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Le crime et la débauche à Paris

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II
DU DIVORCE DANS L'ANTIQUITÉ

Il faut, pour se prononcer, sur la question qui nous occupe, jeter un coup d'œil sur le droit ancien et les législations étrangères, que les études, si consciencieusement77 rappelées dans sa thèse de doctorat, par M. E. Combier, à qui nous empruntons ce qui va suivre, permettent d'examiner, avec certitude. Les différences des mœurs, des coutumes, des habitudes, des époques apparaissent, à chaque pas, sans qu'il soit besoin d'y insister, et démontrent l'abaissement, l'esclavage muet et humilié, sous lequel la femme fut et est encore maintenue.

En Chine, la femme dépend de son père avant le mariage, de son mari pendant le mariage et de son fils, lorsqu'elle est veuve. (Confucius. Davis. The Chinese.) La polygamie n'est pas permise, mais le concubinage est autorisé, le divorce peut être demandé pour adultère, stérilité de la femme, conduite licencieuse, que des grilles solides rendent difficile.

Les Japonais, dont la législation semble perfectionnée déjà, bien qu'ils aient cru devoir la soumettre à deux78 professeurs de la Faculté de Droit de Paris, ont, sur leurs femmes, un pouvoir absolu, ils peuvent même les vendre, en cas de pressant besoin, les renvoyer, en cas de stérilité, ou de babil, comme un perroquet, les tuer, en même temps, que le complice d'adultère, mais non séparément, sous peine d'être poursuivis comme meurtriers. Là, les mœurs exigent tout de la femme, rien du mari – ce dernier est le chef, le maître, à qui sa femme est liée, par une chaîne, que la mort79 peut, à peine, rompre, dit M. Bousquet. – Le divorce est rarement prononcé au Japon s'il y a des enfants; si le divorce est cependant obtenu, les enfants restent à la garde du père.

Dans l'Inde, le mariage n'était dissous que pour cause de stérilité, après huit années sans enfants, ou si, au bout de douze ans, la femme n'avait donné naissance qu'à des filles. (Lois de Manou.) L'adultère donnait lieu au divorce, et, dans ce cas, la femme était punie par la perte de sa dot.

En Perse, la femme peut être répudiée, deux fois de suite, elle peut aussi obtenir le divorce, pour cause de misère, d'actes immoraux ou d'impuissance du mari.

Dans la Grèce, le divorce était fréquent, mais entouré pour les femmes, de grandes difficultés, elles pouvaient, nous apprend Hérodote, être répudiées pour cause de stérilité, et flétries pour adultère.

Pour les Juifs, le divorce fut autorisé par la loi de Moïse, «afin, dit saint Jérôme, de permettre, comme remède à des misères ou chagrins domestiques, de prendre de nouvelles épouses plus jeunes, plus belles, plus riches.» (Saint Jean Chrysostome, 12e homélie.)

La conséquence de l'adultère de la femme Juive n'était pas le divorce, mais la mort. L'adultère du mari n'était puni que lorsqu'il était trouvé, en flagrant délit, avec une femme mariée. (L. de Modène. Cérémonies et coutumes des Juifs. Lettres patentes de juin 1776.)

A Rome, d'après Plutarque (Vie de Romulus), les maris pouvaient répudier leurs femmes, coupables de supposition de part, voleuses avec fausses clefs, ayant préparé du poison, commis un adultère ou s'étant mises en état d'ivresse. (Aulu-Gelle, Nuits Attiques, liv. X, chap. XXIII.)

