Un Plat Qui se Mange Froid

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Aus der Reihe: Une Enquête de Riley Paige #8
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Riley comprit ce qu’elle ressentait. Elle ressentait la même chose.

Wendy ajouta :

— Tu devrais le vendre. Garde l’argent. Je préfère.

Riley ne sut que dire. Heureusement, Wendy changea de sujet :

— Avant de mourir, papa m’a dit que tu étais agent du FBI. Depuis combien de temps tu fais ça ?

— Environ vingt ans.

— Je crois que papa était fier de toi.

Un rire amer sortit de la gorge de Riley.

— Non, il n’était pas fier.

— Comment tu le sais ?

— Oh, il me l’a dit. Il avait une façon très personnelle de communiquer.

Wendy soupira.

— Oui, tu as sans doute raison.

Un silence gêné passa. Riley se demanda de quoi elles allaient bien pouvoir parler maintenant. Après tout, elles n’avaient pas discuté depuis des années. Et si elles essayaient de fixer une date pour se rencontrer ? Mais Riley n’arrivait pas à s’imaginer allant à Des Moines pour rencontrer une inconnue nommée Wendy. Et Wendy devait penser la même chose à propos de Fredericksburg.

Après tout, qu’avaient-elles en commun ?

Ce fut alors que le téléphone de Riley sonna. Elle fut soulagée d’être interrompue.

— Il faut que je réponde, dit-elle.

— Je comprends. Merci d’avoir appelé.

— Merci à toi, dit Riley.

Elles raccrochèrent et Riley décrocha son téléphone. Une voix de femme visiblement interloquée lui répondit :

— Allô… Qui est à l’appareil ?

— Qui appelle ? demanda Riley.

Un silence passa.

— Ryan… Ryan est ici ? demanda la femme.

Elle avait la voix trainante. Riley comprit qu’elle était éméchée.

— Non, dit-elle.

Elle hésita. Après tout, c’était peut-être une cliente de Ryan. Mais ce n’était pas le cas et elle le savait. Cette situation était bien trop familière.

Riley dit :

— N’appelez plus ici.

Elle raccrocha.

Elle tremblait de colère.

Ça recommence, pensa-t-elle.

Elle composa le numéro de téléphone de Ryan.

CHAPITRE TROIS

Quand Ryan décrocha le téléphone, Riley n’y alla pas par quatre chemins.

— Tu vois une autre femme, Ryan ? demanda-t-elle. Une femme a téléphoné. Elle te cherchait.

Ryan hésita avant de demander :

— Elle t’a donné son nom ?

— Non, j’ai raccroché.

— Tu n’aurais pas dû. C’était peut-être une cliente.

— Elle était saoule, Ryan. Et c’était personnel. Je l’entendais dans sa voix.

Riley ne sut que dire.

Riley répéta sa question :

— Tu vois une autre femme ?

— Je… Je suis désolé, bredouilla Ryan. Je ne sais pas comment elle a eu ton numéro. Ce doit être une erreur.

Oh oui, c’est une erreur, pensa Riley.

— Tu ne réponds pas à ma question.

Ryan s’agaça :

— Et si je vois une autre femme ? Riley, on ne s’est jamais dit qu’on était un couple exclusif.

Riley resta sans voix.

— Je pensais que…, commença-t-elle.

— Tu penses trop, la coupa Ryan.

Riley essaya de garder son sang-froid.

— Comment s’appelle-t-elle ?

— Lina.

— C’est sérieux entre vous ?

— Je ne sais pas.

Le téléphone tremblait dans la main de Riley.

Elle dit :

— Tu ne crois pas qu’il serait temps de le savoir ?

Un silence passa.

Enfin, Ryan dit :

— Riley, je voulais justement t’en parler… J’ai besoin d’espace. La famille, tout ça… Je croyais que j’étais prêt, mais je me trompais. Je veux profiter de la vie. Tu devrais faire de même.

C’était une rengaine familière.

Il est de nouveau en mode playboy, pensa-t-elle.

Hypnotisé par sa nouvelle conquête, il s’éloignait de Riley et de sa famille. Elle avait cru qu’il avait changé, qu’il était plus responsable. Elle aurait dû savoir que ça n’allait pas durer. Il n’avait pas changé du tout.

— Qu’est-ce que tu vas faire maintenant ?

Ryan semblait soulagé d’enfin dire ce qu’il avait sur le cœur.

— Ecoute, ça ne me plait pas de faire des allers-retours entre ta maison et la mienne. Ça ne marche pas. Je ferais mieux de partir.

