Raison de Craindre

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Aus der Reihe: Un Polar Avery Black #4
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CHAPITRE SEPT

Esben Technologies était dissimulée parmi d'autres bâtiments à l'apparence normale, à environ deux kilomètres et demi du Prudential Center. Le pâté de maisons était essentiellement constitué d'une rangée de bâtiments gris monotones. Esben Technologies occupait le bâtiment central et ressemblait exactement à ceux qui l'environnaient - cela s’apparentait à peine à un laboratoire.

Quand Avery rentra avec Ramirez, elle remarqua que le hall d'entrée n'était constitué de guère plus qu'un magnifique plancher en bois, mis en évidence par le soleil matinal qui se déversait depuis une lucarne. Un énorme bureau se trouvait le long du mur opposé. D'un côté, une femme tapait sur un ordinateur. De l'autre, une autre écrivait quelque chose sur un formulaire. Quand Avery et Ramirez entrèrent, cette femme leva les yeux et leur adressa un sourire superficiel.

« Je suis l'inspectrice Avery Black et voici l'inspecteur Ramirez », dit Avery en s'approchant de la femme. « Nous aimerions échanger un mot avec la personne responsable ici. »

« Eh bien, le responsable de toute l'équipe vit au Colorado, mais l'homme qui en quelque sorte mène le navire ici dans ce bâtiment devrait être dans son bureau. »

« Il fera très bien l’affaire », dit Avery.

« Un moment », dit la réceptionniste, qui se mit debout et passa une grande porte en chêne de l'autre côté de la pièce.

Quand elle fut partie, Ramirez s'approcha d'Avery, gardant la voix basse vis à vis de l'autre femme restée au bureau derrière son ordinateur portable.

« Est-ce que tu savais que cet endroit était ici avant hier ? », demanda-t-il.

« Pas la moindre idée. Mais je suppose que faire profil bas a du sens ; les centres technologiques qui sont liés aux universités mais ne sont pas réellement sur le campus essaient généralement de faire profil bas. »

« Encore Discovery Channel ? », demanda-t-il

« Non. Bonne vieille recherche. »

Un peu moins d'une minute passa avant que la femme ne revienne. Quand elle réapparut, il y avait un homme avec elle. Il était vêtu d'une chemise à col boutonné et d'un treillis. Une longue veste blanche qui ressemblait à celles que les médecins portaient souvent recouvrait partiellement le tout. Il arborait une expression d'inquiétude et de préoccupation qui semblait être amplifiée par les lunettes qu'il portait.

« Bonjour," dit-il en avançant vers Avery et Ramirez. Il tendit la main pour serrer la leur et dit : «Je suis Hal Bryson. Que puis-je faire pour vous aider ? »

« Vous êtes le responsable ici ? », demanda Avery.

« Plus ou moins. Nous ne sommes en fait que quatre à travailler ici. Nous alternons mais oui, je supervise les expériences et la gestion des données. »

« Et quel genre de travail est mené ici ? », demanda Avery.

« Beaucoup », dit Bryson. « Au risque de paraître exigeant, si vous pouviez éventuellement me faire savoir pourquoi vous êtes venus ici, je pourrais probablement être un peu plus précis. »

Avery garda la voix basse, car elle ne voulait pas que les femmes au bureau l'entendent. Et comme il était clair que Bryson n'avait aucune intention de les inviter au-delà de la porte du hall d'entrée, elle supposa qu'ils devraient simplement avoir cette conversation ici et maintenant.

« Nous traitons un cas où un suspect semble s'intéresser à la glace et aux températures froides », dit-elle. « Il a envoyé une lettre railleuse au commissariat hier. Nous tentons notre chance pour voir s'il y a peut-être des recherches en cours ici qui pourraient être liées. C'est un cas très étrange, alors nous commençons par le seul indice que nous ayons vraiment – le froid. »

« Je vois », dit Bryson. « Eh bien, quelques expériences ont effectivement lieu ici qui impliquent des températures extrêmement froides. Je pourrais vous amener dans le laboratoire pour vous le montrer, mais je devrais insister pour que vous soyez complètement désinfectés et que vous enfiliez les habits appropriés. »

