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La dégringolade

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VII

Enfin apparaissait, véritablement admirable, l'œuvre de Laurent Cornevin.

Que d'énergie et de patience ne lui avait-il pas fallu pour reconstituer pièce à pièce la vie entière de Combelaine et de ses complices, pour ruiner silencieusement et sûrement l'édifice compliqué de leurs intrigues!

Et nul ne l'avait aidé, en cette tâche périlleuse, que sa courageuse femme.

Car, à ce dernier voyage, il n'avait pu résister à l'ardent désir de la revoir, et c'est chez elle, rue de la Chaussée-d'Antin, qu'il s'était tenu caché pendant les derniers mois de la lutte…

Mais il était vengé… Et c'est de sa bouche que Mme Delorge et Raymond apprirent enfin ce qui s'était passé dans le jardin de l'Élysée.

Voici ce qu'il raconta:

– J'étais de service, dans la nuit du dimanche au lundi, lorsque tout à coup, sur les onze heures, j'entends appeler:

« – Garde d'écurie!..

«J'accours, et je me trouve en présence de M. de Maumussy.

« – Prends, me commande-t-il, une lanterne, et suis-moi!

«J'obéis, et nous arrivons à la grande allée, derrière la charmille.

«Là, deux hommes, le général Delorge et M. de Combelaine, discutaient: le général très calme, Combelaine furibond.

«Combelaine avait tiré son épée; il disait:

« – Vous allez, sur l'honneur de vos épaulettes, me jurer de ne pas dire un mot du secret que vous m'avez arraché.

« – C'est bien malgré moi que je suis devenu votre confident, répondait le général; ainsi je dirai ce que bon me semblera, ce que l'honneur me commande de dire.

«M. de Maumussy intervint.

« – Nous ne pouvons, général, vous laisser partir ainsi.

« – Que prétendez-vous donc?

« – J'ai mon épée, s'écria Combelaine; vous avez la vôtre…

« – Je ne me battrai pas avec vous, prononça froidement le général; laissez-moi donc passer…

«Mais Combelaine s'était jeté en travers de l'allée et, fou de rage:

« – Tu ne passeras pas, répétait-il, tu vas te battre…

« – Et moi, reprit le général, je vous répète que je ne me battrai pas avec un homme qui a été chassé de l'armée pour avoir été surpris trichant au jeu…

«Combelaine avait bondi en arrière; il porta au général un terrible coup d'épée en criant:

« – Voilà qui t'empêchera de nous trahir!..

«Immédiatement le général s'affaissa, et Combelaine et Maumussy s'enfuirent.

«Moi, je m'agenouillai près du général.

«Déjà il râlait.

« – Je suis mort, me dit-il; adosse-moi à un arbre.

«Je fis ce qu'il me demandait, et alors:

« – J'ai dans ma poche, reprit-il, un calepin; donne-le moi…

«Je le lui donnai, et tout de suite, faisant un grand effort, il arracha un feuillet et, à la lueur de ma lanterne, il écrivit au crayon:

« – Je meurs, lâchement assassiné par Combelaine, assisté de Maumussy, parce que j'ai découvert que demain…

«Les forces lui manquant pour achever la phrase, il signa; puis:

« – Jure-moi, me dit-il, d'une voix à peine distincte, que tu remettras ce billet à ma femme.

«Je jurai, mais je doute qu'il entendit mon serment. Le hoquet venait de le prendre, il agonisait…

«Il avait rendu le dernier soupir, lorsque Combelaine et Maumussy reparurent l'instant d'après.

«Ils tinrent conseil un moment à voix basse, puis ils tirèrent du fourreau l'épée du général et la jetèrent à terre. Je les aidai ensuite à transporter le corps dans une ancienne sellerie qui, pour le moment, ne servait plus…

«Je pensais qu'on m'oubliait. Je me trompais.

«Le lendemain, je me rendis à Passy pour remplir les dernières volontés du général. Malheureusement, Mme Delorge ne put me recevoir. Comme je quittais sa maison, deux inconnus s'approchèrent de moi, qui me demandèrent ce que je voulais à la veuve du général. Je répondis que cela ne les regardait pas.

