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Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours. Tome III

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L'avantage des opérations de cette campagne, la cinquième depuis le commencement des hostilités, resta aux Anglais, en Amérique; ils se trouvèrent maîtres dans l'automne de Louisbourg et de l'île St. – Jean; ils avaient brûlé les côtes de Gaspé et pris pied sur la rive septentrionale de la baie de Fondy; ils avaient détruit le fort Frontenac et forcé enfin les Français d'abandonner avec le fort Duquesne cette verdoyante et délicieuse vallée de l'Ohio, aux eaux de laquelle ils s'étaient plu à donner le nom de Belle-Rivière. Mais on peut dire que la gloire des armes appartenait à la France. «Partout ses soldats avaient eu à lutter contre des forces très supérieures; supérieures de plus de trois contre un à Louisbourg, de près de cinq contre un à Carillon! Jamais ils ne s'étaient battus avec plus de dévoûment et plus d'intrépidité. Si les chefs commirent quelquefois des fautes, on doit dire qu'elles ne changèrent rien à un dénouement devenu inévitable, et dont l'histoire doit laisser peser la responsabilité sur la caducité du gouvernement de la métropole. Le Canada, abandonné à la double attaque de la famine et de l'épée, ne pouvait résister toujours si celle-ci ne faisait face elle-même à l'Angleterre sur les mers, qui apportaient chaque année des armées entières à nos adversaires déjà beaucoup trop puissans.

Dans les autres parties du monde, la France avait été plus heureuse. Dans les Indes, ses flottes s'étaient emparé de Gondeloue, où dix frégates anglaises avaient été brûlées; elles avaient pris le fort David sur la côte de Pondichéri et Divicoté. Après avoir échoué devant Raga, elles avaient enlevé Arcate, capitale de la Nababie. Mais des combats navals livrés à l'amiral Pocock, étaient restés indécis. En Europe, quoique ses succès eussent été mêlés de revers, sa position n'était pas pire. Ses victoires balançaient ses défaites en Allemagne, et le duc d'Aiguillon, ayant rejoint les Anglais qui tentaient depuis quelque temps des débarquemens en France, avait anéanti leur arrière-garde à St. – Cast. Tant d'efforts cependant pour soutenir, la guerre sur terre et sur mer dans toutes les parties du globe, avaient achevé d'épuiser le trésor. Pitt le savait, et il redoublait d'énergie pour détruire ou paralyser complètement les forces des Français dans le Nouveau-Monde. Les embarras des finances et l'aspect de l'avenir amenèrent un nouveau changement de ministère à Paris. M. Berryer remplaça M. de Moras au bureau de la marine et des colonies; le maréchal de Belle-Isle, le marquis de Paulmy au bureau de la guerre; et le duc de Choiseul, le cardinal de Bernis, à celui des affaires étrangères. Ce changement annonça le triomphe du parti de la guerre à la cour. Mais les affaires militaires n'en réussirent pas mieux; au contraire, l'on va voir les désastres s'accroître de jour en jour. Quant au Canada le nouveau ministère parut lui être moins favorable que l'ancien, et si le général Montcalm eût un ami dans le maréchal de Belle-Isle, M. Bigot eut un censeur sévère dans M. Berryer, qui parut s'occuper davantage du soin d'apurer les comptes de l'intendant, que d'envoyer les secours de tous genres dont ce pays avait besoin.

En effet, les soldats et les vivres manquaient toujours. Une partie de la population ayant été arrachée à l'agriculture pour les besoins de la guerre, la terre était restée sans laboureurs; ce qui nécessitait des importations de céréales encore plus considérables que dans les années précédentes. D'un autre côté les hostilités sur mer rendaient les importations plus difficiles, et il fallait ménager le temps des cultivateurs et régler les opérations militaires de manière à pouvoir en laisser libre le plus grand nombre possible pour le temps des semailles et de la moisson: ainsi la guerre et la culture s'entrenuisaient, et toutes deux marchaient ensemble vers une ruine commune.

