Si elle s’enfuyait

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CHAPITRE QUATRE

Le shérif Bannerman était de retour au commissariat quand Kate et DeMarco arrivèrent. Il leur fit signe de venir dans son bureau. Kate remarqua qu’il traînait légèrement la jambe. Il leur ouvrit la porte pour les laisser entrer et la referma derrière elles.

« Vous avez du neuf ? » demanda-t-il.

« On a parlé à une certaine madame Patterson. Elle vit dans la maison qu’on peut voir par la fenêtre du bureau de Karen Hopkins, » dit Kate. « Elle dit avoir vu quelqu’un dans le jardin arrière des Hopkins le jour où Karen a été assassinée. »

« Enfin, elle pense que c’est ce jour-là, » ajouta DeMarco.

« Shérif, est-ce que vous connaissez une entreprise dans le coin qui aurait un logo en forme d’étoile et de couleur blanche ? Il se pourrait que les employés portent une combinaison de couleur sombre. »

Bannerman réfléchit un instant, avant de hocher lentement la tête. Il tapa quelque chose sur son ordinateur, cliqua sur un lien et tourna l’écran vers elles. Il avait tapé Fournisseur internet Hexco sur Google et en avait sorti une image.

« Il y a ça, » dit-il. « C’est la seule chose qui me vienne directement à l’esprit. »

Kate et DeMarco examinèrent le logo de près. Il était presque identique à la description qu’en avait faite madame Patterson. Il était en forme d’étoile mais l’arrière était légèrement étiré et incurvé. De légères lignes étaient tracées à la suite de l’étoile et au centre, était écrit le mot Hexco.

DeMarco dégaina son téléphone à la vitesse de l’éclair et appela directement le numéro qui était indiqué en-dessous du logo. « Je vais vérifier si Karen a fait appel à leurs services mardi. »

Elle s’assit, en attendant que le téléphone se mette à sonner. Bannerman retourna l’ordinateur vers lui et en referma le couvercle. À voix basse, pour ne pas déranger DeMarco qui était en ligne avec quelqu’un, il regarda Kate et demanda : « Qu’est-ce que vous pensez de l’affaire jusqu’à maintenant ? »

« Je pense que nous avons affaire à un assassin qui cible un certain type de victimes. Karen Hopkins et Marjorie Hix avaient toutes les deux la cinquantaine et étaient seules chez elles. Je suppose que le tueur savait que leurs maris ne seraient pas là. Et je pense également qu’il avait pris le temps de bien connaître leur maison, vu qu’il n’y a aucun signe d’entrée par effraction. Alors… notre assassin a un type en particulier et il prépare minutieusement ses coups. À part ça… je n’ai rien d’autre. »

« Et je pourrais ajouter autre chose, » dit Bannerman. « Il n’y avait aucun signe de lutte non plus. Alors l’assassin savait comment entrer sans déclencher l’alarme et frapper sans que les victimes s’y attendent. Ce qui me fait penser que ce sont les victimes qui ont invité le tueur à entrer. Qu’elles le connaissaient. »

Kate en était arrivée à la même conclusion mais elle laissa Bannerman l’exprimer. Elle aimait bien l’entendre parler. Son âge avancé lui donnait un air de sagesse et elle appréciait tout particulièrement son expérience. Normalement, travailler en collaboration avec la police locale lui paraissait plutôt un handicap, mais elle commençait vraiment à beaucoup apprécier Bannerman.

Au moment où elle hochait la tête en signe d’acquiescement, DeMarco termina son appel. « On m’a confirmé qu’un technicien a bien été envoyé chez les Hopkins mardi. Apparemment, le service internet était légèrement défaillant dans le quartier depuis lundi soir. Le mardi, il y a eu une dizaine d’appels similaires pour une demande d’intervention. »

« Eh bien, c’est peut-être une conclusion hâtive, mais un technicien internet au moment d’une défaillance dans le service aurait un accès plutôt facile à presque n’importe quelle maison, » dit Kate.

