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Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours. Tome II

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Note 34:(retour) British Colonies: R. Montgomery Martin.

En 1608, Jean Guyas, de Bristol, reprit le projet du chevalier Gilbert, et s'établit dans la baie de la Conception. Il transféra ensuite son établissement à St. – Jean, aujourd'hui capitale de l'île; de là les Anglais s'étendirent sur toute la côte orientale. Quoique les Français y eussent des pêcheries depuis qu'ils fréquentaient le grand banc, pendant longtemps le gouvernement fit peu d'attention à Terreneuve, de manière que ceux d'entre eux qui s'y fixaient jouissaient à peu près d'une liberté absolue. Cela dura jusqu'en 1660. A cette époque le roi concéda le port de Plaisance à M. Gargot, qui reçut le titre de gouverneur, et qui dès qu'il se fut installé dans son poste, voulut soumettre les habitans à son monopole, et les obliger à lui donner une portion de leurs pêches en échange des provisions et des marchandises qu'il tirait des magasins du roi. Cet abus révolta les pêcheurs accoutumés à l'indépendance; ils portèrent leurs plaintes au pied du trône. Le gouverneur fut rappelé et M. de la Poype nommé pour le remplacer. Plaisance était le principal établissement français de Terreneuve. Placé dans l'un des plus beaux ports de l'Amérique, au fond d'une baie qui a dix-huit lieues de profondeur, il était défendu par le fort St. – Louis construit sur la cime d'un rocher de plus de cent pieds d'élévation du côté droit du Goulet ou col qui forme l'entrée de la baie à une lieue et demie de la mer. Les Français avaient encore des établissement dans les îles de St. – Pierre de Miquelon, au Chapeau-Rouge, au Petit-Nord et sur quelques autres points des côtes du golfe St. – Laurent.

La population y vivait de pêche et supportait impatiemment le joug d'un gouverneur, qui lui paraissait gêner le commerce. M. de la Poype commanda treize ans dans ces parages; mais ce fut pour lui autant d'années de désagrémens, de difficultés et de trouble. En 1685 M. Parat lui succéda. C'est sous son administration que le fort St. – Louis fut bâti. Dans le mois de février 1690 Plaisance fut surpris par les flibustiers, qui firent le gouverneur prisonnier dans son lit. Ils trouvèrent le fort sans garde et les soldats dispersés sur l'île. Ces corsaires enlevèrent tout après avoir dépouillé complètement les habitans, qui se trouvèrent comme s'ils avaient été jetés par un naufrage sur une côte déserte. Le gouverneur fut accusé de trahison, tandis que de son côté il rejeta ce malheur sur l'insubordination et l'esprit de révolte des habitans. Charlevoix, historien contemporain, laisse percer ses doutes sur la fidélité de ce fonctionnaire, et nous dit qu'il n'a pu savoir quelle avait été la décision du procès.

Deux ans après (1692), Plaisance fut attaqué une seconde fois; mais par une escadre anglaise, commandée par l'amiral Williams, et composée de trois vaisseaux de 62 canons chacun, d'une frégate et d'une flûte 35. M. de Brouillan qui en était gouverneur, fit élever à la hâte une redoute et des batteries sur les rochers à l'entrée de la baie, et tira des bâtimens marchands les hommes nécessaires pour les servir. L'amiral Williams après les sommations ordinaires, commença une canonnade qui dura six heures, au bout desquelles il se retira, confus d'avoir échoué devant une bicoque qui ne contenait pas plus de cinquante hommes de garnison, et alla brûler, pour se venger, les habitations de la Pointe-Verte à une lieue de là.

Note 35:(retour) Charlevoix.

Tandis que le principal siége des pêcheries françaises courait ainsi le plus grand danger, une escadre de France, sous les ordres du chevalier du Palais, était à l'ancre dans la baie des Espagnols, au Cap-Breton, de l'autre côté du détroit. Le comte Frontenac ayant informé le gouvernement à Paris de l'intention de l'amiral Phipps de reprendre sa revanche devant Québec, et d'autres rapports ayant paru confirmer cette nouvelle, l'escadre en question avait été envoyée pour intercepter l'ennemi dans le golfe St. – Laurent.

