avaient distingué jusque là la milice canadienne. Il est inutile de dire qu'au milieu de ces dissensions beaucoup d'officiers furent destitués injustement ou pour des motifs que l'esprit de parti avait fort exagérés.

Cependant la chambre avait été dissoute, quoique les élections faites dans des circonstances comme celles où l'on se trouvait, eussent toujours tourné contre le gouvernement et augmenté le parti populaire. La polémique des journaux ne cessait pas d'être d'une virulence extrême. Les discours prononcés dans les assemblées publiques étaient souvent empreints des passions les plus haineuses, et les journaux de l'administration qui auraient dû conserver au moins par politique l'apparence de la modération, employaient le langage le plus insultant pour la population française, faute dont leurs adversaires se prévalaient aussitôt pour prouver l'antipathie de l'administration contre l'ancienne population. Des Canadiens fixés à Plattsburgh, état de Nouvelle-York, établirent une feuille, l'Ami du Peuple, pour soutenir les droits de leurs compatriotes. «Canadiens, disaient-ils, on travaille à vous forger des chaînes; il semble que l'on veuille vous anéantir ou vous gouverner avec un sceptre de fer. Vos libertés sont envahies, vos droits violés, vos privilèges abolis, vos réclamations méprisées, votre existence politique menacée d'une ruine totale… Voici que le temps est arrivé de déployer vos ressources, de montrer votre énergie, et de convaincre la mère patrie et la horde qui depuis un demi siècle vous tyrannise dans vos propres foyers, que si vous être sujets, vous n'êtes pas esclaves.» Le Spectateur de Montréal en accueillant ces paroles s'écriait: «La patrie trouve partout des défenseurs, et nous ne devons point encore désespérer de son salut.»

La chambre remporta une victoire complète. Les élections accrurent encore sa force de plusieurs membres malgré l'opposition éprouvée en plusieurs endroits. Au quartier ouest de Montréal, à Sorel, à St. – Eustache, il y eut des rixes entre les deux partis et beaucoup de désordres; mais les libéraux l'emportèrent. «Les élections sont presque finies, s'écriait le Spectateur, les amis du roi, de la constitution et du psys ont remporté une victoire signalée. Les employés de l'administration de lord Dalhousie et l'administration elle-même ont éprouvé une désapprobation générale et formelle.» Cette feuille était rédigée par M. Waller, fervent catholique et journaliste de talens distingués, qui s'était acquis par ses idées libérales la haine du gouvernement, dont il était un des plus rudes adversaires. Il était frère d'un baronnet d'Irlande, et pour cela même entouré d'un certain prestige aux yeux de ses compatriotes en Canada, qui avaient voté avec plusieurs Anglais ou Ecossais pour M. Papineau, au quartier ouest de Montréal. Le gouverneur dont la politique était si solennellement condamnée par la voix du peuple dans une élection générale, ne vit plus désormais de justification que dans une persistance plus opiniâtre à voir des rebelles dans tous les chefs de l'opposition. Il prit occasion d'un nouvel ordre général de milices pour porter une accusation contre elle. «Son excellence s'empresse, disait-il, de faire connaître aux milices ses sentimens sur des faits récens qui affectent leur fidélité et leur honneur. Les lois temporaires qui les concernaient étant expirées les anciennes ont repris leur première vigueur; des personnes mal disposées ont cherché à répandre des doutes sur la légalité de ces ordonnances; à ces doutes elles ont ajouté des faussetés et des calomnies grossières sur les intentions du gouvernement, tendant à exciter au mécontentement, et surtout à la désobéissance aux officiers de milice; son excellence a vu échouer leurs efforts avec la plus grande satisfaction, et sauf l'absence de quelques officiers, les revues de juillet et d'août ont été plus nombreuses qu'à l'ordinaire; elle en témoigne sa plus vive reconnaissance aux miliciens qui ont ainsi fait preuve de leur fidélité et su apprécier leur devoir; mais en même temps elle se croit obligée de priver de leur commission tous les officiers qui ont négligé d'assister aux revues, ou qui dans leurs discours aux assemblées publiques, ont manqué de respect au représentant de leur souverain.»