— April va être déçue, dit Riley.

— Je sais, mais on se débrouillera. Je vais continuer de passer du temps avec elle. Elle va s’en sortir. Elle a connu pire.

La désinvolture de Ryan mettait Riley encore plus en colère. Elle était prête à exploser.

— Et Jilly ? demanda-t-elle. Elle est très attachée à toi. Elle compte sur toi. Tu l’aides beaucoup, notamment avec ses devoirs. Elle a besoin de toi. Elle traverse une période de gros changements et c’est dur pour elle.

Il y eut un autre silence. Riley comprit que Ryan s’apprêtait à dire quelque chose qu’elle n’allait pas apprécier.

— Riley, c’est toi qui as décidé de prendre Jilly chez toi. Je t’admire beaucoup, mais ce n’était pas mon choix. Je ne peux pas m’occuper de l’adolescente perturbée de quelqu’un d’autre. C’est injuste.

Pendant quelques secondes, la fureur laissa Riley sans voix.

Encore une fois, Ryan faisait passer ses propres sentiments avant ceux des autres.

Il était irrécupérable.

— Passe prendre tes affaires, dit-elle en serrant les dents. Viens quand les filles seront à l’école. Je veux que tu partes de notre vie le plus vite possible.

Elle raccrocha.

Elle se leva de son bureau et se mit à faire les cent pas, en rabâchant sa colère.

Elle aurait aimé trouver un exutoire où déverser sa rage, mais elle n’avait rien à faire ce jour-là. Elle n’arriverait pas à dormir.

Demain, elle pourrait passer ses nerfs.

CHAPITRE QUATRE

Riley savait que l’attaque allait arriver. Ce serait soudain et violent. Et ça pourrait venir de n’importe où dans ce labyrinthe. Elle avança avec prudence dans le couloir du bâtiment abandonné…

Mais les souvenirs de la nuit dernière ne cessaient de la déranger.

« J’ai besoin d’espace. » avait dit Ryan.

« La famille, tout ça… Je croyais que j’étais prêt, mais je me trompais. »

« Je veux profiter de la vie. »

Riley était en colère, pas seulement contre Ryan, mais également contre elle-même de laisser ses pensées la distraire.

Concentre-toi, se dit-elle. Tu as un méchant à arrêter.

Et elle se trouvait dans une position difficile. La jeune collègue de Riley, Lucy Vargas, avait été blessée. Son partenaire de toujours, Bill Jeffreys, était restée avec elle. Ils se tenaient en planque, au virage, derrière Riley, prêts à la couvrir. Riley entendit Bill tirer trois fois.

Comme elle ne pouvait pas se permettre de regarder en arrière pour voir ce qui se passait, elle appela :

— Compte-rendu de la situation, Bill ? appela-t-elle.

Des tirs d’armes semi-automatiques retentirent.

— Un homme à terre. Plus que deux, dit Bill. Je m’en occupe. Et Lucy va bien. Je la couvre. Reste concentrée. Ce type est doué. Très doué.

Bill avait raison. Riley ne pouvait apercevoir le tireur, mais il avait déjà touché Lucy, qui était elle-même une tireuse d’élite. Si Riley n’arrivait pas à le descendre, il finirait par les tuer tous les trois.

Elle gardait son Colt M4 levé. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas utilisé une telle arme d’assaut. Elle avait besoin de se réhabituer au poids de sa charge.

Devant elle s’étendait un couloir dont toutes les portes étaient ouvertes. Le tueur pouvait se trouver dans n’importe laquelle de ces pièces. Elle était déterminée à le trouver et à le faire exploser avant qu’il ne fasse plus de dégât.

Riley rasa le mur en direction de la première porte. Espérant qu’il y était, elle tira trois salves à l’intérieur. Son arme fit trembler ses bras. Puis elle fit un pas dans l’embrasure et tira à nouveau trois fois. Cette fois, elle cala son arme sur son épaule pour absorber le recul.

Elle baissa son arme et vit qu’il n’y avait personne. Elle fit volte-face pour s’assurer que le couloir était toujours vide, puis s’arrêta pour réfléchir. Vérifier chaque pièce l’une après l’autre était non seulement dangereux, cela leur coûterait également un temps précieux et des munitions. Mais elle avait l’impression qu’elle n’avait pas le choix. Si le tireur se trouvait dans une de ces pièces, il était en bonne position pour tirer sur la première personne qui se présenterait.

Elle se concentra sur les réactions de son corps.