Telle est l'histoire de Terreneuve jusqu'en 1696. La Grande-Bretagne occupait la plus belle portion de l'île, et la différence entre les établissemens français et les établissement anglais était aussi grande là, que dans le reste du continent. Le commerce de ces derniers s'élevait à 17 millions de francs par année. Avec de pareils résultats sous les yeux que ne devait-on pas redouter pour l'avenir? M. d'Iberville avait communiqué ses appréhensions à la cour; il y avait représenté que les intérêts du royaume commandaient d'arrêter les progrès de rivaux plus souvent ennemis qu'amis; et qu'en détruisant tous leurs postes de Terreneuve, on y ruinerait leur commerce en même temps que l'on se déferait de voisins trop puissans pour rester aux environs de Plaisance. L'on agréa ses appréciations, en le chargeant d'exécuter le plan qu'il suggérait pour expulser les Anglais de l'île.

Il devait agir de concert avec M. de Brouillan, et l'attaque de leurs postes se faire simultanément par terre et par mer, sous la direction de ces deux commandans. Mais ce dernier ne voulait partager la gloire de l'entreprise avec personne; et, sans attendre M. d'Iberville, il se hâta de partir avec 9 navires, dont plusieurs appartenaient à des armateurs de St. – Malo, trois corvettes et deux brûlots pour aller mettre le siége devant St. – Jean. Les vents contraires firent échouer son entreprise sur cette ville; mais il s'empara l'épée à la main de plusieurs autres établissemens, et d'une trentaine de navires le long des côtes. Il en aurait pris un bien plus grand nombre sans l'insubordination d'une partie de ses équipages.

Il trouva à son retour M. d'Iberville à Plaisance, qui n'avait pu aller le joindre faute de vivres; mais qui venait d'en recevoir sur le Wesp et le Postillon, qui lui avaient aussi amené les Canadiens qu'il attendait de Québec. Ce dernier voulait commencer les opérations par l'attaque des postes anglais les plus reculés vers le nord, présumant qu'on y serait moins sur ses gardes qu'à St. – Jean. Ce raisonnement paraissait juste; néanmoins M. de Brouillan s'y opposa. Jaloux de la réputation de son collègue, il suffisait que celui-ci suggérât quelque chose pour qu'il le désapprouvât. C'était un homme intelligent et expérimenté; mais dur, violent, astucieux et avide. Ce dernier défaut le rendait odieux surtout aux pêcheurs, seule classe d'hommes qui fréquentait Terreneuve. Avec des talens supérieurs et autant d'expérience, M. d'Iberville était généreux et savait se faire aimer de ceux qu'il commandait; aussi était-il très populaire et chéri du soldat. Il eût pu l'emporter sur son rival dans cette île, où, à un signe de sa main, tout le monde se serait déclaré pour lui; mais il sacrifia sans hésitation son ambition et son ressentiment à la chose publique. M. de Brouillan ne pouvait rien faire sans les Canadiens, et M. d'Iberville était leur idole. D'ailleurs, ce peuple avait le bon sens de ne vouloir, pour officiers, que des hommes pris dans son sein, en qui il eût confiance et qui pussent sympathiser avec lui. Cela était surtout visible à la guerre. Il n'y eut, en outre, jamais de troupes avec lesquelles on réussissait moins par la hauteur et la dureté, que les milices canadiennes; l'honneur était leur seul mobile; les moyens violens, la coercition, les révoltaient. A la première nouvelle de la mésintelligence entre les deux chefs, elles déclarèrent qu'elles n'obéiraient qu'à M. d'Iberville, et qu'elles retourneraient plutôt à Québec, que d'accepter un autre commandant. Cette résolution fit courber la fière volonté du gouverneur. Au reste M. d'Iberville était décidé à passer en France pour ne pas faire manquer, par la désunion, une entreprise qu'il avait suggérée, et dont par conséquent il avait le succès a coeur. Les difficultés s'aplanirent; il fut réglé que l'on attaquerait St. – Jean, et que, pour s'y rendre, tandis que M. de Brouillan prendrait la voie de mer, M. d'Iberville suivrait celle de terre avec ses Canadiens. L'on se réunit dans la baie de Toulle. De là l'expédition se mit en marche pour St. – Jean culbutant et dissipant tous les détachemens ennemis qui voulaient lui disputer le passage. En arrivant près de la ville, l'avant-garde à la tête de laquelle d'Iberville s'était placé tomba sur un corps d'hommes embusqué dans des rochers; le choc fut violent, mais l'ennemi céda et l'on entra pêle-mêle avec lui dans la ville. L'élan était tel qu'on s'empara de deux forts d'emblée. Il n'en restait plus qu'un troisième en mauvais état. Le gouverneur, honnête et paisible marchand élu par les pêcheurs de la ville, menacé d'un assaut, se rendit à condition que l'on transporterait les habitans en Angleterre ou à Bonneviste. Les fortifications furent renversées et la ville réduite en cendres. Le partage du butin fut encore un sujet de contestation entre les deux commandans, qui faillit amener une collision.