« Je l'apprécie », dit Avery. « Et peut-être que nous accepterons plus tard. Avec un peu de chance, nous n'aurons pas à le faire. Pourriez-vous nous donner la version abrégée de certains de ces tests ? »

« Bien sûr », dit Bryson. Il semblait très heureux de pouvoir aider, en prenant l'attitude d'un professeur démonstratif quand il commença à expliquer les choses. « La majeure partie des tests et du travail que nous effectuons ici et qui incluent des températures glaciales implique d'aller au-delà de ce qui est connu sous le nom de limite de rétroaction quantique. Cette limite est une température juste à peine supérieure au zéro absolu – environ dix mille fois plus froid que les températures que vous rencontrez dans le vide de l'espace. »

« Et quel est le but d'un tel travail ? », demanda Avery.

« Aider à la recherche et au développement de capteurs hypersensibles pour des travaux plus avancés. C'est aussi une excellente possibilité de comprendre la structure de certains éléments et leur réponse à des températures aussi extrêmes. »

« Et vous êtes en mesure d'atteindre ces températures dans ce bâtiment ? », demanda Ramirez.

« Non, pas dans nos laboratoires. Nous travaillons comme une sorte de programme pour l'Institut national des Normes et de la Technologie à Boulder. Nous pouvons cependant nous en rapprocher assez près ici. »

« Et vous dites que vous n'êtes que quatre », dit Avery. « Est-ce que ça a toujours été ainsi ? »

« Eh bien, nous étions cinq jusqu'à il y a environ un an. Un de mes collègues a dû démissionner. Il commençait à avoir des maux de tête et d'autres problèmes de santé. Il n'était vraiment pas bien. »

« Est-ce qu'il a démissionné de sa propre initiative ? », demanda Avery.

« En effet. »

« Et pourrions-nous avoir son nom, s'il vous plaît ? »

Un peu inquiet maintenant, Bryson dit : « Il s'appelait James Nguyen. Mais s'il vous plaît pardonnez-moi de le dire…je doute sérieusement qu'il soit l'homme que vous recherchez. Il était toujours très gentil, poli…un homme tranquille. Une sorte de génie aussi. »

« J'apprécie votre franchise », dit Avery, « mais nous devons suivre toutes les pistes qui s’offrent à nous. Savez-vous comment nous pouvons le contacter ? »

« Oui, je peux vous obtenir cette information. »

« Quand avez-vous parlé avec monsieur Nguyen pour la dernière fois ?"

« C'est au moins… oh, je ne sais pas…il y a huit mois, je dirais. Juste un appel pour voir comment il allait. »

« Et comment allait-il ? »

« Très bien, pour autant que je le sache. Il travaille comme éditeur et chercheur pour une revue scientifique. »

« Merci pour votre temps, monsieur Bryson. Si vous pouviez obtenir les coordonnées de monsieur Nguyen, ce serait utile. »

« Bien sûr », dit-il, l'air assez triste. « Un moment. »

Bryson s'approcha de la réceptionniste derrière l'ordinateur portable et lui parlait doucement. Elle hocha la tête et commença à taper quelque chose de nouveau. Pendant qu'ils attendaient, Ramirez s'avança de nouveau près d'Avery. C'était un sentiment étrange ; rester professionnel quand il se tenait si proche était difficile.

« La mécanique quantique ? », dit-il. « Le vide de l'espace ? Je pense que cette affaire pourrait être au-dessus de mes compétences. »

Elle lui sourit, et trouva difficile de ne pas l'embrasser malicieusement. Elle a fit de son mieux pour rester concentrée tandis que Bryson revenait vers eux avec une feuille imprimée à la main.

« C'est au-delà de mes capacités aussi », murmura-t-elle à Ramirez en lui lançant rapidement un autre sourire. « Mais ça ne me dérange sûrement pas de nager vers la surface »

***

Parfois, Avery était plutôt émerveillé de voir à quel point les choses semblaient se dérouler fluidement et sans accroc. Bryson leur avait donné le numéro de téléphone, l'adresse mail et l'adresse postale de James Nguyen. Avery avait téléphoné à Nguyen et non seulement il avait répondu, mais il les avait invités chez lui. Il semblait plutôt ravi de le faire, en fait.