« En fait, ce n’est pas une conclusion si hâtive que ça, » dit DeMarco. « J’ai également demandé si un technicien avait récemment été envoyé chez les Hix. Et il s’avère que Joseph Hix a fait une demande d’intervention il y a deux semaines. Et apparemment, c’est le même technicien qui a répondu aux deux appels. »

« On dirait qu’on tient un suspect, » dit Kate.

« Je suis d’accord, » dit Bannerman. « Mais il faut que vous sachiez que Hexco est un nouveau fournisseur sur Frankfield. C’est une petite entreprise. Je ne pense pas qu’ils aient plus de trois ou quatre techniciens. Du coup, il n’est pas anormal que le même technicien se soit retrouvé aux deux adresses. »

« J’aimerais quand même parler à ce technicien, » dit Kate. « Tu as son nom ? »

« Oui. L’opératrice à qui j’ai parlé lui a envoyé un message en lui demandant de m’appeler. »

« Entretemps, j’aimerais aller inspecter la résidence des Hix, » dit Kate. « Sur les rapports, il est indiqué que la scène avait été nettoyée, mais j’aimerais aller y jeter un coup d’œil moi-même. »

« J’ai les clés, » dit Bannerman. « Vous pouvez… »

Il fut interrompu par la sonnerie du téléphone de DeMarco. Elle décrocha tout de suite et quand Kate l’entendit se présenter de manière officielle, elle sut qu’il s’agissait du technicien de Hexco. Kate écouta la conversation et comprit qu’elles allaient pouvoir lui parler tout de suite, avant même que DeMarco ait raccroché.

« On le retrouve dans un quart d’heure, » dit DeMarco. « Il veut coopérer mais il avait également l’air un peu effrayé. »

Au moment où Kate ouvrit la porte, Bannerman se leva de sa chaise. « Vous avez besoin que je fasse quelque chose en attendant ? »

Kate réfléchit un instant avant de dire, avec une pointe d’espoir dans la voix : « Vous pouvez peut-être préparer une salle d’interrogatoire. »

***

Le technicien s’appelait Mike Wallace. Il avait vingt-six ans et il avait l’air très nerveux quand Kate et DeMarco le retrouvèrent dans un petit coffee shop à cinq kilomètres du commissariat de Frankfield. Ses yeux passaient de Kate à DeMarco et il ressemblait à ces geckos qui pouvaient bouger les yeux de manière à regarder dans deux directions à la fois.

Il avait une tablette avec lui, recouverte d’un étui en cuir usé. Le logo Hexco était estampé sur l’avant.

« Mike, pour l’instant, il s’agit juste de la procédure habituelle et vous n’avez absolument rien à craindre, » dit Kate. « Vous avez juste la malchance que les circonstances jouent contre vous. »

« Qu’est-ce que vous voulez dire par là ? »

« Eh bien, au cours des deux dernières semaines, vous êtes intervenu dans deux domiciles où des femmes ont été assassinées. Le meurtre le plus récent remonte à mardi dernier. »

« Je suis intervenu à beaucoup de domiciles mardi dernier. Il y a eu une importante interruption de service dans deux quartiers différents. »

« Vous avez un compte-rendu de vos interventions sur cette tablette ? » demanda DeMarco, en faisant un geste de la tête en direction de l’appareil qui était posé sur la table.

« Oui. »

« Est-ce que vous pouvez nous montrer le compte-rendu de l’intervention de mardi chez les Hopkins ? »

« Bien sûr, » dit-il. Il pianota sur la tablette, fit défiler l’écran et l’agrandit avec ses doigts. Kate remarqua qu’il tremblait légèrement. Il était visiblement nerveux. Il ne restait plus qu’à savoir si c’était parce qu’il leur cachait quelque chose ou si c’était juste le fait de se retrouver en présence de deux agents du FBI.