Après cet exploit, le gouverneur français retourna à Plaisance, et M. d'Iberville continua la guerre avec les Canadiens qui s'étaient attachés à sa fortune, au nombre de cent-vingt-cinq armés chacun d'un fusil, d'une hache de bataille, d'un couteau-poignard et de raquettes pour marcher sur la neige 36. Il employa une partie de l'hiver pour achever la conquête de l'île. Il triompha de tous les obstacles que lui offrirent le climat, la faim et le courage de l'ennemi; et ses succès dans une si grande étendue de pays remplie de montagnes, étonnèrent même ceux qui avaient la plus grande confiance dans sa capacité et dans l'intrépidité de ses soldats. En deux mois il prit avec cette poignée d'hommes tous les établissemens qui restaient aux Anglais à Terreneuve, excepté Bonneviste et l'île de Carbonnière inabordable en hiver, tua deux cents hommes et fit six ou sept cents prisonniers qui furent acheminés sur Plaisance. MM. Montigny Boucher de la Perrière, d'Amours de Plaine, Dugué de Boisbriant, tous Canadiens, se distinguèrent dans cette campagne héroïque. M. d'Iberville se préparait à aller attaquer Bonneviste et la Carbonnière, lorsque le 18 mai (1697) une escadre de 5 vaisseaux arriva de France sous les ordres de M. de Sérigny et mouilla dans la baie de Plaisance. Elle lui apportait l'ordre d'en prendre le commandement, et d'aller cueillir de nouveaux lauriers dans les glaces de la baie d'Hudson.

 

Note 36:(retour) La Potherie.

Cette contrée adossée au pôle et à peine habitable, était également recherchée par la France et par l'Angleterre pour ses riches fourrures. Les traitans des deux nations en avaient fait le théâtre d'une lutte continuelle aux vicissitudes de laquelle la trahison avait sa part. Les Anglais, conduits par deux transfuges huguenots à qui l'on a fait allusion ailleurs, nommés Desgroseillers et Radisson, avaient élevé en 1663, à l'embouchure de la rivière Némiscau, dans le fond de la baie, un fort qu'ils nommèrent Rupert; ils avaient encore établi deux comptoirs dans les mêmes parages, sur la rivière des Monsonis et sur celle de Ste. – Anne. Apprenant cela, Colbert y avait envoyé, par le Saguenay, en 1672, le P. Charles Albanel pour y renouveler les prises de possession déjà faites au nom du roi par MM. Bourdon et Després Couture. Ce Jésuite en avait fait signer un acte par les chefs d'une douzaine de tribus, qu'il avait ensuite invitées à venir faire la traite de leurs pelleteries au lac St. – Jean. Les démarches de la France se bornèrent alors à cette simple incursion.

