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Nouvel atlas de poche des champignons Comestibles et Vénéneux les plus répandus. Série I (Troisième édition)

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CHAPITRE V
Distribution géographique des champignons

On peut dire d'une façon générale que les champignons se trouvent sur toute la surface du globe; cela n'a rien d'étonnant, si l'on veut bien se rappeler que les champignons vivent aux dépens de la matière organique, mais il faut que cette matière organique, qui est nécessaire à leur développement, se trouve dans certaines conditions de chaleur et d'humidité; or, ces trois conditions peuvent se trouver réalisées partout, au moins à un moment donné.

Bien que l'on soit loin d'être fixé sur les richesses mycologiques du globe, on est porté à croire que les champignons, au moins les champignons supérieurs, sont plus abondants dans les pays dont le climat est tempéré et humide.

Fries, savant mycologue suédois du siècle dernier, admet deux zones pour la végétation fongique: l'une tempérée, où l'on trouve en grand nombre des espèces charnues, l'autre tropicale, qui serait la patrie des espèces ligneuses ou carbonacées. Comme indication générale, et pour une même région, les parties boisées et accidentées sont plus riches en champignons que les parties plates et découvertes; cela semble dériver de ce fait que les parties couvertes conservent mieux leur humidité. Il y aurait lieu également de tenir compte, pour les parties boisées, des essences d'arbres qui peuplent les forêts et de la quantité plus grande de matières organiques en décomposition qui s'y accumule continuellement.

Il résulte de ce qui précède que les mêmes conditions de substratum2 pouvant exister dans des pays fort éloignés les uns des autres, on s'explique aisément que l'on puisse retrouver les mêmes espèces dans des régions fort distantes. Il est bon d'ajouter cependant que certains pays ont des espèces qui leur sont propres, et que l'on chercherait vainement ailleurs. Ainsi, l'Italie est la patrie du Polypore tubérastre et de certaines espèces de tubéracées.

Pour une même région, même très étendue, la flore mycologique ne varie pas sensiblement sur les différents points du territoire; en France, par exemple, on peut retrouver dans le Midi des espèces habituelles au Nord, lorsque, bien entendu, les conditions climatériques et de substratum se trouveront les mêmes; et, inversement, certaines espèces plus spéciales au Midi pourront remonter vers le Nord. C'est ainsi que l'Oronge vraie peut se trouver, en France, au nord de Paris, dans des endroits bien exposés au soleil.

Bien que l'on puisse trouver des champignons toute l'année, c'est surtout au printemps et à l'automne qu'ils se montrent en plus grande quantité. Il est des années où certaines espèces sont d'une abondance extraordinaire, qu'on ne peut récolter, ou à peine, les années suivantes. Ce que nous disons s'applique aussi bien aux champignons inférieurs qu'aux grandes espèces; il n'est pas rare, en effet, de voir nos plantes cultivées, la vigne, par exemple, les pommes de terre ou les céréales, envahies par des champignons qui compromettent plus ou moins la récolte, et qui laissent craindre pour l'année suivante une extension plus grande de la maladie; or, on constate généralement que non seulement il n'y a pas accroissement de la maladie, malgré le nombre incalculable de spores répandues partout, mais bien disparition presque complète du fléau. On est en droit de se demander si les conditions atmosphériques n'ont pas suffi à enrayer la contagion.

Nous pensons que l'altitude n'a pas une grande influence sur la localisation des espèces; il en est probablement des champignons comme des autres végétaux, l'altitude permet souvent aux plantes de trouver un milieu plus favorable à la végétation de certaines espèces et rien de plus. Ne voit-on pas des plantes réputées montagnardes vivre et prospérer presque au niveau de la mer lorsqu'elles y trouvent les conditions d'ambiance qui leur sont nécessaires; il y a tout lieu de croire qu'il en est de même pour les champignons.

CHAPITRE VI
Comment traiter les empoisonnements par les champignons?

Les estimations les plus scientifiques établies évaluent à plus de dix mille par an le nombre des personnes empoisonnées par les champignons. Évidemment, tous ces cas ne sont pas suivis de mort, pas plus que dans la bataille la plus meurtrière on ne voit succomber tous les blessés. Il n'en est pas moins vrai que beaucoup de victimes de ces intoxications fongiques sont gravement ou mortellement atteintes, et que les empoisonnements par les champignons peuvent être considérés comme un danger public, redoutable à l'égal d'une véritable épidémie que ramènerait chaque automne.

