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Œuvres de Napoléon Bonaparte, Tome V

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Dans un instant, l'armée ne fut plus qu'une masse confuse; toutes les armes étaient mêlées, et il était impossible de reformer un corps. L'ennemi, qui s'aperçut de cette étonnante confusion, fit déboucher des colonnes de cavalerie; le désordre augmenta; la confusion de la nuit empêcha de rallier les troupes et de leur montrer leur erreur.

Ainsi une bataille terminée, une journée de fausses mesures réparées, de plus grands succès assurés pour le lendemain, tout fut perdu par un moment de terreur panique. Les escadrons même de service, rangés à côté de l'empereur, furent culbutés et désorganisés par ces flots tumultueux, et il n'y eut plus d'autre chose à faire que de suivre le torrent. Les parcs de réserve, les bagages qui n'avaient point repassé la Sambre, et tout ce qui était sur le champ de bataille sont restés au pouvoir de l'ennemi. Il n'y a eu même aucun moyen d'attendre les troupes de notre droite; on sait ce que c'est que la plus brave armée du monde, lorsqu'elle est mêlée et que son organisation n'existe plus.

L'empereur a passé la Sambre à Charleroi le 19, à cinq heures du matin; Philippeville et Avesne ont été donnés pour points de réunion. Le prince Jérôme, le général Morand et les autres généraux y ont déjà rallié une partie de l'armée. Le maréchal Grouchy, avec le corps de la droite, opère son mouvement sur la Basse-Sambre.

La perte de l'ennemi doit avoir été très-grande, à en juger par les drapeaux que nous lui avons pris, et par les pas rétrogrades qu'il avait faits. La nôtre ne pourra se calculer qu'après le ralliement des troupes. Avant que le désordre éclatât, nous avions déjà éprouvé des pertes considérables, surtout dans notre cavalerie, si funestement et pourtant si bravement engagée. Malgré ces pertes, cette valeureuse cavalerie a constamment gardé la position qu'elle avait prise aux Anglais, et ne l'a abandonnée que quand le tumulte et le désordre du champ de bataille l'y ont forcée. Au milieu de la nuit et des obstacles qui encombraient la route, elle n'a pu elle-même conserver son organisation.

L'artillerie, comme à son ordinaire, s'est couverte de gloire. Les voitures du quartier-général étaient restées dans leur position ordinaire, aucun mouvement rétrograde n'ayant été jugé nécessaire. Dans le cours de la nuit, elles sont tombées entre les mains de l'ennemi.

Telle a été l'issue de la bataille de Mont-Saint-Jean, glorieuse pour les armées françaises, et pourtant si funeste.

Philipeville, 19 juin 1815.
Extrait d'une lettre de l'empereur à son frère Joseph

..... Tout n'est point perdu; je suppose qu'il me restera, en réunissant mes forces, cent cinquante mille hommes. Les fédérés et les gardes nationaux qui ont du coeur, me fourniront cent mille hommes; les bataillons de dépôt cinquante mille. J'aurai donc trois cents mille soldats à opposer de suite à l'ennemi; j'attellerai l'artillerie avec des chevaux de luxe; je lèverai cent mille conscrits; je les armerai avec les fusils des royalistes et des mauvaises gardes nationales; je ferai lever en masse le Dauphiné, le Lyonnais, la Bourgogne, la Lorraine, la Champagne; j'accablerai l'ennemi; mais il faut qu'on m'aide et qu'on ne m'étourdisse point. Je vais à Laon; j'y trouverai sans doute du monde. Je n'ai point entendu parler de Grouchy. S'il n'est point pris (comme je le crains), je puis avoir dans trois jours cinquante mille hommes; avec cela j'occuperai l'ennemi et je donnerai le temps à Paris et à la France de faire leur devoir. Les Autrichiens marchent lentement; les Prussiens craignent les paysans et n'osent pas trop s'avancer. Tout peut se réparer encore; écrivez-moi l'effet que cette horrible échauffourée aura produit dans la chambre. Je crois que les députés se pénétreront que leur devoir, dans cette grande circonstance, est de se réunir à moi pour sauver la France. Préparez-les à me seconder dignement; surtout du courage et de la fermeté.