Dès le mois d'octobre le gouverneur et l'intendant avaient écrit au ministre pour l'avertir que le projet des ennemis était d'assiéger Québec l'année suivante avec une armée formidable; et que d'après les progrès qu'ils avaient faits dans la campagne actuelle, si le Canada ne recevait point de secours, attaqué de toutes parts, il ne pourrait manquer de succomber; que l'on n'avait que 10,000 hommes à opposer aux forces nombreuses des Anglais, parce qu'il fallait en réserver 4,000 pour les transports et laisser des soldats et des Canadiens dans les garnisons des forts du lac Erié ainsi que dans ceux de Niagara, Frontenac et de la Présentation. «Il ne faut pas compter sur les habitans, disaient-ils, ils sont exténués par les marches continuelles. Ce sont eux qui font toutes les découvertes de l'armée. Leurs terres ne sont point cultivées à moitié. Leurs maisons tombent en ruine. Ils sont toujours en campagne, abandonnant et femmes et enfans, qui pour l'ordinaire sont sans pain… Il n'y aura point de culture cette année faute de cultivateurs.» Ils ajoutaient que l'on serait forcé de distribuer aux pauvres à bas prix du boeuf ou du cheval. Les demandes du munitionnaire en France en comestibles seuls devaient occuper 35 navires de 3 à 400 tonneaux.

Toutes les correspondances confirmaient ce triste et trop fidèle tableau de la colonie tracé par le gouverneur et l'intendant. M. de Bougainville s'embarqua à Québec pour la France, afin d'engager la cour à faire un grand effort pour épargner au pays le sort qui le menaçait; et le commissaire des guerres, M. Doreil, qui repassait aussi en Europe, fut chargé d'appuyer les représentations de Bougainville.

Des sollicitations si pressantes devaient rester sans résultat. Dans leur impuissance de secourir une si noble contrée qu'ils allaient perdre, les ministres, le coeur rempli de douloureux regrets, éclattèrent en reproches amers contre l'intendant sur les dépenses excessives du Canada, qu'ils attribuaient à sa négligence, comme pour se justifier eux-mêmes aux yeux de la France de la situation malheureuse où elle se trouvait. Berryer écrivait à ce fonctionnaire le 19 janvier (1759) que la fortune de ceux qui avaient suivi ses ordres, rendait son administration suspecte. Dans une autre dépêche (29 août), ce ministre, informé que le tirage des lettres de change allait monter pour 1759 de 31 à 33 millions, observait que les dépenses étaient faites sans ordre, souvent sans nécessité, toujours sans économie, et terminait par ces mots: «On vous attribue directement d'avoir gêné le commerce dans le libre approvisionnement de la colonie; le munitionnaire général s'est rendu maître de tout, et donne à tout le prix qu'il veut; vous avez vous-même fait acheter pour le compte du roi, de la seconde et troisième main, ce que vous auriez pu vous procurer de la première à moitié meilleur marché; vous avez fait la fortune des personnes qui ont des relations avec vous par les intérêts que vous avez fait prendre dans ces achats ou dans d'autres entreprises; vous tenez l'état le plus splendide et le plus grand jeu au milieu de la misère, publique… Je vous prie de faire de très sérieuses réflexions sur la façon dont l'administration qui vous est confiée a été conduite jusqu'à présent. C'est plus important que peut-être vous ne le pensez.»

Cette dépêche foudroyante et qui semblait mettre à nu les spéculations secrètes de l'intendant, le trouva impassible en apparence; mais il fut intérieurement pénétré à la fois de douleur, de crainte et d'humiliation. Une seconde dépêche répétait les mêmes reproches et comportait des menaces encore plus explicites et plus directes. C'était tout ce qui pouvait être fait pour le moment; les événemens se pressaient avec trop de rapidité pour permettre de porter remède à des abus, dont la cause, soigneusement cachée, exigeait une investigation attentive et minutieuse.

