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Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, Volume 5

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Page 195, lignes 4 et 5: Le roi enjoignit au ministre de prévenir les désirs de celle qu'il lui était si pénible d'affliger.

La lettre que Louis XIV écrit à Colbert, de son camp près de Dôle, le 9 juin 1674, est curieuse, parce qu'elle nous fait voir ce roi, honteux des exigences de madame de Montespan dans l'état de pénurie où l'on se trouvait, dissimulant avec son ministre. Nous transcrirons ici une partie de cette lettre, qui est tout entière de la main de Louis XIV. Nous conservons l'orthographe: «Madame de Montespan ne veut pas absoluement que je lui donne des pierreries; mais afin quelle n'en manque pas, je désire que vous faciés travailler à une petite cassette bien propre, pour mettre dedans ce que je vous diray ci-après, afin que j'ai de quoy lui prester à point nommé ce qu'elle desirera. Cela parois extraordinaire; mais elle ne veut point entendre raison sur les présens.» Vient ensuite l'énumération d'une parure de femme en perles et en diamants, tellement longue et minutieuse que Louis XIV a dû la copier d'après celle que lui avait transmise madame de Montespan. Il termine par ces mots: «Il faudra faire quelque depense à cela, mais elle me sera fort agréable; et je désire qu'on la fasse sans ce (sic) presser. Mandés moy les mesures que vous prendrez pour cela, et dans quel temps vous pouvez avoir tout.»

Louis XIV écrit encore à Colbert, du camp de Gembloux, le 28 mai 1675 (Lettres, t. V, p. 533):

«Madame de Montespan m'a mandé que vous avez donné ordre qu'on achète des orangers, et que vous lui demandez toujours ce qu'elle désire. Continuez à faire ce que je vous ai ordonné là-dessus, comme vous avez fait jusqu'à cette heure.»

Du camp de Latines, le roi adresse à Colbert, au sujet de madame de Montespan, une lettre encore plus remarquable, qui répond à celle de Colbert rendant compte de la commission dont il avait été chargé:

«A M. COLBERT.

«Au camp de Latines, le 8 juin 1675.

«La dépense est excessive, et je vois par là que, pour me plaire, rien ne vous est impossible. Madame de Montespan m'a mandé que vous vous acquittiez fort bien de ce que je vous ai ordonné, et que vous lui demandez toujours si elle veut quelque chose. Continuez à le faire toujours. Elle me mande aussi qu'elle a été à Sceaux (Sceaux appartenait à Colbert), où elle a passé agréablement la soirée. Je lui ai conseillé d'aller un jour à Dampierre, et je l'ai assurée que madame de Chevreuse et madame Colbert l'y recevraient de bon cœur. Je suis assuré que vous en ferez de même. Je serai très-aise qu'elle s'amuse à quelque chose; et celles-là sont très-propres à la divertir. Confirmez ce que je désire; continuez à faire ce que je vous ai mandé là-dessus, comme vous avez fait jusqu'à cette heure.»

Cinq jours avant la lettre que l'on vient de lire, Pellisson, qui avait suivi Louis XIV à la guerre, écrivait, de ce même camp de Latines:

«Du 3 juin 1675

«Le roi dit hier au soir au petit coucher, avec plaisir, le grand accueil qui avait été fait à Bourdeaux à M. le duc du Maine, et la joie que le peuple témoigna de le voir, bien différente des mouvements où il était naguère, comme marquant son repentir. C'est madame de Maintenon qui lui a écrit une lettre de huit à dix pages. Elle marque qu'en son absence le petit prince répondit de son chef aux harangues; et qu'au retour l'ayant trouvé fort échauffé de la foule qui avait été auprès de lui, elle lui demanda s'il n'aimerait pas mieux n'être point fils du roi que d'avoir toute cette fatigue: à quoi il répondit que non, et qu'il aimait mieux être fils du roi. Le roi dit encore que les médecins de Bourdeaux, aussi incertains que ceux de Paris, avaient été d'avis qu'il allât à Bourbon plutôt qu'à Baréges; et que le lendemain ils avaient conclu, au contraire, qu'il essayât des eaux de Baréges avant d'aller à Bourbon.» (PELLISSON, Lettres historiques, t. II, p. 278.)