NAPOLÉON.
Le 20 juin 1815.
Fragment d'un discours de l'empereur dans une séance du conseil d'état, tenue à l'Elysée

.... Je n'ai plus d'armée, je n'ai plus que des fuyards. Je retrouverai des hommes, mais comment les armer? Je n'ai plus de fusils. Cependant avec de l'union, tout pourrait se réparer. J'espère que les députés me seconderont, qu'ils sentiront la responsabilité qui va peser sur eux; vous avez mal jugé, je crois, de leur esprit; la majorité est bonne, est française. Je n'ai contre moi que Lafayette, Lanjuinais, Flaugergues et quelques autres. Ils ne veulent pas de moi, je le sais, je les gêne. Ils voudraient travailler pour eux..... Je ne les laisserai pas faire. Ma présence ici les contiendra.....

..... Nos malheurs sont grands. Je suis venu pour les réparer, pour imprimer à la nation, à l'armée, un grand et noble mouvement. Si la nation se lève, l'ennemi sera écrasé; si, au lieu de levée, de mesures extraordinaires, on dispute, tout est perdu. L'ennemi est en France. J'ai besoin, pour sauver la patrie, d'un grand pouvoir, d'une dictature temporaire. Dans l'intérêt de la nation, je pourrais me saisir de ce pouvoir, mais il serait utile et plus national qu'il me fût donné par les chambres....

.....La présence de l'ennemi sur le sol national rendra, je l'espère, aux députés, le sentiment de leurs devoirs. La nation ne les a pas envoyés pour me renverser, mais pour me soutenir. Je ne les crains point. Quelque chose qu'ils fassent, je serai toujours l'idole du peuple et de l'armée. Si je disais un mot, ils seraient tous assommés. Mais en ne craignant rien pour moi, je crains tout pour la France. Si nous nous querellons entre nous au lieu de nous entendre, nous aurons le sort du Bas-Empire, tout sera perdu. Le patriotisme de la nation, son attachement à ma personne, nous offrent encore d'immenses ressources, notre cause n'est point désespérée.....

Au palais de l'Elysée, le 22 juin 1815.
Déclaration au peuple français

Français! en commençant la guerre pour soutenir l'indépendance nationale, je comptais sur la réunion de tous les efforts, de toutes les volontés, et le concours de toutes les autorités nationales. J'étais fondé à en espérer le succès, et j'avais bravé toutes les déclarations des puissances contre moi. Les circonstances paraissent changées. Je m'offre en sacrifice à la haine des ennemis de la France. Puissent-ils être sincères dans leurs déclarations, et n'en avoir jamais voulu qu'à ma personne! Ma vie politique est terminée, et je proclame mon fils sous le titre de Napoléon II, empereur des Français. Les ministres actuels formeront provisoirement le conseil de gouvernement. L'intérêt que je porte à mon fils m'engage à inviter les chambres à organiser sans délai la régence par une loi. Unissez-vous tous pour le salut public et pour rester une nation indépendante.

NAPOLÉON.
Paris, 22 juin 1815.
Réponse de l'empereur à une députation de la chambre des représentans, envoyée pour le féliciter sur sa seconde abdication

Je vous remercie des sentimens que vous m'exprimez; je désire que mon abdication puisse faire le bonheur de la France, mais je ne l'espère point; elle laisse l'état sans chef, sans existence politique. Le temps perdu à renverser la monarchie aurait pu être employé à mettre la France en état d'écraser l'ennemi. Je recommande à la chambre de renforcer promptement les armées; qui veut la paix doit se préparer à la guerre. Ne mettez pas cette grande nation à la merci des étrangers. Craignez d'être déçus dans vos espérances. C'est là qu'est le danger. Dans quelque position que je me trouve, je serai toujours bien si la France est heureuse.