« Là, » dit-il, en faisant glisser la tablette vers elles. « Je suis arrivé à dix heures quarante-deux du matin et je suis reparti à dix heures quarante-six. »

« Ça a été vraiment rapide, » dit Kate. « Je ne me rappelle pas qu’un problème de service internait ait jamais été réglé aussi vite chez moi. À quoi était due l’interruption de service ? »

« On a subi une interruption de service plus importante près de Chicago. Afin de régler le problème, on a dû rétrograder le service dans d’autres endroits. La région de Frankfield ne s’est pas reconnectée comme elle aurait dû. Mais c’était un problème facile à régler. À l’exception d’un seul appel de ce mardi matin, il suffisait juste de réinitialiser manuellement le boîtier d’installation dans chacune des maisons. »

« Et ça ne vous a pris que cinq minutes ? » demanda Kate.

« En fait, la réinitialisation ne prend vraiment que deux ou trois minutes. Mais pour chaque intervention, Hexco exige qu’on démarre le minuteur. Une fois que le minuteur est lancé, je dois introduire les données de l’endroit, avant de me rendre jusqu’au boîtier d’installation. La réinitialisation en elle-même ne prend que deux minutes. Après ça, je connecte un appareil pour tester le boîtier et vérifier que le problème est réglé. Ça prend environ trente secondes. Puis je retourne à ma camionnette, j’introduis le rapport de la visite et j’éteins le minuteur. »

Il parlait de manière nerveuse et ses mains tremblaient toujours. Il s’en rendit compte et essaya d’arrêter les tremblements en les croisant sur la table.

« Alors c’est ce que vous avez fait chez les Hopkins entre dix heures quarante-deux et dix heures quarante-six ? » demanda Kate.

« Oui, madame. »

« Avez-vous parlé à Karen Hopkins au cours de votre visite ? »

« Non. Hexco a envoyé un email collectif pour prévenir que des techniciens allaient être envoyés pour régler le problème. Vu que ce n’est pas un service facturé au client, nous ne sommes pas obligés de les voir pour qu’ils signent. Je doute même qu’elle ait remarqué ma présence. »

Ça tenait la route même si quatre minutes, c’était plus que suffisant pour entrer dans la maison et étrangler quelqu’un. Mais le fait que son rapport montre exactement quand la réinitialisation avait été effectuée et à quel moment il avait testé le boîtier laissait peu de marge de mouvement.

 

« Est-ce que vous pourriez nous montrer l’intervention que vous avez effectuée chez les Hix il y a deux semaines ? » demanda Kate.

« Oui. Vous avez le prénom ? »

« Marjorie, ou peut-être son mari, Joseph, » dit DeMarco.

Mike refit les mêmes manipulations et obtint un résultat en moins de vingt secondes. À nouveau, il fit glisser la tablette vers elles. Pendant qu’elles y jetaient un coup d’œil, il fit de son mieux pour leur donner des explications.

« Là… il y a exactement deux semaines. C’est en réponse à une plainte concernant la vitesse du service. Ils avaient appelé pour augmenter la vitesse de leur connexion mais ça n’avait pas pris. Ça arrive parfois quand c’est fait à distance, par téléphone. Alors j’y suis allé et je l’ai fait moi-même. »

« D’après votre rapport, ça vous a pris environ un quart d’heure, » dit Kate.

« Oui, le petit appareil que j’utilise pour tester la puissance du signal ne fonctionnait pas bien. Si vous voulez, je peux vous montrer la demande que j’ai faite à Hexco pour en avoir un nouveau. »

« Ce ne sera pas nécessaire, » dit Kate. « Je vois ici que Marjorie Hix a signé pour le service. Vous êtes entré dans la maison ? »

« Oui, madame. Il fallait que je vérifie leur modem. Je leur ai conseillé d’en acheter un nouveau parce que le leur était un peu dépassé. »

Kate remarqua à nouveau que les mains de Mike se mettaient à trembler nerveusement. C’était bien trop visible pour l’ignorer.

« Son mari était là ? » demanda-t-elle, en dissimulant le fait qu’elle avait remarqué sa nervosité.

« Je ne pense pas. »

Kate regarda à nouveau le compte-rendu. Sur base de ses rapports et de son récit, tout semblait concorder. C’était néanmoins une trop grosse coïncidence à ses yeux. Elle observa le visage de Mike pendant un moment, en essayant d’y voir un signe quelconque mais elle ne vit rien.