Il est évident, d'après la date de ces deux lettres, que la veuve Scarron ne pouvait alors avoir la moindre idée de balancer dans le cœur de Louis XIV l'amour qu'il avait pour Montespan; qu'elle cherchait seulement à être agréable au monarque et à gagner sa confiance comme gouvernante de ses enfants.—Par une autre lettre datée du camp de Latines le 7 juin 1675, Louis XIV dit au maréchal duc d'Albret que rien ne pouvait lui être plus sensible que ce qu'il lui avait écrit touchant son fils le duc du Maine, ainsi que les soins qu'il prenait pour sa personne.

Page 195, lignes 7 à 10: A l'aide de Mansart et de Le Nôtre…, elle fit de Clagny un magnifique séjour.

Il ne reste plus rien de ce chef-d'œuvre de Le Nôtre et de Jules-Hardouin Mansart. Tout est rasé.—En 1837, le grand Dictionnaire de la poste aux lettres comptait vingt habitants sur la butte de Clagny, laquelle n'est pas même visitée par les voyageurs curieux qui vont voir Versailles. Le château de Clagny n'était pas terminé en septembre 1677, ainsi qu'on le voit par une lettre de Mansart à Colbert, date du 7 de ce mois, publiée par DELORT dans les Voyages aux environs de Paris, 1821, in-8o, t. II, p. 98.

Page 197, lignes 13 à 16: C'était le P. la Chaise… On le disait sévère.

Le P. François de la Chaise succéda au P. Ferrier; on fit alors ce couplet, sur l'air Aimons, tout nous y convie:

 
Chantons, chantons, faisons bonne chère.
Notre monarque vainqueur
A pris pour son confesseur
La Chaise, père sévère.
Il promet que, dans un an,
Il rendra la Montespan
Compagne de la Vallière.
 

(Chansons historiques, manuscrit de Maurepas, Bibl. nation., vol. IV, p. 189.)

Page 201, ligne 23: Ne soit que la même chose avec celui de M. de Condom.

On ne s'explique pas bien comment Bossuet, qui avait été nommé à l'évêché de Condom le 13 septembre 1669, suivant M. de Bausset, mais qui avait donné sa démission en 1671 et avait été remplacé dans cet évêché par Goyon de Matignon le 31 octobre de la même année, est appelé M. de Condom, non-seulement dans une lettre de madame de Sévigné à M. de Grignan sur la mort de Turenne, du 31 juillet 1675, mais encore dans plusieurs autres de Louis XIV, de 1676 et 1677. (LOUIS XIV, Œuvres, t. V, p. 549, 566, 572.)

Dans le Gallia christiana, t. II (1720, in-folio), p. 972, il est dit que Jacob-Bénigne Bossuet fut désigné évêque de Condom le 13 septembre 1668 et inauguré le 21 septembre 1670. Il fut désigné évêque le 13 septembre 1669.—Ni M. de Bausset ni M. de Barante, dans son article de la Biographie universelle n'ont copié cette erreur du Gallia christiana; mais elle a été reproduite par M. Jules Marion dans son estimable travail de l'Annuaire historique pour 1847. Bossuet se démit de l'archevêché de Condom le 31 octobre 1671, et Jacob Goyon de Matignon, de la famille des comtes de Thorigny, fut nommé à sa place (Gall. christ., t. II, p. 974). Cependant Bossuet, jusqu'à sa nomination à l'évêché de Meaux, signait ancien évêque de Condom; et madame de Sévigné, et tout le monde, et Louis XIV lui-même, dans des lettres de 1675 et 1676, l'appelaient monsieur l'évêque de Condom. (Conférez LOUIS XIV, Œuvres, t. V, p. 549, 566, 572, et SÉVIGNÉ, lettre du 31 juillet 1675, sur la mort de Turenne.) C'est une singulière anomalie, qui dérouterait bien des critiques si elle n'était expliquée par la grande célébrité de Bossuet et l'obscurité de son successeur.

Page 203, lignes dernières: Et d'y vivre aussi chrétiennement qu'ailleurs; et note 452: CAYLUS, Souvenirs.