Les obstacles et les malheurs aigrissent le caractère des hommes fiers, et excitent souvent leurs plus mauvaises passions. La division entre le gouverneur et le général Montcalm, à laquelle l'on a fait allusion déjà, prit un caractère plus grave après la bataille de Carillon; et il paraît qu'à la cour, où aboutissaient les accusations et les récriminations, l'on crut alors s'appercevoir que cette malheureuse affaire dégénérait en intrigue, dont M. Doreil était comme l'agent actif et le directeur secret, et le gouverneur devait être la victime. La rentrée de M. Doreil en France ne fut peut-être pas entièrement étrangère à cette menée.

Le général Montcalm et ses partisans accusaient M. de Vaudreuil d'avoir exposé l'armée à une complète destruction par son imprévoyance, en la dispersant sur le lac Ontario et au pied du lac St. – Sacrement, et en n'appelant pas les Canadiens et les tribus sauvages sous les armes, afin d'être prêts à se porter sur les points qui pourraient être menacés. Il est bon d'observer qu'avant le 8 juillet leurs correspondances étaient très circonspectes, contenaient peu de suggestions, n'exprimaient que des doutes, et que Montcalm lui-même croyait l'ennemi si peu préparé à entrer en campagne, qu'il mit six jours à se rendre de Montréal à Carillon. Après la bataille, ce général écrivit au ministre que les mesures du gouverneur l'avaient exposé sans forces suffisantes aux coups de l'ennemi; mais puisque la victoire avait réparé cette faute, ce qui le flattait le plus, disait-il, c'est que les troupes régulières n'en partageaient la gloire avec personne, observation peu généreuse qu'expliquent du reste les jalousies que nous avons signalées déjà plusieurs fois. Après avoir sollicité les grâces que méritait une armée qui s'était couverte de gloire, il ajoutait: «Pour moi, je ne vous en demande d'autre que de me faire accorder par le roi mon retour, ma santé s'use, ma bourse s'épuise. Je devrai à la fin de l'année dix mille écus au trésorier de la colonie, et plus que tout encore, les désagrémens, les contradictions que j'éprouve, l'impossibilité où je suis de faire le bien et d'empêcher le mal, me déterminent de supplier avec instance sa majesté de m'accorder cette grâce, la seule que j'ambitionne.» Doreil, son confident, qui ne se croyait pas tenu d'observer la même réserve, critiquait depuis longtemps, avec une extrême vivacité, tous les actes de l'administration. Depuis le dernier succès surtout, il ne mettait plus de mesure dans ses attaques: «La négligence, l'ignorance, la lenteur et l'opiniâtreté du gouverneur, disait-il, ont pensé perdre la colonie… l'ineptie, l'intrigue, le mensonge, l'avidité, la feront sans doute périr.» Et comme la commune renommée attribuait aux Canadiens une grande part dans les victoires obtenues dans le cours de la guerre, et que le roi pouvait croire au dévouement de ce peuple, il informait le ministre que te général Montcalm lui avait écrit confidentiellement que les Canadiens qu'il y avait à la bataille de Carillon s'étaient conduits fort médiocrement de même que les troupes de la colonie, quoiqu'il eût dit le contraire dans le rapport officiel transmis à Paris. Après plusieurs lettres écrites dans les mêmes termes de blâme et de censure, M. Doreil, croyant avoir bien disposé les ministres à son dessein, les invita enfin dans une dernière dépêche plus violente encore que les autres, à changer le gouverneur, et à choisir le général Montcalm pour le remplacer. «Si la guerre doit durer encore ou non, disait-il, si l'on veut sauver ou établir le Canada solidement, que sa majesté lui en confie le gouvernement. Il possède la science politique, comme les talens militaires. Homme de cabinet comme de détails, il est grand travailleur, juste, désintéressé jusqu'au scrupule, clairvoyant, actif, et n'a en vue que le bien; en un mot, il est homme vertueux et universel… Quand M. de Vaudreuil, ajoutait-il, aurait de pareils talens en partage, il aurait toujours un défaut originel, il est Canadien.