La ponctualité désespérante avec laquelle reparaissent tous les ans, dans les quotidiens, le récit d'intoxications de ce genre, est vraiment de nature à mettre en doute l'utilité des efforts de vulgarisation tentés pour répandre la connaissance des quelques espèces fongiques véritablement mortelles. La rubrique «empoisonnements par les champignons» n'est donc pas près de disparaître des faits-divers.

Devant la persistance de cet état de choses, il nous semble utile de donner des indications détaillées sur les symptômes de l'empoisonnement et le traitement rationnel qui, appliqué à temps, permettra de diminuer le nombre des victimes.

1o Qu'est-ce qu'un champignon vénéneux?

Le public confond sous cette appellation toutes les espèces nuisibles à un degré quelconque, ou même supposées nuisibles, a priori par leur aspect, leur odeur, leur lieu de récolte, etc. Or, en ne considérant même que les champignons dont la nocivité est prouvée, il y a des différences très marquées dans le pouvoir toxique des espèces. Nous pouvons, à ce point de vue, classer les champignons en trois catégories:

A. —Tous les empoisonnements suivis de mort sont produits par trois ou quatre espèces, toujours les mêmes. Au premier rang, l'Amanita phalloides qui produit à elle seule peut-être 95 % des cas mortels signalés en France; puis l'Amanita citrina et sa variété mappa, l'Amanita verna, les Volvaria speciosa et gloiocephala. Ce n'est pas que ces quatre dernières soient des poisons moins actifs que l'Amanita phalloides; mais elles sont moins souvent en cause, soit parce que leur odeur désagréable empêche de les consommer (comme c'est le cas pour l'Amanita citrina et l'A. verna), soit parce qu'elles sont moins répandues (A. verna, Volvaires). Toutes les espèces dont nous venons de parler peuvent être qualifiées de Champignons mortels.

B. – D'autres espèces, également très communes, sont capables de provoquer, chez ceux qui les ont consommées, des accidents à la vérité très graves, mais non mortels. Il y a des troubles gastro-intestinaux, avec vomissements répétés et diarrhée, accompagnés de troubles de l'intelligence (délire gai ou furieux); mais les symptômes s'amendent promptement, et la guérison survient en trois ou quatre jours. C'est le cas pour la Fausse-Oronge (Amanita muscaria) et la Fausse-Golmotte (Amanita pantherina). Nous qualifierons ces deux espèces de Champignons dangereux.

C. – Enfin certains autres champignons ne provoquent, chez les personnes qui les ont ingérés, que des troubles analogues à ceux d'une violente indigestion (angoisse, sueurs froides, nausées, vomissements et diarrhée). Tels sont l'Entoloma lividum, diverses Russules, etc., et même, pour certaines personnes sensibles, des espèces que beaucoup de gens à l'estomac plus robuste consomment impunément. La guérison de ces accidents – qui se traitent comme une banale indigestion – est complète au bout de vingt-quatre heures. Il ne saurait vraiment être ici question d'empoisonnement. Aussi appellerons-nous les espèces qui produisent ces accidents Champignons suspects.

2o Quelle est la nature du poison?

Nous n'aurons donc à nous occuper que des empoisonnements produits par les champignons mortels (A) et les champignons dangereux (B). La séparation bien tranchée qui existe entre les deux catégories tient à ce que, de part et d'autre, la nature du poison contenu dans les champignons n'est pas la même.

A. – Dans les champignons mortels (Amanita phalloides, citrina, verna, Volvaires), il existe une substance à laquelle le toxicologue allemand Kobert, qui la découvrit dans l'Amanita phalloides (1890), donna le nom de phalline. Ce principe actif est soluble dans l'eau, et n'est pas détruit par l'ébullition; il n'a rien de commun avec les albuminoïdes, car il ne précipite pas les réactifs de ces substances. Il semble que l'on puisse le comparer à certaines toxines microbiennes.

