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Récits d'une tante (Vol. 1 de 4)

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dimanche, 24 novembre; six heures du matin.

C'est dans mon lit que je vous écris, mon cher papa, pendant qu'on arrange mes paquets car on nous dit que tous les passagers sont à bord depuis une heure et qu'on n'attend plus que nous. Voilà donc mon sort décidé; si ces maudites voitures n'avaient pas été à bord, nous serions à Londres à l'heure qu'il est. Je pars le cœur navré; le détail que vous me donnez de la santé de maman n'est pas fait pour me rassurer… Ah, mon Dieu! – Mon cher Rainulphe, reçois les tendres caresses de ta sœur, rends-les à tes adorés parents et tâche de leur faire oublier Adèle. J'embrasse le bon abbé de tout mon cœur. Vous recevrez une lettre de moi aujourd'hui.

IV
Lettre de madame de Boigne a l'évêque de Nancy
Beauregard, le 17 octobre 1805.

Personne ne veut parler; agir ni même conseiller, mon cher évêque; il faut donc que ce soit moi qui décide ou, du moins, qui propose. Je vous envoie une lettre que je reçus l'été dernier et où nos rôles à tous sont indiqués: papa se renferme dans le système de neutralité qu'il a adopté; Rainulphe, raisonnable comme un homme de trente ans, se déclare incapable de déterminer sur une cause qu'il connaît à peine; il s'abandonne, dit-il, à ma tendresse vraiment maternelle. Quoique je pusse aussi repousser toute décision, je calcule que ce ne serait pas la manière d'avancer une affaire aussi importante pour nous tous et sur laquelle il n'y a pas de temps à perdre. Nous avions résolu d'attendre votre arrivée; mais elle est si incertaine et vos courses peuvent être si intéressantes que je prends le parti de vous écrire et de soumettre mes idées à votre meilleur jugement. Je commence par vous dire qu'elles sont entièrement de moi, que, moyennant cela, j'ignore si et comment elles sont praticables, que, du reste, le jeune homme est parfaitement raisonnable, qu'il sent sa position, qu'il veut, et d'une volonté ferme, la changer et qu'il est bien résigné aux désagréments de tous les genres de commencements. – Je crois que, d'après l'éducation que Rainulphe a reçue, la carrière diplomatique est celle qui s'ouvrirait pour lui avec le plus d'avantages. Il me semble que nous (c'est vous et moi), nous avons espoir qu'il serait protégé. L'ardeur d'une petite tête de dix-huit ans le pousserait à embrasser l'état militaire, mais tous les avantages qu'il peut avoir disparaîtraient dans cette situation, et il convient lui-même qu'il a la vue trop basse pour pouvoir se distinguer dans les grades supérieurs; il faudrait donc borner son ambition à faire manœuvrer une compagnie et, si je ne m'aveugle pas, il peut la pousser beaucoup plus loin. – Me voilà donc bien décidément préférant la carrière diplomatique; il s'agit à présent de la manière d'y entrer: cette petite pépinière qui travaille sous les yeux du ministre des Relations extérieures me paraîtrait une entrée fort désirable. Je sais bien que cela n'exempte pas de la conscription, mais, s'il ne s'agissait que d'un sacrifice d'argent pour se faire remplacer et qu'aucune défaveur ne s'ensuivit, nous nous soumettrions à en courir les risques. Peut-être pourrait-il aller passer quelques mois à Fontainebleau en y payant la pension et en sortir à la demande du ministre qui consentirait à s'en charger. Cela aurait l'avantage de le mettre à portée d'embrasser la carrière militaire s'il ne réussissait pas dans la carrière diplomatique; mais, si ce séjour à Fontainebleau se prolongeait pendant longtemps, il est trop jeune pour ne pas y perdre une partie des avantages qui, je crois, le rendent propre à se distinguer dans l'état que je désire lui voir suivre. Vous savez comme moi, mon cher évêque, que les goûts de papa ont dû le porter à donner à mon frère une éducation qui le mette à portée de réussir dans cette carrière; c'est un enfant de la balle que monsieur de Talleyrand protégera personnellement, j'en suis sûre, quand il le connaîtra. Des talents de société qui ont quelque valeur, parce que Rainulphe n'y attache aucune importance, deviendraient nuls absolument pour un militaire et peuvent lui procurer quelque agrément dans une autre situation. Tout, en un mot, me confirme dans le désir que je vous exprimais l'année dernière. Voilà, mon cher évêque, le résultat de mes constantes sollicitudes; je ne doute pas que je les fasse approuver autour de moi si elles ont votre approbation. Vous êtes à même aussi de savoir comment il faut s'y prendre et de diriger les démarches. Les rigueurs de Fontainebleau n'effraient pas Rainulphe qui est fort décidé à faire ce qu'il faut pour réussir.