Dans une de ses comédies (Mercator), Plaute fait dire à Syra: «Utinàm lex esset eadem quàm uxori est viro.» Toujours ce même désir d'égalité de la femme, devant la loi, afin qu'elle puisse répudier aussi son mari, qui pouvait la renvoyer, pour cause de stérilité, comme le fit le premier Spurius Carvilius Ruga, qui avait imprudemment juré aux censeurs de donner bientôt, par son mariage, des enfants à la patrie. On s'indigna d'abord de ce divorce et de son motif, incertain peut-être, mais d'autres bien nombreux suivirent bientôt et sans cause, ou pour des puérilités: une femme, qui sort tête nue, une autre, en compagnie d'une affranchie, mal famée. Paul-Émile renvoie la vertueuse Papyria, mère de Scipion l'Africain, parce que ses souliers neufs le gênent. (Valère Maxime. Plutarque.) Sylla répudie sa femme Cæcilia, Pompée épouse la fille de Sylla, mariée et enceinte. César répudie Pompeia, sur un simple soupçon d'adultère, en disant aux Tribuns cette phrase superbe, tant de fois répétée depuis, pour dispenser de preuves: «La femme de César ne doit même pas être soupçonnée!» Caton d'Utique lui-même céda sa femme Marcia, alors enceinte, à son ami Hortensius, signa au contrat et reprit l'abandonnée, avec plaisir, quand le défunt lui rendit sa place. (Plutarque, Vie de Caton.)

La dot, on le comprend bien, avait plus de part que le cœur en ces amours éphémères, elle reste au mari, répudiant sa femme, pour mauvaises mœurs. On épousait des courtisanes, bien achalandées, puis on les renvoyait après, mais sans leur fortune faite; ainsi agit Titennius pour épouser Farmia et aussi Cicéron, le prince des orateurs, qui répudia Terentia, pour s'unir à une jeune fille, dont la grosse dot paya ses dettes.

Les vices du monde, conquis par elle, désolent Rome victorieuse; les matrones imitent les courtisanes d'Athènes. L'accès du divorce, rendu facile à tous et à toutes, conduit les femmes à l'adultère80, elles affichent les mêmes licences que les hommes, partagent leurs orgies, défient les plus intrépides, la coupe à la main, les surpassent même, par les raffinements de leur luxure, sauf à payer, par des infirmités précoces et étrangères à leur sexe, la peine de ces vices, qu'elles n'auraient jamais dû connaître.

La débauche, à Athènes, était modérée, discrète, contenue, élégante; une fois répandue, dans Rome, elle n'y rencontra plus de digue. Les Romains, violents et grossiers, s'y plongèrent sans mesure, sans frein, et comme les femmes jouissaient, chez eux, d'une liberté illimitée, la luxure pénétra au sein des familles et souilla jusqu'à la sainteté antique du foyer81. La corruption des mœurs détruisit la censure, instituée pour supprimer les Saturnales et leurs infâmes initiés (186 avant J. – C.). Caton affichait, devant ses enfants, ses relations avec une jeune et belle esclave. Les femmes ne comptaient plus les années par le nombre des consuls, mais par celui de leurs amants. Elles avaient un mari seulement pour provoquer à l'adultère, elles se mariaient, dit Sénèque, pour divorcer, et divorçaient pour avoir le plaisir de se remarier encore. Pour échapper momentanément aux lois caducaires on vit les célibataires, en apparence les plus endurcis, contracter des unions irréfléchies82.

Aux causes de divorce, indiquées par Plutarque, il faut ajouter: la captivité chez l'ennemi pendant cinq ans, l'impuissance du mari, l'adultère, la folie incurable. (Ulpien. Digest. De divortiis.)

On ne peut méconnaître que l'Empire Romain s'écroula sous le poids de ses immenses conquêtes, mais à cette cause de dissolution il faut ajouter la dépravation profonde, qui rongea les corps et les âmes, les passions égoïstes, remplaçant au foyer conjugal l'austérité des mœurs antiques. «L'exemple des Romains, dit Gibbon, démontre bien que le divorce ne contribue pas au bonheur et à la vertu des peuples.»

Nous allons voir maintenant quel rôle il joue, chez les nations modernes, et si la France doit, sans péril, l'adopter à l'heure présente.

III
LE DIVORCE CHEZ LES NATIONS ÉTRANGÈRES83

En Angleterre, où les formalités du mariage sont rendues très faciles, puisqu'il n'est pas nécessaire de recourir à l'autorité spirituelle, il suffit aux futurs de remettre au greffier civil (registrar) les papiers, les certificats de publication en présence de deux témoins, portes ouvertes, entre huit heures et midi.