La phalline possède la redoutable propriété de dissoudre les globules du sang, c'est-à-dire de détruire les petits corpuscules arrondis qui renferment la matière rouge (hémoglobine) de ce liquide. Au moment où le sang circule dans le poumon, l'oxygène de l'air se fixe sur les globules vivants, et est ainsi transporté dans tout l'organisme; si les globules sont détruits, cette fixation et ce transport ne peuvent plus avoir lieu, et la mort s'ensuit. Si l'on considère qu'il ne faut pas plus de 7 à 8 milligrammes de phalline par litre de sang pour en détruire tous les globules, on comprendra que les quelques centigrammes de poison contenus dans un seul exemplaire d'Amanita phalloides suffisent à abolir en quelques heures toutes les propriétés vitales du sang d'un être humain.

 

B. – Dans les champignons dangereux (Amanita muscaria) existe au contraire un alcaloïde cristallisable, nommé muscarine par Schmiedebert et Koppe qui l'isolèrent en 1870 de l'Am. muscaria. Ce corps agit sur le cœur et le tube digestif, mais n'a aucune action sur les globules du sang; il s'élimine assez rapidement par les urines et par l'intestin, et paraît n'être jamais ingéré en quantité assez massive, dans les champignons, pour produire des lésions irrémédiables.

3o Quelle est la nature des symptômes?

A ces deux sortes de poisons, phalline et muscarine, correspondent deux catégories différentes de symptômes, qui forment deux ensembles de phénomènes bien distincts. On peut donc immédiatement, à la seule inspection du malade, et en interrogeant l'entourage, reconnaître à quelle catégorie de champignons est dû l'empoisonnement.

A. – Avec les champignons à phalline ou champignons mortels (A. phalloides, citrina, verna, Volvaires), les premiers symptômes apparaissent tardivement, c'est-à-dire dix ou douze heures après le repas fatal; il y a des éblouissements, de l'anxiété, auxquels succèdent des crampes et des brûlures d'estomac, avec sensation d'étranglement et de soif ardente. Bientôt surviennent des sueurs froides, des vomissements violents, puis une diarrhée extrêmement fétide parfois mêlée de sang. La région de l'estomac est tellement sensible qu'on ne peut la toucher sans faire pousser des cris au patient. Le foie est volumineux et dur, le bas-ventre est protégé par les cuisses repliées; les urines sont supprimées ou parfois rares et d'un brun acajou; le teint est celui d'un malade atteint de jaunisse.

Au bout de quelques heures le patient paraît soulagé, et s'assoupit pendant une heure ou deux. Mais une crise plus violente le réveille, pour être de nouveau suivie d'accalmie; il y a ainsi plusieurs alternatives de rémission et de douleurs. L'état général va s'aggravant; bientôt on observe des troubles des mouvements, de la paralysie, des syncopes, un affaiblissement graduel du pouls. Finalement le malade s'éteint par arrêt du cœur.

B. – Avec les champignons à muscarine ou champignons dangereux (Am. muscaria, pantherina), rien de pareil. Les symptômes débutent de très bonne heure (une heure à quatre heures au plus après le repas de champignons) et rappellent ceux de l'intoxication alcoolique; il y a d'abord du délire gai ou furieux, des douleurs stomacales vives, avec vomissements et diarrhée. Dès lors, le poison est éliminé; le malade s'endort d'un pesant sommeil, au sortir duquel il n'a plus conservé des événements précédents qu'un souvenir confus.

Le tableau ci-dessous permettra de saisir d'un coup d'œil la différence entre les symptômes des deux empoisonnements:

A. – Empoisonnement phalloïdien
(Champignons mortels.)

Symptômes tout particuliers.

Début après dix-douze heures, – silencieux.

Éblouissements, vertiges, intelligence conservée.

Vomissements et diarrhée tardifs.

Foie gros et très douloureux au toucher.

Urines rares et fortement colorées.

Alternatives de mieux et d'aggravation pendant plusieurs jours.

Affaiblissement graduel et mort.

B. – Empoisonnement muscarinien
(Champignons dangereux.)

Symptômes rappelant ceux de l'intoxication alcoolique.

Début après une à quatre heures, – bruyant.

Délire gai ou furieux.

Vomissements précoces et répétés. Diarrhée.

Foie normal, non douloureux.

Urines supprimées.

Pas de rechutes, amélioration rapide et progressive.

Guérison en deux ou trois jours.

4o Quels sont les remèdes à employer?

Dans un cas donné, la comparaison des symptômes observés avec ceux que nous venons de décrire permettra immédiatement aux personnes les moins exercées de reconnaître à quel genre d'empoisonnement elles ont affaire, de prévoir l'issue du mal, et, par suite, d'agir en conséquence.