Le résultat des élections et cet ordre général annonçaient la détermination de chaque parti de persister dans la voie qu'il avait prise. Mais rien n'était d'un plus dangereux exemple que ce mélange de discours civiques et de devoirs militaires où tout esprit politique doit disparaître.

Les chambres se réunirent le 20 novembre. Sur l'ordre de l'huissier, l'assemblée se rendit dans la salle du conseil législatif, où le président l'informa que le gouverneur lui ferait part des causes de la convocation après qu'elle se serait choisi un président, et qu'elle eût à le présenter le lendemain à deux heures à son approbation. M. Papineau fut proposé par M. Létourneau et M. Vallières de St. Real par le solliciteur général Ogden. Après quelques débats la chambre se partagea. Trente neuf membres votèrent pour M. Papineau et cinq seulement pour M. Vallières. Cette division annonçait que la parti de l'administration était réduit à rien dans l'assemblée, parce que quelques uns des membres qui avaient appuyé la candidature de M. Vallières, étaient contre le gouvernement.

 

Le lendemain l'assemblée se rendit au conseil avec son président qui informa le gouverneur assis sur le trône du choix qu'elle avait fait. Le président du conseil répondit aussitôt que son excellence le désapprouvait au nom de sa Majesté, et qu'elle eût à retourner dans la salle de ses séances pour en faire un autre, et le présenter à son approbation le vendredi suivant; qu'ensuite elle lui communiquerait les dépêches qu'elle avait reçues de Londres sur les affaires publiques. Ce Résultat n'était pas inattendu. Le Spectateur de Montréal disait le 7 novembre: «La gazette du château regarde le président de la chambre d'assemblée comme l'organe de la conciliation… est-ce la conciliation avec son excellence? Quelle conciliation peut-on espérer d'une administration qui depuis sept ans viole les lois, viole les droits constitutionnels du pays? Qui a travaillé à faire tourner les ministres anglais contre nous, qui a juré une guerre éternelle à nos droits, qui a déshonoré et diffamé le lieutenant gouverneur Burton, qui a refusé de communiquer des documens nécessaires sur des sujets importans, qui a insulté, calomnié, diffamé la représentation nationale?.. Quelle espérance de conciliation reste-t-il avec une pareille administration, qui fait revivre des ordonnances militaires contre les plus simples règles d'interprétation légale, qui voyage pour remercier une demi douzaine de flatteurs ou d'intrigans… Il n'y a guère à douter que le gouvernement anglais ne regarde une pareille administration comme une nuisance, dont les folies et la mauvaise conduite finiront bientôt ai le pays prend de son côté des mesures fermes et décisives.» Le refus du gouverneur fournit de nouveaux motifs et de nouvelles armes à l'opposition, et la grande majorité se montra décidée à maintenir la position qu'elle avait prise. Le fauteuil du président était resté vide. Sur la proposition de M. Cuvillier, il fut résolu: que le choix du président devait être fait librement et indépendamment du gouvernement; que M. Papineau avait été choisi, que la loi n'exigeait pas d'approbation et qu'elle était comme la présentation une simple formalité d'usage. Après cette déclaration, M. Papineau fut reconduit au fauteuil et les membres de la minorité se retirèrent. Sur la motion de M. Vallières, une adresse au gouverneur pour l'informer de ce qu'on avait fait, fut adoptée à l'unanimité, et une députation fut envoyée pour savoir quand il voudrait bien recevoir la chambre. Le gouverneur fît répondre qu'il ne pouvait recevoir ni message ni adresse d'elle avant qu'il eût approuvé son président, et le soir même le parlement fut prorogé.

Le gouvernement dont les organes célébraient l'énergie et disaient que sans la fermeté du comte de Dalhousie cette scène aurait conduit à une révolution, le gouvernement avait voulu dans le même temps sévir contre la presse. Un grand jury de Montréal avait rejeté les accusations qu'on lui avait présentées; on en choisit un autre plus commode qui en accueillit au commencement de novembre contre le Spectateur; mais loin de modérer l'ardeur des journaux cette démonstration sembla l'accroître, le peuple lui-même commença à s'agiter. Il y eut des assemblées publiques dans les villes et dans les campagnes; on y organisa des comités pour rédiger des résolutions et de nouvelles adresses au roi et ou parlement impérial, que l'on ferait ensuite saigner par le peuple.