Donc, quand elle et Ramirez se dirigèrent vers sa porte d'entrée quarante minutes plus tard, Avery ne put s'empêcher d'avoir l'impression qu'ils perdaient leur temps. Nguyen vivait dans une magnifique maison à deux étages à Beacon Hill. Apparemment, sa carrière dans les sciences avait porté ses fruits. Parfois, Avery se retrouvait en admiration face à des personnes ayant un esprit mathématique et scientifique. Elle adorait lire des textes rédigés par eux ou simplement les écouter parler (l'une des raisons pour lesquelles elle avait autrefois été si attirée par des choses comme Discovery Channel et les revues de la Scientific American dans lesquelles elle jetait parfois un coup d'œil dans la bibliothèque de l'université).

Sur le perron, Ramirez frappa à la porte. Il ne fallut pas une seconde à Nguyen pour venir ouvrir. Il semblait être dans la fin de la cinquantaine environ. Il était vêtu d'un t-shirt des Celtics et d'un short de gym. Il avait l'air décontracté, calme et presque heureux.

Comme ils s'étaient déjà présentés au téléphone, Nguyen les invita à rentrer. Ils pénétrèrent dans un vestibule élaboré qui conduisait à un grand salon. Il semblait que Nguyen s'était préparé pour eux ; il avait disposé des bagels et des tasses de café sur ce qui ressemblait à une table basse extrêmement chère.

« S'il vous plaît, asseyez-vous », dit Nguyen.

Avery et Ramirez s'assirent sur le canapé face à la table basse tandis que Nguyen s'asseyait en face dans un fauteuil.

 

« Servez-vous », dit Nguyen en désignant d'un geste le café et les bagels. « Maintenant, que puis-je faire pour vous ? »

« Eh bien, comme je l'ai dit au téléphone », dit Avery, « nous avons discuté avec Hal Bryson et il nous a dit que vous aviez dû démissionner de votre travail chez Esben Technologies. Pourriez-vous nous en parler un peu ? »

« Oui. Malheureusement, je mettais trop de temps et d'énergie dans mon travail. J'ai commencé à avoir la vision dédoublée et des céphalées. Je travaillais jusqu'à quatre-vingt-six heures par semaine pour une période d'environ sept ou huit mois à la fois. Je suis juste devenu obsédé par mon travail. »

« Par quel aspect du travail exactement ? », demanda Avery.

« En regardant en arrière, je ne peux vraiment pas vous le dire », dit-il. « C'était juste de savoir que nous étions si proches de créer des températures dans le laboratoire qui pourraient imiter celles que quelqu'un pourrait ressentir dans l'espace. Pour trouver des manières de manipuler des éléments avec des températures…il y a quelque chose de presque divin dans cela. Ça peut devenir addictif. Je ne l'ai tout simplement pas compris jusqu'à ce qu'il soit trop tard. »

Son obsession par son travail correspond certainement à la description de celui sur lequel nous travaillons, pensa Avery. Pourtant, seulement en ayant parlé à Nguyen pendant un total de deux minutes, elle était plutôt certaine que Bryson avait raison. Il était impossible que Nguyen soit derrière ça.

« Sur quoi exactement travaillez-vous quand vous avez démissionné ? », demanda Avery.

« C'est assez compliqué », dit-il. « Et depuis, je suis passé à autre chose. Mais essentiellement, je travaillais à éliminer l'excès de chaleur causé lorsque les atomes perdent leur élan durant le processus de refroidissement. Je jouais avec des unités quantiques de vibrations et de photons. Maintenant, si je comprends bien, ça a été perfectionné par les nôtres à Boulder. Mais à l'époque, je travaillais comme un fou ! »

« En dehors du travail que vous effectuez pour le journal et les trucs avec l'université, est-ce que vous travaillez encore sur ça ? », demanda-t-elle.

