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Corneille expliqué aux enfants

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CHAPITRE VIII.
NICOMÈDE

Il faudrait que tous les Français lussent Nicomède et en apprissent par cœur les plus beaux passages. C'est celle des tragédies de Corneille qui est la plus capable d'élever notre âme, et de nous enseigner une chose difficile à bien savoir, l'attitude qui convient à des vaincus.

Partout ailleurs Corneille nous montre l'amour de la patrie. Mais aimer son pays puissant et glorieux n'est pas une chose difficile; un peu de fierté y suffit; c'est aimer son pays abaissé et vaincu qui est la vraie marque d'un bon cœur et d'un pur patriotisme.

C'est ce sentiment-là, si rare et si précieux, que la tragédie de Nicomède fait éclater à nos regards.

Figurez-vous que les Romains, ce peuple si puissant dont vous venez de voir que Corneille aime à nous rapporter les grandes actions, étaient maîtres de presque tout le bassin de la mer Méditerranée et d'une partie de l'Asie-Mineure. Or, en Asie-Mineure précisément, il y avait encore quelques rois indépendants, mais si effrayés de la puissance romaine qu'ils en étaient «comme stupides», pour me servir de l'expression énergique d'un écrivain du XVIIIe siècle, Montesquieu. C'étaient «des rois en peinture», comme dit Corneille lui-même.

L'un d'eux, Prusias, roi de Bithynie, se trouvait dans l'état que voici: sa femme, Arsinoé, était dévouée aux Romains et leur instrument en Bithynie; son fils, Attale, avait été élevé à Rome, comme otage, pour devenir plus tard une espèce de lieutenant des Romains en Bithynie sous le nom de roi; Prusias lui-même avait été forcé de livrer aux Romains leur vieil ennemi Annibal, qui s'était réfugié auprès de lui.

Voilà sans doute de mauvais modèles à nous proposer. Mais heureusement Prusias, d'un précédent mariage, a un autre fils, le vaillant Nicomède, qui est tout le contraire de son père et de sa belle-mère Arsinoé. Il y a aussi à la cour de Prusias sa pupille, Laodice, reine d'Arménie, qui a le caractère aussi haut et aussi généreux que Nicomède.

Ces deux jeunes gens sont les ennemis des Romains et savent parler d'une façon hautaine à leur ambassadeur Flaminius. Arsinoé, de concert avec Flaminius, cherche à faire tomber Nicomède dans un piège. Elle forme un complot contre lui, l'accuse de trahison auprès de Prusias, qui l'écoute trop; et Nicomède, malgré toutes les victoires qu'il a remportées, accusé par Arsinoé, chargé par Flaminius, vu avec défiance par son père, est comme traqué de toutes parts.

C'est plaisir de voir comme il tient tête de tous les côtés. A Arsinoé, sa belle-mère, il répond avec une fierté magnifique. Lui, traître et fourbe! Allons donc!

 
Vous ne savez que trop qu'un homme de ma sorte,
Quand il se rend coupable, un peu plus haut se porte;
Qu'il lui faut un grand crime à tenter son devoir…
Soulever votre peuple, et jeter votre armée
Dedans les intérêts d'une reine opprimée…
C'est ce que pourrait faire un homme tel que moi
S'il pouvait se résoudre à vous manquer de foi.
La fourbe27 n'est le jeu que des petites âmes,
Et c'est là proprement le partage des femmes.
 

Quand, feignant pour Nicomède une amitié calculée, Arsinoé demande sa grâce à Prusias: «Grâce?» dit Nicomède…

 
De quoi, madame? est-ce d'avoir conquis
Trois sceptres, que ma perte expose à votre fils?
D'avoir porté si loin vos armes dans l'Asie,
Que même votre Rome en a pris jalousie?
D'avoir trop soutenu la majesté des rois?
Trop rempli votre cour du bruit de mes exploits?
Trop du grand Annibal28 pratiqué les maximes?
S'il faut grâce pour moi, choisissez de mes crimes.
Les voilà tous, madame, et si vous y joignez
D'avoir cru des méchants par quelque autre gagnés,
D'avoir une âme ouverte, une franchise entière,
Qui, dans leur artifice, a manqué de lumière,
C'est gloire et non pas crime à qui ne voit le jour
Qu'au milieu d'une armée, et loin de votre cour,
Qui n'a que la vertu de son intelligence,
Et vivant sans remords, marche sans défiance.
 

A Flaminius, l'ambassadeur romain, Nicomède montre un visage intrépide, au moment même où son père l'abandonne et le livre à ces Romains si puissants et si terribles: «De quoi se mêle Rome?» s'écrie-t-il, «où prend-elle le droit d'imposer ses volontés au roi de Bithynie?» – «Ce sont là les leçons d'Annibal», réplique Flaminius; Nicomède répond froidement:

 
Annibal m'a surtout laissé ferme en ce point
D'estimer beaucoup Rome, et ne la craindre point.
On me croit son disciple, et je le tiens à gloire,
Et quand Flaminius attaque sa mémoire,
Il doit savoir qu'un jour il me fera raison
D'avoir réduit mon maître au secours du poison29,
Et n'oublier jamais qu'autrefois ce grand homme
Commença par son père30 à triompher de Rome.
 