Le parti qui appuyait la politique de lord Dalhousie, très faible en nombre en Canada, mais puissant à Londres par l'influence de ses amis, et soutenu par le bureau colonial qui avait donné carte blanche pour faire triompher sa politique, tint lui aussi une assemblée à Montréal pour adopter une adresse à l'exemple de ses adversaires, et la transmettre à l'Angleterre, sans cesse importunée maintenant par ses colons indociles et remuans. Il déclarait que la chambre avait retenu injustement les fonds de douane du Haut-Canada, passé des lois temporaires pour tenir l'exécutif dans sa dépendance, refusé de donner des représentans aux cantons anglais et d'établir des bureaux d'hypothèques afin d'entraver l'immigration; il l'accusait aussi d'être conduite par un esprit de domination et de mépris pour les prérogatives de la couronne, et remerciait la providence d'avoir permis que ces prérogatives fussent maintenues pour assurer au pays son caractère anglais, et le gouverneur d'avoir montré une si noble énergie en toute occasion au milieu des funestes divisions qui déchiraient le pays, espérant que les actes de la chambre allaient enfin porter l'Angleterre à prendre la situation en très sérieuse considération et à corriger les défauts et les erreurs que l'expérience du passé et les dernières prétentions des représentans avaient mie au jour. Le gouverneur répondit suivant son rôle dans ces débats lorsqu'on lui remit l'adresse pour la transmettre au roi: «Vous avez très exactement tracé la tendance funeste des mesures que la chambre a adoptées depuis quelques années. Quoique l'effet de ces mesures arrête depuis longtemps les améliorations publiques, je considère cela comme rien en comparaison de l'atteinte beaucoup plus audacieuse qu'elle a osé porter récemment à la prérogative royale. Je ne puis attribuer cet acte à l'ignorance; quelques uns de ceux qui se trouvent à la tête des mesures factieuses de ce corps, sont des hommes éclairés, et pour cette raison il est du devoir de tous ceux qui savent priser le bonheur dont ils jouissent sous la constitution britannique, de se montrer.

«Je regrette beaucoup de ne pouvoir déposer moi-même en personne votre adresse aux pieds de sa Majesté, tant je désire y ajouter tout le poids que ma situation au milieu de vous pourrait lui donner. De tout ce qui sera en mon pouvoir rien ne sera oublié pour recommander les sentimens et les opinions qui y sont exposés, à la considération immédiate et favorable du secrétaire d'état de sa Majesté…»

Cette réponse contenait un appel à tous les partisans du château de s'agiter comme leurs adversaires. Il continua à s'exprimer dans le même sens à l'occasion de chaque adresse qu'on lui présentait. Les townships de l'est imitèrent leurs compatriotes de Montréal et préparèrent aussi des pétitions à l'Angleterre.