« Je tâtonne ici et là », dit-il dit. « Mais ce ne sont que des choses ici chez moi. J'ai mon propre laboratoire privé dans un espace de location à quelques pâtés de maisons. Mais ce n'est rien de sérieux. Aimeriez-vous le voir ? »

Avery pouvait dire qu'ils n'étaient pas leurrés ou ne faisaient pas face à un faux enthousiasme. Nguyen était clairement très passionné par le travail qu'il faisait. Et plus il parlait de ce qu'il faisait avant, plus ils se plongeaient dans un monde de mécanique quantique – quelque chose qui était à des années lumières d'un tueur fou jetant un corps dans une rivière gelée.

Avery et Ramirez échangèrent un regard, auquel Avery mit fin d’un signe de la tête. « Eh bien, monsieur Nguyen », dit-elle, « nous apprécions le temps que vous nous avez accordé. Cependant, laissez-moi vous quitter avec une seule question : pendant le temps que vous avez passé à travailler dans le laboratoire, n'avez-vous jamais croisé quelqu'un – collègues, étudiants, n'importe qui – qui vous a frappé comme étant excentrique ou un peu à côté de la plaque ? »

Nguyen prit quelques instants pour réfléchir, mais ensuite secoua la tête. « Aucun auquel je puisse penser. Encore une fois, nous, les scientifiques, sommes tous un peu excentriques en fin de compte. Mais si quelqu'un me vient à l'esprit, je vous le ferais savoir. »

« Merci. »

« Et si vous changez d'avis et que vous souhaitez voir mon laboratoire, faites le moi simplement savoir. »

Passionné par son travail et seul, pensa Avery. Bon sang…c'était moi jusqu'à il y a quelques mois de ça.

Elle pouvait s'identifier. Et pour cette raison, elle accepta volontiers la carte de visite de Nguyen quand il lui offrit à la porte. Il referma la porte tandis qu'Avery et Ramirez descendaient les escaliers du perron et revenaient à leur voiture.

« Tu as compris un seul mot que ce gars a prononcé ? », demanda Ramirez.

« Très peu », répondit-elle.

Mais en vérité, il avait dit une chose qui lui restait encore à l'esprit. Cela ne lui faisait pas penser que Nguyen valait la peine d'une enquête plus approfondie, mais lui ouvrait une perspective nouvelle pour mieux comprendre comment considérer leur tueur.

Trouver des moyens de manipuler des éléments avec les températures, avait dit Nguyen. Il y a quelque chose de presque divin dans ça.

Peut-être notre tueur réalise-t-il une sorte de fantasme divin, pensa-t-elle. Et s'il pense qu'il est divin, il pourrait être plus dangereux qu'on ne le pense.

CHAPITRE HUIT

Le hamster ressemblait à un morceau de glace plein de poils quand il le sortit du congélateur. On aurait aussi dit un bloc de glace. Il ne put s'empêcher de glousser au tintement qu'il a fit quand il le posa sur la plaque à biscuits. Il avait les pattes levées en l'air - un contraste saisissant par rapport à la manière dont elles s'étaient agitées de panique quand il l'avait placé dans le congélateur.

C'était il y a trois jours. Depuis, la police avait découvert le corps de la fille dans la rivière. Il avait été surpris de voir à jusqu'où le corps était parvenu. Jusqu'à Watertown. Et le nom de la fille était Patty Dearborne. Ça sonnait prétentieux. Mais bon sang, cette fille était belle.

Il pensa nonchalamment à Patty Dearborne, la fille qu'il avait prise en périphérie du campus de l'Université de Boston tout en faisant courir son doigt le long du ventre glacé du hamster. Il avait été tellement nerveux, mais cela avait été assez facile. Bien sûr, il n'avait pas eu l'intention de tuer la fille. Les choses étaient juste devenues incontrôlables. Mais ensuite...ensuite tout s'était en quelque sorte débloqué pour lui.

La beauté pouvait être prise, mais en aucune façon de manière mortelle. Même lorsque Patty Dearborne était morte, elle était restée toujours belle. Une fois qu'il l'avait déshabillée, il avait découvert que la fille était quasiment sans aucun défaut. Il y avait un grain de beauté au bas de son dos et une petite cicatrice sur la partie supérieure de sa cheville. Mais autrement, elle était immaculée.