Elle était agitée et nerveuse.

Son pouls battait très vite.

Elle respirait fort.

Etait-ce l’adrénaline ou la colère de la nuit dernière ?

Elle se rappela une fois encore…

« Et si je vois une autre femme ? » avait dit Ryan.

« Riley, on ne s’est jamais dit qu’on était un couple exclusif. »

Il lui avait dit qu’elle s’appelait Lina.

Riley se demanda quel âge elle avait.

Certainement trop jeune.

Les femmes de Ryan étaient toujours trop jeunes.

Merde, arrête de penser à lui ! Elle se comportait comme une débutante.

Elle devait se rappeler qui elle était. Elle était Riley Paige, un agent respecté et admiré.

Elle avait des années d’entrainement et de terrain à son actif.

Elle avait traversé l’enfer plusieurs fois. Elle avait pris des vies et elle en avait sauvé. Elle savait garder la tête froide face au danger.

Comment pouvait-elle laisser Ryan la distraire comme ça ?

 

Elle secoua tout son corps pour le chasser de son esprit.

Elle s’approcha d’une autre pièce, tira une rafale à l’aveuglette, puis entra dans la pièce en tirant à nouveau.

Ce fut alors que sa carabine s’enraya.

— Merde, grogna Riley.

Heureusement, le tireur n’était pas non plus dans cette pièce-là, mais Riley savait que sa chance pouvait tourner d’un instant à l’autre. Elle jeta son M4 et tira son pistolet Glock.

Ce fut alors qu’un mouvement brusque attira son regard. Il était là, dans l’embrasure de la porte, son fusil pointé vers elle. Instinctivement, Riley fit une roulade pour éviter la rafale. Puis elle s’agenouilla et tira trois fois, encaissant le recul. Les trois balles touchèrent le tireur qui tomba à la renverse.

— Je l’ai eu ! hurla-t-elle à Bill.

Elle s’approcha lentement du corps. Il n’y avait aucun signe de vie. C’était fini.

Riley se redressa et retira son casque de réalité virtuelle, avec ses lunettes, ses écouteurs et son micro. Le corps du tueur disparut, ainsi que le labyrinthe de couloirs. Elle se retrouva dans une pièce de la taille d’un terrain de basket. Bill n’était pas loin, ainsi que Lucy qui se relevait. Bill et Lucy retiraient également leurs casques. Comme Riley, ils portaient également des bracelets aux poignets, aux coudes, aux genoux et aux chevilles pour suivre leurs mouvements.

Maintenant que ses compagnons n’étaient plus des pantins générés et animés par ordinateur, Riley prit le temps de les regarder. Ils formaient une paire étrange : l’un plus âgé et solide en toutes circonstances, l’autre jeune et impulsive.

Deux personnes qu’elle appréciait profondément.

Riley avait déjà travaillé avec Lucy sur le terrain. Elle savait qu’elle pouvait compter sur elle. La jeune femme aux cheveux bruns et aux yeux noirs pétillait d’énergie et d’enthousiasme.

Bill avait l’âge de Riley. Même si ses quarante ans le ralentissaient un peu parfois, c’était toujours un excellent agent de terrain.

Et il est beau gosse, se rappela-t-elle.

Pendant un instant, elle se demanda, maintenant que sa relation avec Ryan avait rencontré un mur, si elle et Bill…

Non, elle savait que c’était une très mauvaise idée. Par le passé, ils avaient tous les deux essayé de démarrer quelque chose, mais les résultats avaient été catastrophiques. Bill était un très bon partenaire et encore meilleur en tant qu’ami. Elle ne voulait pas gâcher ça.

— Bien joué, dit Bill à Riley en lui adressant un large sourire.

— Oui, tu m’as sauvé la vie, dit Lucy en souriant. Je n’arrive pas à y croire ! J’ai raté le type alors qu’il était juste devant moi !

— C’est comme ça que ça marche, dit Bill à Lucy en lui tapotant le dos. Même les agents les plus expérimentés ratent parfois leur cible à courte distance. La réalité virtuelle permet de s’entrainer.

Lucy dit :

— Rien de tel qu’une balle virtuelle dans l’épaule pour retenir la leçon…

Elle se frotta l’épaule. L’équipement était prévu pour envoyer une petite décharge quand on était touché.

— Toujours mieux qu’une vraie, dit Riley. Je te souhaite un bon rétablissement.

— Merci ! s’exclama Lucy en riant. Je me sens déjà mieux.