FLAMINIUS
 
Ah! c'est trop m'outrager!
 
NICOMÈDE
 
N'outragez plus les morts.
 
PRUSIAS
 
Et vous, ne cherchez point à former de discords31;
Parlez, et nettement, sur ce qu'il me propose.
 
NICOMÈDE
 
Eh bien! s'il est besoin de répondre autre chose,
Attale doit régner, Rome l'a résolu,
Et puisqu'elle a partout un pouvoir absolu,
C'est aux rois d'obéir alors qu'elle commande.
Attale a le cœur grand, l'esprit grand, l'âme grande,
Et toutes les grandeurs dont se fait un grand roi;
Mais c'est trop que d'en croire un Romain sur sa foi.
Par quelque grand effet voyons s'il en est digne,
S'il a cette vertu, cette valeur insigne:
Donnez-lui votre armée, et voyons ces grands coups;
Qu'il en fasse pour lui ce que j'ai fait pour vous;
Qu'il règne avec éclat sur sa propre conquête,
Et que de sa victoire il couronne sa tête.
Je lui prête mon bras, et veux dès maintenant,
S'il daigne s'en servir, être son lieutenant.
L'exemple des Romains m'autorise à le faire:
Le fameux Scipion32 le fut bien de son frère,
Et lorsqu'Antiochus fut par eux détrôné,
Sous les lois du plus jeune on vit marcher l'aîné.
Les bords de l'Hellespont, ceux de la mer Egée,
Les restes de l'Asie à nos côtés rangée,
Offrent une matière à son ambition…
 

Flaminius le prend de haut à son tour. Rome est puissante, et pourrait bien ne pas permettre au jeune prince de lâcher ainsi la bride à ses projets aventureux – Nicomède ne répond qu'avec plus de fermeté:

 
J'ignore, sur ce point, les volontés du roi:
Mais peut-être qu'un jour je dépendrai de moi,
Et nous verrons alors l'effet de ces menaces.
Vous pouvez cependant faire munir ces places,
Préparer un obstacle à mes nouveaux desseins,
Disposer de bonne heure un secours de Romains,
Et si Flaminius en est le capitaine,
Nous pourrons lui trouver un lac de Trasimène33.
 
PRUSIAS
 
Prince, vous abusez trop tôt de ma bonté:
Le rang d'ambassadeur doit être respecté,
Et l'honneur souverain qu'ici je vous défère…
 
NICOMÈDE
 
Ou laissez-moi parler, Sire, ou faites-moi taire.
Je ne sais point répondre autrement pour un roi
A qui dessus son trône on veut faire la loi.
 
PRUSIAS
 
Vous m'offensez moi-même, en parlant de la sorte,
Et vous devez dompter l'ardeur qui vous emporte.
 
NICOMÈDE
 
Quoi! je verrai, seigneur, qu'on borne vos Etats,
Qu'au milieu de ma course on m'arrête le bras,
Que de vous menacer on a même l'audace,
Et je ne rendrai point menace pour menace!
Et je remercîrai qui me dit hautement
Qu'il ne m'est plus permis de vaincre impunément!
 

Attale, qui vient d'arriver de Rome, ne connaît pas son frère Nicomède; il le rencontre avec Laodice, et l'entendant parler sans ménagement des Romains, lui dit: «Prenez garde! Rome peut tirer vengeance de vos propos sur elle.»

 
NICOMÈDE
 
Rome, seigneur!
 
ATTALE
 
Oui, Rome; en êtes-vous en doute?
 
NICOMÈDE
 
Seigneur, je crains pour vous qu'un Romain vous écoute;
Et si Rome savait de quels feux vous brûlez,
Bien loin de vous prêter l'appui dont vous parlez,
Elle s'indignerait de voir sa créature
A l'éclat de son nom faire une telle injure,
Et vous dégraderait peut-être dès demain
Du titre glorieux de citoyen romain.
Vous l'a-t-elle donné pour mériter sa haine,
En le déshonorant par l'amour d'une reine?
Et ne savez-vous plus qu'il n'est princes ni rois
Qu'elle daigne égaler à ses moindres bourgeois?
Pour avoir tant vécu chez ces cœurs magnanimes,
Vous en avez bientôt oublié les maximes.
Reprenez un orgueil digne d'elle et de vous;
Remplissez mieux un nom sous qui nous tremblons tous.
Et sans plus l'abaisser à cette ignominie
D'idolâtrer en vain la reine d'Arménie,
Songez qu'il faut du moins, pour toucher votre cœur,
La fille d'un tribun ou celle d'un préteur;
Que Rome vous permet cette haute alliance,
Dont vous aurait exclu le défaut de naissance,
Si l'honneur souverain de son adoption
Ne vous autorisait à tant d'ambition.
Forcez, rompez, brisez de si honteuses chaînes;
Aux rois qu'elle méprise abandonnez les reines,
Et concevez enfin des vœux plus élevés,
Pour mériter les biens qui vous sont réservés.
 
