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Œuvres de Napoléon Bonaparte, Tome V

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L'ennemi avait placé six bataillons au village de Ruchingen, afin de couper toutes les routes qui pouvaient conduire sur le Rhin. Quelques coups de mitraille et une charge de cavalerie firent reculer précipitamment ces bataillons.

Arrivés sur la lisières du bois, à deux lieues de Hanau, les tirailleurs ne tardèrent pas à s'engager. L'ennemi fut acculé dans le bois jusqu'au point de jonction de la vieille et de la nouvelle route. Ne pouvant rien opposer à la supériorité de notre infanterie, il essaya de tirer parti de son grand nombre; il étendit le feu sur sa droite. Une brigade de deux mille tirailleurs du deuxième corps, commandée par le général Dubreton, fut engagée pour le contenir, et le général Sébastiani fit exécuter avec succès, dans l'éclairci du bois, plusieurs charges sur les tirailleurs ennemis. Nos cinq mille tirailleurs continrent ainsi toute l'armée ennemie, en gagnant insensiblement du temps, jusqu'à trois heures de l'après-midi.

L'artillerie étant arrivée, l'empereur ordonna au général Curial de se porter au pas de charge sur l'ennemi avec deux bataillons de chasseurs de la vieille garde, et de le culbuter au-delà du débouché; au général Drouot de déboucher sur-le-champ avec cinquante pièces de canon; au général Nansouty, avec tout le corps du général Sébastiani et la cavalerie de la vieille garde, décharger vigoureusement l'ennemi dans la plaine.

Toutes ces dispositions furent exécutées exactement.

Le général Curial culbuta plusieurs bataillons ennemis.

Au seul aspect de la vieille garde, les Autrichiens et les Bavarois fuirent épouvantés.

Quinze pièces de canon, et successivement jusqu'à cinquante, furent placées en batterie avec l'activité et l'intrépide sang-froid qui distinguent le général Drouot. Le général Nansouty se porta sur la droite de ces batteries et fit charger dix mille hommes de cavalerie ennemie par le général Levêque, major de la vieille garde, par la division de cuirassiers Saint-Germain, et successivement par les grenadiers et les dragons de la cavalerie de la garde. Toutes ces charges eurent le plus heureux résultat. La cavalerie ennemie fut culbutée et sabrée; plusieurs carrés d'infanterie furent enfoncés; le régiment autrichien Jordis et les hulans du prince de Schwartzenberg ont été entièrement détruits. L'ennemi abandonna précipitamment le chemin de Francfort qu'il barrait, et tout le terrain qu'occupait sa gauche. Il se mit en retraite et bientôt après en complète déroute.

Il était cinq heures. Les ennemis firent un effort sur leur droite pour dégager leur gauche et donner le temps à celle-ci de se reployer. Le général Friant envoya deux bataillons de la vieille garde à une ferme située sur le vieux chemin de Hanau. L'ennemi en fut promptement débusqué et sa droite fut obligée de plier et de se mettre en retraite. Avant six heures du soir, il repassa en déroute la petite rivière de la Kintzig.

La victoire fut complète.

L'ennemi, qui prétendait barrer tout le pays, fut obligé d'évacuer le chemin de Francfort et de Hanau.

Nous avons fait six mille prisonniers et pris plusieurs drapeaux et plusieurs pièces de canon. L'ennemi a eu six généraux tués ou blessés. Sa perte a été d'environ dix mille hommes tués, blessés ou prisonniers. La nôtre n'est que de quatre à cinq cents hommes tués ou blessés. Nous n'avons eu d'engagés que cinq mille tirailleurs, quatre bataillons de la vieille garde, et à peu près quatre-vingts escadrons de cavalerie et cent vingt pièces de canon.

A la pointe du jour, le 31, l'ennemi s'est retiré, se dirigeant sur Aschaffenbourg. L'empereur a continué son mouvement, et à trois heures après-midi, S. M. était à Francfort.

Les drapeaux pris à cette bataille et ceux qui ont été pris aux batailles de Wachau et de Leipsick, sont partis pour Paris.