On a dit que madame de Caylus paraît avoir confondu ensemble, dans cet endroit, les souvenirs de deux années, qu'il fallait séparer. Mais on n'a pas remarqué que ces souvenirs seraient bien plus fautifs dans la page précédente (t. LXVI, p. 387) de la collection des Mémoires, édit. 1828, in-8o, ou page 95 de l'édit. Renouard, 1806, in-12, si, au lieu de madame de Montausier, on ne corrigeait pas M. de Montausier. Il y avait trop de temps que madame de Montausier était morte à l'époque dont parle madame de Caylus pour qu'une telle erreur pût lui être attribuée.

Page 205, lignes 9 et 10: Louis XIV avait trente-sept ans.

Néanmoins depuis deux ans le roi portait perruque, comme on le voit par cette lettre de Pellisson, en date du 13 août 1673:

«Le roi a commencé ces jours passés à mettre une perruque entière, au lieu du tour de cheveux. Mais elle est d'une manière toute nouvelle: elle s'accommode avec ses cheveux, qu'il ne veut point couper, et qui s'y joignent fort bien, sans qu'on puisse les distinguer. Le dessus de la tête est si bien fait et si naturel qu'il n'y a personne sans exception qui n'y ait été trompé d'abord, et ceux-là même qui l'avaient suivi tout le jour. Cette perruque n'a aucune tresse; tous les cheveux sont passés dans la coiffe l'un après l'autre. C'est le frère de la Vienne qui a trouvé cette invention et à qui le roi en a donné le privilége. Mais on dit que ces perruques coûteront cinquante pistoles.» (PELLISSON, Lettres historiques, t. I, p. 395.)

Page 207, ligne première: Dans son épître à Seignelay.

On n'a pas encore découvert, que je sache, d'édition séparée de cette belle épître de Boileau, comme Berriat Saint-Prix (t. I, p. CXLV) en a trouvé une de l'épître à Guilleragues; Paris, Billaine, 1674, in-4o de 10 pages.—L'édition des Œuvres diverses du sieur D*** (Despréaux); Paris, Denys Thierry, 1675, in-12, ne contient que cinq épîtres, et celle de Guilleragues est la dernière.

 

Page 207, lignes 5 et 6: A ce brillant spectacle Pomponne conduisit l'abbé Arnauld, son frère, revenu de Rome.

Antoine Arnauld, né en 1616, fils aîné du célèbre Arnauld d'Andilly, accompagna l'un de ses oncles, Henri Arnauld, abbé de Saint-Nicolas, qui fut nommé, en 1645, chargé des affaires de France à Rome. L'oncle et le neveu, à cette date, étaient hommes du monde, peu rigoristes, honnêtes gens, mais non scrupuleux. De retour en France en 1648, ils se trouvèrent insensiblement pris par les opinions et par les mœurs de leurs familles. Ils se retirèrent quelque temps à Port-Royal-des-Champs auprès de M. d'Andilly. L'abbé de Saint-Nicolas devint un janséniste fervent; il fut nommé évêque d'Angers. Son neveu, dégagé d'ambition et sans beaucoup de zèle, le suivit dans son évêché, tout en conservant ses relations de la ville et de la cour. Pendant le ministère de son frère cadet M. de Pomponne, il obtint, en 1674, l'abbaye de Chaumes en Brie. Il ne fut janséniste que parce qu'il était de la famille Arnauld, et resta toujours volontiers homme du monde. Dans ses Mémoires il s'est beaucoup plaint de son père, dont il était le fils aîné et nullement le Benjamin: c'est M. de Pomponne qui était ce Benjamin. Après la disgrâce de ce dernier (1679), l'abbé Arnauld se retira près de l'évêque d'Angers, dont il administra le temporel. Il mourut en février 1698, âgé de quatre-vingt-deux ans. Il a laissé d'assez agréables Mémoires, et son récit s'étend entre les années 1634 et 1675.

CHAPITRE XI

Page 211, ligne 12: Elle en fut le chef.

On créa pour elle alors le surnom de matriarche. Voyez les Nouvelles à la main de la cour du 9 mars 1685, p. XXXVIJ, dans la Correspondance administrative du règne de Louis XIV, recueillie par Depping. Déjà, dès cette époque, l'envie répandait le bruit que madame de Maintenon disposait de tous les emplois; que Louis XIV n'entreprenait rien sans avoir son avis; qu'elle voulait se faire déclarer reine, et que le Dauphin s'y opposait; enfin, tous les cancans de cour que Saint-Simon a consignés trente ans après.