Paris, 23 juin 1815.
Discours de Napoléon aux ministres, en apprenant que la chambre des représentans venait de nommer une commission de gouvernement composée de cinq membres

Je n'ai point abdiqué en faveur d'un nouveau directoire; j'ai abdiqué en faveur de mon fils. Si on le proclame point, mon abdication est nulle et non avenue. Les chambres savent bien que le peuple, l'armée, l'opinion, le désirent, le veulent, mais l'étranger les retient. Ce n'est point en se présentant devant les alliés, l'oreille basse et le genou à terre, qu'elles les forceront à reconnaître l'indépendance nationale. Si elles avaient eu le sentiment de leur position, elles auraient proclamé spontanément Napoléon II. Les étrangers auraient vu alors que vous saviez avoir une volonté, un but, un point de ralliement; ils auraient vu que le 20 mars n'était point une affaire de parti, un coup de factieux, mais le résultat de l'attachement des Français à ma personne et à ma dynastie. L'unanimité nationale auraient plus agi sur eux que toutes vos basses et honteuses déférences.

La Malmaison, le 25 juin 1815.
PROCLAMATION
Aux braves soldats de l'armée devant Paris

Soldats!

Quand je cède à la nécessité qui me force de m'éloigner de la brave armée française, j'emporte avec moi l'heureuse certitude qu'elle justifiera par les services éminens que la patrie attend d'elle, les éloges que nos ennemis eux-mêmes ne peuvent pas lui refuser.

Soldats! je suivrai vos pas, quoiqu'absent. Je connais tous les corps, et aucun d'eux ne remportera un avantage signalé sur l'ennemi, que je ne rende justice au courage qu'il aura déployé. Vous et moi nous avons été calomniés. Des hommes indignes d'apprécier vos travaux ont vu, dans les marques d'attachement que vous m'avez données, un zèle dont j'étais le seul objet; que vos succès futurs leur apprennent que c'était la patrie pardessus tout que vous serviez en m'obéissant; et que si j'ai quelque part à votre affection, je la dois à mon ardent amour pour la France, notre mère commune.

 

Soldats! encore quelques efforts et la coalition est dissoute. Napoléon vous reconnaîtra aux coups que vous allez porter.

Sauvez l'honneur, l'indépendance des Français; soyez jusqu'à la fin, tels que je vous ai connus depuis vingt ans, et vous serez invincibles!

NAPOLÉON.
Paris, 25 juin 1815.
Discours de l'empereur à un membre de la chambre des représentans, en apprenant que MM. de Lafayette, de Pontécoulant, de Laforêt, d'Argenson, Sébastiani et Benjamin Constant (ce dernier en qualité de secrétaire), étaient nommés par le gouvernement provisoire pour se rendre auprès des souverains alliés

...........Lafayette, Sébastiani, Pontécoulant, Benjamin Constant ont conspiré contre moi; ils sont mes ennemis, et les ennemis du père ne seront jamais les amis du fils. Les chambres, d'ailleurs, n'ont point assez d'énergie pour avoir une volonté indépendante; elles obéissent à Fouché. Si elles m'eussent donné tout ce qu'elles lui jettent à la tête, j'aurais sauvé la France; ma présence seule à la tête de l'armée aurait plus fait que toutes vos négociations; j'aurais obtenu mon fils pour prix de mon abdication; vous ne l'obtiendrez pas. Fouché n'est point de bonne foi. Il jouera les chambres, et les alliés le joueront. Il se croit en état de tout conduire à sa guise; il se trompe: il verra qu'il faut une main autrement trempée que la sienne, pour tenir les rênes d'une nation, surtout lorsque l'ennemi est chez elle.... La chambre des pairs n'a point fait son devoir; elle s'est conduite comme une poule mouillée. Elle a laissé insulter Lucien et détrôner mon fils; si elle eût tenu bon, elle aurait eu l'armée pour elle, les généraux la lui auraient donnée. Son ordre du jour a tout perdu. Moi seul je pourrais tout réparer, mais vos meneurs n'y consentiront jamais; ils aimeraient mieux s'engloutir dans l'abîme que de s'unir avec moi pour le fermer.

La Malmaison, 27 juin 1815.

En abdiquant le pouvoir, je n'ai point renoncé au plus noble droit de citoyen, au droit de défendre mon pays.

L'approche des ennemis de la capitale ne laisse plus de doutes sur leurs intentions, sur leur mauvaise foi.