ATTALE
 
Si cet homme est à vous, imposez-lui silence,
Madame34, et retenez une telle insolence.
Pour voir jusqu'à quel point elle pourrait aller,
J'ai forcé ma colère à le laisser parler;
Mais je crains qu'elle échappe, et que, s'il continue,
Je ne m'obstine plus à tant de retenue.
 
NICOMÈDE
 
Seigneur, si j'ai raison, qu'importe à qui je sois?
Perd-elle de son prix pour emprunter ma voix?
Vous-même, amour à part, je vous en fais arbitre.
Ce grand nom de Romain est un précieux titre,
Et la reine et le roi l'ont assez acheté
Pour ne se plaire pas à le voir rejeté,
Puisqu'ils se sont privés, pour ce nom d'importance,
Des charmantes douceurs d'élever votre enfance.
Dès l'âge de quatre ans ils vous ont éloigné;
Jugez si c'est pour voir ce titre dédaigné,
Pour vous voir renoncer, par l'hymen d'une reine,
A la part qu'ils avaient à la grandeur romaine.
 

Prusias enfin, excellent homme, mais très faible, cherche à ramener son fils à des sentiments de douceur et de résignation. Sans perdre un instant le respect qu'il lui doit, Nicomède lui fait sentir la grandeur du rôle qu'il oublie, et les hauts devoirs que le titre de roi lui impose.

PRUSIAS
 
Nicomède, en deux mots, ce désordre me fâche.
Quoi qu'on t'ose imputer, je ne te crois point lâche.
Mais donnons quelque chose à Rome qui se plaint
Et tâchons d'assurer la reine qui te craint.
J'ai tendresse pour toi, j'ai passion pour elle,
Et je ne veux pas voir cette haine éternelle,
Ni que des sentiments que j'aime à voir durer
Ne règnent dans mon cœur que pour le déchirer.
J'y veux mettre d'accord l'amour et la nature:
Être père et mari dans cette conjoncture…
 
NICOMÈDE
 
Seigneur, voulez-vous bien vous en fier à moi?
Ne soyez l'un ni l'autre.
 
PRUSIAS
 
Et que dois-je être?
 
NICOMÈDE
 
ROI!
Reprenez hautement ce noble caractère.
Un véritable roi n'est ni mari ni père;
Il regarde son trône, et rien de plus. Régnez;
Rome vous craindra plus que vous ne la craignez.
Malgré cette puissance et si vaste et si grande,
Vous pouvez déjà voir comme elle m'appréhende35,
Combien en me perdant elle espère gagner,
Parce qu'elle prévoit que je saurai régner.
 

Cependant Arsinoé vient à bout de ses mauvais desseins. Nicomède est arrêté, enchaîné. Flaminius va le jeter sur un vaisseau qui est tout prêt, et l'emmener à Rome.

Mais le peuple, qui adore Nicomède, qui ne veut pas d'Attale pour «roi en peinture» et des Romains pour maîtres, le peuple se révolte, cerne le palais. Prusias, Arsinoé sont pâles de terreur. Laodice, qui est, elle aussi, aimée du peuple à cause de sa haine pour Rome, les prend généreusement sous sa protection. Mais Nicomède, qu'est-il devenu? Il a été sauvé. Au moment où on l'entraînait vers le vaisseau de Flaminius, un inconnu, suivi de quelques amis, s'est élancé, a poignardé le chef des gardes qui l'emmenaient, a mis en fuite les autres, a calmé la sédition en montrant au peuple Nicomède sauvé. Quel est cet inconnu?

C'est Attale, le faible et insignifiant Attale, à qui nous n'avons guère pris garde jusqu'à présent, qui a même été traité de très haut par Nicomède, mais qui, à écouter les mâles paroles de son grand frère, a senti peu à peu le noble désir de rivaliser de vaillance avec lui et même de le vaincre en générosité. Il se découvre comme sauveur de Nicomède, et celui-ci le remercie avec la chaleur généreuse qui lui est habituelle:

NICOMÈDE
 
Ah! laissez-moi toujours à cette digne marque
Reconnaître en mon sang un vrai sang de monarque.
Ce n'est plus des Romains l'esclave ambitieux,
C'est le libérateur d'un sang si précieux.
Mon frère, avec mes fers vous en briserez bien d'autres,
Ceux du roi, de la reine, et les siens et les vôtres.
Mais pourquoi vous cacher en sauvant tout l'Etat?
 
ATTALE
 
Pour voir votre vertu dans son plus haut éclat;
Pour la voir seule agir contre notre injustice,
Sans la préoccuper par ce faible service,
Et me venger enfin ou sur vous ou sur moi,
Si j'eusse mal jugé de tout ce que je voi.
 