Les cuirassiers, les grenadiers à cheval, les dragons ont fait de brillantes charges. Deux escadrons de gardes-d'honneur du troisième régiment, commandés par le major Saluces, se sont spécialement distingués, et font présumer ce qu'on doit attendre de ce corps au printemps prochain, lorsqu'il sera parfaitement organisé et instruit.

Le général d'artillerie de l'armée Nourrit, et le général Devaux, major d'artillerie de la garde, ont mérité d'être distingués; le général Letort, major des dragons de la garde, quoique blessé à la bataille de Wachau, a voulu charger à la tête de son régiment, et a eu son cheval tué.

Le 31 au soir, le grand quartier-général était à Francfort.

Le duc de Trévise, avec deux divisions de la jeune garde et le premier corps de cavalerie, était à Gelnhaussen. Le duc de Reggio arrivait à Francfort.

Le comte Bertrand et le duc de Raguse étaient à Hanau.

Le général Sébastiani était sur la Nida.

Francfort, le 1er novembre 1813.
Extrait d'une lettre de l'empereur à l'impératrice

«Madame et très-chère épouse, je vous envoie vingt drapeaux pris par mes armes aux batailles de Wachau, de Leipsick et de Hanau; c'est un hommage que j'aime à vous rendre. Je désire que vous y voyiez une marque de ma grande satisfaction de votre conduite pendant la régence que je vous ai confiée.»

NAPOLÉON.

Le 3 novembre 1813.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le 30 octobre, dans le moment où se livrait la bataille de Hanau, le général Lefèvre-Desnouettes, à la tête de sa division de cavalerie et du cinquième corps de cavalerie commandé par le générât Milhaud, flanquait toute la droite de l'armée, du côté de Bruckoebel et de Nieder-Issengheim. Il se trouvait en présence d'un corps de cavalerie russe et alliée, de six à sept mille hommes: le combat s'engagea; plusieurs charges eurent lieu, toutes à notre avantage; et ce corps ennemi formé par la réunion de deux ou trois partisans, fut rompu et vivement poursuivi. Nous lui avons fait cent cinquante prisonniers montés. Notre perte est d'une soixantaine d'hommes blessés.

Le lendemain de la bataille de Hanau, l'ennemi était en pleine retraite; l'empereur ne voulut point le poursuivre, l'armée se trouvant fatiguée, et S. M., bien loin d'y attacher quelque importance, ne pouvant voir qu'avec regret la destruction de quatre à cinq mille Bavarois, qui aurait été le résultat de cette poursuite. S. M. se contenta donc de faire poursuivre légèrement l'arrière-garde ennemie, et laissa le général Bertrand sur la rive droite de la Kintzig.

Vers les trois heures de l'après-midi, l'ennemi sachant que l'armée avait filé, revint sur ses pas, espérant avoir quelque avantage sur le corps du général Bertrand. Les divisions Morand et Guilleminot lui laissèrent faite ses préparatifs pour le passage de la Kintzig; et quand il l'eut passée, marchèrent à lui à la baïonnette, et le culbutèrent dans la rivière, où la plus grande partie de ses gens se noyèrent. L'ennemi a perdu trois mille hommes dans cette circonstance.

Le général bavarois de Wrede, commandant en chef de cette armée, a été mortellement blessé, et on a remarqué que tous les parens qu'il avait dans l'armée ont péri dans la bataille de Hanau, entre autres son gendre le prince d'Oettingen.

Une division bavaroise-autrichienne est entrée le 30 octobre à midi à Francfort; mais à l'approche des coureurs de l'armée française, elle s'est retirée sur la rive gauche du Mein, après avoir coupé le pont.

Le 2 novembre, l'arrière-garde française a évacué Francfort, et s'est portée sur la Nidda.

Le même jour à cinq heures du matin l'empereur est entré à Mayence.

On suppose, dans le public, que le général de Wrede a été l'auteur et l'agent principal de la défection de la Bavière. Ce général avait été comblé des bienfaits de l'empereur.

Le 7 novembre 1813.
A S. M. l'impératrice-reine et régente

Le duc de Tarente était à Cologne, où il organise une armée pour la défense du Bas-Rhin.