Les partisans de la chambre n'étaient pas en reste. Ils continuaient leur agitation partout avec activité. Ils tinrent encore une grande assemblée à Montréal sous la présidence de M. Jules Quesnel, l'un des principaux citoyens de la ville. M. D. B. Viger et M. Cuvillier y furent les principaux orateurs. On y passa des résolutions qui furent incorporées dans une pétition au roi et aux deux chambres du parlement impérial, dans lesquelles le gouverneur fut accusé d'avoir commis des actes arbitraires tendant à rompre les bases du gouvernement et à aliéner l'affection des habitans; tiré par warrant, ou autrement, des mains du receveur-général, des sommes considérables sans être autorisé par la loi; supprimé volontairement ou soustrait à la connaissance du parlement, divers documens et papiers nécessaires à l'expédition des affaires; conservé, en violation de son devoir envers son souverain et envers le Canada, M. John Caldwell dans l'exercice de ses fonctions longtemps après que ce fonctionnaire eut avoué sa défalcation; nommé en violation de son devoir, John Hale, écuyer, pour le remplacer; usé en différens temps, de son autorité, comme commandant en chef, pour influencer et intimider les habitans dans l'exercice de leurs droits civils et politiques; destitué un grand nombre d'officiers de milice sans raison suffisante ainsi que plusieurs officiers civils; maintenu et conservé en place plusieurs fonctionnaires dont la nomination et la conduite étaient préjudiciables au service public; multiplié sans nécessité les cours d'oyer et terminer; nui aux intérêts publics en empêchant la passation d'actes utiles par des prorogations et des dissolutions violentes et subites du parlement; porté des accusations fausses dans ses discours contre les représentans du peuple afin de les déprécier dans l'opinion de leurs constituans; toléré et permis que les gazettes publiées sous son autorité portassent journellement les accusations les plus mensongères et les plus calomnieuses contre la chambre d'assemblée, ainsi que contre tout le peuple de cette province; menacé, par le même moyen, le pays d'exercer la prérogative royale d'une manière violente et despotique en dissolvant le corps représentatif; puni en effet le pays en refusant sa sanction à cinq bills d'appropriation; violé la franchise élective en voulant, directement et indirectement influencer les électeurs; créé dans le pays par ces divers actes d'oppression un sentiment d'alarme et de mécontentement général; déprécié le pouvoir judiciaire et affaibli la confiance du peuple dans l'administration de la justice; enfin d'avoir répandu dans toute la province un sentiment insurmontable de méfiance contre son administration.

Le pouvoir qui voulait intimider les organes de l'opposition et atténuer au loin l'effet de ces grandes démonstrations publiques par quelque coup d'éclat qui répandit le soupçon, choisit pour faire arrêter une seconde fois l'éditeur du Spectateur, M. Waller, le moment où il se rendait à l'assemblée. Mais ces tentatives d'intimidation ne faisaient qu'aigrir davantage les esprits. Le lendemain le Spectateur disait: «Un autre attentat a été commis au préjudice de la liberté de la presse et des droits et immunités des sujets anglais. Lorsque l'on réfléchit à la misérable folie qui a marqué d'une manière indélébile l'administration; lorsque l'on voit l'indiscrétion et la passion qu'elle a montrées; lorsque l'on se rappelle ce que les intérêts de la société ont souffert, ce qu'ont enduré ses sentimens, ses droits, la constitution, la représentation, on ne peut être surpris des tentatives faites maintenant pour étouffer la presse, ou réduire au silence toutes celles qui ne sont pas payées par l'administration ou qui ne sont pas dans sa dépendance.» Les autres villes et tous les districts ruraux se réunissaient ou s'étaient réunis pour le même objet. On adoptait des adresses de toutes parts dans lesquelles on s'exprimait avec la même énergie et la même unanimité qu'à Montréal. A Québec on en adopta une qui semblable au fond à celle de Montréal, était plus modérée dans les termes. 80,000 signatures couvrirent bientôt ces représentations que MM. Neilson, Viger et Cuvillier furent chargés d'aller porter en Angleterre. Les menaces de la presse officielle ne fit qu'exciter le zèle des partisans de la chambre. En vain les accusait-elle de trames séditieuses et de rébellion, ils marchèrent droit à leur but, guidés par cet instinct secret qui été de tout temps comme la sauve-garde et le bouclier des Canadiens. Chacun sentait que le bureau colonial persistant dans son projet, cherchait des motifs pour revenir au bill d'union de 1822, car sans ses sympathies, sans son appui au parti opposé à la chambre, prouvés par la marche rétrograde du gouvernement depuis 1820, les difficultés auraient été arrangées depuis longtemps. Le chef de police de Montréal, M. Gale porta en Angleterre les dépêches de lord Dalhousie et les adresses qu'il avait reçues. Le bruit courait alors qu'il devait demander une nouvelle division des deux Canadas, par laquelle l'îe de Montréal et les townships de l'est auraient été annexés au Haut-Canada. C'était un partisan violent de l'administration. Sa haine contre les Canadiens était notoire, et on savait qu'il avait pris une grande part dans les attentats contre la liberté de la presse, et à la rédaction de la Gazette de Montréal qui demandait l'union des Canadas, demande que le caractère officiel de cette feuille rendait solidaire avec le gouverneur.