Cependant Desgroseillers et Radisson, mécontens de l'Angleterre, étaient revenus en Canada après avoir obtenu leur pardon du roi. Une association s'y forma sous le nom de la compagnie du Nord, pour faire la traite à la baie d'Hudson. Cette compagnie leur donna deux petits vaisseaux afin d'aller s'y emparer des établissemens anglais, comme les personnes les plus propres à faire réussir une pareille entreprise, dure expiation de leur trahison! mais trouvant ces établissemens trop bien fortifiés pour les attaquer avec chance de succès, ou peut-être honteux de leur rôle, ils rangèrent la côte occidentale de la baie jusqu'à l'embouchure de la rivière Ste. – Thérèse, où ils bâtirent le fort Bourbon. De retour à Québec, des difficultés s'étant élevées entre eux et la compagnie, ils passèrent en France sous prétexte d'aller demander justice. Lord Preston, ambassadeur anglais, apprenant le mauvais succès de leurs démarches, leur fit des ouvertures accompagnées de promesses si avantageuses qu'ils trahirent une seconde fois leur patrie. Radisson obtint une pension viagère de douze cents livres pour mettre entre les mains des Anglais le fort Bourbon (Nelson) dans lequel il y avait pour 400 mille francs de fourrures.

Sur les plaintes de la cour de France, le cabinet de Londres promit de faire rendre ce poste; mais les troubles qui régnaient en Angleterre, ne permirent point au monarque aux prises avec ses sujets, de faire exécuter l'arrangement qu'il avait conclu; et la compagnie fut obligée de se faire justice à elle-même. En conséquence, elle obtint du marquis de Denonville quatre-vingts hommes, presque tous Canadiens, commandés par le chevalier de Troye, brave officier. MM. de Ste. – Hélène, d'Iberville et de Maricourt faisaient partie de l'expédition et se distinguèrent par des actions héroïques. Elle partit de Québec par terre dans le mois de mars 1686, et n'arriva dans la baie d'Hudson que le 20 de juin, après avoir traversé des pays inconnus, franchi une foule de rivières, de montagnes et de précipices, et avoir enduré des fatigues incroyables. Cette petite troupe avait reçu ordre de s'emparer de tous les établissemens anglais du fond de la baie, formés sous la conduite de Desgroseillers et de Radisson. Elle s'acquitta de sa mission avec ce courage chevaleresque qu'indiquait déjà une entreprise aussi hasardeuse; et ces établissemens furent investis et enlevés avec tant de promptitude que les assiégés, n'eurent pas le temps de se reconnaître.

Le premier qu'elle attaqua fut celui de la rivière des Monsonis; c'était un fort de figure carrée, flanqué de quatre bastions et portant quatorze pièces de canon; elle l'emporta d'assaut sans grande perte. Cette capture fut suivie de celle d'un navire que M. d'Iberville prit à l'abordage.

Le fort de Rupert qui était à une grande distance de celui de Monsonis, fut investi dans le mois de juillet et tomba de la même manière au pouvoir des Canadiens, qui en firent sauter les redoutes et en renversèrent les palissades.

Le chevalier de Troye se mit ensuite à la recherche du fort Ste. – Anne sur la rivière de ce nom (ou de Quitchitechouen). L'on ignorait sa situation; on savait seulement qu'il était du côté occidental de la baie. Après une traversée difficile au milieu des glaces et le long d'une côte très basse, où les battures courent deux ou trois lieues au large, on le découvrit enfin. Placé au milieu d'un terrain marécageux, il était défendu par quatre bastions, sur lesquels il n'y avait pas moins de quarante-trois pièces de canon en batterie. C'était là où se trouvait le principal comptoir des Anglais. Ils firent néanmoins une assez faible résistance, et demandèrent ensuite à capituler. Le gouverneur, homme simple et paisible, fut transporté avec sa suite à Charleston, et le reste de la garnison au fort de Monsonis. On trouva pour environ 50 mille écus de pelleteries à Ste. – Anne. Les Anglais ne possédaient plus rien dans la baie d'Hudson que le fort Bourbon.