Dans ces graves circonstances, j'offre mes services comme général, me regardant encore comme le premier soldat de la patrie.

NAPOLÉON.
La Malmaison, 27 juin 1815.
Plaintes de Napoléon à ses amis, en apprenant que les membres du gouvernement provisoire refusaient d'acquiescer à sa demande de servir sa patrie en qualité de général

Ces gens-là sont aveuglés par l'envie de jouir du pouvoir et de continuer de faire les souverains; ils sentent que s'ils me replaçaient à la tête de l'armée, ils ne seraient plus que mon ombre, et ils nous sacrifient, moi et la patrie, à leur orgueil, à leur vanité. Ils perdront tout.... Mais pourquoi les laisserais-je régner? J'ai abdiqué pour sauver la France, pour sauver le trône de mon fils. Si ce trône doit être perdu, j'aime mieux le perdre sur le champ de bataille qu'ici. Je n'ai rien de mieux à faire pour vous tous, pour mon fils et pour moi, que de me jeter dans les bras de mes soldats. Mon apparition électrisera l'armée; elle foudroiera les étrangers; ils sauront que je ne suis revenu sur le terrain que pour leur marcher sur le corps, ou me faire tuer; et ils vous accorderaient, pour se délivrer de moi, tout ce que vous leur demanderez. Si, au contraire, vous me laissez ici ronger mon épée, ils se moqueront de vous. Il faut en finir: si vos cinq empereurs ne veulent pas de moi pour sauver la France, je me passerai de leur consentement. Il me suffira de me montrer, et Paris et l'armée me recevront une seconde fois en libérateur....

(Le duc de Bassano lui représentant que les chambres ne seraient pas pour lui)… Allons, je le vois bien, il faut toujours céder… Vous avez raison, je ne dois pas prendre sur moi la responsabilité d'un tel événement. Je dois attendre que la voix du peuple, des soldats et des chambres me rappelle. Mais comment Paris ne me demande-t-il pas? On ne s'aperçoit donc pas que les alliés ne vous tiennent aucun compte de mon abdication? (Bassano repart qu'on paraît se fier à la générosité des souverains alliés.) Cet infâme Fouché vous trompe. La commission se laisse conduire par lui; elle aura de grands reproches à se faire. Il n'y a là que Caulincourt et Carnot qui vaillent quelque chose, mais ils sont mal appareillés. Que peuvent-ils faire avec un traître (Fouché), deux niais (Quinette et Grenier) et deux chambres qui ne savent ce qu'elles veulent? Vous croyez tous, comme des imbéciles, aux belles promesses des étrangers. Vous croyez qu'ils vous mettront la poule au pot, et vous donneront un prince de leur façon, n'est-ce pas? Vous vous abusez: Alexandre, malgré ses grands sentimens, se laissera influencer par les Anglais; il les craint; et l'empereur d'Autriche fera, comme en 1814, ce que les autres voudront.

Rochefort, le 13 juillet 1815.
Au prince-régent d'Angleterre

Altesse royale,

En butte aux factions qui divisent mon pays et à l'inimitié des plus grandes puissances de l'Europe, j'ai terminé ma carrière politique, et je viens, comme Témistocle, m'asseoir aux foyers du peuple britannique. Je me mets sous la protection de ses lois, que je réclame de votre altesse royale, comme le plus puissant, le plus constant et le plus généreux de mes ennemis.

NAPOLÉON.

DIVERSES PIÈCES COMMUNIQUÉES APRÈS L'IMPRESSION

Passeriano, le 4 vendémiaire an 6.
A Barcas

Citoyen,

Je suis malade et j'ai besoin de repos; je demande ma démission, donnes-là si tu es mon ami; deux ans dans une campagne près de Paris rétabliraient ma santé, et redonneraient à mon caractère la popularité que la continuité du pouvoir ôte nécessairement… Je suis esclave de ma manière de sentir et d'agir, et j'estime le coeur bien plus que la tête.