Riley rangea son pistolet et ramassa le faux Colt M4. Elle se rappela le violent recul chaque fois qu’elle avait tiré, ainsi que des détails très nets du bâtiment abandonné.

Riley se sentait étrangement vide.

Ce n’était pas la faute de Bill ou de Lucy. Elle leur était reconnaissante d’avoir pris le temps de faire cet exercice.

— Merci d’être venus, dit-elle. J’avais besoin de passer mes nerfs.

— Tu te sens mieux ? demanda Lucy.

— Ouais.

Ce n’était pas vrai, mais un petit mensonge ne ferait pas de mal.

— Et si on allait boire un café ? demanda Bill.

— D’accord ! s’exclama Lucy.

Riley secoua la tête.

— Pas aujourd’hui, merci. Une autre fois. Allez-y sans moi.

Bill et Lucy quittèrent l’immense salle de réalité virtuelle. Pendant un instant, Riley se demanda si elle devait les suivre, tout compte fait.

Non, je ne serais pas de bonne compagnie, pensa-t-elle.

La voix de Ryan résonnait dans sa tête…

« C’est toi qui as décidé de prendre Jilly chez toi. »

Ryan avait du culot de tourner le dos à la pauvre Jilly.

Mais Riley n’était plus en colère. Elle était seulement terriblement triste.

Mais pourquoi ?

Puis elle comprit…

Rien de tout cela n’est vrai.

Toute ma vie. Tout est faux.

Ses espoirs de former enfin une famille avec Ryan et les enfants n’avaient été qu’un mirage.

Comme cette simulation.

Elle tomba à genoux et se mit à pleurer.

Elle eut besoin de quelques minutes pour se remettre de ses émotions. Heureusement, personne ne l’avait surprise dans cet état. Elle se leva et se dirigea vers son bureau. Dès qu’elle entra, son téléphone se mit à sonner.

Elle savait qui l’appelait.

Elle attendait son coup de téléphone.

Et elle savait également que la conversation ne serait pas facile.

CHAPITRE CINQ

— Bonjour, Riley, dit une femme à l’autre bout du fil quand elle décrocha son téléphone.

C’était une voix douce, de plus en plus tremblotante avec l’âge, et aimable.

— Bonjour, Paula, dit Riley. Comment allez-vous ?

La femme soupira.

— Comme vous le savez, c’est toujours difficile aujourd’hui.

Riley ne comprenait que trop bien. La fille de Paula, Tilda, avait été tuée à cette date, vingt-cinq ans plus tôt.

— J’espère que je ne vous dérange pas, dit Paula.

— Bien sûr que non, la rassura Riley.

Après tout, c’était Riley qui avait instauré cet étrange rituel des années plus tôt. Elle n’avait jamais travaillé sur cette affaire de meurtres. Elle avait contacté la mère de la victime alors que c’était déjà une affaire classée.

Elles avaient pris l’habitude de s’appeler chaque année.

Il était un peu étrange de discuter au téléphone avec une personne qu’on n’avait jamais rencontrée. Riley ne savait même pas à quoi Paula ressemblait. Elle savait que c’était une dame de soixante-huit ans maintenant. Riley imaginait une gentille petite mamie aux cheveux gris.

— Comment va Justin ? demanda-t-elle.

Riley avait parlé deux ou trois fois avec le mari de Paula, sans jamais vraiment apprendre à le connaitre.

Paula soupira.

— Il est décédé cet été.

— Je suis désolée, dit Riley. Comment est-ce arrivé ?

— Tout à coup, sans prévenir. C’était une rupture d’anévrisme, ou alors une crise cardiaque. Ils m’ont proposé de faire une autopsie pour savoir exactement, mais j’ai dit : « Pourquoi faire ? » Ce n’était pas ça qui allait le ramener.

Riley eut un pincement au cœur. Elle savait que Tilda était sa fille unique. La perte de son mari n’avait pas dû être facile à vivre.

— Vous vous en sortez ? demanda-t-elle.

— Un jour après l’autre, répondit Paula. On se sent seul, ici, maintenant.

Il y avait une infinie tristesse dans la voix de la femme, comme si elle était déjà prête à rejoindre son époux dans la mort.

Riley ne pouvait imaginer une telle solitude. Elle ressentit une bouffée de bonheur à l’idée d’être entourée de personnes aimantes : April, Gabriela et maintenant Jilly. Riley avait souvent eu peur de les perdre. April s’était retrouvée plus d’une fois dans un danger mortel.