« Merci beaucoup, Mike, » finit-elle par dire. « On en a terminé. Vous pouvez retourner travailler. Merci pour votre aide. »

« Avec plaisir, » dit Mike, en reprenant sa tablette. « J’espère que vous attraperez ce type. »

« Oui, » dit DeMarco. « Nous aussi. »

Ils sortirent ensemble du coffee shop. Mike leur fit un petit geste la main en s’asseyant derrière le volant de sa camionnette Hexco.

« Son histoire a l’air de tenir la route, » dit DeMarco, en se dirigeant vers la voiture.

« Oui, c’est vrai. Mais c’est une trop grosse coïncidence… »

« Et ça te chipote, c’est ça ? »

« Oui, ça… et le fait qu’il tremblait comme une communiante. »

« Jolie métaphore, » dit DeMarco, en riant.

Elles regardèrent Mike sortir du parking et restèrent silencieuses. Kate avait à nouveau envie de prendre son téléphone pour voir si Mélissa lui avait laissé un message… et pour savoir si elle était vraiment fâchée.

Plus tard, se dit-elle. Il faut que je garde le sens des priorités.

Mais ce message potentiel qui l’attendait sur son téléphone lui faisait l’effet d’une bombe oubliée quelque part, prête à exploser.

CHAPITRE CINQ

La maison des Hix se trouvait à environ dix-huit kilomètres de celle des Hopkins. Située juste à l’extérieur des limites municipales de Frankfield, elle était assez près de la ville pour donner à Bannerman et ses hommes autorité sur l’affaire. Chicago ne se trouvait qu’à une vingtaine de minutes vers le Sud et cet endroit était un peu une zone floue point de vue juridiction. Le quartier était un peu moins extravagant que celui des Hopkins, mais de peu. Les jardins étaient plus petits et étaient séparés de ceux des voisins par des ormes et des chênes énormes. Sous la pluie, les arbres donnaient une allure un peu gothique au quartier, au moment où Kate et DeMarco se garèrent dans l’allée qui menait à la maison des Hix.

DeMarco utilisa la clé que Bannerman leur avait donnée pour entrer dans la maison. D’après ce qu’on leur avait dit, le mari avait déménagé à Chicago juste après l’enterrement, pour rester chez son frère. Elles ne savaient pas du tout quand il comptait revenir chez lui.

Mais au moment où Kate et DeMarco entrèrent dans la maison, une autre voiture vint se garer dans l’allée, juste derrière elles. Les agents attendirent devant la porte, pour voir de qui il s’agissait. Elles virent une femme blonde d’âge moyen sortir d’une très belle Mercedes. Kate remarqua que la voiture avait des plaques d’immatriculation d’agence immobilière.

« Bonjour, » dit la femme, en s’approchant des marches qui menaient au porche. Elle avait l’air visiblement surprise. « Est-ce que je peux vous demander qui vous êtes ? »

Kate lui montra directement son badge. « Agents Wise et DeMarco du FBI. Vous êtes agent immobilier, c’est bien ça ? »

« C’est ça. Nadine Owen. Je suis là pour faire une dernière inspection de la maison avant de la mettre sur le marché. »

« Je ne savais pas qu’elle allait être mise en vente, » dit Kate.

« On nous a appelés hier matin. Monsieur Hix ne reviendra pas y vivre. Il a envoyé une équipe de déménageurs demain matin pour tout emballer. Je viens faire un dernier tour d’inspection pour m’assurer que les déménageurs n’abîment rien. Elle sera déjà bien assez difficile comme ça à vendre. »

« Pourquoi ? » demanda DeMarco.

Kate connaissait la réponse, vu qu’elle avait déjà travaillé sur plusieurs affaires où un agent immobilier avait été impliqué. « Les agences immobilières sont obligées de le communiquer quand un meurtre récent a été commis dans la propriété, » dit Kate.