Lorsque la nouvelle de ces pertes arriva à Londres, le peuple de cette capitale jeta de hauts cris contre le roi, auquel il attribuait tous les malheurs qui arrivaient à la nation. Le monarque qui a perdu la confiance de ses sujets est vraiment bien à plaindre. Jacques II, déjà si impopulaire, le devint encore plus par un événement que personne n'avait pu prévoir; et l'expédition d'une poignée de Canadiens vers le pôle du Nord ébranlait sur son trône un roi de la Grande-Bretagne!

Cependant les deux gouvernemens sentirent enfin la nécessité de faire cesser un état de choses qui violait toutes les lois établies pour régler les rapports de nation à nation et sans lesquelles il n'y a pas de paix possible. En effet, il n'y avait pas de guerre déclarée entre les deux peuples pendant toutes ces hostilités. Ils signèrent un traité par lequel les armateurs particuliers, sujets des deux nations, qui n'auraient point de commission de leur prince, devaient être poursuivis comme pirates. Ce traité qui ne s'étendait qu'aux îles et pays de terre ferme en Amérique, et qui avait été proposé par l'Angleterre, fut conclu le 13 septembre 1686. Mais Jacques II n'était guère en état, à cette époque, de faire observer par des sujets désaffectionnés, sa volonté dans les mers du Nouveau-Monde. Dès l'année suivante, ils vinrent attaquer le fort Ste. – Anne, où commandait M. d'Iberville, qui non seulement les repoussa, mais prit encore un de leurs vaisseaux.

Lorsque la guerre éclata entre les deux couronnes (1689), l'Angleterre ne possédait dans la baie d'Hudson que le fort Bourbon, comme on l'a dit plus haut, à l'entrée de la rivière Ste. – Thérèse. Mais elle reprit en 1693 le fort Ste. – Anne, gardé seulement par cinq Canadiens, qui osèrent se défendre et repoussèrent une première attaque de 40 hommes 37. L'année suivante (1694) M. d'Iberville s'en empara de nouveau, il lui rendit son ancien nom, que ses nouveaux possesseurs avaient changé pour celui de Nelson, et il y passa l'hiver qui fut d'une rigueur extrême. Les glaces ne permirent aux navires de sortir du port qu'à la fin de juillet. Une vingtaine d'hommes étaient morts du scorbut, et un grand nombre d'autres en avaient été atteints. Les Anglais étant revenus en force, deux ans après (1694), l'établissement fut repris pour retomber encore au pouvoir des Français comme on va le voir. Tel est en peu de traits le tableau des événemens qui s'étaient passés entre les deux nations dans cette région lointaine jusqu'au moment où M. d'Iberville fut chargé d'en compléter la conquête en 1697.

Note 37:(retour) Lettre du P. Marest.

Ce navigateur prit le commandement de l'escadre que lui avait amenée M. de Sérigny, et fit voile de Terreneuve dans le mois de juillet. Il trouva l'entrée de la baie d'Hudson couverte de glaces, au milieu desquelles ses vaisseaux, séparés les uns des autres, et entraînés de divers côtés, coururent les plus grands dangers durant plusieurs jours. La navigation a quelque chose de hardi, de grand même, mais de triste et sauvage dans les hautes latitudes de notre globe. Un ciel bas et sombre, une mer qu'éclaire rarement un soleil sans chaleur, des flots lourds et couverts, la plus grande partie de l'année, de glaces dont les masses immenses ressemblent à des montagnes, des côtes désertes et arides qui semblent augmenter l'horreur des naufrages, un silence qui n'est interrompu que par les gémissemens de la tempête, voilà quelles sont les contrées où M. d'Iberville a déjà signalé son courage, et où il va le signaler encore. Ces mers lui sont familières, elles furent les premiers témoins de sa valeur. Depuis longtemps son vaisseau aventureux les sillonne. Plus tard cependant il descendra vers des climats plus doux; et ce marin qui a fait, pour ainsi dire, son apprentissage an milieu des glaces polaires, ira finir sa carrière sur les flots tièdes et limpides des Antilles, au milieu des côtes embaumées de la Louisiane; il fondera un empire sur des rivages où l'hiver et ses frimats sont inconnus, où la verdure et les fleurs sont presqu'éternelles. Mais n'anticipons pas sur une époque glorieuse pour lui et pour notre patrie.