Page 211, lignes 14 et 15: Françoise d'Aubigné fut aimée et recherchée par madame de Sévigné; et la note.

Madame de Maintenon, lorsqu'elle voyait le plus madame de Sévigné, et que celle-ci l'invitait à souper, demeurait rue des Tournelles ainsi que Ninon, par conséquent très-près de la seconde demeure de madame de Sévigné au Marais (rue Saint-Anastase); et quand elle fut arrivée à un grand degré de faveur auprès du roi, qu'elle l'eut ramené à la reine et séparé de madame de Montespan, elle ne discontinua pas entièrement ses relations avec madame de Sévigné. Dans une lettre de cette dernière à sa fille, on trouve ces lignes, remarquables surtout par leur date (29 mars 1680): «Madame de Maintenon, par un hasard, me fit une petite visite d'un quart d'heure. Elle me conta mille choses de madame la Dauphine, et me reparla de vous, de votre santé, de votre esprit, du goût que vous avez l'une pour l'autre, de votre Provence, avec autant d'attention qu'à la rue des Tournelles.»

Page 212, ligne 18: De son ami qui voyage.

Les éditeurs de madame de Sévigné ont cru qu'il s'agissait ici du voyage que madame de Maintenon fit à Anvers avec le duc du Maine. Ils se trompent. Madame Scarron arriva à Anvers au commencement d'avril 1674.

Les Mémoires de Saint-Simon et des dames de Saint-Cyr constatent bien que ce voyage de madame Scarron à Anvers est antérieur à celui fait à Baréges, mais il n'en donnent pas la date. La Beaumelle s'y était trompé dans la première Vie de madame de Maintenon, in-18, Nancy, 1753, p. 200. Mais il a pu, d'après les lettres qu'il avait retrouvées, corriger cette erreur dans ses Mémoires pour servir à l'histoire de Maintenon (t. II, p. 41, liv. IV, et p. 118, liv. V). Cette date paraît bien fixée: cependant mademoiselle de Montpensier dit dans ses Mémoires (t. LXVI, p. 403), en parlant du duc du Maine: «Avant qu'il fût reconnu, madame de Maintenon l'avait mené en Hollande.» Il fut légitimé en décembre 1673; mais l'arrêt n'était peut-être pas enregistré en mars ou en avril 1674, époque du départ de madame Scarron.

Page 212, ligne 28: Son caractère ne se démentit jamais.

Dans ses entretiens avec mademoiselle d'Aumale et les élèves de Saint-Cyr, madame de Maintenon dit:

«Il ne faut rien laisser voir à nos meilleurs amis dont ils puissent se prévaloir quand ils ne le seront plus. Il est bien fâcheux d'avoir à rougir dans un temps de ce que l'on aura fait ou dit par imprudence dans un autre..... Je le disais il y a bien des années à madame de Barillon: Rien n'est plus habile qu'une conduite irréprochable.» (Entretiens de mad. DE MAINTENON, la Beaumelle, t. III, p. 153.)

«Je me regarde, disait-elle encore, comme un instrument dont Dieu daigne se servir pour faire quelque bien, pour unir nos princes, pour soutenir et soulager les malheureux, pour délasser le roi des soins du gouvernement. Dieu saura bien briser cet instrument quand il le jugera inutile; et je n'y aurai pas de regret.»

Et toute sa conduite, avant comme après son élévation, avant comme après la mort du roi, fut d'accord avec ses paroles, et prouve qu'elles étaient sincères.

Page 213, ligne 5: Quelques pastiches maladroits des lettres de Coulanges et de Sévigné.