Le duc de Raguse était à Mayence.

Le duc de Bellune était à Strasbourg.

Le duc de Valmi était allé prendre à Metz le commandement de toutes les réserves.

Le comte Bertrand, avec le quatrième corps, composé de quatre divisions d'infanterie et d'une division de cavalerie, et fort de quarante mille hommes, occupait la rive droite en avant de Cassel. Son quartier-général était à Hocheim. Depuis quatre jours, on travaillait à un camp retranché sur les hauteurs à une lieue en avant de Cassel. Plusieurs ouvrages étaient tracés et fort avancés.

Tout le reste de l'armée avait passé le Rhin.

S. M. avait signé, le 7, la réorganisation de l'armée et la nomination à toutes les places vacantes.

L'avant-garde commandée par le comte Bertrand, n'avait pas encore vu d'infanterie ennemie, mais seulement quelques troupes de cavalerie légère.

Toutes les places du Rhin s'armaient et s'approvisionnaient avec la plus grande activité.

Les gardes nationales récemment levées se rendaient de tous côtés dans les places pour en former la garnison et laisser l'armée disponible.

Le général Dulauloy avait réorganisé les deux cents bouches à feu de la garde. Le général Sorbier était occupé à réorganiser cent batteries à pied et à cheval, et à réparer la perte des chevaux qu'avait éprouvée l'artillerie de l'armée.

On croyait que S. M. ne tarderait pas à se rendre à Paris.

S. M. l'empereur est arrivée le 9, à cinq heures après-midi, à Saint-Cloud.

S. M. avait quitté Mayence le 8, à une heure du matin.

Paris, 14 novembre 1813.
Réponse de l'empereur à une députation du sénat

«Sénateurs,

«J'agrée les sentimens que vous m'exprimez.

 

«Toute l'Europe marchait avec nous il y a un an; toute l'Europe marche aujourd'hui contre nous: c'est que l'opinion du monde est faite par la France ou par l'Angleterre. Nous aurions donc tout à redouter sans l'énergie et la puissance de la nation.

«La postérité dira que si de grandes et critiques circonstances se sont présentées, elles n'étaient pas au-dessus de la France et de moi.»

Au palais des Tuileries, 14 décembre 1813.
Lettre de l'empereur à S. Exc. M. Reinhard, landamman de la Suisse

«Monsieur le landamman, j'ai lu avec plaisir la lettre que vous avez chargé MM. de Ruttimann et Vieland, envoyés extraordinaires de la confédération, de me rendre. J'ai appris, avec une particulière satisfaction, l'union qui a régné entre tous les cantons et entre toutes les classes de citoyens. La neutralité que la diète a proclamée à l'unanimité est à la fois conforme aux obligations de vos traités et à vos plus chers intérêts. Je connais cette neutralité, et j'ai donné les ordres nécessaires pour qu'elle soit respectée. Faites connaître aux dix-neuf cantons qu'en toute occasion ils peuvent compter sur le vif intérêt que je leur porte, et que je serai toujours disposé à leur donner des preuves de ma protection et de mon amitié.

«Sur ce, je prie Dieu, monsieur le landamman, qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.»

NAPOLÉON.
Paris, 19 décembre 18l3.
Discours de l'empereur à l'ouverture extraordinaire du corps-législatif

«Sénateurs, conseillers-d'état, députés des départemens au corps-législatif,

«D'éclatantes victoires ont illustré les armes françaises dans cette campagne. Des défections sans exemple ont rendu ces victoires inutiles. Tout a tourné contre nous. La France même serait en danger sans l'énergie et l'union des Français. «Dans ces grandes circonstances, ma première pensée a été de vous appeler près de moi. Mon coeur a besoin de la présence et de l'affection de mes sujets.

«Je n'ai jamais été séduit par la prospérité: l'adversité me trouverait au-dessus de ses atteintes.

«J'ai plusieurs fois donné la paix aux nations, lorsqu'elles avaient tout perdu. D'une part de mes conquêtes, j'ai élevé des trônes pour des rois qui m'ont abandonné.