Il avait jeté Patty dans la rivière et quand elle avait touché l'eau glacée, elle était morte. Il avait regardé les informations avec une grande impatience, se demandant s'ils pourraient la ramener…se demandant si la glace qui l'avait retenue pendant ces deux jours la préserverait d'une manière ou d'une autre.

Bien sûr, cela n'avait pas été le cas.

J'ai été négligent, pensa-t-il en regardant le hamster. Il faudra un peu de temps, mais je résoudrai ça.

Il espérait que le hamster pourrait y prendre part. Avec les yeux toujours posés sur son petit corps gelé, il récupéra les deux chaufferettes sur le comptoir de la cuisine. C'était le genre de coussin chauffant utilisé dans le sport pour détendre les muscles et favoriser la relaxation pour les parties du corps tendues. Il plaça l'un des coussins sous le corps et l'autre sur les pattes raides et le ventre glacé.

Il était certain que cela nécessiterait un peu d'attente. Il avait beaucoup de temps…il n'était pas vraiment pressé. Il essayait de tromper la mort et savait que la mort n'irait nulle part.

Avec cette pensée en tête, il emplit son appartement d'un gloussement digne de celui d'une sorcière. En accordant un dernier regard au hamster, il entra dans sa chambre. Elle était assez ordonnée, tout comme la salle de bain attenante. Il entra dans cette dernière et se lava les mains avec l'efficacité d'un chirurgien. Il regarda ensuite dans le miroir et fixa son visage - un visage qu'il considérait parfois comme celui d'un monstre.

Il y avait des dégâts irréparables sur le côté gauche de son visage. Ils commençaient juste sous son œil et descendaient jusqu'à sa lèvre inférieure. Même si la plupart de la peau et des tissus avaient été sauvés dans sa jeunesse, il y avait des cicatrices et des décolorations permanentes de ce côté-là du visage. Sa bouche semblait toujours figée dans un rictus perpétuel, elle aussi.

À l'âge de trente-neuf ans, il avait cessé de se préoccuper de son apparence épouvantable. C'était la main à laquelle il avait eu affaire. Une mère pourrie avait abouti à une épave défigurée. Mais ça allait…il œuvrait pour arranger ça. Il regarda le reflet mutilé dans le miroir et sourit. Cela pourrait prendre des années pour le résoudre, mais ça allait.

« Les hamsters ne coûtent que cinq dollars pièce », dit-il dans la salle de bain vide. « Et ces jolies étudiantes de l'université ne sont qu'à dix centimes la douzaine. »

Il a effectué quelques lectures, principalement sur les forums d'infirmières praticiennes et d'étudiants en médecine. Il pensait que si l'expérience avec le hamster devait fonctionner, il fallait que les coussins chauffants soient allumés pendant environ quarante minutes. Ce serait une décongélation lente, qui ne perturberait ou ne choquerait pas trop le cœur gelé.

Il passa ces quarante minutes à regarder les nouvelles. Il saisit quelques rapides interventions sur Patty Dearborne. Il apprit que Patty allait à l'Université de Boston et aspirait à devenir conseillère. Elle avait eu un petit ami et avait actuellement des parents aimants qui la pleuraient. Il vit les parents à la télévision, se serrant l'un l'autre et pleurant tout en parlant aux médias.

Il éteignit la télévision et alla dans la cuisine. L'odeur du hamster en cour de décongélation commençait à remplir la pièce…une odeur à laquelle il ne s'attendait pas. Il courut vers le petit corps et écarta les coussins chauffants en les jetant.

La fourrure était roussie et le ventre précédemment gelé légèrement carbonisé. Il balaya le minuscule corps de fourrure. Quand ce dernier tomba sur le sol de la cuisine avec de petites volutes de fumée qui se dégageaient de sa peau, il cria.

Il tempêta dans l'appartement pendant un moment, furieux. Comme c'était habituellement le cas, sa colère et sa rage absolue étaient mû par des souvenirs d'un brûleur de four…flamboyant dans ses souvenirs d'enfance avec l'odeur de la chair brûlée.