 

Le divorce était prononcé par les cours ecclésiastiques, pour incapacité proclamée par les lois canoniques; et, dans certains cas, comme pour adultère de la femme, par acte privé du Parlement. L'acte de la Reine Victoria (28 août 1857) transporta le jugement de ces questions à la Court for divorce, and matrimonial causes. Cette juridiction peut prononcer le divorce pour adultère, sévices, abandon sans cause, pendant deux années au moins (La Play, Constitution de l'Angleterre).

Le mariage est aujourd'hui encore, en Angleterre, entouré de tant de respect que le divorce y est, dans toutes les classes, une très rare exception. L'acte de 1857 n'est pas applicable, dans les îles Normandes, non plus qu'en Écosse ou en Irlande.

Aux États-Unis, où le droit commun de l'Angleterre règne encore généralement, chaque État observe pourtant une législation, qui lui est propre. Le mariage est établi par la déclaration libre des parties, devant le magistrat, ou seulement même devant témoins. Les hommes sont nubiles à quatorze ans, les filles à douze, sans avoir alors besoin du consentement des parents. Le divorce a lieu pour cause d'adultère, dont la preuve peut être repoussée, si l'autre conjoint a commis la même faute. La tendance actuelle, en Amérique, est de faciliter le divorce pour les femmes, émancipées complètement de la puissance maritale par l'acte de 1875, dans le Massachusetts. Dans certains États, la séparation de corps est admise, comme une épreuve temporaire, devant aboutir à la réconciliation ou au divorce.

Chez les anciens Germains, le mariage, nous apprend Tacite, était une alliance indivisible et sacrée, à côté d'elle, on admettait et on admet encore l'union morganatique, privée de certains effets du mariage légitime. (Miroir de Souabe. Lehr. Droit germanique.) Le 9 mars 1874, fut promulguée la loi qui établit le mariage civil dans toute la Prusse; le mariage civil y doit précéder le mariage religieux, sous peine d'amende; cette loi fut étendue à toute l'Allemagne par la loi du 6 février 1875. Les cas de divorce admis sont très nombreux. (Le Landrecht prussien, promulgué le 1er juin 1794, contient 119 articles, relatifs au mariage); en première ligne l'adultère, les actes immoraux, les relations suspectes, continuées malgré l'injonction du juge, l'abandon volontaire, le refus obstiné du devoir conjugal, les infirmités génitales, la démence incurable, les condamnations infamantes, les injures graves, l'ivrognerie et la débauche habituelle, l'exercice d'un métier honteux, la misère, le changement de religion. Quand il n'y a pas d'enfants, le divorce peut s'opérer par consentement mutuel. A Brunswick, l'expulsion du pays est une cause de divorce.

En Hollande, où notre Code fut suivi jusqu'en 1830, la législation de 1838 a admis à la fin le divorce et la séparation de corps, permise même par consentement mutuel.

La Suisse, diverse comme ses paysages, est régie par des lois, par des coutumes, réunies en fédération, où le divorce est admis par la constitution du 29 mai 1874, pour adultère, dans les six mois, pour attentat à la vie du conjoint, pour condamnation infamante, pour abandon malicieux du foyer, pendant deux ans, pour folie incurable.

En Autriche, le divorce est aussi admis; de même en Suède, en Russie, en Norwège, les causes y sont: l'adultère, les maladies chroniques, les condamnations infamantes.

L'islamisme existe encore en Afrique, en Asie et ses disciples se demandent si la femme a une âme, lui permettant d'entrer, un jour, dans le Paradis des hommes.

Mahomet dit aux croyants: «Les femmes sont votre champ, ensemencez-le, à votre gré, vous êtes supérieur à elles.» Le Prophète limite à quatre le nombre des femmes (tout en faisant une meilleure exception pour lui-même), le nombre des concubines est illimité. D'après Lane (modern Égyptian) les hommes changent de femme, une fois par mois. Le divorce existe pour adultère, impuissance, folie. (Surah.)

Le Mexique, l'Italie, l'Espagne, le Portugal n'ont admis jusqu'ici que la séparation de corps.