«J'avais conçu et exécuté de grands desseins pour la prospérité et le bonheur du monde! … Monarque et père, je sens que la paix ajoute à la sécurité des trônes et à celle des familles. Des négociations ont été entamées avec les puissances coalisées. J'ai adhéré aux bases préliminaires qu'elles ont présentées. J'avais donc l'espoir qu'avant l'ouverture de cette session, le congrès de Manheim serait réuni; mais de nouveaux retards, qui ne sont pas attribués à la France, ont différé ce moment que presse le voeu du monde.

«J'ai ordonné qu'on vous communiquât toutes les pièces originales qui se trouvent au portefeuille de mon département des affaires étrangères. Vous en prendrez connaissance par l'intermédiaire d'une commission. Les orateurs de mon conseil vous feront connaître ma volonté sur cet objet.

«Rien ne s'oppose de ma part au rétablissement de la paix. Je connais et je partage tous les sentimens des Français: je dis des Français, parce qu'il n'en est aucun qui désirât la paix au prix de l'honneur.

«C'est à regret que je demande à ce peuple généreux de nouveaux sacrifices; mais ils sont commandés par ses plus nobles et ses plus chers intérêts. J'ai dû renforcer mes armées par de nombreuses levées: les nations ne traitent avec sécurité qu'en déployant toutes leurs forces. Un accroissement dans les recettes devient indispensable. Ce que mon ministre des finances vous proposera, est conforme au système de finances que j'ai établi. Nous ferons face à tout sans emprunt qui consomme l'avenir, et sans papier-monnaie qui est le plus grand ennemi de l'ordre social.

«Je suis satisfait des sentimens que m'ont montrés dans cette circonstance mes peuples d'Italie.

«Le Danemarck et Naples sont seuls restés fidèles à mon alliance.

«La république des États-Unis d'Amérique continue avec succès sa guerre contre l'Angleterre.

«J'ai reconnu la neutralité des dix-neuf cantons suisses.

«Sénateurs, conseillers-d'état, députés des départemens au corps-législatif,

«Vous êtes les organes naturels de ce trône: c'est à vous de donner l'exemple d'une énergie qui recommande notre génération aux générations futures. Qu'elles ne disent pas de nous: «Ils ont sacrifié les premiers intérêts du pays! ils ont reconnu les lois que l'Angleterre a cherché en vain, pendant quatre siècles, à imposer à la France!»

«Mes peuples ne peuvent pas craindre que la politique de leur empereur trahisse jamais la gloire nationale. De mon côté, j'ai la confiance que les Français seront constamment dignes d'eux et de moi!»

Paris, 23 décembre 1813.
Lettre de l'empereur au président du corps-législatif

«Monsieur le duc de Massa, président du corps-législatif, nous vous adressons la présente lettre close pour vous faire connaître que notre intention est que vous vous rendiez demain, 24 du courant, heure de midi, chez notre cousin le prince archi-chancelier de l'empire, avec la commission nommée hier par le corps-législatif, en exécution de notre décret du 20 de ce mois, laquelle est composée des sieurs Raynouard, Lainé, Gallois, Flaugergue et Biran; et ce, à l'effet de prendre connaissance des pièces relatives à la négociation, ainsi que de la déclaration des puissances coalisées, qui seront communiquées par le comte Regnaud, ministre d'état, et le comte d'Hauterive, conseiller d'état, attaché à l'office des relations extérieures, lequel sera porteur desdites pièces et déclaration.

«Notre intention est aussi que notre dit cousin préside la commission.

«La présente n'étant à d'autres fins, je prie Dieu qu'il vous ait, monsieur le duc de Massa, en sa sainte garde.»

NAPOLÉON.
Paris, 30 décembre 1813.
Réponse de l'empereur à une députation du sénat

«Je suis sensible aux sentimens que vous m'exprimez.

«Vous avez vu, par les pièces que je vous ait fait communiquer, ce que je fais pour la paix. Les sacrifices que comportent les bases préliminaires que m'ont proposées les ennemis, et que j'ai acceptées, je les ferais sans regret; ma vie n'a qu'un but, le bonheur des français.