On conçoit qu'en présence des premiers signes d'une intoxication, et surtout d'une intoxication phalloïdienne, il n'y ait pas de temps à perdre, et que la vie du malade puisse dépendre d'un traitement rationnel et promptement mis en œuvre. Voici donc ce qu'il faudra faire:

1o Les vomitifs préconisés par nombre d'auteurs sont inutiles et même nuisibles. Ils sont inutiles, parce que dans le cas d'un empoisonnement muscarinien les vomissements naturels qui se produisent dès le début ont assuré le nettoyage de l'estomac; d'autre part, s'il s'agit d'un empoisonnement phalloïdien, le temps écoulé (huit à dix heures) depuis le repas fatal indique que ce repas a depuis longtemps pénétré dans l'intestin.

Les vomitifs sont nuisibles, parce qu'ils ne servent qu'à irriter davantage l'estomac, à augmenter les douleurs et à fatiguer le malade. Mieux vaudrait encore faire le lavage de l'estomac à l'aide du tube de Faucher.

2o Les purgatifs sont au contraire toujours indispensables à employer, car l'intestin renferme constamment tout ou partie du poison. On donnera la préférence aux purgatifs salins, qui produisent une exsudation de liquide dans l'intestin grêle, venant ainsi suppléer à l'élimination du poison qui se fait mal par les urines rares ou nulles.

Comme purgatif, on donnera pour un adulte:

Sulfate de soude, ou sulfate de Magnésie, 40 à 50 grammes dans un grand verre d'eau; une heure après, administrer un grand bol de bouillon aux herbes. (Si l'on veut, on peut remplacer le sulfate de soude ou de magnésie par un grand verre d'une eau minérale purgative).

Si les douleurs intestinales sont très vives, il sera préférable, au lieu de recourir aux purgatifs ci-dessus, d'administrer de l'huile de ricin (dose 30 grammes pour un adulte). On donnera en même temps des lavements huileux, additionnés d'une vingtaine de gouttes de laudanum de Sydenham. Enfin, on couvrira le ventre d'un large cataplasme arrosé de laudanum.

Il sera nécessaire de faire uriner le malade le plus possible, pour faciliter l'entraînement du poison au dehors. On y parviendra en faisant boire au malade du lait en abondance, des tisanes (chiendent, bourrache) additionnés par litre de 2 grammes de nitrate de potasse (salpêtre), ou de même quantité de sulfate de potasse, d'acétate de potasse ou de bicarbonate de soude. Tous ces soins peuvent être donnés même en l'absence du médecin.

S'il s'agit d'un empoisonnement phalloïdien, avec symptômes graves, il est tout indiqué de laver le sang du malade, en lui injectant dans les veines une solution physiologique stérilisée de chlorure de sodium (8 grammes par litre). Bien entendu, cette opération est exclusivement du ressort du médecin traitant, et il doit être laissé juge de son opportunité.

Il en est de même du traitement des symptômes. Le malade a-t-il du délire (délire muscarinien?)

On lui administre des calmants (bromure de potassium, de sodium ou d'ammonium, un gramme d'heure en heure, jusqu'à effet sédatif). Y a-t-il au contraire abattement (empoisonnement phalloïdien)?

Il est nécessaire de donner des stimulants (sirop d'éther par cuillerées à café, ou éther vingt gouttes dans de l'eau sucrée, ces doses étant répétées toutes les dix minutes; ou encore, acétate d'ammoniaque, 5 grammes dans une potion de 100 grammes, à prendre par cuillerées à soupe toutes les heures).

Contre les vomissements trop prolongés, on fera sucer au malade de petits morceaux de glace, ou bien on lui fera boire de l'eau de Seltz, ou une potion antivomitive (eau chloroformée 50 grammes, eau 50 grammes, chlorhydrate de cocaïne 5 à 10 centigrammes; une cuillerée à café toutes les demi-heures jusqu'à cessation des vomissements).

Si le pouls s'affaiblit, il sera utile de le soutenir par des piqûres de caféine ou de sulfate de spartéine.

S'il ne s'agit que d'un empoisonnement muscarinien, le traitement se réduit à sa plus simple expression (purgatifs, calmants). Mais si l'on a affaire à la phalline, tous les soins énumérés ci-dessus n'auront chance d'être couronnés de succès que s'ils sont appliqués avec persévérance et discernement, chez un malade traité dès le début des accidents et n'ayant pas ingéré une dose par trop considérable du terrible poison.