« C’est ça, » dit Nadine. « Et dans ce cas-ci, monsieur Hix fait don de presque tout ce qu’il a. Il était vraiment effondré quand je l’ai eu au téléphone. Il ne veut rien qui puisse lui rappeler sa femme dans la nouvelle maison où il s’installera. C’est assez triste, en fait. »

À mes yeux, c’est plutôt suspect, si tu veux mon avis, pensa Kate.

« Ça fait combien de temps que monsieur Hix est à Chicago ? » demanda-t-elle.

« Il est parti le lendemain de l’enterrement… alors, je pense que ça fait trois jours. »

« Si ça ne vous dérange pas, nous aimerions jeter un coup d’œil à la maison avant que vous fassiez votre tour d’inspection, » dit Kate.

« Bien entendu. »

Les trois femmes entrèrent dans la maison. Kate la trouva immaculée. Elle n’était pas aussi jolie que la maison des Hopkins, mais c’était néanmoins le genre de maison que Kate ne pourrait jamais se permettre. Et ce n’était pas seulement la maison ; les meubles aussi avaient l’air de coûter un os.

Elle s’avança, avec DeMarco sur les talons qui consultait les rapports de police. Elle en lut à haute voix les parties les plus importantes.

« Marjorie Hix a été retrouvée morte sur le sol de sa chambre à coucher, dans l’embrasure de la porte menant à la salle de bains, » lut-elle. « Elle a également été étranglée mais il n’y avait pas de sang, ni d’entaille, comme dans le cas de Karen Hopkins. Elle avait des hématomes autour du cou mais il n’y avait aucune empreinte de main. Apparemment, elle aurait été étranglée avec une ceinture ou une sorte de corde. »

Le rez-de-chaussée était un vaste espace ouvert et le salon était séparé de la cuisine par une grande colonne. Dans le salon, une petite télé de style moderne était posée entre deux étagères. Un piano aux allures élégantes permettait également de séparer les espaces. Kate ne s’y connaissait pas vraiment en pianos mais elle était presque certaine qu’il s’agissait d’un baby grand Steinway… qui valait probablement l’équivalent d’une année de son salaire. Il était difficile d’imaginer que le mari puisse faire don de ce genre de piano, plutôt que de le vendre. Ça lui semblait tout de même bizarre.

Un espace de lecture et un petit bureau se trouvaient dans un coin à gauche et faisaient face à un vaste porche, visible à travers une baie vitrée. Tout l’espace était conçu de manière pittoresque et agréable.

« Tu peux me rappeler ce que disent les rapports concernant les preuves récoltées par la police ? » demanda Kate.

« Le mari a donné volontairement son propre ordinateur, et il lui fut rendu assez rapidement, » dit DeMarco, en continuant à lire dans les rapports. « Il a également donné l’ordinateur et le téléphone portable de Marjorie. Il y avait une ceinture dans la penderie à l’étage qui a été envoyée à la police scientifique, afin de vérifier s’il s’agissait de l’arme du crime. Mais il a été prouvé que ce n’était pas le cas. »

Elles inspectèrent encore un peu le rez-de-chaussée, avant de gravir les marches qui menaient à l’étage. L’escalier se trouvait sur le côté droit, parallèlement au petit bureau. L’étage consistait en un vaste couloir et quatre pièces : une salle de bains, deux chambres d’invités et une énorme chambre avec salle de bains. Elles se rendirent directement dans la chambre à coucher principale et s’arrêtèrent à l’entrée pour observer l’endroit.

Le lit n’avait pas été fait, mais à part ça, la pièce était impeccable. Kate regarda l’endroit qui se trouvait devant la salle de bains et essaya d’y imaginer un corps sans vie. Elle savait que les photos de la scène de crime se trouvaient dans les dossiers et elle était sûre qu’elle y jetterait un coup d’œil un peu plus tard. Mais pour l’instant, elle voulait essayer d’imaginer la pièce comme pouvait l’avoir vue l’assassin – un assassin qui avait probablement été invité à entrer pour une raison ou une autre.

La disposition de la chambre était telle que quelqu’un qui sortirait de la salle de bains ne verrait pas immédiatement une personne qui serait entrée dans la pièce. Si le tueur était parvenu à entrer dans la chambre pendant que Marjorie Hix était dans la salle de bains, elle ne l’aurait pas vu en sortant.