«Cependant, le Béarn, l'Alsace, la Franche-Comté, le Brabant, sont entamés. Les cris de cette partie de ma famille me déchirent l'ame! J'appelle les Français au secours des Français! J'appelle les Français de Paris, de la Bretagne, de la Normandie, de la Champagne, de la Bourgogne et d'autres départemens, au secours de leurs frères! Les abandonnerons-nous dans leur malheur? Paix et délivrance de notre territoire, doit être notre cri de ralliement. A l'aspect de tout ce peuple en armes, l'étranger fuira ou signera la paix sur les bases qu'il a lui-même proposées. Il n'est plus question de recouvrer les conquêtes que nous avions faites.

Paris, 31 décembre 1813.
Réponse de l'empereur à une députation envoyée par le corps législatif 3

Le corps législatif ayant ensuite de ce rapport présenté une adresse à l'empereur, en a reçu une réponse où on remarque ces passage:

 

J'ai supprimé l'impression de votre adresse; elle était incendiaire. Les onze douzièmes du corps législatif sont composés de bons citoyens, je les reconnais et j'aurai des égards pour eux; mais une autre douzième renferme des factieux, et votre commission est de ce nombre (cette commission était composée de messieurs Lainé, Raynouard, Maine de Biran et Flaugergue). Le nommé Laine est un traître qui correspond avec le prince régent par l'intermédiaire de Desèze; je le sais, j'en ai la preuve; les quatre autres sont des factieux. Ce douzième est composé de gens qui veulent l'anarchie et qui sont comme les Girondins. Où une pareille conduite a-t-elle mené Vergneau et les autres chefs? à l'échafaud. Ce n'est pas dans le moment où l'on doit chasser l'ennemi de nos frontières que l'on doit exiger de moi un changement dans la constitution; il faut suivre l'exemple de l'Alsace, de la Franche-Comté et des Vosges. Les habitans s'adressent à moi pour avoir des armes et que je leur donne des partisans; aussi j'ai fait partir des aides-de-camp. Vous n'êtes point les représentans de la nation, mais les députés des départemens. Je vous ai rassemblés pour avoir des consolations; ce n'est pas que je manque de courage; mais j'espérais que le corps législatif m'en donnerait; au lieu de cela, il m'a trompé; au lieu du bien que j'attendais il a fait du mal, peu de mal cependant, parce qu'il n'en pouvait beaucoup faire. Vous cherchez dans votre adresse à séparer le souverain de la nation. Moi seul je suis le représentant du peuple. Et qui de vous pourrait se charger d'un pareil fardeau? Le trône n'est que du bois recouvert de velours. Si je voulais vous croire, je céderais à l'ennemi plus qu'il ne me demande: vous aurez la paix dans trois mois ou je périrai. C'est ici qu'il faut montrer de l'énergie; j'irai chercher les ennemis et nous les renverrons. Ce n'est pas au moment où Huningue est bombardé, Béfort attaqué qu'il faut se plaindre de la constitution de l'état et de l'abus du pouvoir. Le corps législatif n'est qu'une partie de l'état qui ne peut pas même entrer en comparaison avec le sénat et le conseil d'état; au reste je ne suis à la tête de cette nation que parce que la constitution de l'état me convient. Si la France exigeait une autre constitution et qu'elle ne me convînt pas, je lui dirais de chercher un autre souverain.

C'est contre moi que les ennemis s'acharnent plus encore que contre les Français; mais pour cela seul faut-il qu'il me soit permis de démembrer l'état?

Est-ce que je ne sacrifie pas mon orgueil et ma fierté pour obtenir la paix? Oui, je suis fier parce que je suis courageux; je suis fier parce que j'ai fait de grandes choses pour la France. L'adresse était indigne de moi et du corps législatif; un jour je la ferai imprimer, mais ce sera pour faire honte au corps législatif et à la nation.

Retournez dans vos foyers....... En supposant même que j'eusse des torts, vous ne deviez pas me faire des reproches publics; c'est en famille qu'il faut laver son linge sale. Au reste, la France a plus besoin de moi que je n'ai besoin de la France.