Résumé du traitement.– Purgatifs, lavements diurétiques; lavage du sang en cas d'empoisonnement phalloïdien.

Traiter les symptômes (coliques, délire, abattement); surveiller attentivement le fonctionnement du cœur.

Fernand Guéguen,
Docteur ès sciences,
Professeur agrégé à l'École supérieure
de Pharmacie de Paris.

CHAPITRE VII
Des champignons au point de vue alimentaire. Vente des champignons

La principale utilité des champignons consiste dans leur emploi comme aliment. De tout temps l'homme a récolté les champignons pour les manger. Ainsi l'histoire nous apprend que les Athéniens étaient très friands de champignons; les Romains qui étaient de gros mangeurs appréciaient également ces cryptogames. Si nous en croyons les écrivains latins, ils en étaient arrivés à payer au poids de l'or et à préparer eux-mêmes les champignons qu'ils devaient consommer. L'Oronge vraie surtout avait une réputation exceptionnelle; c'était le mets des dieux, Deorum cibus. A notre époque, s'il n'y a plus ce désir de payer des prix fous pour les champignons, cela tient surtout à ce que la consommation s'en est généralisée; au lieu de s'attacher à quelques espèces qui pouvaient en cas de rareté acquérir un prix élevé, on consomme plus d'espèces que par le passé. De plus, on cultive en grande quantité le Champignon de couche, ce qui permet à tout le monde de se procurer, à des prix modérés, un aliment sain et agréable.

En raison de cette disposition de l'homme à consommer les champignons, on a été amené à se demander si ceux-ci avaient une valeur alimentaire: à ce sujet, les opinions sont très partagées. Pour certains, les champignons ont une grande valeur nutritive; pour d'autres, au contraire, c'est un assaisonnement, un condiment, et rien de plus, sans valeur nutritive. Ceux qui prétendent que les champignons sont très nourrissants, invoquent à l'appui de leur opinion que, dans certaines régions, les champignons forment la base de la nourriture des ouvriers de la campagne. Les Russes, les Polonais, les Allemands feraient à l'automne de grandes provisions de champignons qui leur tiendraient lieu de viande pendant l'hiver.

On cite un montagnard de la Thuringe, qui serait mort à cent ans, après s'être nourri pendant près de trente ans exclusivement de champignons.

Letellier, mycologue et chimiste éminent, s'est nourri pendant quelque temps seulement avec des champignons; il en mangeait 300 grammes par jour.

Persoon, dans son Traité sur les champignons, cite l'exemple d'un professeur de Botanique de Leipzig, qui dans un voyage botanique aux environs de Nuremberg, vécut pendant plusieurs semaines, à l'exemple des paysans de la région, de pain noir assaisonné d'anis ou de carvi, et de champignons crus. Loin d'en éprouver une influence nuisible à ma santé, dit-il, je sentis au contraire mes forces accrues pour mes courses.

Plus récemment, un chimiste russe, le professeur Socoloff, dans une analyse de champignons comestibles, faite en 1873, dit que l'emploi des champignons est très répandu dans son pays, au point qu'ils constituent l'un des principaux et des plus constants éléments de la nourriture désignée sous le nom de maigre, d'autant plus que les carêmes à leur tour y occupent une partie assez considérable de l'année. Ses analyses ont porté sur des champignons à l'état sec, salé et mariné; la saumure et le marinage diminuent la faculté nutritive des champignons lesquels, sous ce rapport, occupent – toujours d'après Socoloff – une place intermédiaire entre les substances alimentaires végétales et animales.

D'aucuns prétendent que les champignons crus sont préférables aux champignons cuits; ils auraient une saveur plus agréable et seraient de digestion plus facile; d'autres prétendent qu'il faut leur faire subir une cuisson prolongée. Nous pensons qu'il ne faut pas être trop affirmatif: que certains champignons crus soient agréables, nous n'en disconvenons pas, mais nous pensons qu'à moins de s'y habituer, il vaut encore mieux les faire cuire.

 

Tous les champignons ne demandent pas le même degré de cuisson; il y a, pour chacun, un juste milieu à saisir qu'on ne peut indiquer avec précision. Notre expérience nous a permis de remarquer que les champignons trop cuits perdent de leur parfum et deviennent plutôt coriaces.