Et remarquez ce que peut la fermeté de cœur, et l'autorité que donne à un vaincu, presque à un captif, la dignité, la noblesse d'une courageuse attitude. Ce Nicomède est à la fin de la pièce comme le chef et le maître. Attale s'est fait son élève et son partisan. Arsinoé s'humilie devant lui; Prusias proclame «qu'avoir un fils si grand est sa plus grande gloire»; Flaminius lui-même lui parle avec respect. C'est qu'il n'y a rien qui impose comme le courage, comme l'âme énergique et obstinée qui espère contre toute espérance, et pour tout dire d'un mot, comme la volonté. C'est un homme du temps de Corneille, et qui l'admirait fort, qui a dit: «Rien n'est impossible: il y a des voies qui conduisent à toutes choses; et si nous avions assez de volonté, nous aurions toujours assez de moyens»36.

CHAPITRE IX.
POMPÉE

La noblesse de cœur chez les hommes est chose admirable; elle est plus touchante encore et plus vénérable chez les femmes. Vous l'avez déjà vu par cette fière et courageuse Chimène. Cela éclate encore mieux par la simple histoire de Cornélie, qui est contenue dans la tragédie de Pompée. Cette tragédie devrait avoir pour titre «La Veuve de Pompée». Remarquez un instant comment Corneille a compris, d'ordinaire, la grandeur de la femme. Les hommes sont grands par leur dévouement à une grande idée ou à un grand sentiment. Tels Rodrigue, Horace, Auguste, Polyeucte, Nicomède. Les femmes sont grandes par le dévouement à la famille, par leur culte religieux de la maison où elles sont nées, ou de celle où elles sont entrées. La grandeur de Chimène est dans le dévouement à la mémoire de son père. La grandeur de Cornélie, veuve de Pompée, est dans son culte pour le souvenir de son époux.

Corneille, au moins dans ces deux pièces, et dans le rôle de Pauline aussi, a bien compris que les pensées de la fille ou de la femme doivent toujours se ramener au foyer, dont la femme est la gardienne, l'ornement et l'honneur, que hors de là, et s'attachant à un autre objet, la grandeur chez elles aurait quelque chose de forcé et peut-être de faux. Ce rôle de Cornélie est donc une chose très belle et très imposante. Et voyez comme les convenances y sont bien observées. Il ne convient pas qu'une femme ait un rôle bruyant et éclatant; il ne convient pas, pour dire la chose comme elle est, qu'elle parle beaucoup.

A ce compte, il ne faudrait pas de rôle de femmes dans les comédies. Faites attention pourtant. Une jeune fille dans sa famille, une femme à côté de son mari doit parler peu. Mais qu'une jeune fille dont le père est mort agisse et parle pour défendre et venger sa mémoire; cela est bien, et c'est le rôle de Chimène. Qu'une jeune femme dont le mari a commis une noble imprudence agisse et parle pour le sauver, et quand il est mort, pour l'honorer en l'imitant; cela est beau, et c'est le rôle de Pauline. Qu'une veuve agisse et parle pour défendre, faire respecter et faire craindre la mémoire de son mari; cela est touchant, et c'est le rôle de Cornélie. L'âme du Comte est passée dans celle de Chimène, celle de Polyeucte dans celle de Pauline, et celle de Pompée dans celle de Cornélie; et ce sont ces grandes ombres qui parlent par la bouche de ces nobles femmes. La noblesse de la femme est de s'appuyer sur le chef de famille, ou sur sa mémoire, et de porter dignement son nom, ou son souvenir.

Ce Pompée était un grand général romain, du temps des guerres civiles qui ont désolé la république romaine. Il avait été vaincu par son rival César, et avait cherché un asile en Egypte. Le roi de ce pays, qui était un scélérat, l'avait fait mettre à mort, pour flatter le ressentiment de César. Mais César avait des sentiments élevés. Quand il arrive, Ptolomée, le roi d'Egypte, se prosterne à ses pieds et lui apprend que, par ses soins, Pompée n'existe plus. César s'irrite et, avec le plus accablant mépris, montre au roi toute sa lâcheté.

PTOLOMÉE
 
Seigneur, montez au trône, et commandez ici.
 