Ses cris se réduisirent en une moue et des sanglots en cinq minutes. Ensuite, comme si rien d'inhabituel n'était arrivé, il alla dans la cuisine et ramassa le hamster. Il le jeta aux ordures comme s'il s'agissait simplement d'un déchet et se lava les mains dans l'évier de la cuisine.

Il était en train de fredonner quand il eut terminé. Quand il prit ses clés au crochet à côté de la porte, il fit courir sa main libre le long de la cicatrice sur le côté gauche de son visage, par habitude. Il ferma la porte, la verrouilla, et descendit dans la rue. Là, au milieu d'un matin d'hiver absolument magnifique, il entra dans sa camionnette rouge et prit la route.

Presque avec désinvolture, il se regarda dans le rétroviseur.

Ce rictus permanent était toujours là, mais il ne le laissa pas le décourager.

Il avait du travail à faire.

***

Sophie Lentz en avait terminé avec ces affaires de fraternité. D'ailleurs, elle en avait aussi fini avec cette fichue université.

Vaniteuse ou non, elle savait ce dont elle avait l'air. Il y avait des filles plus jolies qu'elle, bien sûr. Mais elle avait eu ce côté latin pour elle, les yeux foncés et les cheveux noirs corbeau. Elle pourrait aussi prendre ou non l'accent quand elle en avait besoin. Elle était née en Amérique, avait été élevée en Arizona, mais selon sa mère, le côté latin ne l'avait jamais quittée. Le côté latin n'avait jamais quitté ses parents non plus...pas même quand ils s'étaient installés à New York la semaine après que Sophie ait été acceptée à Emerson.

C'était plus manifeste dans son apparence plutôt que dans son attitude et sa personnalité, cependant. Et alors, ça avait fonctionné pour elle dans l'Arizona. Honnêtement, ça avait aussi marché pour elle à l'université. Mais seulement pour sa première année. Elle avait alors expérimenté, mais pas autant que sa mère le pensait probablement. Et apparemment, le mot était passé : il ne fallait pas beaucoup d'encouragements à Sophie Lentz pour la mettre dans son lit et quand elle a atterrissait dans votre lit, il fallait attacher sa ceinture car elle était un feu d'artifice.

Elle imaginait qu'il y avait pire comme mauvaise réputation. Mais ce soir, ça lui avait explosé au visage. Un gars – elle pensait que son nom était Kevin – avait commencé à l'embrasser et elle l'avait laissé faire. Mais quand ils avaient été seuls et qu'il avait refusé d'accepter son refus comme réponse...

 

La main droite de Sophie était encore douloureuse. Il y avait encore un peu de sang sur les jointures de ses doigts. Elle l'essuya sur son jean moulant, en se rappelant du bruit du nez de ce connard s'écrasant contre son poing. Elle était furieuse mais, au fond d'elle-même, se demandait si elle l'avait en quelque sorte mérité. Elle ne croyait pas au karma, mais peut-être le rôle de diablesse qu'elle avait joué au cours du dernier semestre la rattrapait-il. Peut-être récoltait-elle ce qu'elle avait semé.

Elle marchait dans les rues qui traversaient l'Université d'Emerson, en direction de son appartement. Sa camarade de chambre, modèle de vertu, serait sans doute en train d'étudier pour une évaluation quelconque le lendemain, donc au moins elle ne serait pas seule.

Elle était à trois pâtés de maisons de son appartement quand elle a commença à éprouver une étrange sensation. Elle regarda derrière elle, certaine d'être suivie, mais il n'y avait personne. Elle pouvait voir les formes des gens dans un petit café à quelques mètres derrière elle, mais c'était tout. Elle avait une pensée fugace et agacée à propos ce type d'idiots qui buvaient du café à onze heures et demi du soir avant de se remettre à marcher, fulminant toujours contre Kevin ou peu importait le nom du gars.

Droit devant à un feu rouge, quelqu'un diffusait un hip-hop terrible dans un vacarme assourdissant. Le pare-chocs arrière de la voiture faisait un bruit de ferraille et les basses étaient calamiteuses. Tu es vraiment une garce ce soir, n'est-ce pas championne?, se dit-elle en son for intérieur.

Elle regarda sa main droite légèrement enflée et sourit. "Oui. Oui je le suis."