 

Toute ces intrigues, qui n'étaient pas assez secrètes pour qu'il n'en transpirât pas quelque chose, même dans le public, parvenaient à la connaissance du gouverneur. Déjà les officiers et les soldats de l'armée attaquaient, critiquaient tout haut sa conduite dans leurs propos, et lui attribuaient la détresse et les malheurs dont ils étaient les victimes. Il voulut mettre un terme à un état de chose qui pouvait avoir des suites les plus lâcheuses; mais il n'échappa point lui-même à la passion qui animait ses ennemis. Dans une lettre pleine de récriminations qu'il adressa aux ministres, il demanda le rappel du général Montcalm, qu'il déclara n'avoir pas les qualités qu'il faut pour la guerre du Canada, beaucoup de douceur et de patience étant nécessaire pour commander les Canadiens et les sauvages, et il désigna le chevalier de Levis pour succéder dans le commandement des troupes.

Ces malheureuses querelles embarrassèrent beaucoup les ministres. Une note fut dressée et soumise au conseil d'état pour rappeler Montcalm, comme il le demandait lui-même, avec le titre de lieutenant-général, et le remplacer par le chevalier de Levis avec le grade de maréchal de camp. Mais le roi, après réflexion, n'approuva point cet arrangement, et les choses restèrent comme elles étaient. L'on peut peut-être dire qu'il serait dangereux, d'une part, d'ôter à ce pays un général aimé du soldat et qui avait toujours été victorieux; et, de l'autre, de changer un gouverneur qui avait obtenu des Canadiens tous les sacrifices de sang et d'argent que l'on pouvait attendre du peuple le plus dévoué, sans qu'ils eussent fait entendre seulement un murmure. Des dépêches conciliantes furent adressées au gouverneur et au général, à qui les ministres, au nom du roi, recommandèrent instamment l'union et la concorde, chose d'une absolue nécessité dans les circonstances où l'on se trouvait. Et dans le printemps M. de Bougainville arriva à Québec avec ses mains pleines de récompenses. M. de Vaudreuil était nommé grand'croix de l'ordre de St. Louis; M. de Montcalm commandeur du même ordre et lieutenant-général; M. de Levis maréchal de camp; Bourlamarque et de Sénezergues, brigadiers; Bougainville colonel, et Dumas, major-général et inspecteur des troupes de la marine. Des croix et des avancemens étaient aussi accordés à beaucoup d'officiers de grades inférieurs. Ces récompenses, surtout les pressantes recommandations des ministres rapprochèrent les deux chefs sans les réconcilier.

Quant aux secours à attendre de la métropole, le ministre de la guerre, à qui M. de Montcalm avait mandé qu'à moins d'un bonheur inattendu d'une grande diversion sur les colonies anglaises par mer, ou de grandes fautes de la part des ennemis, le Canada serait pris dans la campagne de 59 et sûrement dans la suivante, les Anglais ayant 60,000 hommes et les Français au plus de 10 à 11 mille, ce ministre l'informa qu'il ne devait pas espérer de troupes de renfort; 18 et en effet, 600 recrues, 2 frégates et 12 à 15 navires du commerce appartenant la plupart au munitionnaire avec des marchandises et des vivres, furent tout ce qui entra dans le port de Québec avant l'apparition de la flotte ennemie. Quoique par cette conduite de la France, les Canadiens pussent se croire déliés de la fidélité qu'ils lui devaient, puisqu'elle reconnaissait elle-même la supériorité absolue de l'ennemi en Amérique, pas un cependant ne parla de rendre les armes; ils avaient encore du sang à verser et des sacrifices à faire pour cette ancienne patrie d'où sortaient leurs pères, et s'il y eût des paroles de découragement, elles partirent plutôt des rangs de l'armée régulière que de ceux des colons.

Note 18:(retour) «Je suis bien fâché d'avoir à vous mander que vous ne devez point espérer de recevoir de troupes de renfort. Outre qu'elles augmenteraient la disette des vivres que vous n'avez que trop éprouvée jusqu'à présent, il serait fort à craindre qu'elles ne fussent interceptées par les Anglais dans le passage; et comme le roi ne pourrait jamais vous envoyer des secours proportionnés aux forces que les Anglais sont en état de vous opposer, les efforts que l'on ferait ici pour vous en procurer n'auraient d'autre effet que d'exciter le ministère de Londres; à en faire de plus considérables pour conserver la supériorité qu'il s'est acquise dans cette partie du continent.» Lettre du 19 février 1759.