CÉSAR
 
Connaissez-vous César de lui parler ainsi?
Que m'offrirait de pis la fortune ennemie,
A moi qui tient le trône égal à l'infamie!
Certes Rome à ce coup pourrait bien se vanter
D'avoir eu juste lieu de me persécuter;
Elle qui d'un même œil les donne et les dédaigne,
Qui ne voit rien aux rois37 qu'elle aime ou qu'elle craigne,
Et qui verse en nos cœurs, avec l'âme et le sang,
Et la haine du nom, et le mépris du rang.
C'est ce que de Pompée il vous fallait apprendre;
S'il en eût aimé l'offre, il eût su s'en défendre:
Et le trône et le roi se seraient ennoblis
A soutenir la main qui les a rétablis.
Vous eussiez pu tomber, mais tout couvert de gloire;
Votre chute eût valu la plus haute victoire:
Et si votre destin n'eût pu vous en sauver,
César eût pris plaisir à vous en relever.
Vous n'avez pu former une si noble envie.
Mais quel droit aviez-vous sur cette illustre vie?
Que vous devait son sang pour y tremper vos mains,
Vous qui devez respect au moindre des Romains?
Ai-je vaincu pour vous dans les champs de Pharsale?
Et par une victoire aux vaincus trop fatale,
Vous ai-je acquis sur eux, en ce dernier effort,
La puissance absolue et de vie et de mort?
Moi qui n'ai jamais pu la souffrir à Pompée,
La souffrirai-je en vous sur lui-même usurpée,
Et que de mon bonheur vous ayez abusé
Jusqu'à plus attenter que je n'aurais osé?
De quel nom après tout pensez-vous que je nomme
Ce coup où vous tranchez du souverain de Rome,
Et qui sur un seul chef lui fait bien plus d'affront
Que sur tant de milliers ne fit le roi de Pont38?
Pensez-vous que j'ignore ou que je dissimule
Que vous n'auriez pas eu pour moi plus de scrupule,
Et que, s'il m'eût vaincu, votre esprit complaisant
Lui faisait de ma tête un semblable présent?
Grâces à ma victoire, on me rend des hommages
Où ma fuite eût reçu toutes sortes d'outrages;
Au vainqueur, non à moi, vous faites tout l'honneur.
Si César en jouit, ce n'est que par bonheur.
Amitié dangereuse, et redoutable zèle,
Que règle la fortune, et qui tourne avec elle!
Mais parlez; c'est trop être interdit et confus.
 

Ptolomée s'excuse sur son dévouement à César. Mais ce n'est pas là le genre de dévouement que César exige de ses vrais amis. Il reprend avec plus d'éloquence encore:

 
 
Vous cherchez, Ptolomée, avecque trop de ruses,
De mauvaises couleurs et de froides excuses,
Votre zèle était faux, si seul il redoutait
Ce que le monde entier à pleins vœux souhaitait!
Et s'il vous a donné ces craintes trop subtiles,
Qui m'ôtent tout le fruit de nos guerres civiles,
Où l'honneur seul m'engage, et que pour terminer
Je ne veux que celui de vaincre et pardonner,
Où mes plus dangereux et plus grands adversaires,
Sitôt qu'ils sont vaincus, ne sont plus que mes frères;
Et mon ambition ne va qu'à les forcer,
Ayant dompté leur haine, à vivre et m'embrasser.
O combien d'allégresse une si triste guerre
Aurait-elle laissé dessus toute la terre,
Si Rome avait pu voir marcher en même char,
Vainqueur de leur discorde, et Pompée et César!
Voilà ces grands malheurs que craignait votre zèle.
O crainte ridicule autant que criminelle!
Vous craignez ma clémence! ah! n'ayez plus ce soin;
Souhaitez-la plutôt, vous en avez besoin.
Si je n'avais égard qu'aux lois de la justice,
Je m'apaiserais Rome avec votre supplice,
Sans que ni vos respects, ni votre repentir,
Ni votre dignité, vous pussent garantir;
Votre trône lui-même en serait le théâtre:
Mais voulant épargner le sang de Cléopâtre39,
J'impute à vos flatteurs toute la trahison,
Et je veux voir comment vous m'en ferez raison;
Suivant les sentiments dont vous serez capable,
Je saurai vous tenir innocent ou coupable.
Cependant à Pompée élevez des autels;
Rendez-lui les honneurs qu'on rend aux immortels;
Par un prompt sacrifice expiez tous vos crimes;
Et surtout pensez bien au choix de vos victimes.
Allez-y donner ordre, et me laissez ici
Entretenir les miens sur quelque autre souci.
 

Voilà un généreux, n'est-ce pas? Je le crois comme vous. Cependant remarquez que César est à l'aise pour étaler ces beaux sentiments maintenant qu'il n'a plus rien à redouter de son rival. Il y a une générosité plus certaine et plus éclatante, c'est celle qui, ayant tout à craindre et n'ayant rien à gagner, se montre cependant et jaillit du cœur. C'est celle-là que Cornélie va nous montrer. Elle rencontre César, et, loin de trembler devant lui, elle le brave en un magnifique langage.

CORNÉLIE
 
César, car le destin, que dans tes fers je brave,
Me fait ta prisonnière, et non pas ton esclave,
Et tu ne prétends pas qu'il m'abatte le cœur
Jusqu'à te rendre hommage et te nommer seigneur;
De quelque rude trait qu'il m'ose avoir frappée,
Veuve du jeune Crasse40, et veuve de Pompée,
Fille de Scipion, et, pour dire encor plus,
Romaine, mon courage est encor au-dessus;
Et de tous les assauts que sa rigueur me livre,
Rien ne me fait rougir que la honte de vivre.
J'ai vu mourir Pompée, et ne l'ai pas suivi;
Et bien que le moyen m'en ait été ravi,
Qu'une pitié cruelle à mes douleurs profondes
M'ait ôté le secours et du fer et des ondes,
Je dois rougir pourtant, après un tel malheur,
De n'avoir pu mourir d'un excès de douleur.
Ma mort était ma gloire, et le destin m'en prive,
Pour croître mes malheurs et me voir ta captive.
Je dois bien toutefois rendre grâces aux dieux
De ce qu'en arrivant je te trouve en ces lieux,
Que César y commande, et non pas Ptolomée.
Hélas! et sous quel astre, ô ciel! m'as-tu formée,
Si je leur dois des vœux de ce qu'ils ont permis
Que je rencontre ici mes plus grands ennemis,
Et tombe entre leurs mains plutôt qu'aux mains d'un prince
Qui doit à mon époux son trône et sa province?
 