Paris, 23 janvier 1814
Lettres-patentes signées au palais des Tuileries le 23 janvier 1814, et par lesquelles l'empereur confère à S. M. l'impératrice et reine Marie-Louise le titre de régente

Napoléon, par la grâce de Dieu et les constitutions, empereur des Français, roi d'Italie, protecteur de la confédération suisse, etc.

A tous ceux qui ces présentes verront, salut:

Voulant donner à notre bien-aimée épouse l'impératrice et reine Marie-Louise des marques de la haute confiance que nous avons en elle, attendu que nous sommes dans l'intention d'aller incessamment nous mettre à la tête de nos armées pour délivrer notre territoire de la présence de nos ennemis, nous avons résolu de conférer, comme nous conférons par ces présentes, à notre Bien-aimée épouse l'impératrice et reine, le titre de régente pour en exercer les fonctions en conformité de nos intentions et de nos ordres, tels que nous les aurons fait transcrire sur le livre de l'état; entendant qu'il soit donné connaissance aux princes grands dignitaires et à nos ministres desdits ordres et instructions, et qu'en aucun cas l'impératrice ne puisse s'écarter de leur teneur dans l'exercice des fonctions de régente. Voulons que l'impératrice-régente préside, en notre nom, le sénat, le conseil d'état, le conseil des ministres et le conseil-privé, notamment pour l'examen des recours en grâce, sur lesquels nous l'autorisons à prononcer, après avoir entendu les membres dudit conseil-privé. Toutefois, notre intention n'est point que, par suite de la présidence conférée à l'impératrice-régente, elle puisse autoriser par sa signature la présentation d'aucun sénatus-consulte, ou proclamer aucune loi de l'état, nous référant, à cet égard, au contenu des ordres et intentions mentionnés ci-dessus.

Mandons à notre cousin le prince archichancelier de l'empire, de donner communication des présentes lettres-patentes au sénat, qui les transcrira sur ses registres, et à notre grand-juge ministre de la justice de les faire publier au Bulletin des lois, et de les adresser à nos cours impériales pour y être lues, publiées et transcrites sur les registres d'icelles.

NAPOLÉON.
Paris, 24 janvier 1814.

S. M. l'empereur et roi devant partir incessamment pour se mettre à la tête de ses armées, a conféré pour le temps de son absence, la régence à S. M. l'impératrice-reine, par lettres-patentes datées d'hier 23.

Le même jour, S. M. l'impératrice-reine a prêté serment, comme régente, entre les mains de l'empereur, et dans un conseil composé des princes français, des grands-dignitaires, des ministres du cabinet et des ministres d'état.

Paris, 25 janvier 1814.

Ce matin, à sept heures, S. M. l'empereur et roi est parti pour se mettre à la tête de ses armées.