Quoi qu'il en soit, la consommation des champignons dans certains pays est considérable, et si dans les campagnes on les consomme en vue de leur qualité nutritive, il n'en est pas de même dans les grandes villes où l'on recherche surtout leurs qualités gustatives.

On a reproché aux champignons d'être indigestes; cela peut être vrai dans certains cas, mais ne peut-on pas faire le même reproche à certains aliments, tels que les choux, les haricots, etc.!

Lorsqu'on mange en quantité raisonnable des champignons récoltés en bon état, et bien préparés, il est rare qu'on en éprouve des désagréments, à moins cependant que le sujet soit réfractaire à cet aliment. Ne voyons-nous pas journellement des personnes qui ne peuvent supporter certaines nourritures: à celles-là nous conseillerons de s'abstenir.

La consommation des champignons comporte un danger, celui de s'empoisonner. En effet, si beaucoup de champignons sont inoffensifs, il y en a un certain nombre que l'on ne peut manger impunément.

On a cherché les moyens de distinguer un bon d'un mauvais champignon: malheureusement les caractères sur lesquels on s'appuie pour faire cette prétendue distinction n'ont aucune valeur.

Il n'est pas vrai que les champignons attaqués par les limaces ou mangés par d'autres animaux soient sans danger; il n'est pas vrai qu'une espèce verte ou violette soit à rejeter, parce que cette coloration est moins fréquente. Un autre préjugé surtout, enraciné dans les campagnes, est que pour reconnaître si un champignon est comestible, il suffit de mettre une pièce d'argent dans le vase où on le fait cuire: si la pièce noircit, le champignon est vénéneux, si au contraire elle ne change pas de couleur, il est inoffensif. Cette croyance, qui a causé de nombreux accidents, ne repose sur rien de sérieux, car le noircissement de la pièce d'argent est dû à du soufre qui peut, à certain moment, se trouver dans les champignons qu'ils soient bons ou mauvais (Voir chapitre VI). Nous pourrions citer d'autres caractères soi-disant propres à faire cette distinction, mais ils n'ont pas davantage de valeur. En résumé, on ne saurait trop le répéter, il n'existe aucun caractère général permettant à première vue de distinguer un bon champignon d'un mauvais: le seul et l'unique moyen est d'apprendre à les connaître.

On a bien, il est vrai, indiqué des procédés pour rendre inoffensifs les champignons les plus vénéneux, comme par exemple de les faire bouillir dans de l'eau, et de rejeter cette eau avant de les apprêter, ou encore de les faire macérer pendant un certain temps dans de l'eau salée: mais, ainsi traités, les champignons perdent toutes les qualités qui les font rechercher et n'offrent plus qu'un aliment insipide.

Frédéric Gérard, auteur d'une Flore médicale, a fait à ce sujet des expériences qui offrent un grand intérêt et qu'il n'est pas inutile de rapporter.

«En 1850, dit-il, je récoltai plusieurs Amanites bulbeuses (voir planche 2), je les fis macérer dans plusieurs liquides, les uns dans de l'eau pure, d'autres dans de l'eau vinaigrée, d'autres dans de l'eau salée. Je prolongeai la macération pendant douze heures, je les lavai à grande eau et je les apprêtai. J'en mangeai environ 40 ou 50 grammes de chaque et je ne fus pas incommodé. N'ayant éprouvé aucun malaise, je doublai la dose, toujours avec le même résultat. Je dois dire qu'après cette préparation, ces champignons dont l'odeur est d'abord fade et repoussante, prennent l'odeur et le goût des champignons comestibles. Je diminuai alors progressivement la durée de macération et dès que le champignon avait perdu son odeur nauséeuse, je le regardai comme inoffensif.

«L'automne arriva et deux empoisonnements successifs vinrent jeter l'effroi dans Paris. Je résolus dès lors de répéter mes expériences sur toutes les espèces vénéneuses indistinctement. Dans l'espace d'un mois il entra chez moi plus de 150 livres de champignons vénéneux de toute espèce. Pendant huit jours je m'astreignis à manger deux fois par jour, malgré la répugnance que me causait cette uniformité de nourriture, de 250 à 300 grammes de champignons cuits. N'en ayant ressenti aucune incommodité, je ne m'en tins pas là, et j'admis tous les membres de ma famille, qui est de douze personnes, à partager mes expériences. Je ne procédais qu'avec lenteur, et après avoir essayé sur un, j'en prenais un deuxième. Je continuai jusqu'à ce que je fusse convaincu que, malgré la différence des âges et des tempéraments, personne n'était incommodé. L'épreuve était décisive; il ne s'agissait plus de quelques grammes de champignons, ou d'essais sur des animaux: une famille de douze personnes en avait mangé jusqu'à ce que la satiété eût amené la répugnance.»