Le gouvernement britannique, de son côté n'ignorait point à quel état de détresse le Canada était réduit. Ce fut un motif de plus pour lui de redoubler de vigueur. Il demanda et obtint des communes tout ce qui était nécessaire, hommes, argent et vaisseaux, pour mener à bonne fin l'entreprise glorieuse qu'il avait commencée. Si les progrès faits jusque là étaient peu brillans, du moins ils étaient solides; le chemin de Québec était frayé, de même que celui de Niagara et du Canada occidental. Les diverses tribus de ces contrées, voulant prévenir le moment de la chute de la puissance française dans cette partie du Nouveau-Monde, et s'assurer de l'amitié de la Grande-Bretagne avant qu'il fût trop tard, avaient signé avec elle un traité de paix dans le mois d'octobre précédent, à Easton, où s'étaient exprès rendus sir William Johnson et plusieurs gouverneurs accompagnés d'un grand nombre des personnes les plus marquantes des provinces anglaises. Ainsi se brisait chaque jour cet admirable système des alliances indiennes commencé par Champlain et organisé par Talon et Frontenac. Le traité d'Easton prépara la voie, suivant Smollett, aux opérations militaires qui furent projetées contre le Canada pour la célèbre campagne de 59.

Comme l'année précédente, l'Angleterre persista dans son plan d'envahir le Canada à la fois par le centre et par les deux extrémités. L'immensité de ses forces l'obligeait, du reste, à les diviser ainsi; car, réunies, elles se seraient nui et une partie serait restée inutile. Louisbourg étant pris, Québec était la seconde ville qu'il fallait attaquer du côté de la mer, et sous les murs de laquelle les trois armées envahissantes devaient se réunir pour enlever de vive force ce dernier boulevard des Français dans le continent. Le général Amherst, à qui la chambre des communes avait voté des remercîmens en même temps qu'à l'amiral Boscawen, pour la conquête de Louisbourg, fut choisi pour commander en chef l'armée anglaise à la place du général Abercromby rappelé après la bataille de Carillon. Un corps d'environ dix mille hommes de troupes de débarquement sous les ordres du général Wolfe qui s'était distingué, comme on l'a vu, au au siège de Louisbourg par son activité et par son audace, fut chargé de remonter le St. – Laurent et d'assiéger Québec; un autre de douze mille hommes, commandé par le général en chef lui-même, devait tenter pour la troisième fois le passage du lac Champlain, descendre la rivière Richelieu et le St. – Laurent, et se réunir à celle du général Wolfe. Le général Prideaux avec un troisième corps, composé de troupes régulières et provinciales, et de plusieurs milliers d'Indiens sous les ordres de sir William Johnson, était chargé de prendre Niagara, descendre le lac Ontario, enlever, chemin faisant, Montréal, et enfin venir se joindre aussi aux deux armées déjà rendues sous les murailles de la capitale canadienne. Un quatrième corps moins considérable devait, sous les ordres du colonel Stanwix, battre la campagne, enlever les petits forts et purger d'ennemis les rives du lac Ontario. Outre ces forces, qui composaient un total de plus de 30,000 hommes avec des parcs formidables d'artillerie et de toutes sortes de machines de guerre, les amiraux Sounders, Durell et Holmes firent voile d'Angleterre avec une escadre de 20 vaisseaux de ligne, 10 frégates, 18 autres bâtimens plus petits, lesquels furent joints par un grand nombre d'autres, pour transporter l'armée du général Wolfe de Louisbourg à Québec et couvrir le siège de cette ville du côté de la mer: cette flotte n'avait pas moins de 18,000 hommes d'équipages et soldats de marine. Si, à cela, l'on ajoute encore les troupes destinées à la garde des colonies anglaises elles-mêmes et qui étaient considérables, on voit que l'estimation des forces de l'ennemi, faite par le général Montcalm, n'était pas loin de la vérité, et que la conquête du Canada avait occasionné à ses envahisseurs l'armement de trois fois plus d'hommes qu'il comptait lui-même dans son sein de soldats et d'habitans capables de porter les armes, 19 fait qui témoigne de la crainte que ces braves, si faibles en nombre, avaient inspirée à leurs ennemis.

