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Christine

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XVIII

Le séjour de Stockholm devint insupportable à M. de Simiane. Sa santé s'épuisait; il tomba dans une sorte de marasme: on dut demander son rappel. Les médecins conseillèrent l'air de France. Il traversa le Gotha-Canal, creusé dans le granit des montagnes, comme l'escalier de Neptune du canal Calédonien, dont les marches liquides soulèvent et portent les flottes de Victoria à travers les sapins du Glen-Névis. Le bateau de Kiel se fait attendre un jour ou deux à Gothenbourg.

Georges erra dans les environs assez tristement. Le matin du départ, un hasard funèbre l'amena près du cimetière, situé non loin de la ville, au pied d'une montagne, au bord d'une prairie. La porte était ouverte: il entra. Le cimetière de Gothenbourg n'est pas monumental; mais, si j'ose dire, il est intime. On n'y bâtit point aux riches défunts des palais de granit et de marbre, ou des villas de stuc, mais chaque tombe a son arbre et sa croix.

Si vous aimez la pensée des morts, si déjà l'herbe cache une part de ce qui était vous, s'il vous plaît de retrouver les chers absents, ou du moins de vous croire près d'eux, ils auront pour vous un charme extrême, ces cimetières du Nord, avec leur ciel mélancolique, leurs longues allées de tilleuls et de chênes, leurs bouquets d'ormes et d'érables, leurs aunes tremblants et leurs grands bouleaux, dont les branches accablées caressent les pierres couvertes de mousse et les tombes de gazon fleuri.

Le cimetière de Gothenbourg est grand; on n'y dispute pas, pouce à pouce, la dernière couche des morts; on n'y trouble point leur sommeil sacré; on y épargne à la douleur toutes ces vexations gratuites et mesquines dont elle s'irrite ailleurs; on n'est pas même contraint à suivre l'alignement vulgaire des inhumations officielles: on se groupe par familles. Parfois un couple d'amis s'isole à l'ombre d'un saule au blanc feuillage, uni dans la mort même, malgré la parole du maître: Siccine separat amara mors! La mort ne les a pas séparés, et c'est dans le même sommeil qu'ils attendent le même réveil, ensemble!..

«Je serais bien ici, dit Georges en s'arrêtant sous un grand tilleul, et je dormirais du moins dans la terre qui la garde! Mais non, reprit-il, elle ne le veut pas, car elle ne m'a pas encore averti.»

Il cueillit sur une tombe une touffe de bruyère blanche, la cacha dans sa poitrine et sortit. Un aveugle à genoux près de la porte lui tendit une sébile de bois en murmurant: Denka pa Döden! «Pensez aux morts!»

Georges lui jeta un rixdale d'argent, et s'éloigna en frissonnant. «Oh! les morts, je ne les oublie pas!» se disait-il.

Le bateau l'emporta, et quand, vers le soir, les côtes de Suède disparurent dans les flots embrasés du couchant, il lui sembla perdre Christine encore une fois.

Georges est maintenant à Paris. Il passe au milieu du monde, insensible à ses joies comme à ses douleurs. Nadéje va souvent au bal: c'est la reine des belles nuits; mais Georges se retire d'assez bonne heure: il n'aime pas à voir danser le cotillon.

Plusieurs femmes, de celles que la douleur attire, noble race qui s'épuise! auraient daigné le consoler en lui versant l'oubli avec l'amour. Georges est avec elles d'une politesse distraite et froide; il a toujours l'air d'écouter quand on lui parle, mais c'est à lui-même qu'il répond tout bas: Denka pa Döden! «Pensez aux morts!»

Stockholm, septembre 1856.
FIN