Les expériences de Gérard présentent évidemment un grand intérêt, puisqu'elles ont été faites avec toute la précision scientifique désirable, et qu'elles expliquent comment, dans certaines régions, les habitants peuvent consommer indifféremment les espèces les plus dangereuses. Mais nous croyons qu'une telle pratique n'est pas à recommander, puisqu'elle pourrait, par suite de négligence, provoquer des accidents redoutables, et que de plus elle dénature complètement un aliment dont l'une des propriétés consiste surtout dans la saveur.

Nous sommes heureux de donner à nos lecteurs la primeur d'un article sur la Valeur alimentaire des Champignons, écrit par M. le Dr Guéguen, professeur agrégé à l'École supérieure de Pharmacie de Paris.

La plupart des opinions favorables ou contraires à l'emploi alimentaire des Champignons sont basées sur les résultats d'analyses anciennes, dont certaines remontent à Braconnot (1811) ou à Vauquelin (1813); ces analyses indiquent bien la nature des substances que l'on savait isoler et caractériser à cette époque, mais n'en précisent pas les proportions. Les travaux importants publiés dans ces dernières années sur la chimie des Champignons vont nous permettre de raisonner sur des données plus exactes.

Nous examinerons la composition des Champignons considérée uniquement au point de vue alimentaire, c'est-à-dire sans nous occuper des principes dépourvus de qualités nutritives, ou qui s'y trouvent en trop minime proportion pour influer sur leurs propriétés alibiles. Comparant nos moyennes à celles que donnent les analyses de viande et de pain, nous pourrons conclure en toute connaissance de cause. Nous rappellerons tout d'abord que, comme tous les êtres vivants, les Champignons renferment de l'eau, des sels, des matières ternaires (composées de trois éléments, carbone, hydrogène et oxygène) et des albuminoïdes (contenant, en plus, de l'azote, du soufre, etc.).

Teneur en eau.– La matière peu résistante qui forme les Champignons charnus est formée de cellules à parois minces, gorgées de sucs, et lâchement unies entre elles; par le fait même de cette structure spongieuse, les tissus fungiques contiennent de l'eau interposée, dont la quantité doit varier non seulement suivant la nature du Champignon, mais encore selon l'état de sécheresse ou d'humidité de l'atmosphère et du terrain. Il est donc à prévoir que les Champignons contiennent une forte proportion d'eau. Voici les quantités dosées par Von Lœsecke et par Margewicz (1885 et 1887) dans un kilogramme de quelques Champignons frais:


La proportion est un peu plus grande dans le pied que dans le chapeau; les exemples suivants le montrent:



Cette légère différence peut d'ailleurs varier, dans une même espèce et dans un même individu, suivant l'âge, le terrain, le temps humide ou sec, etc. Les Champignons contenant en moyenne neuf dixièmes d'eau, il n'est pas étonnant de les voir se réduire beaucoup par la cuisson; cette perte de poids est toutefois beaucoup moindre que celle qu'ils subissent pendant la dessiccation à l'étuve qui a permis d'obtenir les chiffres ci-dessus.

Teneur en matières minérales.– La proportion des matières minérales est indiquée par celle des cendres que fournissent les Champignons. Voici quelques chiffres rapportés également à un kilogramme de substance fraîche:



D'où une moyenne de 8 grammes de cendres, formées surtout de potasse (près de la moitié) et d'acide phosphorique (de 15 à 40 %); on y retrouve aussi les composants ordinaires des cendres végétales et animales (soude, chaux, magnésie, acide sulfurique, silice, chlore).

Teneur en matières ternaires.– Ces matières, composées de carbone, d'hydrogène et d'oxygène, existent à la fois a) dans les membranes, qui en paraissent presque exclusivement formées, b) dans le contenu des cellules, qui renferme en dissolution un certain nombre d'entre elles (sucres, mannite, etc.).

2On donne en mycologie le nom de substratum à la couche de matières organiques plus ou moins décomposées sur laquelle se développe le champignon.