Je désigne ici quelques fragments de lettres fort courts, supposés extraits de lettres adressées à madame de F*** et à madame de St-G***, dans la première édition des lettres tirées de la nombreuse correspondance de madame de Maintenon. Dans la seconde édition, madame de F*** se trouve être madame de Frontenac, et madame de St-G*** madame de Saint-Géran. Tous ces intitulés ont été reproduits dans plusieurs éditions des Lettres de Maintenon895, et ils ont plus ou moins induit en erreur les historiens et les biographes. Il n'en est pas de même d'une lettre entière supposée écrite par madame de Maintenon, imprimée d'abord sans aucune date et sans indication de la personne à qui elle devait être adressée. Cette lettre semblait avoir été réprouvée comme suspecte par tous ceux qui ont écrit sur madame de Maintenon. Deux écrivains très-spirituels se sont avisés de s'en servir comme d'un document authentique pour pouvoir établir ainsi à une date certaine le commencement de la passion imaginaire de Louis XIV et de madame de Maintenon, et expliquer à leur manière la nature de leur liaison. Le style de cette lettre ne ressemble aucunement à celui de madame de Sévigné. On y trouve l'expression de gros cousin, copiée d'une des lettres de celle-ci pour désigner le ministre Louvois, cousin de madame de Coulanges. Or, l'on sait que madame de Maintenon, soigneuse de sa dignité dans l'abaissement où le sort l'avait placée, ne parlait pas des ministres, des personnages riches et puissants avec le ton familier des Sévigné, des Coulanges et des grandes dames de la cour.

Enfin, on y trouve répété, avec une légère variante, ce mot que Voltaire a le premier rapporté: «Je le renvoie toujours affligé, mais jamais désespéré.» Mais Voltaire le place dans une lettre à madame de Frontenac, d'accord en cela avec la Beaumelle. Cette antithèse a paru si charmante à tous les historiens de Louis XIV ou de Maintenon que pas un seul ne s'est abstenu de la répéter. Aucun n'a réfléchi que, si ces paroles ont été écrites par madame de Maintenon, c'est dans un sens tout différent de celui qu'on leur prête, dans tout autre circonstance que celle qu'on suppose, puisque autrement elles impliqueraient que Françoise d'Aubigné, pour réussir dans ses ambitieux desseins, ne craignait pas de recourir aux artifices d'une coquette perfide ou d'une habile courtisane. Quoique dans la seule édition complète du Recueil des lettres de Maintenon qu'il ait avouée896 (Amsterdam, 1755, grand in-12) la Beaumelle n'ait point inséré cette lettre supposée écrite à madame de Coulanges, cependant il l'a connue; car à la page la plus fausse et la plus romanesque qu'il ait tracée dans ces Mémoires, où il y en a tant de vraies, de curieuses et de bien écrites, il a cité la phrase la plus invraisemblable. Puis il ajoute: «L'original de cette lettre est entre les mains de M. de M**, de l'Académie» (t. II, p. 193, liv. VI, chap. III). Ceux, qui l'ont donnée depuis sans date, ainsi que ceux qui l'ont imprimée, n'ont point vu cet original, puisqu'ils n'ont su ni à qui elle était adressée ni comment elle était datée897. Quant à lui, il assigne à cette lettre une date différente de celle que lui ont donnée les historiens dont j'ai parlé, et il prête aux visites de Louis XIV un motif tout autre que celui qu'ils ont supposé.

Les fragments ont été habilement fabriqués: ceux qui les ont écrits ont puisé ce qu'ils ont de vrai dans les lettres adressées par madame de Maintenon à l'abbé Gobelin. Françoise d'Aubigné fut, dans tout le temps de sa prospérité, justement tourmentée par la crainte de ne pouvoir concilier le soin de son salut avec les grandeurs et la vie agitée que son ambition lui avait faite, et elle eut besoin d'être toujours rassurée par des directeurs de conscience auxquels elle pût soumettre ses craintes et confier les plus secrets mouvements de son cœur. L'abbé Gobelin et Godetz-Desmarets, évêque de Chartres, furent ces deux prêtres ou directeurs. Elle avait bien choisi: ni l'un ni l'autre n'ambitionnaient ni la gloire de l'éloquence de la chaire ni les hautes dignités de l'Église; ni l'un ni l'autre n'appartenaient à l'ordre trop puissant des jésuites: c'étaient deux bons prêtres, uniquement occupés à remplir avec ponctualité tous les devoirs de leur saint ministère, très-attentifs à bien diriger une âme aussi belle, aussi pieuse que celle de Françoise d'Aubigné. Le second surtout (Godetz-Desmarets), sans ambitionner l'éclat que donne le talent des controverses ecclésiastiques, sut, à une époque qui est hors des limites de ces Mémoires, lui inspirer une assez haute idée de son savoir théologique pour obtenir d'elle une soumission entière à ses décisions, et la faire marcher dans cette nuit de la foi, comme dit madame de la Sablière898, au milieu des écueils que le jansénisme, le jésuitisme et le quiétisme lui présentaient sur sa route et vers lesquels l'attiraient ou la tiraillaient en sens contraire son alliance de famille avec le cardinal de Noailles, sa tendresse pour Fénelon, et sa déférence obligée pour le P. la Chaise.