Bien sûr, elle avait également de merveilleux amis, comme Bill. Lui aussi avait pris des risques dans la vie.

Je n’ai pas le droit d’oublier ce que j’ai, pensa-t-elle.

— Et comment allez-vous, ma chère ? demanda Paula.

Riley avait souvent l’impression qu’elle pouvait parler à Paula de sujets particulièrement intimes.

— Eh bien, je vais adopter une fille de treize ans. C’est l’aventure. Oh, et Ryan est revenu quelques temps. Puis il est reparti. Il s’est entiché d’une autre jolie femme.

— Oh, c’est terrible ! dit Paula. J’ai eu de la chance avec Justin. Il n’est jamais allé voir ailleurs. Je suppose qu’il a eu de la chance, lui aussi. Il est parti très rapidement, sans souffrir. Quand ce sera mon tour, j’espère que…

Paula se tut.

Riley frémit.

Paula avait perdu sa fille aux mains d’un tueur qui n’avait jamais été puni pour son crime.

Riley avait, elle aussi, perdu quelqu’un dans les mêmes circonstances.

Elle reprit d’une voix lente et hésitante :

— Paula… J’ai toujours des flashs. Des cauchemars aussi.

Paula répondit d’une voix douce.

— Ce n’est pas étonnant. Vous étiez petite. Et vous étiez présente quand ça s’est passé. On m’a épargné ça, au moins.

La formulation fit sursauter Riley.

Elle n’avait pas l’impression qu’on avait épargné quoi que ce soit à Paula.

Il est vrai qu’elle n’avait pas été obligée de voir sa fille mourir.

Mais perdre son enfant devait être encore plus terrible que ce que Riley avait vécu.

L’empathie de Paula l’étonnerait toujours.

Paula reprit d’une voix douce :

— Le chagrin ne disparait jamais vraiment, je ne crois pas. Peut-être qu’on ne veut pas vraiment s’en débarrasser. Qu’est-ce qu’on deviendrait si j’oubliais Justin et vous votre mère ? Je ne veux jamais avoir le cœur si dur. Tant que j’ai mal, je me sens humaine… Et vivante. Le chagrin fait partie de ce que nous sommes, Riley.

Riley battit des paupières pour chasser une larme.

Comme toujours, Paula savait exactement ce qu’elle avait besoin d’entendre.

Mais, comme toujours, ce n’était pas facile.

Paula poursuivit :

— Regardez ce que vous avez fait de votre vie : vous protégez les autres, vous rendez la justice. Votre deuil a fait de vous ce que vous êtes : une héroïne et une bonne personne.

Un sanglot étrangla momentanément Riley.

— Oh, Paula. Je préfèrerais que rien de tout cela ne soit arrivé, pour vous comme pour moi. Si seulement je pouvais…

Paule l’interrompit.

— Riley, nous parlons de ça chaque année. Le tueur de ma fille ne sera jamais puni. Ce n’est la faute de personne et je ne reproche rien à personne. Encore moins à vous. Ce n’était même pas votre affaire. Ce n’est pas votre responsabilité. Tout le monde a fait son travail. Le mieux que vous puissiez faire, c’est de me parler. Et ça embellit ma vie.

— Je suis désolée pour Justin, dit Riley.

— Merci. Ça compte beaucoup pour moi.

Riley et Paula se mirent d’accord pour parler à nouveau l’année prochaine, puis elles raccrochèrent.

Riley resta assise en silence dans son bureau.

Il était toujours émotionnellement difficile de discuter avec Paula. Mais, la plupart du temps, Riley se sentait mieux après.

Cette fois, elle se sentait particulièrement mal.

Pourquoi ?

Rien ne se passe comme prévu, pensa-t-elle.

Tous les problèmes de son existence semblaient liés les uns aux autres.

Et elle ne pouvait s’empêcher de s’en vouloir, comme si c’était elle qui était responsable de toute cette douleur.

Au moins, elle n’avait plus envie de pleurer. Des larmes ne lui serviraient à rien. Et puis, Riley avait de la paperasse à faire aujourd’hui. Elle s’installa derrière son bureau et se mit au travail.

*

Plus tard dans l’après-midi, Riley partit de Quantico pour aller directement au collège Brody. Jilly l’attendait sur le trottoir quand elle tourna au virage.

La gamine s’engouffra sur le siège passager.

— Ça fait quinze minutes que j’attends ! dit-elle. Allez ! On va être en retard pour le match !

Riley étouffa un rire.

— On ne sera pas en retard, dit-elle. On sera pile à l’heure.