L'escadre était toujours dans le plus grand péril. Cernés par les glaces qui s'étendaient à perte de vue, s'amoncelaient à une grande hauteur, puis s'affaissaient tout à coup avec des craquemens et un fracas épouvantable, le Pélican et le Palmier, portés l'un contre l'autre, s'abordèrent poupe en poupe, et presqu'au même instant, le brigantin l'Esquimaux fut écrasé à côté d'eux, et si subitement que l'équipage eût de la peine à se sauver. Ce n'est que le 28 août que M. d'Iberville, qui montait le Pélican, put entrer dans la mer libre, ayant depuis longtemps perdu ses autres bâtimens de vue. Il arriva seul devant le fort Nelson, le 4 septembre. Le lendemain matin cependant il aperçut trois voiles à quelques lieues sous le vent, qui louvoyaient pour entrer dans la rade où il était; il ne douta point que ce fût le reste de ses vaisseaux. Mais après leur avoir fait des signaux de reconnaissance auxquels ils ne répondirent point, il dut se détromper, c'étaient des ennemis. Ne pouvant les éviter, sa position devenait très critique; il se voyait surpris seul, traqué, pour ainsi dire, par une force supérieure au pied de la place même qu'il venait pour assiéger. Ces trois voiles anglaises étaient le Hampshire de 56 canons, le Dehring de 36, et l'Hudson-Bay de 32 canons. En entrant dans la baie, ils avaient découvert le Profond, un des vaisseaux de M. d'Iberville, commandé par M. Dugué, qui était pris dans les glaces, et ils l'avaient canonné par intervalle pendant dix heures. Le navire français, immobile, n'avait pu présenter à ses adversaires que les deux pièces de canon de son arrière. L'ennemi avait fini par l'abandonner le croyant percé à sombrer, et il s'était dirigé vers le fort Nelson, où il trouva le commandant français qui était, comme on l'a dit, arrivé de la veille.

La fuite pour ce dernier était impossible; il fallait combattre ou se rendre. Il choisit le premier parti. Son vaisseau portait cinquante pièces de canon, mais le chiffre de ses hommes en état de combattre 38 était en ce moment très faible, à cause des maladies et d'un détachement qu'il venait d'envoyer à terre et qu'il n'avait pas le temps de rappeler. Il paya cependant d'audace, et lâchant ses voiles au vent, il arriva sur les ennemis avec une intrépidité qui leur en imposa. Les Anglais venaient rangés en ligne, le Hampshire en tête. A neuf heures et demie le combat s'engagea. Le Pélican voulut aborder de suite le Hampshire, M. de la Potherie à la tête d'un détachement de Canadiens se tenant prêts à sauter sur son pont, mais celui-ci l'évita; alors d'Iberville rangea le Dehring et l'Hudson-Bay, en leur lâchant ses bordées. Le Hampshire revirant de bord au vent, s'attacha à lui, le couvrit de mousqueterie et de mitraille, le perça à l'eau et hacha ses manoeuvres. Le feu était extrêmement vif sur les quatre vaisseaux. Le commandant anglais cherchait à démâter le Pélican, et à le serrer contre un bas-fond, M. d'Iberville manoeuvrait pour déjouer ce plan et il réussit. Enfin au bout de trois heures et demie d'une lutte acharnée, voyant ses efforts inutiles, le Hampshire courant pour gagner le vent, recueille ses forces et pointe ses pièces pour couler bas son adversaire. Celui-ci, qui a prévu son dessein, le prolonge vergue à vergue, on se fusille d'un bord à l'autre. Les boulets et la mitraille font un terrible ravage. Une bordée du Hampshire blessa quatorze hommes dans la batterie inférieure du Pélican; celui-ci redouble son feu, pointe ses canons si juste et lâche une bordée si à propos, que son fier ennemi fit tout au plus sa longueur de chemin et sombra sous voile. Personne ne fut sauvé de son équipage.