Au nombre des écrits de madame de Maintenon ou relatifs à cette fondatrice, écrits que les dames de Saint-Cyr conservaient dans leurs archives et dont les élèves s'occupaient à faire des copies, les plus précieux pour la bien connaître sont les lettres que lui a écrites l'évêque de Chartres899 et celles qu'elle-même écrivit à l'abbé Gobelin.

 

Quoique très-courts, les fragments dont j'ai parlé décèlent leur fausseté par le style toujours imité de Coulanges et de Sévigné, mais plus encore par leur objet, qui est de donner à l'opinion un vague sur la nature des liaisons de Louis XIV et de Maintenon, vague qui plaisait tant aux imaginations des élèves et des dames de Saint-Cyr. Et ce qui prouve encore plus que ces fragments et quelques autres passages de lettres sont adressés aux mêmes personnes, ou ont été détournés, par des changements et interpolations, de leur sens naturel et vrai, dans un intérêt romanesque, c'est le nom des personnes auxquelles on suppose que ces lettres ont été écrites. A la cour il n'y a jamais que de petites indiscrétions calculées. A qui persuadera-t-on d'ailleurs que madame Scarron, connue, dès sa plus tendre jeunesse, pour sa discrétion et sa circonspection, se soit avisée d'écrire à qui que ce soit ce qui pouvait se passer entre elle et Louis XIV dans leurs mystérieux tête-à-tête?

Voltaire dit que madame de Frontenac était cousine de madame de Maintenon; et cependant madame de Maintenon paraît avoir été liée moins intimement avec elle qu'avec madame de Saint-Géran. Celle-ci est assez connue par la lecture de ces Mémoires. On sait qu'elle fut quatre ans expulsée de la cour, et qu'elle fit auprès de madame de Maintenon de constants et inutiles efforts pour être admise à Marly.

Sans doute mesdames de Frontenac et de Saint-Géran, devenues plus régulières et peut-être sincèrement pieuses dans un âge avancé, s'attirèrent la considération et les égards qui leur étaient dus, et firent le charme des sociétés par leur esprit, leur amabilité et le suprême talent du savoir-vivre. Saint-Simon l'atteste, et c'est vraisemblablement le souvenir des temps de leur liaison avec madame de Maintenon qui aura donné l'idée de placer leur nom en tête des fragments dont j'ai parlé; mais alors même celle-ci ne leur aurait pas confié des secrets qui étaient aussi ceux du roi. Ainsi les fragments de lettres ou tous les passages de lettres qui tendent à accréditer une telle pensée sont nécessairement apocryphes, ou formés à l'aide de phrases habilement tronquées ou rapprochées de manière à présenter un sens tout opposé à celui qu'elles avaient; ou bien ce sont de véritables lettres écrites par une personne autre que madame de Maintenon et pour d'autres que mesdames de Frontenac et de Saint-Géran.

Cent ans se sont écoulés depuis que Voltaire et la Beaumelle ont écrit sur le siècle de Louis XIV; et l'on trouve dans les ouvrages de ces deux auteurs relatifs à madame de Maintenon des faits qui se heurtent, des jugements inconciliables, qui les mettent en contradiction l'un avec l'autre. Les écrivains qui depuis ont tracé des histoires ou des notices sur la vie de Françoise d'Aubigné, ont rarement manqué l'occasion de se plaindre de la légèreté de Voltaire; mais ils témoignent un mépris complet pour l'ouvrage de la Beaumelle, et s'abstiennent de le citer, ou ne le citent que fort rarement. Je suis néanmoins en mesure d'affirmer qu'on ne trouve chez aucun d'eux un seul fait, un seul détail de faits, une seule appréciation favorable ou défavorable, une seule vérité, une seule erreur qui ne soit dans la Beaumelle.