BONAPARTE.
Du camp impérial de Boulogne, le 10 fructidor an 13.
Copie d'une lettre de Napoléon à M. Dejean

Monsieur Dejean, le ministre de la guerre a dû vous faire passer différens ordres, pour mettre en état de faire la guerre, une armée d'Italie et du Rhin; vous pouvez la regarder comme certaine. «J'ai donné des ordres pour pourvoir aux capotes et souliers nécessaires à l'armée; faites-moi connaître si vous avez quelque chose de disponible à Paris.» J'ai besoin que vous donniez des ordres à tous les régimens de cavalerie de se remonter à toute force. Je ne vois pas d'inconvénient à leur distribuer pour cela un million. J'ai mis à votre disposition une somme extraordinaire de deux millions deux cent mille francs, dont un million pour l'achat de chevaux de train et d'artillerie, et un million deux cent mille francs pour les capotes et souliers. Occupez-vous du charrois; faites construire à Sampigny; il y a un marché pour des transports ici; voyez à lui donner une plus grande extension. J'imagine que vous avez pourvu à ce que j'aie du biscuit à Mayence et Strasbourg; j'en ai ici beaucoup. Il faut faire manger la partie faite depuis vingt mois; il restera ici plus de vingt mille bouches; la partie qui est faite depuis douze mois pourra être conservée. Il se peut que les affaires s'arrangent après quelques batailles, et que je revienne sur la côte. Faites hâter la fourniture de draps de l'an 14, c'est de la plus grande urgence.

Vous allez avoir, dans toute la cinquième division militaire, depuis Mayence jusqu'à Schelestatt, cinq à six mille chevaux d'artillerie, neuf mille chevaux de dragons, huit ou neuf mille de chasseurs et de hussards, quatre à cinq mille de grosse cavalerie, et quinze cents de la garde, indépendamment de tous ceux de l'état-major. Je désire que le service soit fait par la même administration qu'à Boulogne, surtout pour le pain et la viande. Ne perdez pas un moment à faire accaparer des vins et des eaux-de-vie à Landau, Strasbourg et Spire. Landau sera un des principaux points de rassemblement.

J'imagine que Vanderberghe envoie à Strasbourg les mêmes individus qu'à Boulogne. Les premières divisions sont parties; voyez-les pour cela. «Je vous ai demandé cinq cent mille rations de biscuit à Strasbourg, je ne verrais pas d'inconvénient à les diviser ainsi: deux cent mille à Strasbourg, deux cent mille à Landau, et cent mille à Spire. J'attends de vous deux états, dont le premier me fasse connaître le nombre existant des chevaux propres au service de chaque régiment de cavalerie; ce qui existe en caisse de leur masse, et l'état des chevaux qu'ils peuvent se procurer: le second état me fera connaître la situation de l'habillement de tous les corps de la grande armée, et le temps où ils auront l'habillement de l'an 14.» Le ministre de la guerre vous aura envoyé l'organisation de la grande armée partagée en sept corps. Pensez aux ambulances, et occupez-vous sans délai des détails de l'organisation de cette immense armée. Je vous dirai, mais pour vous seul, que je compte passer le Rhin le 5 vendémiaire; organisez tout en conséquence. Il me reste à vous ajouter que cette lettre doit être pour vous seul, et qu'elle ne doit être lue par personne. Dissimulez, dîtes que je fais seulement marcher trente mille hommes pour garantir mes frontières du Rhin. Avec les chefs de service auxquels on ne peut rien dissimuler, vous leur ferez sentir l'importance de dire la même chose que vous. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde.

NAPOLÉON.
Ingolstadt, le 18 avril 1809, à cinq heures du soir.
Instruction

Le capitaine Galbois retournera sur-le-champ près du maréchal Davoust; il passera par Vohbourg et Neustadt, et de là à Ratisbonne: aussitôt qu'il aura causé avec le maréchal Davoust, il reviendra me rendre compte.

Il fera connaître au maréchal Davoust qu'il apprendra ce qui s'est passé dans la journée au corps du duc de Dantzick; que je n'en ai aucune connaissance, mais que je suppose que le corps du duc de Dantzick, fort de trente mille hommes, a battu la plaine jusqu'à l'Isère, et l'a secouru si cela a été nécessaire.