La Belgique a conservé le titre VI du Code Napoléon, dont les dispositions ont cessé d'être en vigueur, en France, depuis la loi de 1816. Le divorce est donc usité chez nos voisins, qui en usent largement, concurremment avec la séparation de corps. Il en est de même aujourd'hui, dans l'Alsace-Lorraine, où le divorce a été rétabli par la loi de 27 novembre 1873.

Les Arabes de l'Algérie sont régis par le sénatus-consulte de 1865.

IV
DU DIVORCE DANS LES GAULES (PÉRIODE BARBARE)

César, en parlant des Gaulois, ne cite pas d'autre cause de dissolution du mariage que le décès de l'un des conjoints. Faut-il en conclure que le divorce n'était pas admis chez eux? César nous apprend, de la façon la plus claire, que les pouvoirs les plus absolus étaient concentrés dans les mains du mari, qui avait droit de vie et de mort sur sa femme, comme sur ses enfants: «Viri in uxores, sicuti in liberos, vitæ necisque habent potestatem84.» A l'époque de la conquête, le chef de famille Gaulois avait le droit de répudier sa femme, comme il avait le droit de la faire périr, dans les supplices, lorsqu'elle encourait quelque soupçon grave: «Si compertum est, igne atque omnibus tormentis excruciatas interficiunt.» Néanmoins les Gaulois avaient des mœurs très pures et le divorce, s'ils le pratiquaient, ne dégénéra jamais en abus.

La famille antique, unie par des liens étroits, se groupait autour de son chef, abdiquant devant lui toute indépendance, et se soumettait fidèlement à une autorité, sans limites, sentant le besoin de se protéger par la force et l'union, contre les dangers du dehors. C'est ainsi que la force apparaît primitivement comme la forme de tout droit; le besoin de protection donne un pouvoir absolu au chef de famille, et c'est un caractère des mœurs patriarcales de voir une pareille toute-puissance, exercée sans injustices et sans abus, par les hommes, qui en sont revêtus.

Si nous examinons maintenant l'état de la famille chez les peuples germaniques, qui allaient envahir la Gaule, nous voyons les Germains adopter le principe de l'indissolubilité du mariage. Le mariage avait eu tout d'abord, pour caractère la forme d'un achat et d'une vente85, mais ces formes ne furent plus bientôt qu'un symbole et l'union légitime fut entourée de respect et d'hommage.

«Ils se contentent d'une seule femme, dit Tacite, à l'exception de quelques grands, qui en prennent plusieurs, non par dérèglement, mais pour ajouter à leur noblesse par ces alliances86.» La femme était intimement associée à la vie et à la fortune de son mari. On l'avertissait solennellement lors du mariage: «Venire se laborum periculorumque sociam, idem in pace, idem in prælio, passuram, ausuramque, sic vivendam, sic pereundam87.» Le divorce était à peine connu et l'adultère excessivement rare; on le punissait de peines rigoureuses, le plus ordinairement la femme était brûlée vive avec son complice88.

Lorsque les tribus germaines envahirent la Gaule, leurs mœurs pures et austères se perdirent vite au contact de la civilisation raffinée des cités latines. Les lois romaines séduisirent les tribus barbares, qui ne tardèrent pas à s'assimiler les coutumes et les dépravations du vaincu89. Le droit patriarcal et rigide de la vieille Germanie fit place à une législation à la fois brutale et efféminée, à demi-civilisée et déjà corrompue. A peine établies sur le territoire de l'Empire, la pratique du divorce devint d'un usage général, parmi les peuplades conquérantes, de même que le Code Théodosien, résistant au torrent des coutumes barbares, finit par avoir force de loi parmi les Germains eux-mêmes.

Nous le voyons admis chez les Burgondes pour trois causes déterminées: l'adultère, la violation de sépulture et la magie. Cet état du droit fut modifié par la loi Gombette en 517, énumérant certaines causes, pour lesquelles le mari pouvait répudier sa femme; celle-ci ne pouvait plus divorcer90. Si le mari renvoyait sa femme injustement, il devait payer à sa femme douze sous d'or d'indemnité et le double du pretium nuptiale, c'est-à-dire les différents présents que le fiancé faisait aux parents de la fiancée, en échange du mundium. Il lui laissait aussi la maison conjugale et ce qu'elle contenait.