Comme pour décrire ce chapitre XI, restreint dans son objet, nous avions besoin d'embrasser dans notre pensée l'histoire de la longue vie de madame de Maintenon, nous avons été obligé, pour faire avec fruit cette étude, de soumettre à un examen critique les écrits de la Beaumelle et de Voltaire sur le siècle de Louis XIV et particulièrement sur madame de Maintenon, et aussi la controverse violente qui s'est élevée entre les deux auteurs.—Jamais sujet plus curieux d'investigation sur l'histoire du grand siècle et sur l'histoire littéraire du siècle qui l'a suivi ne s'était rencontré sur notre route. Mais, après avoir terminé cet examen, nous nous sommes aperçu qu'il était trop volumineux, et que s'il devait être publié un jour comme un appendice à ces Mémoires, ce n'était pas dans ce volume qu'il était convenable de le placer.

Page 213, ligne 7: Des mémoires rédigés d'après des bruits de cour.

Du nombre de ces bruits de cour, je mets l'avis du duc de Montausier, donné au roi au sujet du refus d'absolution fait à madame de Montespan, le petit colloque de Louis XIV et de Bourdaloue sur la retraite de madame de Montespan à Clagny, et l'entretien de Bossuet et de madame de Montespan rapporté par M. de Bausset.—Relativement à ce dernier fait, le judicieux M. de Bausset lui-même, qui l'a rapporté d'après le manuscrit de l'abbé Ledieu (l'abbé Ledieu n'entra chez Bossuet qu'en 1684), fait observer que le caractère de madame de Montespan et celui de Bossuet le rendent invraisemblable. M. de Bausset a été trompé, pour ce qui concerne Montausier, par le fragment d'une lettre de madame de Maintenon à madame de Saint-Géran, qui est apocryphe.—M. de Montausier a contribué sans doute avec Bossuet à la détermination du roi: madame de Caylus le dit900; mais ce ne fut pas de la même manière que le raconte la lettre apocryphe. Il n'était point dans le caractère de Louis XIV de consulter le duc de Montausier ou le maréchal de Bellefonds sur les matières ecclésiastiques. Hors de la chaire évangélique et du confessionnal, si quelqu'un de ses sujets se permettait de lui faire des observations sur la religion, c'est qu'il lui en avait donné l'ordre. Il ne plaisantait pas non plus avec le père Bourdaloue, homme sérieux, et incapable de faire au roi, qui lui adressait la parole d'une manière aimable, une réponse aussi impertinente que celle qu'on lui a prêtée.

Page 214, ligne 14: La grâce, l'esprit, la raison, s'unissaient en elle dans une juste mesure… Naturellement impatiente, vive, enjouée.

L'âge ne la changea point, et ne la rendit pas plus sévère.—Voici ce qu'elle disait à ses élèves de Saint-Cyr:

«Pour vivre ensemble, la raison est préférable à l'esprit… Rien n'est plus aimable que la raison; mais il ne faut pas la trop prodiguer, et les personnes qui raisonnent toujours ne sont pas raisonnables. Ce qu'il est plus essentiel de mettre dans le commerce de la vie, c'est de la complaisance, de la joie, du badinage, du silence, de la condescendance et de l'attention aux autres. La piété peut sauver sans la raison; mais la piété ferait beaucoup plus de bien si elle était réglée par la raison.» (Conversations de madame la marquise DE MAINTENON; 3e édit., Paris, Blaise, 1828, in-18, p. 8 et 9, convers. I.)

«L'esprit ne nous rend pas plus sage ni plus heureuse. La raison nous rend aimable; elle résiste aux passions, aux préventions; elle nous fait surmonter nos passions, et souffrir celles des autres.» (Ibid., p. 100, conv. XXIV.)

«Un esprit mal fait, disait-elle, m'effraye partout.» (Voyez Mémoires de Maintenon, recueillis pour les dames de Saint-Cyr, 1826, in-12, p. VIII de la préface et p. 271.)

Page 214, ligne 20: Le besoin de se faire des protecteurs la rendit insinuante et complaisante.

«Elle fait consister tous les moyens de plaire dans un seul, la politesse. Mais la grande politesse consiste à ménager en tout et partout les gens avec lesquels nous vivons, à ne les blesser jamais, à entrer dans tout ce qu'ils veulent, à ne contrarier ni ce qu'on dit ni ce qu'on fait.» (Conversations de la marquise DE MAINTENON, 3e édit., 1828, in-18, Dialogue sur la société, p. 3.)

«En société, on n'a qu'à choisir entre la souffrance ou la contrainte.» (Ibid., p. 21.)