3Cette députation était chargée de présenter à l'empereur le rapport fait par la commission nommée par le corps législatif pour examiner les actes officiels relatifs aux négociations entamées jusqu'alors pour la paix. On doit se rappeler combien ce rapport irrita l'empereur. Aussi sa réponse indique toute son indignation. Nous croyons faire plaisir à nos lecteurs en mettant sous leurs yeux cette pièce importante. La voici telle quelle fut prononcée dans le corps législatif par M. Raynouard, membre de la commission: «Nous avons examiné avec une scrupuleuse attention les pièces officielles que l'empereur a daigné mettre sous nos yeux. Nous nous sommes regardés alors comme les représentans de la nation elle-même, parlant avec effusion à un père qui les écoute avec bonté. Pénétrés de ce sentiment si propre à élever nos ames et à les dégager de toute considération personnelle, nous avons osé apporter la vérité au pied du trône; notre auguste souverain ne saurait souffrir un autre langage. «Des troubles politiques dont les causes furent inconnues rompirent la bonne intelligence qui régnait entre l'empereur des Français et l'empereur de toutes les Russes; la guerre fut sans doute nécessaire, mais elle fut entreprise dans un temps où nos expéditions devenaient périlleuses. Nos armées marchèrent avec celles de tous les souverains du Nord contre le plus puissant de tous. Nos victoires furent rapides, mais nous les payâmes cher. Les horreurs d'un hiver inconnu dans nos climats changèrent en défaites toutes nos victoires, et le souffle du Nord dévora l'élite des armées françaises. Nos désastres parurent des crimes à nos alliés. Les plaintes publiques de la Prusse, les sourds murmures du cabinet autrichien, les inquiétudes des princes de la confédération, tout dès-lors dut faire présager à la France les malheurs qui ne tardèrent pas à fondre sur elle. Les armes de l'empereur de Russie avaient traversé la Prusse et menaçaient l'Allemagne chancelante. L'Autriche offrit sa médiation aux deux souverains et s'affranchit elle-même par un traité secret des craintes d'un envahissement. Les funestes conséquences de nos premiers désastres ne tardèrent pas à se manifester par des désastres nouveaux. Dantzick et Torgau avaient été l'asyle de nos soldats vaincus; cette ressource nous fut enlevée par la déclaration de la Prusse; ces places furent enveloppées, et nous fûmes privés par la force des choses de quarante mille hommes en état de défendre la patrie. Le mouvement simultané de la Prusse devint pour l'Europe le signal d'une défection solennelle. «En vain l'armistice de juillet semblait porter les puissances à un accord que tous les peuples désiraient. Les plaines de Lutzen et de Bautzen furent signalées par de nouveaux exploits; il semble dans ces mémorables journées que le soleil éclaira le dernier de nos triomphes. Un prince fidèle à son alliance appela dans le coeur de ses états l'armée française et son auguste chef; Dresde devint le centre des opérations militaires. Mais tandis que la cour de Saxe se distinguait par sa fidélité généreuse, une opinion contraire fermentait au milieu des Saxons et préparait l'inexcusable trahison qu'une inimitié mal placée aurait dû laisser prévoir. «La Bavière avait, depuis la retraite de Moscou, séparé sa cause de la nôtre; le régime de notre administration avait déplu à un peuple dès long-temps accoutumé à une grande indépendance dans la répartition de ses contributions et dans la perception des impôts. Mais il y avait loin de la froideur à l'agression; le prince bavarois crut devoir prendre ce dernier parti aussitôt qu'il jugea les Français hors d'état de résister à l'attaque générale dont nos ennemis avaient donné le signal. Un guerrier né parmi nous, qui avait osé préférer un trône à la dignité de citoyen français, voulut asseoir sa puissance par une éclatante protestation contre la main bienfaisante à laquelle il devait son titre. Ne scrutons point la cause d'un si étrange abandon, respectons sa conduite, que la politique doit tôt ou tard légitimer, mais déplorons des talens funestes à la patrie. Quelques journées de gloire furent suivies de désastres plus affreux peut-être que ceux qui avaient anéanti notre première armée. La France vit alors contre elle l'Europe soulevée, et tandis que le héros de la Suède guidait ses phalanges victorieuses au milieu des confédérés, la Hollande brisait les liens qui l'attachaient à nous; l'Europe enfin cherchait à embraser la France du feu dont elle était dévorée. Nous n'avons, messieurs, à vous offrir aucune image consolante dans le tableau de tant de malheurs. Une armée nombreuse emportée par les frimats du Nord fut remplacée par une armée dont les soldats ont été arrachés à la gloire, aux arts et au commerce; celle-ci engraissé les plaines maudites de Leipsick, et les flots de l'Elster