Les Lombards n'admettaient pour cause de divorce que l'adultère. Les Goths étaient régis sur ce point par un édit de Théodoric, qui leur appliquait la constitution de Constantin; les causes de divorce étaient pour le mari, la magie et la violation des sépulcres, pour la femme, l'adultère, la magie et l'inconduite91.

Les Visigoths admettaient aussi le divorce. En vertu des lois d'Euric Ier, la femme pouvait être répudiée pour adultère: si l'accusation était reconnue fausse, le conjoint perdait le droit de se remarier, la femme perdait sa dot et le mari était forcé de la restituer.

Certaines lois n'autorisaient le mari à répudier sa femme que s'il lui payait une indemnité. Nous voyons dans les lois galloises92, que le mari devait rendre la dot à sa femme, s'il la renvoyait avant qu'il se fût écoulé sept jours; après sept jours, depuis le mariage, il devait lui abandonner la moitié de ses biens. De même, la loi des Alemans forçait le mari, qui divorçait, à payer à sa femme quarante sous d'or; il devait jurer de plus qu'il ne la répudiait pas pour ses défauts, mais pour épouser une autre femme qu'il aimait. S'il divorçait sans motif, il était puni de peines pécuniaires et perdait le mundium. Quant à la femme, elle n'avait pas le droit de répudier son mari. Toutefois la loi des Alemans lui accordait cette faculté dans un certain nombre de cas93. – Les lois galloises limitaient ce droit à trois cas; «si leprosus sit vir, si habeat fetidum anhelatum et si cum eâ concubere non possit94.» Après le divorce, les époux pouvaient se reprendre tant qu'ils n'étaient pas remariés95.

 

Quant aux Francs, à peine entrés en Gaule, ils pratiquèrent le divorce qui fut bientôt facilité, n'étant soumis à aucune condition et à aucune forme. Nous ne trouvons rien sur ce point dans la loi salique ni dans la loi ripuaire, mais les formules de Marculfe prouvent l'existence du divorce par consentement mutuel. Nous en avons une ainsi conçue: «Idcircò dum et inter illo et conjuge sua… discordia regnat… placuit utriusque voluntas ut se à consortio separare deberent96

Le divorce était même si bien passé dans les mœurs qu'au moment où l'Église commença à régner en Gaule, après la conversion de Clovis, elle n'osa pas heurter trop violemment les coutumes gallo-franques, en proclamant nettement le principe de l'indissolubilité du mariage. Pourtant l'Église toute-puissante sur le gouvernement et sur les consciences du peuple, associée intimement à l'existence nationale, participait à sa grandeur et à ses progrès, se servant de la Gaule comme de son plus ferme soutien et de son épée dans le monde, au point qu'on put dire sans trop de présomption gesta Dei per Francos. C'était bien dans cette nation naissante, qu'elle devait songer à appliquer et faire triompher un des préceptes les plus purs de sa morale, le respect du pacte conjugal et l'indissolubilité des liens de famille. Mais ce n'était pas en changeant tout d'un coup les habitudes de peuples à demi barbares, qui avaient accepté le christianisme plutôt qu'ils n'y avaient couru, ce n'était pas en imposant violemment sa morale rigide à ces tribus à peine chrétiennes que l'Église pouvait faire triompher sa doctrine. Elle comprit, que ces préceptes, devaient pénétrer peu à peu dans les masses, et c'est un curieux spectacle que de suivre la marche et les progrès de la nouvelle foi, au milieu des difficiles écueils de son établissement, chez les barbares.

Ce furent d'abord les docteurs seuls qui proclamèrent le principe de l'indissolubilité du mariage. Les Évangélistes furent les premiers à le professer: saint Paul commentant la parole de Jésus-Christ «ils ne sont plus deux, mais une seule chair,» ajoutait «que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a uni97.» Puis les autres pères de l'Église, saint Jérôme, saint Jean Chrysostome, saint Augustin soutinrent énergiquement les mêmes idées.