Quand on s'accoutume de bonne heure à s'occuper des autres, on s'en fait une habitude. Toute la philosophie de madame de Maintenon et le secret de son élévation se trouvent dans ces paroles qu'elle a écrites, où elle fait elle-même son éloge:

«Je persiste à croire que la jeunesse ne peut être trop sensible aux louanges des honnêtes gens, à l'honneur, à la réputation; et qu'il n'y a que les courages élevés qui soient capables de tout faire pour y parvenir.» (Conv., t. I, p. 239.)

Page 214, ligne 20, et p. 215, ligne première: La religion, à laquelle… elle savait faire parler un langage doux, juste, éloquent et court, etc.

«Dans le christianisme, dit-elle dans une de ses lettres, l'important n'est pas de beaucoup agir, mais de beaucoup aimer.»

Page 215, lignes 2 et 3: L'infortune lui ravit l'âge des illusions.

De toutes les qualités que madame de Maintenon cherche à inspirer à ses élèves de Saint-Cyr pour leur bonheur futur, c'est la prudence et la circonspection. Elle leur dit:

«Il faut de la discrétion, même dans la vertu..... Il faut se contraindre, même dans le commerce que l'on a avec ses amis..... En s'abstenant d'écrire, on se retranche un plaisir, on s'assure un grand repos. Si on est assez malheureuse pour changer d'amis, on n'appréhende point qu'ils confient à d'autres les confidences que nous leur avons faites..... Il n'y a rien de si dangereux que les lettres: il y a beaucoup de personnes imprudentes qui les montrent; il y en a beaucoup de méchantes qui veulent nuire. Il s'en perd par hasard; le porteur peut être gagné, la poste peut être infidèle. Celui à qui vous vous fiez se fie souvent à d'autres.

«Les lettres ont déshonoré des femmes. Elles ont coûté la vie à des hommes, elles ont fait des querelles, elles ont découvert des mystères.» (Conversations inédites de madame DE MAINTENON; Paris, 1828, in-18, t. II, p. 70-73, Convers. IX sur les lettres, et Convers. XI des anciennes, t. I, 1828, in-18, p. 90.)

Page 215, ligne 18: La jeune Indienne.

On devait aimera lui donner ce surnom, parce qu'elle intéressait dans la conversation par les souvenirs qu'elle avait conservés de l'île de la Martinique, où elle avait passé sa toute petite enfance. Elle étonna beaucoup Segrais en lui apprenant que, dans ce pays, les ananas se mangeaient tout crus. On n'en recevait encore en Europe que confits et en morceaux. Ce fut elle qui fit connaître au poëte traducteur des Géorgiques la couleur dorée, la forme globuleuse et festonnée de ce fruit, surmonté de son magnifique panache de feuilles vertes et élancées. (SEGRAIS, Œuvres diverses, 1723, in-12, p. 148.)

Page 216, ligne 6: Autrement que par l'aptitude négative de son tempérament.

895Lettres de MAINTENON; Nancy (Francfort), 1752, in-12, t. I, p. 76, 92, 123, 143, 145, 147, 150, 152, 156, 160, 163, 242, 249; t. II, p. 13, 110, 113, 118.—Ibid., édit. de Dresde, 1753, p. 81, 113, 128, 136, 153, etc.; édit. d'Amsterdam, 1755, p. 48-68; édit. de Paris, 1806, p. 108 à 114.
896Voyez l'Avertissement qui est en tête de l'édit. d'Amsterdam, 1755, grand in-12, sorte de prospectus des quinze volumes de mémoires et lettres, qui ne se trouve, je crois, que dans cette édition.
897Voyez les dernières édit. des Lettres de Maintenon, de Léopold Collin.
898Lettres manuscrites de madame DE LA SABLIÈRE à l'abbé de Rancé.
899Lettres de messire GODETZ; Bruxelles, 1755.—Lettres de Maintenon, t. II.
900CAYLUS, Souvenirs, coll. des Mém. sur l'hist. de France, édit. 1828, t. LXVI, p. 387, in-8o.—Ibid., édit. de Renouard, 1806, in-12, p. 95. Mais dans ces deux éditions, au lieu de madame de Montausier, il faut lire M. de Montausier. Madame de Montausier était morte depuis longtemps.