Le général Demont est à Vohbourg avec sa division, huit mille hommes de cavalerie.

La division Nansouty et la cavalerie wurtembergeoise sont en colonne sur la route d'ici à Vohbourg.

Le général Vandamme, avec douze mille Wurtembergeois, couche ce soir à Ingolstadt.

Le duc de Rivoli, avec le général Oudinot et quatre-vingt mille hommes, doivent arriver à Pfaffenhoffen.

L'empereur, à une heure du matin, se décidera à se porter de sa personne à Neustadt, après qu'il aura reçu le rapport de la journée; il lui importe donc bien de connaître la situation du duc d'Auerstaedt et des différens corps de l'ennemi.

Si cela ne détourne pas cet officier, il verra le général Wrede ou le duc de Dantzick, pour causer avec eux et leur donner connaissance de ces détails.

NAPOLÉON.

P.S. Cet officier engagera celui qui commande à Vohbourg, celui qui commande à Neustadt et les généraux de division bavarois, de m'envoyer des officiers et les rapports de ce qui se serait passé ou de ce qu'ils apprendraient.

Commission et pleins-pouvoirs donnés aux commandans de place en juin 1815

NAPOLEON, par la grâce de Dieu et les constitutions, empereur des Français, etc., etc.

La place de Vitry étant en état de siège, armée, bien approvisionnée, à l'abri de toute attaque, pouvant soutenir un siège, nous avons résolu de nommer pour commandant supérieur de cette place un officier d'une bravoure distinguée, dont nous aurions éprouvé le zèle et la fidélité dans maints combats; nous avons pris en considération les services du sieur Baron, adjudant-commandant de nos armées, et nous l'avons nommé et nommons, par ces présentes signées de notre main, commandant supérieur de la place de Vitry en état de siège. Nous lui enjoignons de ne plus sortir des remparts de ladite place, au moins au-delà d'une portée de fusil de ses ouvrages avancés, sous quelque prétexte que ce soit; d'inspecter et de visiter fréquemment les approvisionnemens de siège et les magasins d'artillerie, d'avoir soin qu'ils soient abondamment fournis et conservés à l'abri des attaques de l'ennemi et de l'intempérie des saisons. Nous lui enjoignons de prendre toutes les précautions pour accroître lesdits approvisionnemens et pour que les babilans aient pour six mois de vivres, faisant sortir de la ville tous ceux qui n'auraient pas ledit approvisionnement. Nous lui ordonnons de nous conserver cette place et de ne jamais la rendre sous aucun prétexte. Dans le cas où elle serait investie et bloquée, il doit être sourd a tous les bruits répandus par l'ennemi, ou aux nouvelles qu'il lui ferait parvenir, lors même qu'il voudrait lui persuader que l'armée française a été battue, que la capitale est envahie, etc. Il n'en résistera pas moins à ses insinuations, comme à ses attaques, et ne laissera point ébranler son courage. Sa règle constante doit être d'avoir le moins de communications que possible avec l'ennemi. Il aura toujours devant les yeux les conséquences inévitables d'une contravention à nos ordres ou d'une négligence à remplir les devoirs qui lui sont imposés. Il n'oubliera jamais qu'une conduite différente lui ferait perdre notre estime et encourir toute la sévérité des lois militaires, qui condamnent à mort tout commandant et son état-major, s'il livre la place sans avoir fixé l'impossibilité de soutenir un second assaut, et s'il n'a satisfait à toutes les obligations qui lui sont imposées par notre décret du 24 décembre 1811. Enfin, nous voulons et entendons qu'il coure les hasards d'un assaut, pour prolonger la défense et augmenter la perte de l'ennemi. Il songera qu'un Français doit compter sa vie pour rien, si elle doit être mise en balance avec son honneur, et que cette idée doit être le mobile de toutes ses actions; la reddition de la place ne devant être que le dernier terme de tous ses efforts, et le résultat d'une impossibilité absolue de résister, nous lui défendons d'avancer cet événement malheureux par son consentement, ne fût-ce que d'une heure, et sous le prétexte d'obtenir par là une capitulation plus honorable.