Nous sommes tous bien tendrement occupés des inquiétudes de cette pauvre Rosalie; nous avons vu Eugène, il est fort joli garçon et très, très bien; j'espère avoir de ses nouvelles par mon mari que je suppose devoir le rencontrer à Lyon. J'ai mandé à Rosalie combien j'étais contente de monsieur de Boigne sous le rapport qui m'intéresse le plus; il continue à être très bien par écrit. – Joseph et sa femme sont partis, il y a une heure, pour Villennes après avoir passé quelques jours ici; leurs affaires s'arrangent beaucoup mieux qu'ils ne l'avaient espéré; monsieur de Gilbert en sera pour ses mauvais procédés. – Le bon oncle se porte toujours mieux que ses neveux, grands et petits. – Bonjour, mon cher évêque, la coterie de Beauregard se réunit pour embrasser le frère et la sœur. Ne nous oubliez pas auprès de monsieur d'Argoult, s'il est avec vous.

V
Lettre de madame de Boigne au général de Boigne
Paris, 24 novembre 1812.

Vous me répondez toujours avec tant de dureté, mon cher ami, toutes les fois que je vous parle de moi, et cette dureté m'est si pénible que, quoique sous le même toit, je préfère vous écrire à m'exposer à une discussion qui dégénère toujours en personnalités offensantes qui ne servent qu'à nous aigrir mutuellement l'un contre l'autre, au lieu de remplir le but que je me suis toujours proposé qui serait, au contraire, de concilier, autant que possible, les différends qui se sont élevés entre nous. – Lors de votre arrivée ici, j'ai cru devoir vous faire part de ce que je désirais que vous fissiez pour moi; il m'a paru que cette manière simple et loyale était celle qui devait régner entre nous et qui convenait le mieux à nos caractères. – Depuis, vous avez obtempéré à une partie de mes demandes, vous vous êtes refusé aux autres; je ne reviens pas là-dessus, je sais parfaitement que je n'ai d'autres droits à faire valoir que ceux donnés par l'honnêteté et la délicatesse. Aujourd'hui, je vois les apprêts de votre départ et, quoique je ne souscrive pas à l'obligeant désir que vous m'avez exprimé de ne plus me revoir, cependant je sens que, pour le moment, ma présence à Buissonrond serait aussi incommode pour vous qu'inconvenante pour moi. Ainsi, je ne puis fixer un terme à cette absence que je m'empresserai d'abréger dès que vous m'en témoignerez le plus léger désir; mais, avant qu'elle commence, je souhaiterais savoir quelles sont vos intentions relativement à ma position pécuniaire: je ne prétends élever aucune difficulté ni même en discuter avec vous, mais vous ne pouvez trouver extraordinaire que je veuille savoir vos projets et qu'avant de les connaître je soumette quelques réflexions à votre jugement. – Quoique vous m'ayez toujours promis d'améliorer mon sort à la vente de Beauregard, les circonstances actuelles font que je ne demande aucune augmentation à la somme à laquelle vous aviez fixé ma dépense il y a quinze mois; mais je vous représenterai que, si vous en diminuiez une partie, non seulement mon sort ne serait pas amélioré, mais il serait fort empiré, et vous le comprendrez facilement si vous voulez calculer que l'entretien et les charges de Châtenay, en y mettant la plus stricte économie, ne peut pas être estimé à moins de six mille francs; ajoutez à cela le revenu de Beauregard que vous estimiez huit mille francs dans mon revenu et qui peut se calculer à six, ensuite les frais de déménagement qui s'élèveront au moins à deux mille francs et vous verrez que, même en me continuant la totalité des 50 m. frs que vous aviez assignés aux frais de mon établissement, je serai bien plus mal à mon aise cette année que la précédente, et qu'il me faudra même chercher le moyen de faire quelque économie, car je suis arrivée au premier octobre avec cent dix francs en caisse; il est vrai que le loyer de cette maison était payé pour six mois, mais il y avait d'autres dépenses telles que médecin, apothicaire, etc. qui devaient compenser cette différence. – Voilà, mon cher ami, les réflexions que je désirais vous soumettre et que je vous prie de peser avec bonté et sagesse; je crois que vous penserez qu'avec la charge de deux maisons qui s'élève à 13 m. frs au moins, le revenu que je souhaite que vous me confirmiez n'est pas exagéré: vous l'avez jugé raisonnable et vous l'avez fixé vous-même il y a quinze mois. Je ne vois pas en quoi j'aurais mérité depuis qu'il fut retranché, et, quant à votre position pécuniaire, elle est plutôt améliorée depuis ce temps, d'abord par la vente de Beauregard et puis par le change qui est un peu moins mauvais qu'à cette époque. – Au reste, mon cher ami, je le répète, je m'en remets à votre volonté; tout ce que je veux c'est d'éviter une discussion pénible. J'aime à croire que votre décision sera telle que je la demande et, j'ose le croire, que l'honnêteté et la délicatesse la dictent. – J'en causerai volontiers avec vous si vous voulez mettre de côté les réflexions et les personnalités offensantes, de manière à ce qu'une discussion amicale ne dégénère pas en querelle, mais, si vous ne voulez pas faire cet effort, je vous demande de me répondre quelques lignes par écrit. – Bonsoir, mon cher général, vous croyez être entouré de gens qui vous veulent plus de bien que moi, et vous êtes dans une grande erreur. Un jour, bientôt peut-être, ces personnes-là vous montreront ce qu'elles valent, et alors, comme toujours, vous retrouverez et vous jugerez peut-être avec moins d'injustice celle qui est et qui sera toujours votre plus fidèle et votre meilleure amie.