Elle démarra et se mit en route vers le lycée d’April.

Tout en conduisant, elle pensa à Ryan avec inquiétude.

Etait-il passé dans la journée prendre ses affaires ?

Quand allait-elle dire aux filles qu’il était parti ?

— Qu’est-ce que t’as ? demanda Jilly.

Riley réalisa qu’elle montrait ses émotions.

— Rien, dit-elle.

— Ce n’est pas rien, insista Jilly. Je le vois.

Riley ravala un soupir. Comme April et Riley elle-même, Jilly était observatrice.

 

Et si je lui disais maintenant ? se demanda Riley.

Non, ce n’était pas le moment. Elles étaient en route pour assister au match de football d’April. Riley ne voulait pas gâcher la journée avec des mauvaises nouvelles.

— Ce n’est vraiment rien, dit-elle.

Riley se gara devant l’école d’April quelques minutes avant le début du match. Elle se dirigea avec Jilly vers les gradins déjà bondés. Jilly avait peut-être raison : elles auraient dû arriver plus tôt.

— Où tu veux t’asseoir ? demanda Riley.

— Là-haut ! proposa Jilly en pointant du doigt les gradins les plus élevés où il restait encore de la place. Comme ça, je pourrai me mettre debout et tout voir.

Elles escaladèrent les gradins et s’installèrent. Quelques minutes plus tard, le match commença. April jouait au poste de milieu de terrain. Elle avait l’air de bien s’amuser. Riley remarqua qu’elle avait un jeu très agressif.

Tout en regardant, Jilly dit :

— April dit qu’elle veut développer son jeu pendant les deux prochaines années. C’est vrai qu’elle pourrait avoir une bourse pour l’université en jouant au foot ?

— Si elle y travaille, oui, répondit Riley.

— C’est super. Je pourrais peut-être faire ça aussi.

Riley sourit. C’était merveilleux de voir Jilly prendre confiance en elle et en l’avenir. Il y avait eu bien peu d’espoir dans la vie qu’elle avait laissée derrière elle. Son avenir était sombre. Elle n’aurait sans doute pas terminé le lycée, sans parler d’aller à l’université. Tout un univers de possibilités s’offrait à elle maintenant.

Je ne me suis pas trompée sur toute la ligne, songea Riley.

Ce fut alors qu’April feinta un défenseur et, d’un coup de pied croisé, envoya le ballon filer dans les cages. Elle avait marqué le premier but du match.

Riley bondit sur ses pieds en applaudissant.

Elle reconnut alors une autre fille dans l’équipe. C’était l’amie d’April, Crystal Hildreth. Riley ne l’avait pas vue depuis longtemps. La revoir réveillait des émotions contradictoires.

Crystal et son père, Blaine, vivaient auparavant dans la maison juste à côté de celle de Riley.

Blaine était un homme charmant. Riley s’était intéressée à lui, et lui à elle.

Mais tout s’était terminé quelques mois plus tard, de manière assez brutale. Puis Blaine et sa fille avaient déménagé.

Riley n’avait vraiment pas envie d’y penser.

Elle balaya la foule du regard. Puisque Crystal jouait, Blaine devait être là. Pour le moment, elle ne le voyait pas.

Elle espérait ne pas le croiser.

*

C’était la mi-temps et Jilly courut voir des amis qu’elle avait repérés.

Riley remarqua qu’elle avait reçu un sms de Shirley Redding, l’agent immobilier qu’elle avait contacté pour vendre le chalet de son père.

Ça disait…

Bonne nouvelle ! Appelez-moi !

Riley descendit des gradins et composa le numéro de l’agent.

— J’ai fait l’état des lieux, dit la femme. La propriété vaut au moins cent mille dollars. Peut-être même deux fois plus.

Un frisson d’excitation parcourut l’échine de Riley. Cet argent pourrait servir à envoyer les filles à l’université.

Shirley poursuivit :

— On doit parler des détails. C’est possible maintenant ?

Non, ce n’était pas le bon moment, et Riley lui proposa d’en discuter le lendemain. Tout en raccrochant, elle vit quelqu’un se faufiler dans la foule dans sa direction.

Riley le reconnut aussitôt. C’était Blaine, son ancien voisin.

Elle remarqua que le bel homme souriant avait une cicatrice sur la joue droite.

Le cœur de Riley se serra.

En voulait-il à Riley ? Lui reprochait-il cette cicatrice ?

Elle ne pouvait s’empêcher de s’en vouloir.