« – En ce cas, me dirent-ils, nous vous arrêtons.

«Le calepin du général, resté à terre, avait mis Combelaine sur la trace du billet que je possédais, et il le voulait, à tout prix… Mais je m'étais juré qu'il ne l'aurait pas…

Et en prononçant ces derniers mots, Cornevin remettait à Mme Delorge ces quelques lignes écrites par son mari expirant…

Certes, la mort de Combelaine était trop douce pour un tel misérable, mais elle avait cet immense avantage de rendre impossible un procès scandaleux d'où l'honneur des Maillefert ne fût pas sorti parfaitement intact.

Dès le lendemain, le déficit de la Caisse rurale étant comblé, M. Philippe de Maillefert était remis en liberté et partait pour l'Italie, bien corrigé, jurait-il, mais emmenant toutefois Mme Lucy Bergam.

Moins heureux, M. Verdale passait en cours d'assises. Il était acquitté, c'est vrai, mais il n'en restait pas moins déshonoré et ruiné…

Grollet, lui, convaincu par M. Barban d'Avranchel d'avoir été le complice de Combelaine, lors de l'attentat dont Raymond Delorge avait failli être la victime, Grollet, le faux témoin de 1851, en fut quitte pour dix ans de réclusion…

M. de Maumussy ne connut pas cette condamnation. Le lendemain de la mort de Combelaine, il s'était mis au lit, et après quinze jours d'une maladie mal définie, il expirait. Une fois encore le mot de poison fut prononcé. Les bruits qui circulèrent étaient-ils fondés? La duchesse de Maumussy seule eût pu le dire. Mais déjà elle s'occupait de tout autre chose, ayant signé un engagement avec le directeur d'un théâtre américain…

Déjà, à cette époque, la duchesse de Maillefert avait tenu sa parole, et la malheureuse Simone de Maillefert était devenue l'heureuse Mme Raymond Delorge.

Le même jour, avait été célébré le mariage de Mlle Pauline Delorge et de Jean Cornevin.

Même, en cette occasion, Mme Flora Misri avait eu un terrible crève-cœur. Elle avait voulu doter son neveu, elle avait espéré…

Le docteur Legris et M. Ducoudray avaient été obligés de lui expliquer que son argent était de celui que d'honnêtes gens ne sauraient toucher, et qu'elle ne devait plus avoir qu'un but: se faire oublier!..

– Mon Dieu! que vais-je donc faire de mes millions! s'était-elle écriée, regrettant peut-être Victor…

Hélas! les jours néfastes étaient proches.

L'Empire, avec une vitesse vertigineuse, roulait sur les pentes de l'abîme…

Aux complots et aux émeutes succédait le plébiscite, puis venait la guerre, déclarée d'un cœur léger, puis les défaites, puis Sedan.

C'en était fait. Toutes les prospérités mensongères de dix-huit années aboutissaient à des désastres sans exemple, à l'invasion.

Engagés le même jour dans un régiment de ligne, Raymond Delorge, Jean et Léon Cornevin, se trouvèrent enfermés à Belfort, et n'eurent pas à subir l'humiliation d'une capitulation…

M. Philippe, lui, sut retrouver dans ses veines le sang de ses ancêtres…

Nommé chef d'un bataillon de mobiles, il reçut l'ordre, un jour, d'enlever une barricade prussienne…

Ses hommes hésitaient..

– Cent louis, cria-t-il, que je me fais tuer!..

Ayant dit, il poussa son cheval en avant, et tomba criblé de balles. Mais la barricade fut prise…

Et si vous passez par les Rosiers, vous trouverez presque sûrement, à l'auberge du Soleil levant, M. Bizet de Chenehutte, lequel, après vous avoir conté cette histoire, vous proposera de vous faire visiter le château de Maillefert, magnifiquement restauré, car il en a les clefs. C'est la gloire de sa vie d'être l'ami de Raymond et de sa femme, et de la famille Cornevin, et de M. de Boursonne, et du docteur Legris…

FIN