 
Car enfin n'attends pas que j'abaisse ma haine;
Je te l'ai déjà dit, César, je suis Romaine:
Et, quoique ta captive, un cœur comme le mien,
De peur de s'oublier, ne te demande rien.
Ordonne; et, sans vouloir qu'il tremble ou s'humilie,
Souviens-toi seulement que je suis Cornélie.
 

César répond avec beaucoup de grandeur d'âme et de noblesse à ces nobles et fières paroles. On sent bien que cet homme parle déjà en maître du monde, en chef illustre de ces Romains auxquels Corneille aime toujours à prêter un cœur héroïque et un langage digne de leur cœur.

 
O d'un illustre époux noble et digne moitié,
Dont le courage étonne et le sort fait pitié!
Certes, vos sentiments font assez reconnaître
Qui vous donna la main, et qui vous donna l'être;
Et l'on juge aisément, au cœur que vous portez,
Où vous êtes entrée et de qui vous sortez.
L'âme du jeune Crasse, et celle de Pompée,
L'une et l'autre vertu par le malheur trompée,
Le sang des Scipions protecteur de nos dieux,
Parlent par votre bouche, et brillent dans vos yeux;
Et Rome dans ses murs ne voit point de famille
Qui soit plus honorée ou de femme ou de fille.
Plût au grand Jupiter, plût à ces mêmes dieux,
Qu'Annibal eût bravés jadis sans vos aïeux,
Que ce héros si cher dont le ciel vous sépare
N'eût pas si mal connu la cour d'un roi barbare,
Ni mieux aimé tenter une incertaine foi,
Que la vieille amitié qu'il eût trouvée en moi;
Qu'il eût voulu souffrir qu'un bonheur de mes armes
Eût vaincu ses soupçons, dissipé ses alarmes;
Et qu'enfin, m'attendant sans plus se défier,
Il m'eût donné moyen de me justifier!
Alors, foulant aux pieds la discorde et l'envie,
Je l'eusse conjuré de se donner la vie,
D'oublier ma victoire, et d'aimer un rival,
Heureux d'avoir vaincu pour vivre son égal.
J'eusse alors regagné son âme satisfaite,
Jusqu'à lui faire aux dieux pardonner sa défaite;
Il eût fait à son tour, en me rendant son cœur,
Que Rome eût pardonné la victoire au vainqueur.
Mais puisque par sa perte, à jamais sans seconde,
Le sort a dérobé cette allégresse au monde,
César s'efforcera de s'acquitter vers vous
De ce qu'il voudrait rendre à cet illustre époux.
Prenez donc en ces lieux liberté tout entière:
Seulement pour deux jours soyez ma prisonnière,
Afin d'être témoin comme, après nos débats,
Je chéris sa mémoire et venge son trépas,
Et de pouvoir apprendre à toute l'Italie
De quel orgueil nouveau m'enfle la Thessalie41.
Je vous laisse à vous-même, et vous quitte un moment.
Choisissez-lui, Lépide42, un digne appartement;
Et qu'on l'honore ici, mais en dame romaine,
C'est-à-dire un peu plus qu'on n'honore la reine.
Commandez, et chacun aura soin d'obéir.
 
CORNÉLIE
 
O ciel! que de vertus vous me faites haïr!
 

Mais voici la vraie et sublime grandeur d'âme. Un danger grave menace César, qui l'en avertit? Cornélie! Cornélie qui est bien l'ennemie de César, mais qui veut le combattre, le front haut, face à face, loyalement, non en profitant de ruses et de pièges ténébreux. Elle court à César brusquement, elle lui crie:

CORNÉLIE
 
César, prends garde à toi!
Ta mort est résolue, on la jure, on l'apprête;
A celle de Pompée on veut joindre ta tête.
Prends-y garde, César; ou ton sang répandu
Bientôt parmi le sien se verra confondu.
Mes esclaves en sont: apprends de leurs indices
L'auteur de l'attentat, et l'ordre et les complices.
Je te les abandonne.
 
CÉSAR
 
O cœur vraiment romain,
Et digne du héros qui vous donna la main!
Ses mânes, qui du ciel ont vu de quel courage
Je préparais la mienne à venger son outrage,
Mettant leur haine bas, me sauvent aujourd'hui
Par la moitié43 qu'en terre il nous laisse de lui.
Il vit, il vit encore en l'objet de sa flamme,
Il parle par sa bouche, il agit dans son âme,
Il la pousse, et l'oppose à cette indignité,
Pour me vaincre par elle en générosité.
 