 

Note 38:(retour) MM. de Martigny et Amiot de Villeneuve, ancêtre maternel de l'auteur, enseignes de vaisseau, étant allés à terre faire une reconnaissance avec vingt-deux hommes, et quarante autres étant malades du scorbut.

Aussitôt d'Iberville vire de bord et court droit à l'Hudson-Bay, qui était le plus à portée d'entrer dans la rivière Ste. – Thérèse, mais qui, se voyant sur le point d'être abordé, amena son pavillon. Le Dehring, auquel on donna la chasse, réussit à se sauver, ayant moins souffert dans sa voilure que le redoutable vainqueur. Cette victoire donna la baie d'Hudson aux Français.

M. d'Iberville retourna devant le fort Nelson. Dans la nuit une furieuse tempête, s'éleva, accompagnée d'une neige épaisse, et malgré tout ce qu'il put faire, et il était réputé l'un des plus habiles manoeuvriers de la marine française, le Pélican fut jeté à la côte avec sa prise vers minuit, et s'emplit d'eau presque jusqu'à la batterie supérieure. Son chef ne cessa pas dans cette circonstance critique de donner ses ordres avec calme; et comme c'était à l'époque de l'année où le soleil, dans cette latitude, descend à peine au-dessous de l'horison et qu'il se couche et se lève presqu'en même temps, la clarté empêcha que, malgré le grand nombre de blessés et de malades qu'il y avait à bord, personne ne périt alors.

Le lendemain le calme s'étant rétabli, l'équipage put gagner la terre; les malades furent transportés dans des canots et sur des radeaux; il y avait deux lieues pour atteindre le rivage; 19 soldats moururent de froid pendant cette longue opération. Comme l'on était resté sans vivre après le naufrage, et qu'on ignorait ce qu'étaient devenus les autres vaisseaux, il fut résolu de donner l'assaut au fort sans délai; car «périr pour périr, disait M. de la Potherie, il vaut mieux sacrifier sa vie en soldat que de languir dans un bois où il y a déjà deux pieds de neige». Mais sur ces entrefaites arriva heureusement le reste de l'escadre française; alors pour ménager son monde, M. d'Iberville se voyant des provisions en quantité suffisante, abandonna sa première détermination, et attaqua la place en forme. Après qu'on l'eût bombardée quelque temps, elle se rendit à condition que la garnison serait transportée en Angleterre. M. de Martigny y fut laissé pour commandant. Ainsi le dernier poste que les Anglais avaient dans la baie d'Hudson tomba en notre pouvoir et la France resta seule maîtresse de cette région.

Tandis que M. d'Iberville achevait cette conquête, elle reprenait tout à coup le projet si souvent abandonné de s'emparer de la Nouvelle-Angleterre et de la Nouvelle-York. M. de Frontenac pressait cette entreprise, surtout l'attaque de la dernière province, parce qu'elle devait entraîner avec elle la sujétion des Iroquois. Peut-être prévoyait-il aussi, dans sa perspicacité, ce que New-York devait devenir un jour par sa position. Mais Boston était alors la première ville de l'Amérique du nord; il était comparativement voisin de l'Acadie, c'est sur lui que le ministère jeta les yeux. M. de Pontchartrain proposa son projet au roi qui l'agréa. Le commandement de l'expédition fut confié au marquis de Nesmond, officier qui s'était fort distingué dans la marine française. On lui donna dix vaisseaux de guerre, une galiote et deux brûlots. En même temps le comte de Frontenac reçut l'ordre de tenir ses troupes prêtes à marcher au premier ordre. Leur destination fut longtemps un mystère dans la colonie.