 

Nous voulons que toutes les fois que le conseil de défense sera réuni pour consulter sur les opérations, il y soit fait lecture desdites lettres-patentes, à haute et intelligible voix.

Donné au palais de l'Elysée, le neuvième jour du mois de juin de l'an de grâce mil huit cent quinze.

NAPOLÉON.
Par l'empereur,
Le ministre secrétaire-d'état.
H. B. MARET.

L'Éditeur poursuivra, suivant toute la rigueur des lois, les contrefacteurs et vendeurs des oeuvres qu'il publie.

Afin de satisfaire l'impatience des nombreux souscripteurs des Oeuvres de Napoléon Bonaparte, nous joignons au tome troisième de la collection deux pièces originales qui appartiennent au tome premier, et qu'il faudra plus tard faire relier à la fin de ce premier volume.

Les plus habiles bibliographes savaient très-bien que Bonaparte avait publié au commencement de la révolution les deux brochures que nous plaçons ici; mais on croyait impossible de se procurer ces deux écrits de la jeunesse d'un sous-lieutenant d'artillerie, devenu depuis le souverain maître de l'Europe. Le style et les idées du jeune soldat à la naissance de la révolution, comparés aux discours de l'empereur, offriront sans doute des rapprochemens intéressans; on y trouvera peut-être déjà quelques points de départ de cette carrière où la fortune, après avoir comblé un mortel de tous ses dons les plus brillans, semble s'être plu à les lui ravir en un instant, pour le frapper, à la fin de sa carrière, de ses coups les plus déchirans. Après beaucoup de recherches que nous avions même cru désormais infructueuses, nous sommes parvenus à ces découvertes importantes dans la collection des oeuvres d'un homme aussi extraordinaire.

La lettre à M. Buttafoco, député de la Corse à l'Assemblée nationale, nous a été communiquée par l'imprimeur même de cette brochure, qui en conservait un exemplaire précieusement: nous en devons la communication à M. J. B, Joly, imprimeur à Dôle4.

Bonaparte était alors lieutenant d'artillerie à Auxonne. Il vint trouver M. Joly avec son frère Louis, auquel il enseignait les mathématiques: l'ouvrage fut imprimé à ses frais au nombre de cent exemplaires, et il les fit passer dans la Corse.

Bonaparte avait aussi composé un ouvrage qui aurait pu former deux volumes, sur l'histoire politique, civile et militaire de la Corse. Il engagea M. Joly à aller le voir à Auxonne pour traiter de l'impression de cet ouvrage. M. Joly s'y rendit en effet. Bonaparte occupait, au pavillon, une chambre presque nue, ayant pour tous meubles un mauvais lit sans rideaux, une table placée dans l'embrasure d'une fenêtre, et chargée de livres et de papiers, et deux chaises: son frère couchait sur un mauvais matelas, dans un cabinet voisin. On fut d'accord sur le prix d'impression; mais il attendait d'un moment à l'autre une décision pour quitter Auxonne ou pour y rester. Cet ordre arriva en effet quelques jours après: il partit pour Toulon, et l'ouvrage ne fut pas imprimé. Il est douteux que l'on puisse jamais retrouver cet écrit dont il ne reste aucune trace. On lui avait confié le dépôt des ornemens d'église de l'aumônier du régiment, qui venait d'être supprimé. Il les fit voir à M. Joly, et ne parla des cérémonies de la religion qu'avec décence: Si vous n'avez pas entendu la messe, ajoutât-il, je puis vous la dire.

Pour constater davantage l'authenticité de cette lettre, nous citerons le passage suivant du Journal de Dijon, du 4 août 1821.

«L'exemplaire que nous possédons nous a été donné, il y a environ dix-neuf ans, par une personne d'Auxonne, qui le tenait elle-même ex autoris dono.

«Deux fautes d'impression, l'une à la première ligne de la page 8, et l'autre à la fin de la sixième ligne de la page 9, sont corrigées de la main de l'auteur.