En vue de ces immenses préparatifs, l'on fit faire dans l'hiver le dénombrement des hommes capables de servir; il s'en trouva 15,000 20 de l'âge de 16 à 60 ans. Les troupes régulières montèrent seulement à 5,300 hommes après l'arrivée des 600 recrues dont nous avons parlé plus haut. 21 On sait que depuis l'origine de la colonie toute la population était armée en Canada. Le 20 mai le gouverneur adressa une circulaire à tous les capitaines de milice pour leur enjoindre de tenir leurs compagnies prêtes à marcher au premier ordre, chaque homme portant des vivres pour six jours. Dès le mois d'avril le peuple avait été prévenu de l'orage qui allait fondre sur lui, et des prières publiques avaient été ordonnées dans toutes les églises du pays où les habitans se portèrent en foule comme ils allaient bientôt se porter au combat.

Note 19:(retour) Les journaux des colonies anglaises portaient leurs forces de terre à 60,000 hommes. «L'Angleterre a actuellement plus de troupes en mouvement dans ce continent que le Canada ne contient d'habitans, en comprenant les vieillards, les femmes et les enfans. Quel moyen de pouvoir résister à cette multitude.» -Lettre de M. Doreil, commissaire des guerres, au ministre.

Note 20:(retour)

Note 21:(retour)


Dès le petit printemps le capitaine Pouchot partit pour Niagara avec environ 300 hommes de renfort, réguliers et Canadiens, et l'ordre de réparer les ouvrages de ce fort, de s'y défendre s'il était attaqué, et s'il ne l'était pas, de soutenir les postes du voisinage de l'Ohio, d'y prendre l'offensive même s'il se présentait une occasion favorable de le faire avec succès. Quelques barques avaient été construites dans l'hiver à la Présentation pour aller relever les ruines du fort Frontenac et reprendre la supériorité sur le lac Ontario. M. de Corbière fut choisi pour remplir cette double mission. De petits bâtimens avaient été construits aussi au pied du lac Champlain, afin de protéger les communications avec St. – Frédéric et Carillon, et, dans tous les cas, d'aider à la défense du fort St. – Jean. Environ 2,600 hommes furent échelonnés dès que la saison le permit sur cette frontière depuis Chambly jusqu'au pied du lac St. – Sacrement, sous les ordres du brigadier Bourlamarque. Il devait faire travailler aux retranchement de Carillon qui n'étaient pas encore finis; mais les nouvelles apportées par le colonel Bougainville ayant fait supposer que Québec était le point le plus menacé, l'ordre lui fut transmis, si l'ennemi se présentait en force, d'abandonner les positions de Carillon et de St. – Frédéric, après en avoir fait sauter les fortifications, et de se replier sur l'île aux Noix. Le chevalier de la Corne, chargé de tenir la campagne au pied du lac Ontario avec 1,200 hommes, devait aussi, lui, s'il était forcé, se retirer à la tête des rapides du St. – Laurent au-dessous de la Présentation, et là faire ferme contenance. Ces précautions prises, le surplus des troupes resta dans ses quartiers, se tenant prêt à marcher au premier ordre. Le gouverneur et les généraux Montcalm et de Levis, résolurent ensuite d'attendre à Montréal que l'ennemi se mît en campagne, pour voir où il faudrait se porter; car sa supériorité forçait les Français à recevoir la loi de lui pour leurs mouvemens. Le général Montcalm souffrait de cette inaction, et il trouvait les dispositions pour la défense de Québec trop tardives; mais M. de Vaudreuil, portant les yeux sur tous les points menacés, n'osait se décider encore, d'autant plus que toutes les armées anglaises devaient agir simultanément; et il attendit qu'elles s'ébranlassent pour marcher à la première qui paraîtrait.