Le départ des agens Canadiens ne fit point diminuer les assemblées ni l'agitation. L'on déclarait partout que les prétentions de l'administration répandait l'alarme; que la chambre devait avoir le contrôle sur les subsides; que la conduite de la majorité était digne de toute approbation; que le refus de confirmer la nomination de son président après en avoir appelé au peuple, était un acte d'insulte et de mépris de nature à aliéner son affection; que par la conduite qu'il avait tenue le gouverneur avait perdu la confiance publique, et que ceux qui acceptaient des commissions pour remplacer les officiers de milice destitués méritaient la réprobation et devaient être regardés comme les ennemis des droits du peuple.

 

Les partisans du pouvoir, quoique peu nombreux, continuaient de leur côté à s'agiter sans relâche sur tous les points où ils pouvaient s'en rallier quelques-uns, et envoyaient des adresses dans lesquelles ils manifestaient leurs sentimens avec une ardeur qui n'en cédait point à celle de leurs adversaires. Dalhousie répondait à l'une, celle du comté de Warwick: «J'ai vu avec une grande satisfaction par votre langage que la conduite des chefs factieux est généralement réprouvée par tout homme loyal et respectable.» A l'autre, celle des Trois-Rivières: «Je me suis vu forcé de défendre contre des empiètemens, les principes les plus évidens de la constitution et les prérogatives les plus indubitables de la couronne. Vous pouvez être assurés que je ne changerai point de conduite, car je suis certain de recevoir finalement l'appui de tous les fidèles sujets du roi, et parmi eux je compte la très grande partie du peuple qui s'est laissé égarer.»

Un pareil langage après ce qu'il savait des projets des ministres et de leur détermination de noyer les Canadiens dans une majorité étrangère, n'était-il pas la violation la plus évidente de la sainteté de la vérité. Il rendait son administration désormais impossible. Ne gardant plus de mesures, il continua à sévir contre les magistrats, contre les officiers de milice et contre la presse. Plusieurs magistrats furent destitués. La Gazette de Québec disait: «Que le pays méprise cette nouvelle insulte; il peut confier sans crainte ses destinées à un roi et à un gouvernement anglais.» Quoique toujours plus modéré que les autres, ce journal était alors en butte aux poursuites du gouvernement. Quatre actes d'accusation pour libelles avaient été portés contre son rédacteur, pour avoir publié les résolutions adoptées dans les assemblées publiques.

Pendant que le Bas-Canada était ainsi livré aux dissensions qu'amène le despotisme d'une minorité maintenue par la force, car elle n'aurait pu rien faire sans l'appui de l'Angleterre, le Haut-Canada était en proie aux mêmes agitations dues à la même cause. Le parti libéral s'était soulevé contre l'oligarchie. Cette coïncidence dans deux contrées dont la masse de la population était d'origine différente, annonçait une cause réelle de souffrance et donnait par là même du poids aux représentations de chacune. Déjà M. Hume y avait fait allusion à l'occasion des subsides pour l'armée. «Les dépenses des colonies renfermaient, suivant lui, la question de savoir de quelle manière ces colonies étaient gouvernées. L'étaient-elles d'une manière sage et sensée? ou le gouvernement ne mettait-il pas plutôt tout en usage pour les irriter et pour les porter dans leur désespoir à tout tenter? Pourquoi, ajoutait-il, avoir à présent 6000 soldats en Canada? Si ce n'était pour tenir de force le peuple sous un gouvernement qu'il haïssait et méprisait? Que dirait la chambre des communes si elle était traitée comme le sont les assemblées législatives dans ce pays? Que dirait-elle si le roi refusait le président qu'elle se serait nommé par une majorité de 55 contre 5. Qu'on regarde les Etats-Unis. Il n'y a pas pour garder leur immense frontière autant de soldats qu'en Canada. Le même système erroné subsiste dans toutes les autres colonies, où le peuple anglais connaît peu le gouvernement arbitraire qu'on impose. Car tous les gouverneurs militaires sont arbitraires par nature. On devrait les remplacer par des gouverneurs civils.»