Le temps qu'elle a atteigne l'intersection où la voiture tonitruante s'était trouvée, le feu avait changé et la voiture avait démarré. Elle tourna à droite à l'intersection et l'immeuble de son appartement apparut. Encore une fois, toutefois, elle éprouva cette sensation insidieuse. Elle se retourna pour regarder derrière elle et encore une fois, il n'y avait rien. Un peu plus loin dans la rue, un couple marchait main dans la main. Il y avait plusieurs voitures garées au bord de la voie et une camionnette rouge se dirigeait vers le feu rouge qu'elle venait de dépasser.

Peut-être était-elle simplement paranoïaque parce qu'un loser avait dans le fond essayé de la violer. Ça plus l'adrénaline qui coulait en elle, c'était une combinaison malsaine. Elle avait juste besoin de rentrer chez elle, se laver et se coucher. Ce comportement de fêtarde imbécile devait cesser.

Elle s'approchait de son appartement, espérant vraiment que sa colocataire ne soit pas à la maison. Elle poserait des tonnes questions pour savoir pourquoi elle rentrait si tôt. Elle le faisait parce qu'elle était curieuse et n'avait pas sa propre vie... pas parce qu'elle s'en souciait vraiment.

Elle monta les marches du bâtiment. Quand elle ouvrit la porte et entra, elle regarda de nouveau dans la rue, éprouvant encore une fois cette sensation d'être observée. Les rues étaient cependant vides ; la seule chose qu'elle vit était un couple qui s’embrassait furieusement sur le côté d'un immeuble à trois portes de là. Elle vit également cette même camionnette rouge. Elle était stationnée au feu, tournant juste au ralenti. Sophie se demanda s'il y avait un mec excité qui le conduisait, en regardant la séance d'embrassades contre l'immeuble.

Avec raideur, Sophie rentra. La porte se referma, laissant la nuit derrière elle. Mais cette sensation troublante demeura.

***

Elle se réveilla quand sa colocataire partit le lendemain matin. Cette garce bruyante était probablement en chemin pour aller chercher plus de mangues ou de papayes pour ses prétentieux smoothies aux fruits. Sophie était pratiquement sûre que sa colocataire n'avait pas cours aujourd'hui. Elle regarda l'heure et vit qu'il était dix heures trente.

Merde, pensa-t-elle. Elle avait cours dans une heure et il était impossible qu'elle arrive à temps. Elle devait se doucher, préparer en vitesse un petit-déjeuner, puis aller au campus. Elle grogna et se demandant comment elle avait pu se laisser aller à devenir cette sorte de fille. Est-ce qu'elle allait être l'allumeuse maintenant ? Est-ce qu'elle allait laisser son drame personnel entraver son éducation et l'empêcher d'améliorer sa vie? Était-elle—

Un coup à la porte d'entrée la tira de ses réflexions internes. Elle grommela et sortit du lit. Elle portait seulement une culotte et un t-shirt en coton fin, mais ça ne faisait rien. C'était presque certainement sa colocataire. Cette idiote avait probablement laissé son porte-monnaie. Ou ses clés. Ou quelque chose…

Un autre coup, léger mais insistant. Oui…ce serait sa colocataire. Elle seule toquait de cette manière ennuyeuse.

« Minute papillon », cria Sophie.

Elle atteignit la porte et l'ouvrit en déverrouillant la serrure. Elle se retrouva en train de regarder un étranger. Il y avait quelque chose qui clochait avec son visage – ce fut la première chose qu'elle remarqua.

Et la dernière.

L'étranger fit irruption dans l'appartement en refermant rapidement la porte. Avant que Sophie ne puisse pousser un cri, il y avait une main sur sa gorge et un chiffon sur sa bouche. Elle inspira une forte dose de produit chimique – un parfum si fort qu'il lui fit pleurer les yeux tandis qu'elle se battait contre la poigne de l'étranger.

Sa lutte diminua vite. Le temps qu'une quelconque peur réelle ait eu une chance de s'installer, le monde s'était transformé en une nuance de noir tournoyante qui entraina Sophie dans quelque chose de plus sombre et plus définitif que le sommeil.

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