« Aucun indice et aucune trace dans la chambre, c’est bien ça ? » demanda Kate.

« Aucun. Même pas une goutte de sang. Rien. »

Kate traversa la chambre et s’arrêta à la fenêtre qui se trouvait le plus près du lit. Elle ouvrit les rideaux et vit qu’elle donnait sur un jardin avec un petit bois dans le fond. Elle alla ensuite dans la salle de bains. Comme la plupart des pièces de la maison, elle était vaste et de bon goût. Elle s’accroupit et regarda en-dessous des armoires qui se trouvaient sous l’évier. À part un peu de poussière, il n’y avait rien d’autre.

« Ils avaient quel genre de système de sécurité ? » demanda Kate.

« Hum, » dit DeMarco, en feuilletant les rapports. « Apparemment, ils n’en avaient pas. Mais ils ont une caméra à la porte d’entrée. »

« C’est parfait. Est-ce que la police y a eu accès ? »

« Oui. Il est dit ici que le mari a donné le mot de passe à Bannerman. Apparemment, les enregistrements sont accessibles à travers l’appli de la caméra. »

« On sait quel est le nom de l’appli ? »

« Ce n’est pas indiqué. Mais je suis sûre que Bannerman doit le savoir. »

« Attends, il y a peut-être un autre moyen, » dit Kate. Elle sortit de la chambre à coucher, avec DeMarco sur les talons.

Elles trouvèrent Nadine Owen occupée à inspecter les murs du salon, à la recherche d’éraflures préexistantes à l’arrivée des déménageurs. « Mademoiselle Owen, » dit Kate. « Est-ce que vous connaissez le nom de l’appli que les Hix utilisaient pour leur caméra à l’entrée ? »

« Oui, » dit-elle. « Quand le mari m’a appelée pour mettre la maison en vente, il m’a donné leur mot de passe pour que je puisse m’y connecter et effacer leur compte avant l’arrivée de nouveaux habitants. »

« Et vous l’avez déjà effacé ? »

« Non. » Nadine eut l’air de comprendre où Kate voulait en venir. Une brève expression d’excitation envahit son visage et elle sortit son téléphone de sa poche. « Je peux me connecter à leur compte si vous voulez. »

« Ce serait vraiment super, » dit Kate.

Nadine s’assit sur l’un des tabourets de la cuisine et ouvrit l’appli. Elle se connecta sur le compte des Hix et en quelques secondes, l’adresse de la maison apparut. Nadine cliqua dessus et une page avec un calendrier apparut à l’écran.

« L’appli permet de visionner les soixante derniers jours. Au-delà de cette date, tout est stocké dans le cloud. »

« Soixante jours, c’est plus que suffisant. En fait, je n’ai besoin de vérifier que deux jours en particulier. »

« J’imagine que l’un d’entre eux est le jour où elle a été assassinée, c’est bien ça ? »

 

« Oui, s’il vous plaît. »

« Comment est-ce que ça fonctionne exactement ? » demanda DeMarco.

« Il y a un détecteur à la sonnette, » dit Nadine. « Quand quelqu’un arrive sur le porche, la caméra s’allume. Et elle enregistre jusqu’à ce que la personne soit entrée dans la maison ou qu’elle ait quitté le porche. »

« Alors, il n’y aura un enregistrement du jour où elle a été tuée que si quelqu’un est venu sur le porche, c’est bien ça ? » demanda Kate.

« C’est ça. Et… voilà, on y est. Il y a deux enregistrements vidéo de mercredi dernier… le jour où elle a été tuée. »

Les trois femmes se penchèrent sur le téléphone de Nadine pour regarder les enregistrements venant de l’appli. La première vidéo fut facile à écarter tout de suite. C’était un chauffeur UPS qui était venu déposer un carton sur le porche et qui était rapidement retourné à sa camionnette. Le carton n’était pas très grand et il y avait un logo Amazon bien visible sur le côté. Trois secondes plus tard, le chauffeur avait disparu et l’enregistrement s’arrêta.