M. Huskisson proposa une motion tendante à faire nommer un comité pour s'enquérir de l'état des deux Canadas. «La question, dit-il, est de savoir si ces deux provinces ont été administrées de manière à favoriser leur établissement, leur prospérité et leur attachement à l'Angleterre. Sinon ce sera au parlement à faire les modifications nécessaires. Bien des défauts peuvent exister dans le système; mais ils étaient inévitables à l'époque où la constitution a été établie. Le pays, ses ressources, ses intérêts étaient alors peu connus, et il n'y a rien de surprenant qu'il s'y trouve des imperfections, quoique cette constitution ait été imaginée par les plus grands hommes d'état de l'Angleterre. Ils avaient à remplir les engagemens que nous avions pris avec les colons français tout en tâchant autant qu'il était compatible avec ces engagemens, d'introduire les avantages qui découlent des lois, de la jurisprudence et d'une administration anglaise. 24

Note 24:(retour) Le ministre trahit ici l'esprit du bureau colonial dans sa conduite envers les Canadiens français. Il ne peut dissimuler ses sentimens.

«L'acte de 91 vous permet de l'amender et d'en considérer toutes les imperfections pour les corriger; Pitt les avaient prévues.

«La France céda le Canada à l'Angleterre en 63 sans condition, sans stipuler de quelle manière il serait administré, en pleine et entière souveraineté. Sa population n'excédait pas 65,000 âmes. La France y avait introduit son système féodal dans toute sa vigueur, je pourrais dire dans toute sa difformité. Le système français fut suivi non seulement dans les institutions, mais même dans les édifices. Les maisons de campagne des colons avaient tous les défauts et tout le mauvais goût qu'on voit à Versailles, la grandeur et l'étendue exceptées. Tel était l'état du Canada sous le régime français, le système féodal florissant dans toute sa vigueur parmi une poignée d'habitans au milieu d'un désert.

«Ce système avec la coutume de Paris arrêta tout progrès. Le ministre passant ensuite à l'intention du roi après la conquête de porter des colons en Canada en leur promettant une assemblée législative et les lois anglaises, continua: L'on fit tout ce que l'on put pour introduire ces lois et les faire observer jusqu'en 1774. On y envoya des juges pour les administrer; mais on ne donna point de législature par suite de la révolte des autres provinces qui survint alors. Pour se concilier les Canadiens, on abandonna ces projets, on révoqua les promesses d'introduction des lois anglaises excepté pour le code criminel, on confirma les anciennes lois, on y reconnut la religion catholique et on substitua au système de taxation français le système anglais bien moins onéreux.

«L'acte déclaratoire de 78 abandonna aux colonies le droit de se taxer, droit qui fut confirmé par la constitution de 91. Tous les droits devaient être imposés et appropriés par la législature, et le Haut-Canada fut distrait du Bas pour les colons anglais. On fit la faute de diviser les collèges électoraux non suivant l'étendue du territoire, mais suivant l'étendue de la population, ce qui a eu l'effet de mettre la prépondérance de la représentation dans les seigneuries.» L'esprit du ministre perce partout; il aurait voulu qu'on eût donné à quelques habitans des townships la majorité sur la masse de la population.

«Il reste, dit-il, une autre difficulté encore plus formidable, celle du contrôle de la législature coloniale sur le revenu public. Les taxes qui ont remplacé les taxes françaises, furent appropriées par l'acte de 74 au payement de la liste civile et de l'administration de la justice. Elles se montent à £35,000; à £40,000 avec le revenu des amendes et confiscations. Les autres revenus qui ont été imposés par la législature et qui sont à sa disposition, s'élèvent à £100,000 environ. La chambre d'assemblée réclame tout ce revenu, surtout le droit de décider quelles branches du service public et quels établissemens judiciaires seront payés sur les £40,000. La couronne lui nie cette prétention, qui n'est fondée ni sur la loi ni sur l'usage, et la chambre là-dessus refuse tout subside pour forcer le gouvernement à lui abandonner le contrôle sur la totalité des revenus. Telle est la question en débat entre les deux chambres.