«Il n'y avait pas long-temps que nous étions en possession de notre exemplaire, lorsque dans un voyage à Dôle (Jura) nous eûmes occasion de visiter M. Joly (Jos.-Fr.-Xav.), imprimeur en cette ville, possesseur d'une bibliothèque qui atteste ses connaissances et son bon goût. Nos yeux se promenaient avec complaisance sur les richesses bibliographiques de son cabinet; ils s'arrêtèrent sur un volume fort mince, qui se faisait distinguer, au milieu d'une quantité de reliures de luxe, par la recherche qui avait été mise à la sienne: c'était la Lettre de M. Buonaparte à M. Matteo-Buttafoco. Nous apprîmes alors, de la bouche de M. Joly, que cette brochure était sortie de ses presses, en 1790; que Bonaparte, qui était alors lieutenant au régiment de la Fère, artillerie, en garnison à Auxonne, en avait revu lui-même les dernières épreuves; qu'à cet effet il se rendait à pied à Dôle, en partant d'Auxonne à quatre heures du matin; qu'après avoir vu les épreuves il prenait, chez M. Joly, un déjeuner extrêmement frugal, et se remettait bientôt en route pour rentrer dans sa garnison, où il arrivait avant midi, ayant déjà parcouru dans la matinée huit lieues de poste.»

«Bonaparte entra dans le corps royal de l'artillerie en 1785. Du régiment de la Fère, où il fit ses premières armes, il passa dans celui de Grenoble, en garnison à Valence, où il était en 1791, le quatrième des premiers lieutenans de première classe (Voyez l'État militaire du corps de l'artillerie de France pour l'année 1791, imprimé chez Firmin Didot, petit in-12 de 166 pages). Nous remarquons que le nom de Bonaparte qui est employé trois fois dans l'État militaire cité, y est écrit, page 60, Buonaparté, tandis qu'on lit, pages 94 et 139, Buona parté

La petite brochure intitulée: Le souper de Beaucaire, semblait devoir ne pas échapper à l'oubli. Bonaparte passait, en 1793, à Beaucaire; il s'y trouva à souper dans une auberge le 29 juillet, avec plusieurs commerçans de Montpellier, de Nîmes et de Marseille. Une discussion s'engagea sur la situation politique de la France: chacun des convives avait une opinion différente.

Bonaparte, de retour à Avignon, profita de quelques momens de repos pour consigner ce dialogue dans une brochure qu'il intitula: Le souper de Beaucaire. Il fit imprimer cet opuscule chez Sabin Tournal, rédacteur et imprimeur du Courier d'Avignon.

L'ouvrage ne fit alors aucune sensation; ce ne fut que lorsque Bonaparte devint général en chef, que M. Loubet, secrétaire du feu M. Tournal, qui en avait conservé un exemplaire, y attacha quelque prix, parce que cet exemplaire était signé de la main de son auteur. Il le montra alors à plusieurs personnes d'Avignon. M. Loubet étant mort, on s'est adressé à son fils par l'intermédiaire de M. M...., et on a obtenu la copie exacte de cet opuscule, dont il n'existe plus sans doute que ce seul exemplaire.

GALERIE MILITAIRE
DE NAPOLÉON BONAPARTE
RECUEIL DE TOUS LES TABLEAUX ET MONUMENS
OU SONT REPRÉSENTÉS
LES PRINCIPAUX ÉVÉNEMENS DE SA CARRIÈRE MILITAIRE;
PAR DAVID, GÉRARD, GIRODET, GROS, GUÉRIN, LBJEUNE, LETHIERS, GAUTHEROT, TAUNAY, (Carle et Horace) VERNET, VINCENT, BACLER D'ALBE, BERTBON, BOURGEOIS, CALLET, CARTELLIER, CLODION, DEBRET, DESEVE, ESPERCIEUX, MEYNIER, MONGIN, PAJOU, PONCE CAMUS, RHOEN, THÉVENIN, etc., etc
(FAISANT SUITE AUX OEUVRES DE NAPOLÉON.)

Gravés par G. NORMANT père et fils.

4Nous avons depuis eu connaissance d'un autre exemplaire de la lettre à M. Buttafoco, qui se trouve dans la bibliothèque d'un de nos jurisconsultes les plus distingués: une faute d'impression y est corrigée de la main même de Bonaparte.