Nadine afficha ensuite la deuxième vidéo et appuya sur Play. Elles virent une femme arriver sur le porche et sonner à la porte, qui fut ouverte quelques secondes plus tard. Il n’y avait pas d’audio, mais il était clair que la femme parlait avec la personne qui lui avait ouvert la porte – probablement Marjorie. Quelques secondes plus tard, elles virent d’ailleurs Marjorie sortir sur le porche et parler encore un peu à la femme, avant de rentrer à l’intérieur. La femme dit encore quelque chose par-dessus son épaule en descendant les marches et l’enregistrement s’arrêta.

« Vous savez qui est cette femme ? » demanda DeMarco à Nadine.

« Non, désolée. Mais vous avez dit que vous vouliez également regarder les enregistrements d’une autre date ? »

« Oui. Il y a exactement deux semaines. Est-ce qu’il y a des vidéos pour ce jour-là ? »

Nadine retourna en arrière et s’arrêta à la date demandée. Il y avait également deux enregistrements ce jour-là. Nadine lança tout de suite le premier, sans qu’on le lui ait demandé.

Kate reconnut tout de suite l’homme qui arriva sur le porche pour sonner à la porte : c’était Mike Wallace. Il portait le même uniforme Hexco qu’il y a une heure. Quelques secondes plus tard, la porte s’ouvrit. Il parla à quelqu’un pendant un court instant avant qu’on l’invite à entrer.

Nadine les regarda pour voir si elles avaient quelque chose à dire. Quand elle vit qu’elles restaient impassibles, elle cliqua sur le deuxième enregistrement. « Celui-là est à peine quatorze minutes plus tard. »

Elle appuya sur Play et elles virent exactement l’opposé de ce qui venait de se passer. Mike Wallace sortit par la porte d’entrée et se retrouva dans le cadre de la vidéo. Il se retourna et parla encore un peu à quelqu’un qui se trouvait à la porte – probablement Marjorie Hix. La conversation dura à peine vingt secondes et Mike descendit ensuite les marches. Avant que le départ de Mike n’ait eu le temps d’arrêter l’enregistrement, la caméra détecta encore du mouvement. Marjorie Hix sortit sur le porche avec un arrosoir et se mit à arroser un pot de lilas accroché à la rambarde.

Bien que ça ne prouve pas grand-chose, le fait qu’il n’y ait aucune vidéo de Mike Wallace le jour où elle avait été assassinée était un alibi assez solide.

« Autre chose ? » demanda Nadine.

Kate et DeMarco échangèrent un regard et elles secouèrent toutes les deux la tête en même temps. Kate ne savait pas si DeMarco pensait la même chose qu’elle, mais il y avait de grandes chances que ce soit le cas.

Les enregistrements vidéo éliminaient Mike Wallace en tant que suspect. Mais le mari…

« Il y a un garage sur le côté de la maison, » dit Kate. « On dirait qu’il est à un niveau légèrement plus bas que la maison, je me trompe ? »

« Oui, c’est bien ça. Vous voulez le voir ? »

« Non, ce n’est pas nécessaire. Mais est-ce que vous savez si c’est là que monsieur Hix avait l’habitude de se garer ? »

« Oui, je suis presque sûre que c’était le cas. »

« Et j’imagine qu’il y a une autre porte d’accès à la maison depuis le garage ? »

« Bien sûr. » Elle montra du doigt une porte qui se trouvait à l’arrière de la maison, au fond de la cuisine. « Juste là. »

Alors il n’avait même jamais besoin de passer par la caméra de l’entrée, pensa Kate.

Bien que les vidéos aient écarté Mike Wallace en tant que suspect, elles n’avaient pas permis d’éliminer les soupçons qu’elle nourrissait à l’égard du mari.

Kate regarda le salon – les meubles, les bibelots et autres objets coûteux. Elle trouvait difficile à croire que quelqu’un puisse tout simplement abandonner tout ça.

« Est-ce que vous savez où monsieur Hix séjourne pour l’instant ? »

Et sur ce point, Nadine leur fut également d’une aide précieuse.

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