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Barnabé

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CONCLUSION

Je ne restai pas moins de trois semaines à Saint-Gervais. Enfin mon oncle, arrivé la veille des Pyrénées, vint me chercher, et le médecin de la rue de l’Espinouse, dont j’ai oublié le nom, pas plus que M. Anselme Benoît, lequel, en cette circonstance, me témoigna la plus vive affection, ne s’y opposant, nous partîmes pour les Aires.

Il faisait une journée de mai douce, tempérée, suave. Le cheval des Garidel traînait la carriole, où nous étions entassés pêle-mêle: mon oncle, Marianne, Liette, qui avait voulu être du voyage parce que Simonnet en était, M. Combal, attaché à ses chers enfants à ne pouvoir plus s’en déprendre, moi enfin. Devant nous, allait M. Anselme Benoît, éclairant la route avec sa mule fringante, magnifiquement caparaçonnée. Derrière, fermant la marche, venait Braguibus chevauchant Baptiste, retiré depuis peu de la fourrière et gravissant la montée des Treize-Vents à petits pas.

Mon oncle, à qui les eaux d’Amélie avaient procuré du soulagement, bien qu’il se reprochât certainement de m’avoir confié à Barnabé, paraissait tout heureux. Il ne hasarda pas un mot sur l’ermite.

Le lendemain, fut célébré le mariage de Simonnet Garidel avec Juliette Combal. La cérémonie eut lieu avec toute la pompe possible. C’est moi qui assistai mon oncle à l’autel, revêtu de mes jolies nippes sacerdotales, que Marianne, en vue de la cérémonie, avait fait remettre en état. J’étais content, et cela me donna des forces. Je dois avouer pourtant qu’à l’Élévation, quand j’entendis le fifre de Braguibus, autorisé à mêler, lui aussi, sa note joyeuse à la fête, je reçus un tel coup que je sentis comme si le cœur me manquait. Cette musique me rappelait trop Saint-Michel, Barnabé, le drame poignant où j’avais failli périr.

Du reste, cette mélopée matrimoniale fut le dernier élan, comme qui dirait le chant du cygne de Braguibus. Le dimanche d’après, en effet, aux vêpres, mon oncle, avant de donner la bénédiction du Saint-Sacrement, annonça à ses ouailles assemblées qu’avec l’agrément de Monseigneur il venait de nommer Jean Maniglier ermite de Saint-Michel, en remplacement de Barnabé Lavérune, «dont la paroisse devait oublier la vie et surtout la mort

Au même instant, Braguibus, ses membres grêles ensevelis dans un vaste froc de bure, un bourdon neuf et brillant à la main, sortit de la sacristie. Il s’avança vers le chœur à pas comptés, déposa en ex-voto son fifre sur le maître-autel, à la porte du tabernacle, puis s’agenouillant, selon l’usage, récita: «Je me confesse…»

Mon oncle, alors, lui adressa quelques paroles sur la Confrérie des Frères libres de Saint-François. Il rappela que Saint-Michel avait connu des ermites qui non-seulement furent des sujets d’édification pour la paroisse des Aires, mais pour toute la vallée d’Orb. Il anathématisa Barnabé Lavérune, lequel, ayant manqué de donner la mort à Jacques Molinier, de Saint-Gervais, dont la blessure heureusement se trouvait cicatrisée aujourd’hui, en était arrivé à désespérer du ciel et à s’ouvrir de ses propres mains les portes de l’enfer. Enfin il lança la malédiction divine contre le frère Venceslas Labinowski, de Notre-Dame de Cavimont, ce criminel endurci…

«Si ce malheureux, dit-il, est parvenu, par la ruse, à fuir la justice des hommes, il ne réussira pas à éviter le jugement de Dieu.»

Durant cette instruction, Braguibus ne cessa de pleurer à chaudes larmes, et de se frapper la poitrine en répétant: «C’est ma faute, c’est ma faute, c’est ma très-grande faute!..»

– Et Félibien? va me demander le lecteur.

– Félibien Lavérune n’avait eu garde, en apprenant la mort de son père, de demeurer à Moret, «département du Jura.» Il était accouru, avait palpé le magot enfoui sous «le troisième pavé de la sixième rangée;» puis, ayant vendu Baptiste à Braguibus, entiché de l’ermitage de Saint-Michel, était reparti allégrement.

Félibien Lavérune est établi depuis longtemps; il possède un magasin qui laisse bien loin derrière lui, par le luxe de l’étalage et l’abondance des marchandises, la pauvre boutique de M. Briguemal, de Béziers, objet des convoitises de son père l’ermite. La devanture de cet établissement magnifique, qui se développe sur une façade de quinze mètres au moins, est surmontée de cette enseigne triomphante:

AU MOUVEMENT PERPÉTUEL
Félibien Lavérune, horloger de 1re classe

– Où donc? où donc?

– A Lyon, cher lecteur, à Lyon, rue Mercière.

– A Lyon! est-ce possible?

– Dieu! si Barnabé vivait!..

Libourne, septembre 1872. – Paris, octobre 1873
FIN