CORNÉLIE
 
Tu te flattes, César, de mettre en ta croyance
Que la haine ait fait place à la reconnaissance.
Ne le présume plus; le sang de mon époux
A rompu pour jamais tout commerce entre nous:
J'attends la liberté qu'ici tu m'as offerte,
Afin de l'employer tout entière à ta perte;
Et je te chercherai partout des ennemis,
Si tu m'oses tenir ce que tu m'as promis.
Mais, avec cette soif que j'ai de ta ruine,
Je me jette au-devant du coup qui t'assassine,
Et forme des désirs avec trop de raison
Pour en aimer l'effet par une trahison:
Qui la sait et la souffre a part à l'infamie.
Si je veux ton trépas, c'est en juste ennemie:
Mon époux a des fils, il aura des neveux:
Quand ils te combattront, c'est là que je le veux;
Et qu'une digne main, par moi-même animée,
Dans ton champ de bataille, aux yeux de ton armée,
T'immole noblement, et par un digne effort,
Aux mânes du héros dont tu venges la mort.
Tous mes soins, tous mes vœux, hâtent cette vengeance;
Ta perte la recule, et ton salut l'avance.
Quelque espoir qui d'ailleurs me l'ose ou puisse offrir,
Ma juste impatience aurait trop à souffrir:
La vengeance éloignée est à demi perdue;
Et quand il faut l'attendre, elle est trop cher vendue.
Je n'irai point chercher sur les bords africains
Le foudre souhaité que je vois en tes mains44;
La tête qu'il menace en doit être frappée.
J'ai pu donner la tienne au lieu d'elle à Pompée:
Ma haine avait le choix; mais cette haine enfin
Sépare son vainqueur d'avec son assassin,
Et ne croit avoir droit de punir ta victoire
Qu'après le châtiment d'une action si noire.
Rome le veut ainsi: son adorable front
Aurait de quoi rougir d'un trop honteux affront,
De voir en même jour, après tant de conquêtes,
Sous un indigne fer ses deux plus nobles têtes.
Son grand cœur, qu'à tes lois en vain tu crois soumis,
En veut aux criminels plus qu'à ses ennemis,
Et tiendrait à malheur le bien de se voir libre,
Si l'attentat du Nil affranchissait le Tibre.
Comme autre qu'un Romain n'a pu l'assujettir,
Autre aussi qu'un Romain ne l'en doit garantir.
Tu tomberais ici sans être sa victime;
Au lieu d'un châtiment ta mort serait un crime;
Et, sans que tes pareils en conçussent d'effroi,
L'exemple que tu dois périrait avec toi.
Venge-la de l'Egypte à son appui fatale;
Et je la vengerai, si je puis, de Pharsale45.
Va, ne perds point de temps, il presse. Adieu: tu peux
Te vanter qu'une fois j'ai fait pour toi des vœux.
 

Cependant Philippe, un vieux serviteur fidèle de Pompée, a retrouvé son corps. Il lui a rendu les honneurs funèbres, comme on faisait alors, c'est-à-dire en le brûlant sur un bûcher et en enfermant les cendres dans une urne. Il apporte cette urne à Cornélie. La douleur de la veuve éclate en accents merveilleux de regret, de ressentiment, d'amertume:

CORNÉLIE
 
Mes yeux, puis-je vous croire? et n'est-ce point un songe
Qui sur mes tristes vœux a formé ce mensonge?
Te revois-je, Philippe? et cet époux si cher
A-t-il reçu de toi les honneurs du bûcher?
Cette urne que je tiens contient-elle sa cendre?
O vous, à ma douleur objet terrible et tendre,
Eternel entretien de haine et de pitié,
Restes du grand Pompée, écoutez sa moitié.
N'attendez point de moi de regrets ni de larmes;
Un grand cœur à ses maux applique d'autres charmes.
Les faibles déplaisirs s'amusent à parler,
Et quiconque se plaint cherche à se consoler.
Moi, je jure des dieux la puissance suprême,
Et, pour dire encor plus, je jure par vous-même;
Car vous pouvez bien plus sur ce cœur affligé
Que le respect des dieux qui l'ont mal protégé:
Je jure donc par vous, ô pitoyable reste,
Ma divinité seule après ce coup funeste,
Par vous, qui seul ici pouvez me soulager,
De n'éteindre jamais l'ardeur de le venger.
Ptolomée à César, par un lâche artifice,
Rome, de ton Pompée a fait un sacrifice;
Et je n'entrerai point dans tes murs désolés,
Que le prêtre et le dieu ne lui soient immolés.
Faites-m'en souvenir, et soutenez ma haine,
O cendres, mon espoir aussi bien que ma peine;
Et pour m'aider un jour à perdre son vainqueur,
Versez dans tous les cœurs ce que ressent mon cœur.
Toi qui l'as honoré sur cette infâme rive
D'une flamme pieuse autant comme chétive,
Dis-moi, quel bon démon a mis en ton pouvoir
De rendre à ce héros ce funèbre devoir?
 

Philippe raconte comment il a trouvé le corps de Pompée, son récit est très touchant et très beau. Ce Pompée n'est plus, et cependant c'est son souvenir illustre qui remplit toute la pièce; et voilà bien pourquoi la pièce porte son nom.