L'Église n'avait pas encore imposé sa doctrine; les divorces restaient aussi fréquents parmi les chrétiens et les rois en donnaient eux-mêmes l'exemple. On peut citer en effet, les divorces de Théodebert, en 535; de Chilpéric, en 564; de Gontran, en 565; de Caribert, en 565; de Dagobert Ier, en 629; de Pépin, en 768; enfin ceux de Charlemagne, qui répudia successivement Hermengarde, Hildegarde et Frastrade, et qui n'en fut pas moins canonisé. Montesquieu dit, en parlant de ces divorces: «Ces mariages étaient moins un témoignage d'incontinence qu'un attribut de dignité; c'eût été blesser les rois, dans un endroit bien tendre, que de leur faire perdre une telle prérogative98

Cependant l'indissolubilité du mariage fut reconnue et proclamée par Pépin le Bref, en 744. Nous trouvons la preuve de ce fait dans la collection de Capitulaires de Baluze; désormais le second mariage d'un conjoint est interdit du vivant de l'autre: «quia maritus mulierem suam non debet dimittere, exceptâ causâ fornicationis deprehensa99.» Et dans ce seul cas où le divorce était permis, Pépin exigeait l'autorisation des évêques. C'était reconnaître la prépondérance ecclésiastique, en matière de mariage, et consacrer l'ingérence du droit canonique dans les questions de séparations. Aussi l'influence épiscopale devint-elle plus grande, de jour en jour, et désormais c'est la période canonique que nous avons à envisager.

77Paris, 1880. Durand, éditeur, rue Soufflot.
78M. Bousquet. Le droit au Japon. (Revue des Deux-Mondes, juillet 1875.)
79C'est la vieille chanson de nos campagnes, en Bretagne: Enfin, vous voilà donc ma belle mariée,Enfin, vous voilà donc à votre époux liée,Avec un long fil d'or,Qui ne rompt qu'à la mort!
80Troplong, Influence du Christianisme.
81Gide. La condition privée de la femme Romaine.
82Voir les Lois Julia et Papia Poppæa.
83Statut présenté, en 1753, par le lord chancelier Hardwicke pour prévenir les mariages clandestins. – Voir: Lord Campbells. Lives of the Chancellors.– M. le professeur Glasson. Le mariage civil et le divorce en Europe.– M. Em. Combier. Thèse sur le Divorce. (1880.) Les mariages à Grètna-Green. En Afrique, les Juifs sont régis par le décret du 24 octobre 1870.
84Comment. VI, § 19.
85M. Gide. op. cit., p. 233. – Zöpfl, Deutsche Rechtsgeschichte, § 81. – M. Glasson, le Mariage civil et le divorce.
86De moribus germ. XVIII.
87Tacite, ibid.
88La pureté des mœurs du Nord dans l'antiquité a été contestée. Suivant Adam de Brème, les Scandinaves étaient modérés en toutes choses si ce n'est dans le nombre de leurs femmes, et l'on trouve dans Salvien un passage ainsi conçu: Gothorum gens perfida sed pudica est. Alomanorum impudica sed minùs perfida (de gubern. Dei, liv. VII).
89Gallia capta ferum victorem cepit.
90Leg. Burg., 34.
91V. Laboulaye, Laferrière, Pardessus, Zœpfl…
92Leges Walliæ. Dunet, cod. lib., II, tit. 19, v. I.
93Rothar, c. 195, 196, 197.
94Leg. Walliæ, lib. II, tit. 20, c. 10.
95Avant le christianisme, les Irlandais, suivant M. H. Sumner Maine, n'avaient qu'un mariage. «Annal.» V. son Étude sur l'histoire des institutions primitives, traduction de M. Durieu de Legritz. Cet ouvrage est basé sur un recueil célèbre, le Senchus more. M. Henri Martin a soutenu que les Irlandais pratiquaient aussi des unions plus longues et même perpétuelles. Académie des sciences morales et politiques: séance du 4 septembre 1880 au Journal officiel du 9 septembre.
96Form. II, 60.
97Saint Luc, ch. XIX, 5-6.
98Esprit des lois, liv. XVIII, ch. XXIV.
99Baluze, I, p. 159.