Le marquis de Nesmond devait se rendre d'abord à Plaisance, pour s'assurer des conquêtes que les Français avaient faites l'année précédente dans l'île de Terreneuve, et pour livrer bataille à la flotte anglaise que l'on disait destinée à s'emparer de toute l'île. Il devait ensuite informer le comte de Frontenac de ses progrès, afin que ce gouverneur pût se rendre avec ses troupes, au nombre de quinze cents hommes, à Pentagoët pour s'embarquer sur l'escadre, qui cinglerait alors vers Boston. Cette ville prise, toutes les côtes de la Nouvelle-Angleterre devaient être ravagées le plus avant que l'on pourrait dans l'intérieur, jusqu'à Pescadoué (Piscataqua). Si la saison le permettait, la Nouvelle-York devait subir le même sort, et les troupes canadiennes, en s'en retournant dans leur pays par cette province, avaient ordre de commettre les mêmes dévastations sur leur passage.

La nouvelle de ces armemens, malgré le secret qu'on avait ordonné, arriva dans les colonies anglaises par différentes voies à la fois. On faisait courir en même temps le bruit en Canada que les Anglais allaient revenir l'attaquer, peut-être était-ce pour dépister le public sur l'objet des levées de troupes du gouvernement. La milice fut aussitôt appelée sous les armes dans la Nouvelle-Angleterre. La citadelle de Boston fut mise en état de défense, et cinq cents hommes furent envoyés pour garder la frontière orientale ouverte aux courses des Abénaquis. «Ce fut là, dit Hutchinson, une époque critique, peut-être autant que celle à laquelle le duc d'Anville était avec son escadre à Chibouctou». Les temps ont bien changé depuis.

Cette entreprise dont le succès avait souri au marquis de Nesmond, manqua faute de diligence, ou peut-être faute d'argent; car la guerre en Europe ruinait les finances du royaume. Il ne put partir de la Rochelle qu'à la fin de mai (1697), et les vents contraires le retinrent deux mois dans la traversée. Quand il arriva à Terreneuve, il convoqua un grand conseil de guerre dans lequel il fut décidé que la saison était trop avancée pour attaquer Boston, attendu que les troupes du Canada ne pourraient arriver à Pentagoët que le 10 septembre, et que la flotte n'avait plus que pour cinquante jours de vivres. Un bâtiment fut immédiatement dépêché à Québec pour communiquer cette détermination au comte de Frontenac. M. de Nesmond envoya en même temps à la découverte dans toutes les directions pour avoir des nouvelles de la flotte anglaise; mais on ne put la rencontrer, et il fut obligé, à son grand regret, de retourner en France sans avoir tiré un coup de canon, après s'être flatté de l'espérance de faire une des campagnes les plus glorieuses de toute cette guerre, si fertile en beaux faits d'armes et en victoires.

La guerre cependant tirait à sa fin. Les triomphes de Louis XIV en épuisant ses finances épuisaient aussi ses forces. Il offrit dès 1694 la paix et la restitution de ses conquêtes; soit défiance, soit ambition, soit haine, dit un historien, les alliés refusèrent alors ce qu'ils acceptèrent depuis à Riswick. Jamais guerre n'avait été plus glorieuse pour la France, soit en Europe ou en Amérique. Le succès avait presque constamment couronné ses armes, Luxembourg toujours vainqueur mit le comble à sa gloire en gagnant la sanglante bataille de Steinkerque en 1692, et celle de Nerwinde en 1694, où le roi Guillaume III fut deux fois vaincu. Catinat, Boufflers, Vendôme, Tourville, Château-Renaud, DuGuay-Trouin, et bien d'autres y acquirent un nom immortel. Frontenac et d'Iberville, quoique sur un théâtre moins imposant, soutinrent dignement l'honneur de leur patrie. Mais ces lauriers ne s'acquéraient qu'au prix de torrens de sang et de dépenses énormes. Les cinq premières campagnes avaient coûté plus de deux cents millions de subsides extraordinaires.