 
Tout couvert de son sang, et plus mort que lui-même,
Après avoir cent fois maudit le diadème,
Madame, j'ai porté mes pas et mes sanglots
Du côté que le vent poussait encor les flots.
Je cours longtemps en vain: mais enfin d'une roche
J'en découvre le tronc vers un sable assez proche,
Où la vague en courroux semblait prendre plaisir
A feindre de le rendre et puis s'en ressaisir.
Je m'y jette, et l'embrasse, et le pousse au rivage;
Et, ramassant sous lui le débris d'un naufrage,
Je lui dresse un bûcher à la hâte et sans art,
Tel que je pus sur l'heure et qu'il plut au hasard.
A peine brûlait-il que le ciel plus propice
M'envoie un compagnon en ce pieux office:
Cordus, un vieux Romain qui demeure en ces lieux,
Retournant de la ville, y détourne les yeux;
Et n'y voyant qu'un tronc dont la tête est coupée,
A cette triste marque il reconnaît Pompée.
Soudain la larme à l'œil: «O toi, qui que tu sois,
A qui le ciel permet de si dignes emplois,
Ton sort est bien, dit-il, autre que tu ne penses:
Tu crains des châtiments, attends des récompenses;
César est en Egypte, et venge hautement
Celui pour qui ton zèle a tant de sentiment.
Tu peux faire éclater les soins qu'on t'en voit prendre,
Tu peux même à sa veuve en rapporter la cendre.
Son vainqueur l'a reçue avec tout le respect
Qu'un dieu pourrait ici trouver à son aspect.
Achève, je reviens.» Il part et m'abandonne,
Et rapporte aussitôt ce vase, qu'il me donne,
Où sa main et la mienne enfin ont renfermé
Ces restes d'un héros par le feu consumé.
 
CORNÉLIE
 
Oh! que sa piété mérite de louanges!
 
PHILIPPE
 
En entrant j'ai trouvé des désordres étranges:
J'ai vu fuir tout un peuple en foule vers le port,
Où le roi, disait-on, s'était fait le plus fort.
Les Romains poursuivaient; et César, dans la place
Ruisselante du sang de cette populace,
Montrait de sa justice un exemple assez beau,
Faisant passer Photin46 par les mains d'un bourreau.
Aussitôt qu'il me voit, il daigne me connaître;
Et prenant de ma main les cendres de mon maître:
«Restes d'un demi-dieu, dont à peine je puis
Egaler le grand nom, tout vainqueur que j'en suis,
De vos traîtres, dit-il, voyez punir les crimes:
Attendant des autels, recevez ces victimes;
Bien d'autres vont les suivre. Et toi, cours au palais
Porter à sa moitié ce don que je lui fais;
Porte à ses déplaisirs cette faible allégeance,
Et dis-lui que je cours achever sa vengeance.»
Ce grand homme, à ces mots, me quitte en soupirant
Et baise avec respect ce vase, qu'il me rend.
 

Cornélie ne croit pas, ou croit peu à la sincérité des regrets de César. Elle garde l'urne de Pompée, et, songeant que César l'a touchée avant elle, elle s'écrie:

27La fourberie.
28Annibal.– Célèbre général Carthaginois qui conquit l'Italie, fut sur le point de prendre Rome, et tint les Romains dans les plus grands dangers pendant vingt ans.
29Annibal, traqué par les Romains, s'était empoisonné pour n'être pas livré à eux.
30Par le père de Flaminius.
31Discordes.
32Scipion l'Africain, général Romain, qui fut le vainqueur d'Annibal, s'était résigné à n'être que le lieutenant de son frère, général obscur, dans une guerre en Asie.
33C'est près du lac de Trasimène, dans l'Italie septentrionale, qu'Annibal avait vaincu le père de Flaminius.
34Attale s'adresse à Laodice, reine d'Arménie.
35Me redoute.
36La Rochefoucauld. Il a écrit au XVIIe siècle des Maximes ou sentences morales, un peu tristes et amères, mais souvent d'une grande vérité et d'un style net et concis.
37Chez les rois.
38Mithridate, roi de Pont (Asie-Mineure), tint longtemps en péril la fortune romaine; il avait fait massacrer cent mille Romains en Asie-Mineure.
39Sœur de Ptolomée.
40Crasse.– Crassus (Licinius) avait été triumvir (un des trois chefs de Rome) avec César et Pompée. Il mourut dans une grande bataille contre les Parthes (Asie), où périrent trente mille Romains. Cornélie avait épousé Pompée un an après la mort de Crassus.
41C'est-à-dire la victoire de Pharsale. Pharsale était en Thessalie.
42Lieutenant de César.
43C'est-à-dire par sa veuve, que Corneille appelle sa moitié.
44Le mot foudre est employé au masculin et au féminin en poésie. Il signifie ici: la catastrophe, la destruction.
45C'est à Pharsale (Thessalie) que César avait vaincu Pompée.
46Ministre et conseiller de Ptolomée. – Achillas, dont nous verrons le nom plus loin, était lieutenant général des armées de Ptolomée.

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