ont entraîné des bataillons de nos concitoyens. Ici messieurs, nous devons l'avouer, l'ennemi porté par la victoire jusque sur les bords du Rhin, a offert à notre auguste monarque une paix qu'un héros accoutume à tant de succès a pu trouver bien étrange. Mais si un sentiment mâle et héroïque lui a dicté un refus avant que l'état déplorable de la France eût été jugé, ce refus ne peut plus être réitéré sans imprudence lorsque l'ennemi franchit déjà les frontières de notre territoire. S'il s'agissait de discuter ici des conditions flétrissantes, Sa Majesté n'eût daigné répondre qu'en faisant connaître à ses peuples les projets de l'étranger; mais on veut non pas nous humilier, mais nous renfermer dans nos limites et réprimer l'élan d'une activité ambitieuse si fatale depuis vingt ans à tous les peuples de l'Europe. «De telles propositions nous paraissent honorables pour la nation, puisqu'elles prouvent que l'étranger nous craint et nous respecte. Ce n'est pas lui qui assigne des bornes à notre puissance, c'est le monde effrayé qui invoque le droit commun des nations. Les Pyrénées, les Alpes et le Rhin renferment un vaste territoire dont plusieurs provinces ne relevaient pas de l'empire des lis, et cependant la royale couronne de France était brillante de gloire et de majesté entre tous les diadèmes. (Ici le président interrompt l'orateur en ces termes: «Orateur, ce que vous dites-lá est inconstitutionnel.» M. Raynouard a répondu: il n'y a ici d'inconstitutionnel que votre présence, et a continué.) «D'ailleurs, le protectorat du Rhin cesse d'être un titre d'honneur pour une couronne, dès le moment que les peuples de cette confédération dédaignent cette protection. «Il est évident qu'il ne s'agit point ici d'un droit de conquête, mais d'un titre d'alliance utile seulement aux Germains. Une main puissante les assurait de son secours; ils voulent se dérober à ce bienfait comme à un fardeau insupportable, il est de la dignité de S. M. d'abandonner à eux-mêmes ces peuples qui courent se ranger sous le joug de l'Autriche. Quant au Brabant, puisque les coalisés proposent de s'en tenir aux bases du traité de Lunéville, il nous a paru que la France pouvait sacrifier sans perte des provinces difficiles à conserver, où l'esprit anglais domine presque exclusivement, et pour lesquelles enfin le commerce avec l'Angleterre est d'une necessité si indispensable que ces contrées ont été languissantes et appauvries tant qu'a duré notre domination. N'avous-nous pas vu les familles patriciennes s'exiler du sol hollandais, comme si les flêaux dévastateurs les avaient poursuivies, et aller porter chez l'ennemi les richesses et l'industrie de leur patrie? Il n'est pas besoin sans doute de courage pour faire entendre la vérité au coeur de notre monarque; mais dussions-nous nous exposer à tous les périls, nous aimerions mieux encourir sa disgrâce que de trahir sa confiance, et exposer notre vie même, que le salut du la nation que nous représentons. «Ne dissimulons rien; nos maux sont à leur comble; la patrie est menacée sur tous les points de ses frontières; le commerce est anéanti, l'agriculture languit, l'industrie expire, et il n'est point de Français qui n'ait dans sa famille ou dans sa fortune une plaie cruelle à guérir. Ne nous appesantissons pas sur ces faits: l'agriculteur, depuis cinq ans, ne jouit pas, il vit à peine, et les fruits de ses travaux servent à grossir le trésor qui se dissipe annuellement par des secours que réclament des armées sans cesse ruinées et affamées. La conscription est devenue pour toute la France un odieux fléau, parce que cette mesure a toujours été outrée dans l'exécution. Depuis deux ans on moissonne trois fois l'année; une guerre barbare et sans but engloutit périodiquement une jeunesse arrachée à l'éducation, à l'agriculture, au commerce, et aux arts. Les larmes des mères et les sueurs des peuples sont-elles donc le patrimoine des rois? Il est temps que les nations respirent; il est temps que les puissances cessent de s'entrechoquer et de se déchirer les entrailles; il est temps que les trônes s'affermissent, et que l'on cesse de reprocher à la France de vouloir porter dans tout le monde les torches révolutionnaires. Notre auguste monarque, qui partage le zèle qui nous anime, et qui brûle de consolider le bonheur de ses peuples, est le seul digne d'achever ce grand ouvrage. L'amour de l'honneur militaire et des conquêtes peut séduire un coeur magnanime; mais le génie d'un héros véritable qui méprise une gloire achetée au dépens du sang et du repos des peuples, trouve sa véritable grandeur dans la félicité publique qui est son ouvrage. Les monarques français se sont toujours glorifiés de tenir leur couronne de Dieu, du peuple et de leur épée, parce que la paix, la morale et la force sont, avec la liberté, le plus ferme soutien des empires.»